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26/07/2018

La maison brûle et pas de pompier volontaire

Perdus dans le flot des révélations et autres scoops sur l'affaire Benalla, Jean Jouzel et consorts tentent d'avoir des propos mesurés, réalistes et marquants pour éviter le piège de discussion confondant météo et climat. Le principal problème en matière d'écologie politique est de trouver un discours n'appelant pas à l'inaction. Soit par cause de relativisme : bof, la science et l'intelligence humaine ont toujours trouvé des solutions, on trouvera un moyen de refroidir. Avec la géo ingénierie, on peut modifier l'orientation de la planète et ainsi dévier les rayons solaires des points trop chaud et autres recettes d'apprentis sorciers... Soit par collapsologie : puisque c'est foutu, alors faisons gaiement des tours de périph' en cramant du kérosène et mangeons des bananes pré découpées et vendues dans une barquette plastique, on sauvera pas la planète de toutes façons. 

Jouzel n'est ni dans l'un, ni dans l'autre. Pourtant, il est très alarmiste et redoute que les dix dernières années ne montrent qu'il ne soit plus que délicat d'inverser la tendance. Les incendies en Grèce sont d'une violence inouïe, plusieurs dizaines de morts. Les incendies en Suède, en Suède ! Ceci et la multiplication des cyclones, ouragans, inondations, sont sans doute le lot des années à venir, avec une gradation folle. Doit-on attendre des milliers de morts en Grèce, une Suède noyée par la fonte des glaces pour que les climato sceptiques disparaissent vraiment et que certains dirigeants politiques contraignent violemment toutes les industries ? 

La Chine montre bien que face à une situation dramatique, des mesures radicales (mais pour l'heure insuffisantes) peuvent émerger du jour au lendemain politiquement. Insuffisantes car affolée par des indicateurs de croissance classique, la Chine continue de redoubler d'efforts pour extraire des terres rares pour Apple et autres géants techs, nonobstant le fait que lesdites extractions ont pollué plus de la moitié des cours d'eau du pays. 

Ce que je ne comprends littéralement pas, c'est pourquoi aucun responsable politique, surtout les jeunes, n'arrivent pas avec un discours type "le réchauffement climatique, ça n'est pas ma faute, mais c'est ma responsabilité". Ceux qui ont derrière eux 6 ou 7 mandats d'inaction en matière environnementale, sont évidemment tricards, mais ceux qui arrivent avec des habits neufs ? Les marcheurs ? Il faut évidemment faire sauter les verrous idéologiques sur marché libre vs normes, libre échange contre protection de la planète. Mais les marcheurs ont des enfants, eux mêmes souhaitent sans doute vivre un monde soutenable hors du charme bourgeois de l'air conditionné ? Il faut croire que non. Sinon, ils se seraient rebellés contre le glyphosate, contre le retour de l'usine d'huile de palme produite par Total dans le sud, ils se seraient opposés aux coupes pour l'agriculture bio et le business continu pour l'agro business. Ils auraient hurlé contre la loi ELAN qui va saccager la loi Littoral et sera donc directement responsable de futurs innondations, de futurs drame du bétonnage... Mais non, la maison brûle et il n'y a pas de pompier volontaires. 

Sting chantait jadis qu'il espérait que les russes aiment aussi suffisamment leurs enfants pour ne pas faire péter la planète avec la bombe atomique. Trente trois ans plus tard, même si quelques frayeurs sont toujours là, les responsables politiques du monde entier, même nord coréens, aiment suffisamment les enfants pour leur éviter une fin immédiate dans un grand nuage. Mais pas assez pour vouloir leur éviter une mort à l'étouffée. 

23/07/2018

Affaire de l'État plus qu'affaire d'État

En termes de violence en marge de manifestations, la mort d'Adama Traoré n'a pas débouché sur une commission parlementaire pour le ministre de l'intérieur. Quelques coups donnés par une petite frappe, si. Quand on regarde les faits reprochés sur l'ensemble du film depuis le 1er mai, il n'y a pas de quoi alimenter la page 12 des faits divers d'une feuille de gazette. En revanche, en considérant l'ensemble des dysfonctionnements, des bourdes, des erreurs, des bévues et autres boulettes par les huiles de l'intérieur et de l'Elysée, là il y a matière à nourrir la presse... Affaire de l'État oui, affaire d'État, non.

Des personnages de basses oeuvres, ayant accès à des privilèges matériels et symboliques en contrepartie de petits coups de mains, c'est consubstantiel à la politique. Alexandre Benalla est un boy scout à côté de François de Grossouvre, ordonnateur des missions très spéciales et hors agenda de François Mitterrand. L'affaire Benalla, c'est la rencontre de vieilles pratiques et de nouvelles technos. Le problème c'est qu'on a le film. Les images. La force émotionnelle de toutes les images (la manif, le vélo avec Macron, le bus de l'équipe de France de foot) balaye la raison des faits. Toutes preuves imagées et filmées dont on ne disposaient pas après la mort de Malik Oussekine. 

Face à l'évidence de la sortie de route, du monceau de conneries accumulées depuis quelques mois, l'exécutif n'a qu'une ligne de défense à adopter : faire profil bas. Or, c'est l'inverse qui se produit. De Castaner à Griveaux, de Collomb à Aurore Bergé : de l'arrogance mâtinée d'ignorance, du mépris pour des questions très légitimes. Rien de mieux pour affoler la presse et les rumeurs les plus folles. Si Benalla n'a pas été viré, c'est qu'il sait des choses. "Un proche du couple" : a t'il couvert des folles nuits avec des partenaires de gaudrioles non avouables ? Sans doute pas, mais l'absence de sanction laisse forcément penser ça. 

