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07/08/2018

Nouvelles fournaises à ciel ouvert

Entassés dans le RER les touristes se plaignent de ce que la clim’ ne fonctionne pas. Ils pestent dans toutes les langues, mais une gestuelle universelle fait comprendre l’ampleur du ras le bol. Si je ne suis toujours pas auréolé de gloire, ma chemise, elle, a les marques du temps. Entre la Courneuve et le Bourget, nous passons devant le panneau de l’entreprise Paprec doté d’un thermomètre indiquant 38 degrés. Au pied, à côté des grues, sur les rails, des ouvriers triment. Bottés, casqués, vêtus de chasubles et pantalons longs, ils triment dans la fournaise à ciel ouvert sans qu’une lueur d’ombre ne puisse apaiser leurs souffrances.

La clim s’est répandue dans le RER, elle sera là aussi à l’aéroport, dans l’avion, elle ne quitte pas ceux qui peuvent se payer le luxe des vacances (cette année encore, 22 millions de français, 1/3 de la population resteront chez eux faute de moyens). La clim’ ne viendra pas pour les travailleurs à ciel ouverts, ils ne prendront pas l’avion. Leur bilan carbone est bas mais ils subissent ceux des autres (depuis 2000, les émissions de CO2 des habitants de pays riches a baissé de 13%, bien, mais beaucoup trop lent). Le cercle vicieux est fou : l’énergie totale des climatisations américaines représente autant que l’énergie du continent Africain, qui aurait bien besoin d’être rafraîchi, notamment les terres cultivables. Les inégalités climatiques croissent peut-être encore plus vite que les sociales, confirmant tristement l’adage selon lequel un malheur n’arrive jamais seul.

05/08/2018

Libertés individuelles et climat : et alors ?

Dans une tribune publiée dans Libération, le climatologue François-Marie Bréon expliquait une évidence : nous préserver du réchauffement climatique entraînerait des décisions impopulaires, voire, non compatibles avec la démocratie de marché. Tollé ! Les Khmers Verts sont de retour. Dégagez ennemis du peuple et laissez le cercle de la raison nous mener vers la prospérité de la croissance verte. Est-ce bien sérieux ? Depuis 15 ans, toute la rhétorique sécuritaire nous explique que cela ne coûte rien de perdre en libertés individuelles, d’être sous surveillance, tracés, fliqués, sans que cela ait jamais empêché un seul attentat. Ca passe crème. Idem pour toutes les lois anti migrants, inhumaines barricades, brutalités policières et autres épouvantables expulsions et autres reconduites. C’est un euphémisme de dire que ces mesures entravent des libertés individuelles et sont contraires à la démocratie. Mais comme ça sont les libertés de non blancs, on s’en cogne...

L’adage selon lequel la liberté s’arrête là où commence celle des autres doit être revisité dans un sens qui n’arrange pas nos égoïsmes : la liberté de décider qui vient chez nous n’a jamais prévalu dans l’histoire. Aznavour qui veut un « tri des migrants » ne serait pas la si la France avait renvoyé ses ancêtres vers la Turquie de 1915. La liberté d’être surveillé à son encontre était la doctrine du KGB et de la Stasi. Le fait que cela doit le FBI, Facebook ou la DGSE qui pratiquent cela ne rend pas cela soudainement « démocratique ». En matière climatique, la liberté s’arrête là où commence la génération suivante. Point barre. On n’épuise pas les sols, les ressources, ne détruit ou ne pollue ce qui hypothèque les choix de vie de ceux qui nous succèdent sur la planète. Point. Contrairement aux dettes monétaires, les dettes écologiques sont insolvables et non effaçables.

Si les choix qu’impose la préservation de l’environnement sont impopulaires c’est uniquement parce que nous sommes endoctrinés dans une logique court termiste fondé sur une croissance qui mesure si mal les choses. Pour rendre les choses acceptables, il faut imposer le partage à tous. Les riches détruisant la planète (cf l’opus remarquable d’Hervé Kempf), il est logique qu’ils montrent l’exemple : s’ils veulent garder leur piscine de villa, ils seront assignés à résidence et cesseront de prendre l’avion. Vive les conférences Skype. S’ils veulent manger de l’avocat, du quinoa toute l’année, interdiction de prendre la voiture et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on répartisse collectivement la baisse de nos émissions de CO2. Vous trouvez ça radical, dictatorial ? Qu’est-ce que ces contraintes face à un monde où les inondations et les incendies géants sont la norme ?

