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01/11/2018

Les femmes politiques ont-elles le monopole de la connerie ?

Hier matin sur France Inter, Segolene Royal a détaillé la misogynie tristement ordinaire à laquelle elle a fait face toute sa vie politique. Je préviens d’emblée n’avoir aucune sympathie pour Madame Royal et peu d’estime. Mais quand elle est revenue sur les accusations de la campagne de 2007 où son intelligence fut mise en doute, dans des termes infâmes (Bécassine, hystérique...) que jamais aucun homme n’aurait subi, ni Nicolas Demorand ni Alexandra Bensaïd (sororité, on repassera) n’ont relevé l’inanité et la portée des accusations.

C’est une chose d’être taxé de sectarisme, d’inhumanité, de courte vue, de cynisme ou encore d’opportunisme. Toutes choses que des militants dégainent sur leurs adversaires. Mais la stupidité est un jugement plus indélébile et plus dur à encaisser. Or, après réflexion, je vois nombre de femmes à qui ce procès fut ou est intenté, mais pas d’homme. Vallaud Belkacem a subi les foudres des agrégés, Pellerin fut jugée sotte et inculte par les huiles de la rue de Valois, Pécresse se fit traiter de « blondasse peu fine », ou encore Duflot, sans compter d’autres noms comme Morano et consorts que l’on juge aisément « débiles ». Ni Demorand ni Bensaïd, donc, ne voyaient ce que l’insulte à d’irrémédiablement disqulifiante. Comme elle vous colle à la peau et vous rend inapte à exercer d’autres fonctions. Des hommes à l’intelligence aussi discrète que Christophe Castaner ou Christian Estrosi, qu’Eric Ciotti ou Renaud Donnedieu de Vabres, n’ont pas eu à subir ce genre de procès honteux. Au pire, on les qualifie de « porte flingues » ou de « seconds couteaux », on laisse fuiterqu’ils n’ont pas l’étoffe pour Matignon ou l’Elysée mais sans plus.

J’aurais aimé entendre ce qu’ils avaient à dire de l’oeuvre de Modiano, leur défense du latin ou d’un budget sans éléments de langage sous la main. Dans le cas de Castaner, son dernier poste était Perroquet du gouvernement, personne n’a indiqué qu’il atteignait là son seuil de compétence et du coup personne ne juge hallucinant qu’il soit à l’Intérieur. Un peu incongru, mais pas hallucinant. Une certaine cour entretient cela. Je me souviens d’un passage de Sarkozy chez Denisot au Grand Journal. Il avait employé son truc rhétorique favori : forcer une réponse en posant lui même la question « msieur Denisot, vous me prêtez quoi, une intelligence moyenne, hein ? », et évidemment Michel de fayoter en retour « un peu supérieure » et la salle de rire à la litote grasse car il s’entend que Sarkozy ne peut être que supérieurement intelligent. Pensez, il postule à l’Elysée. Son adversaire socialiste, Royal, ne pouvait s’appuyer sur cette qualité supputée par ces intervieweurs et devait se contenter de montrer qu’elle connaissait ses dossiers au risque de passer pour Bécassine une fois de plus.

J’ai peu d’estime pour Segolene Royal, mais quand je l’ai entendu ce matin, j’ai beaucoup de mépris pour ceux qui entretiennent ce climat de déséquilibre d’intelligence sans se remettre en cause.

29/10/2018

Ceci est une crise du partage

La gueule de bois démocratique mondiale ne partira pas avec deux Doliprane. Après Duterte, Trump, Erdogan, voici Bolsonaro. Une poignée de mâles sexa ou septuagénaires incarnent le renouveau d'une extrême droite que l'on dit populiste et identitaire. Ca n'est évidemment pas faux. On peut avancer beaucoup de raisons très classiques à leurs succès : rejet des "élites", marre de la tiédeur des réformes, peur sécuritaire et identitaire, sentiment d'abandon, colère face à la corruption. Tout cela est vrai et nous, les opposants à ces néo fachos, ferions bien de faire notre devoir d'inventaire pour nous rendre compte que nous avons failli à partager. 

Nous vivons une crise du partage et dans une vie politique rythmée par les élections, le camp des partageux est plus compliqué à rassembler que celui de ceux qui veulent tout garder. D'abord le pouvoir. Nous n'avons pas su le partager, faire vivre la démocratie en impliquant davantage les citoyens, les contre pouvoirs, la société civile, appelez ça comme vous voulez. Nous avons conservé l'écrasante majorité des postes à une petite caste, à peine renouvelée par des alternances politiques (LREM inclus). Chacun de ces clans a promis de gouverner ensemble et c'est replié. Trump comme Bolsonaro n'ont rien promis de tel : ils ont dit qu'ils allaient cheffer et les électeurs ont suivi pour ça. Trump en fait même l'argument des midterms "le problème est qu'il n'y a pas mon nom sur le bulletin. Les gens veulent mon nom. Moi, je suis populaire". 300 millions de personnes, 1 gus, mais qui paradoxalement représente mieux sa base que le représentant ou la représentante du camp d'en face. Le récit de l'homme blanc menacé par l'arrivée d'immigrés voleurs, de femmes arrogantes, de LGBT conquérants et de musulmans fourbes (tous adjectifs interchangeables, vous voyez l'esprit) galvanise sa base. En face, nous nous divisons sur des questions de représentations, de courants, de tendances, de groupes. Dès que l'un de ceux ci se sent lésé, il se désolidarise un peu et c'est le moment choisi par le bulldozer populiste pour tout enfoncer. La rhétorique du barrage au pire ne marche plus. On ne peut pas rassembler des écologistes, des socialistes, des militants des droits des minorités, ceux qui veulent davantage d'Etat et autres mouvances réclamant un progrès parcellaire, au seul son du "unis sinon le déluge". Ca n'est pas qu'on préfère le déluge, mais on a son petit orgueil.  