Il y a quelque chose de fou à observer un échange entre Castaner et Marine le Pen et donner raison à cette dernière. A écouter l'audition de Gérard Collomb par des personnalités comme Eric Ciotti, Marine le Pen, Gilbert Collard ou Nicolas Dupont Aignan et se dire que ceux qui défendent la République sont ceux qui demandent des légitimes réponses à des questions fondées plutôt que celui qui s'enfonce dans le silence et le déni.

La crise que traverse nombre de démocraties se fonde souvent sur des attitudes de morgue d'élus qui pensent que leur élection vaut quitus pour tous leurs agissements pendant toute la durée de leurs mandats. Erreur tragique. Dont on a maintenant la preuve qu'elle transforme les grenouilles en boeuf ou les cafouillages de barbouzes en scandale d'État...

11/07/2018

11 septembre, attentats de Charlie, élection de Trump, coupe du monde : cherchez l'intrus de l'édition spéciale.

Depuis le début de la coupe du monde, un article de Jean-Claude Michéa se répand sur les réseaux sociaux. Le penseur rouge-brun y morigène les intellectuels qui refusent de sombrer dans la folie football, au motif que ce sport étant le plus populaire au monde, ceux qui ne se soumettent pas à la liesse se rendent coupables de mépris de classe. Cet article est partagé par tous ceux qui veulent mater leurs matchs, leurs avant matchs, leurs débriefs d'après match, bref, vivre foot non stop, sans mauvaise conscience. Et c'est vraiment navrant de voir le débat ainsi résumé : pour ou contre le foot et par extension pour ou contre le peuple ? 

J'aime le foot, je sais quel côté de la barricade je choisis en cas de conflit social et c'est précisément pour ces deux raisons que l'envie d'exiler Michéa me ronge... D'abord, sur la place prise par le phénomène football. Il devient de plus en plus compliqué de s'isoler. En 1984, lorsque la France remportait le championnat d'Europe des Nations, 2ème compétition la plus importante après la coupe du monde, la nouvelle faisait l'objet d'un entrefilet en Une du Monde, loin derrière une modification de la CSG, du calcul des retraites ou que sais-je. Bref, le sport était à sa place et c'est tant mieux. Les amateurs de sport ont tout ce qu'il faut avec des canaux dédiés. Il y a le journal l'Equipe, lequipe.fr et lequipe TV. Que ces médias soient en mode football non stop, c'est compréhensible. Mais que l'ensemble des médias, y compris public, soient en "édition spécial" comme pour le 11 septembre, les attentats de Charlie Hebdo et le Bataclan ou encore l'élection de Trump, c'est que nous sommes littéralement malades. Remplacez "football" par "danse" comme l'avait fait François Morel dans une poétique et désopilante chronique. Serait-ce soutenable d'entendre toute la journée parler entrechats, ronds de jambes et autres ? Des stratégies chorégraphiques diverses ? Non. La danse pour ceux qui veulent, il devrait en aller de même pour le foot.

Or, ce matin, l'OTAN à l'aune du foot, le Brexit à l'aune du foot, la croissance à l'aune du foot... Nous sommes malades, tous les envoyés spéciaux, tous les moyens humains et financiers des médias sont dédiés à couvrir des matchs de foot... Les suites de l'élection au Mexique avec une victoire inespérée de la gauche, la montée de l'extrême droite européenne autour d'un axe Italie-Pologne-Autriche-Hongrie qui s'étend ? On s'en fout, on veut revoir la tête d'Umtiti avec force commentaires sur sa détente, sa préparation musculaire et autres... 

Depuis 1998, les femmes sont de plus en plus nombreuses à suivre le foot. C'est bien normal, vous ne voudriez tout de même pas que Nike, Adidas et Heineken se privent de 50% de parts de marchés... Il est donc de bon ton de se réjouir que les femmes suivent le foot et que ça c'est la preuve que l'égalité est en marche plutôt que de rappeler que les violences faites aux femmes augmentent de 40% les soirs de match ou encore le fait que le record de viols enregistrés en France a eu lieu le 12 juillet 98, le soir de la fête des champions du monde. On va quand même pas chipoter pour si peu, qu'est-ce que ces pouffiasses qui voudraient nous gâcher la fête ? On est les champions ou pas ? Donc écarte les cuisses de toutes façons on t'entend pas avec les klaxons, les flics sont trop occupés à crier "Et un et deux et trois zéros" pour rendre la paix...

Et puis ce peuple de France qui gueulait qu'on lui enlevait des droits sociaux mais qui vont acheter des millions de maillots fabriqués par des travailleurs quasiment esclavagisés, qui touchent 0,6 euros contre 18 euros de marge pour Nike et Adidas... Impossible de réunir une marée humaine pour s'opposer à des mesures anti-sociales mais aucun souci pour réunir 1 million de personnes pour fêter une victoire de millionnaires (les joueurs) qui enrichira des milliardaires (les chaînes de télé, les équipementiers, les brasseurs, Mc Do et autres bienfaiteurs de l'humanité), blanchira en partie un dictateur (Poutine) sur dos de corruption d'une mafia socialement acceptable (la FIFA). 

Alors dimanche, je regarderai le match, je serai sans doute content que les français l'emportent (entre les croates et les anglais, on touche quand même aux limites de ce qu'on peut faire par anti conformisme) mais surtout je fais le voeu pieu qu'un jour ce soufflé retombe et qu'on puisse se contenter de retrouver le football dans les pages "sport" en fin de journal, à côté du dernier film de Christian Clavier et du divorce de Kardashian...