29/07/2018

Démocratie de perlimpinpin

Pour une époque qui révère l'innovation, qui voue un culte à la disruption et encense les "changements de paradigme", force est de constater que la vie politique est la grande absente de ce ruissellement de progrès. Pensons au foisonnement de nouvelles gouvernances dans les entreprises, les ONG, les entreprises sociales. De l'holacratie à l'entreprise libérée, des SCOP nouvelle génération au B Corp, mille nouvelles manières de décider ensemble, d'avoir de nouvelles manières de décider du chemin à prendre. La recherche aussi progresse, avec des nouvelles interdisciplinarités qui viennent tous les jours, des nouvelles manières de chercher. 

Tout le monde progresse, sauf la politique, dans son acception électorale et nationale. Au niveau local, des expériences de démocratie liquide, de démocratie permanente, de renversement de chefs, s'opèrent. Ca donne du baume au coeur, mais les décisions prises à Saillans et autres bourgades n'ont pas la portée nécessaire pour nous préserver des dérèglements climatiques absolues, pour mettre fin à la montée des inégalités, prévenir la corruption ou la prolifération de mouvements fanatiques et terroristes. Pour tout cela, des décisions nationales et supranationales progressent peu. Pas un immobilisme total, mais des progrès si lents. David Van Reybrouck rappelle qu'il a fallu les deux guerres mondiales pour que l'humanité se dote d'outils de décisions de prévention des conflits alors qu'on pressentait le drame avant. Nombre de voix des années 30 intiment à la création de l'ONU, mais il faudra l'horreur de la seconde guerre pour que cela vienne. On peut, on doit, pester contre les limites de l'ONU qui n'a pas pu empêcher les massacres en Syrie récents ou qui a cautionné l'inique invasion d'Irak, mais globalement ce gros méchant nous a sans doute préservé du déclenchement de la 3ème...

Pour le reste, à un niveau national, quelle faiblesse. Malgré la présence d'une foultitude d'initiatives. L'activiste argentine Pia Mancini, dans une conférence célèbre disait qu'à l'heure d'Internet, les méthodes employées par les politiques n'étaient pas très éloignées de celles du Moyen-Âge. Un chef, un cri de meute et on suit le chef. Games of Throne / Vème République, match nul sur les méthodes mais plus de rebondissements dans GOT.  

Le recours à un hologramme n'est pas une innovation. Une innovation serait une manière de permettre aux élus de voter en conscience, de voter en consultant la base de personnes qui l'ont élu plutôt que le chef de leur parti, quelques représentants ou lobbys, voire un ministre, toutes personnes respectables, mais non élues... Les idées existent, les mouvements aussi. L'an passé, pour les élections législatives, #Mavoix avait proposé cela : des candidats tirés au sort pour ne pas encourager les carriéristes, et un engagement une fois élu à consulter tous votants sur les lois à venir. Ceci pour faire en sorte que lorsque des textes de lois sortent d'un programme présidentiel comme c'est toujours le cas, on laisse le choix aux électeurs. On fait de la démocratie en continu, pas une fois tous les cinq ans.

Ces nouvelles techniques n'ont rien de marginales, d'anecdotiques, c'est véritablement essentiel de pouvoir discuter de tous les projets de loi. L'idée n'est pas de permettre à n'importe qui de voter n'importe quoi de façon aléatoire, on ne demande pas la fin de familles de pensées. Que les libéraux se rejoignent, votent ensemble un certain nombre de textes correspondant à leur conception du monde, soit. Mais quand quelques textes vont à l'encontre de ce en quoi ils croient, ils ne devraient jamais être entravés par une discipline de parti. De ce point de vue, la loi asile et immigration votée cette semaine est contraire aux convictions de nombre de marcheurs. 

L'année dernière, j'avais longuement échangé avec Aina Kuric. Elle se définissait comme sociale libérale dont on se demande, sans majuscule à Sociale. Une pure macroniste, exaltée par l'idée que les baisses de charges allaient ramener le progrès et la prospérité sur le pays. Une bonne soldate, qui faisait l'apologie du nouveau régime depuis sa Marne riche de champagne et de mondialisation heureuse. Pour avoir voté contre la loi Collomb, elle est en passe d'être exclu. Une femme qui partage 99% des convictions du parti présidentiel est en passe d'être exclue pour un vote contraire. On peut se moquer des régimes autoritaires, mais les pratiques ne déparent en rien. Se gorger de grands concepts, de liberté et de démocratie ne trompe personne. Les collectifs se répandent partout, dans les usages, dans les pratiques. Partout, sauf en politique. Hélas, il nous faut nous contenter d'une démocratie de perlimpinpin.