Nous avons failli à partager les terres et l'espace. Les premières victimes des folies du modèle libre échangistes sont les terres agricoles. Nous ne y sommes pas opposés, avons ringardisé et craché sur les zadistes, dit qu'il fallait vivre avec son temps. Là encore, division. Les bulldozers Trump et Bolsonaro s'engouffrent et donnent les terres à leurs potes ploutocrates qui pillent l'écosystème, assassinent la biodiversité, les lacs et l'Amazonie, déversent des produits mortifères sur et dans les sols. Cela sera plus dur à réparer que la démocratie... Et sur les terres, nous n'avons pas voulu accepter des mouvements millénaires de populations au motif que cette fois-ci les arrivant n'avaient pas la bonne couleur ou la bonne religion. Nous nous sommes raidis collectivement devant l'immigration, avons fait nos mijaurées. Là encore, open bar contestataire pour ceux qui ne s'embarrassent pas de nuances et parlent de morts aux réfugiés. 

Enfin, et le tout est lié, nous avons échoué à partager les richesses. Les chiffres sont toujours plus fous mais les occupants d'un bus (60 personnes) possèdent autant que 3,5 milliards d'individus. L'engraissement sans nom des milliardaires (encore +19% de leurs fortunes en 2017) se fait au détriment d'une éducation et une santé de qualité pour tous. Et une sécurité aussi. On parle beaucoup de questionnements sécuritaires, en ce moment, lesquels ne touchent pas les nababs qui vivent dans des villes où l'on remet des herses comme au Moyen Âge. 

Nous avons perdu la bataille des idées et le Commun se fait enfoncer par l'individu. Essayer de répliquer par des individus vertueux est perdu d'avance, "ni Mark Zuckerberg, ni Oprah Winfrey ne nous sauveront" écrivait avec justesse Naomi Klein. Les victoires actuels sont le va tout du modèle capitaliste individualiste. Ces nouveaux nababs fachos jouent tapis et une grosse part du peuple les suit comme on met ses économies à la roulette. Ils veulent eux aussi quintupler la mise sur un coup du sort (ou de bourse) puisqu'il n'y a plus rien à attendre du mérite et du travail patient... A ce jeu là, celui de l'individu, du self made man, du quand on veut on peut, on ne peut rien opposer à ces nouveaux élus qui comment Berlusconi avant eux, incarnent un modèle que l'on ne peut contester. La démocratie va sans doute renaître, mais elle ne peut pas repartir comme hier, derrière un illuminé providentiel. Elle doit se refonder sur une exigence de partage radical, y compris des postes. Le meilleur moyen d'éloigner les autocrates est de démonétiser, de ringardiser l'exercice du pouvoir solitaire. Je reconnais que c'est plus facile à écrire qu'à faire... 

23/10/2018

Ô rage ! Ô désespoir ! Ô camarade Insoumis...

Quel malheur. Jamais il n'a été aussi légitime d'être de gauche face à l'explosion des inégalités, les attaques contre les services publics et les Communs écologiques. C'est pourtant le moment choisi par l'historique gauche radicale pour tourner le dos à son camp et répondre aux sirènes électoralement plus prometteuses du populisme. Au moment où nous devrions plus que jamais nous unir pour faire triompher un programme écologique et social radical, la formation majoritaire tourne le dos au pluralisme démocratique pour emprunter à la dialectique du "eux" contre "nous". A l'heure où la transparence n'est pas une option, mais une nécessité, certains se recroquevillent et répondent aux critiques par des théories alternatives opaques. Quand les contre-pouvoirs sont malmenés par Macron, les Insoumis les enfoncent ; sus aux juges politisés ! Quand les journalistes se plaignent de ne plus pouvoir enquêter librement, les Insoumis les asphyxient en parlant de "radio d'État". A l'heure où nous devrions nous présenter unis pour donner un grand coup de barre à gauche et exiger l'Europe sociale, nous allons nous présenter disséminés et prendre une déculottée mémorable, laissant toute la représentation continentale aux identitaires et aux dévots du libre échange. Merci.   

Camarade insoumis. Je t'appelle camarade et je te tutoie car nous avons la même histoire, les mêmes codes, les mêmes références et surtout le même idéal. Nous avons voté pour le même candidat. Ta colère contre le pouvoir en place, je la comprends et je la partage, mais ta colère paranoïaque contre tout ceux qui ne sont  pas avec toi, je la déplore et elle me navre. Tu te trompes de colère et tu en oublies l'essentiel : la démocratie et le pluralisme. 

Si jamais tu as fait l'effort de lire ces trois paragraphes, je sais que tu es énervé et que tu te dis que j'écris en "social-traître" en "sous-marin hamoniste" ou encore en "apeuré par l'avènement de la vraie gauche". Toutes fariboles et conneries. Je n'ai jamais voté socialiste au premier tour. Jamais. J'ai toujours voulu faire basculer le rapport de force dans une gauche radicale, mais démocrate. C'est quand la balance penche de notre côté que les changements adviennent. Tu peux critiquer 1983, mais les réformes majeures de 81 servent encore aujourd'hui et elles ont été imposé par la démocratie. Idem pour les conquêtes du Front Populaire. Même s'il fut balayé par le mur de l'argent, les congés payés et d'autres avancées majeures restent. Le propre de la gauche n'est pas de régner, mais de changer la vie. La prochaine fois qu'elle reviendra au pouvoir, elle ne devra pas changer seulement la vie des hommes et des femmes, mais aussi changer le système de production pour sauvegarder la présence humaine sur la planète. Tu conviendras que c'est un sacré challenge. Mais penser que confisquer le pouvoir contre tous, contre les vipères lubriques libérales, les médias stipendiés, la justice aux ordres, les opposants, accélérera les choses, tu te trompes. Car la colère, même mu par un élan social, ne s'arrête jamais. Il reste toujours des ennemis du peuple, du vrai peuple. On commence par Bolloré et Pouyanné, les patrons de banque et Christophe Barbier. Ca défoule, mais ça ne s'arrête plus. Et jusqu'ou ? Jusqu'à Clémentine Autain qui est dans tes rangs et qui désapprouve la ligne du parti sur les migrants ? C'est sans fin... 

Camarade insoumis, je partage ta colère contre les progressistes. Je me souviens d'Obama disant à ses compatriotes en surpoids de manger de la roquette de Whole Foods à 5$... Il aurait pu multiplier par 300% les taxes sur la junk food et encourager le bio en démultipliant les aides. Il aurait pu. Il a préféré faire la leçon aux pauvres. C'est Macron et le "costard pour bosser" ou son "traverser la rue" ad nauseam... C'est Renzi qui parlaient des "dinosaures qui ne comprenaient rien à la modernité". Tous progressistes renversés par des identitaires. Evidemment, c'est tentant de vouloir les renverser avec le bien. Pensez, une "dictature éclairée" par le peuple. 

Alors évidemment, il n'y a pas de dictature dans le programme "l'avenir en commun", au contraire, il y a une Constituante pour un 6ème République. Mais quand on aime la République au point d'en vouloir une nouvelle, on accepte ses règles. On accepte les juges qui ont détruit la candidature de celui qui serait président, sinon, François Fillon. On accepte les enquêtes, les critiques. On répond aux questions sans renvoyer de contre feux. Bien sûr Mélenchon a été plus rudoyé que Benalla par les juges. Oui, les comptes de LFI ont été plus disséqués avec zèle que ceux d'En Marche ! Ca n'exempte pas LFI, ni Mélenchon...  

Camarade Insoumis, partout dans le monde, la démocratie déçoit car elle est trop faible. Face à un capitalisme financier à la fois écocidaire et kleptocrate, incapable de cesser de détruire la planète et de réguler les inégalités, la démocratie est plus que ballotée en ce moment. Mais tu te trompes si tu crois que le populisme triomphera des marchés. Trump, Bolsonaro sont applaudis par lesdits marchés qui s'en accommodent très bien. Les populismes sociaux n'apportent pas grand chose en termes de progrès sociaux et économiques. Correa en Equateur fut l'un des rares contre-exemples auquel je peux penser, mais tu ne le mets pas en avant. Quand on te parle du Venezuela, tu te cabres et tu rugis. Je te le concède, on parle beaucoup trop du Venezuela par rapport à son poids dans le monde. Trop par rapport à l'atroce Arabie Saoudite, à la Chine anti droits de l'homme, à l'Ethiopie, trop par rapport à la Pologne et la Hongrie à qui nous, européens, n'avons pas du dire stop. D'accord. Mais pour que le tumulte cesse autour du Venezuela, il suffirait que Mélenchon prononce une évidence "oui, Maduro est un dictateur à cause de qui des millions de personnes ont faim, ne peuvent se soigner, et fuient le pays". Point. Il ne peut pas. Et cette impossibilité entraîne mon incapacité à le soutenir. Et je ne suis pas seul, nous sommes des millions à être terrifiés par cette incapacité à reconnaître la supériorité de la démocratie sur le reste.

Ô rage partagée, Ô désespoir avancée, camarade Insoumis, nous partageons cela. L'avenir, s'il doit être écrit en commun, ne peut l'être sans pluralisme, sans démocratie. Etymologiquement, tu refuses toute forme d'autorité. L'heure est venue de défier celle de ton chef pour qu'on puisse causer avenir de la gauche.