18/10/2013
Sérail sans caravane...
Il y a des mots qui vous enchantent pour leur sonorité. "Superfétatoire", "estaminet", "sempiternelle" ou "fanfreluche" m'ont toujours plu avant tout pour leur façon de chanter à mon oreille. Il en va de même pour "caravansérail", dont une petite vérification m'apprend qu'il s'agit du lieu où les marchands (en caravane) font halte. Or, généralement, quand on parle de "sérail" c'est plus pour parler du café de Flore et autres salons avec moquette épaisse que des caravanes ; lesquelles actuellement ont une presse déplorable. Ces gens-là ne veulent pas s'intégrer comme dit notre ami Manuel, lequel n'est que mollement démenti par JM Ayrault qui, pourtant, passe ses vacances en camping-car.
Ces prolégomènes (autre sonorité que j'affectionne) pour dire que dans la primaire marseillaise, la question du sérail préoccupe beaucoup les commentateurs. Eux mêmes ne se posant jamais la question de leur appartenance audit sérail. Non qu'il faille forcément se flageller, mais un tel aveuglement sociologique a quelque chose de désespérant. Ce matin j'ai réécouté l'interview de Samia Ghali sur RTL (là) par l'ineffable Jean-Michel Apathie. Et bah les bras m'en sont tombés.
Bien sûr, ces histoires de bus et autres transports d'électeurs dimanche dernier ne sonnent pas 100% casher électoralement. Et après ? Edouard Herriot rappelait que la politique, à l'instar des andouillettes, doit sentir "un peu" la merde. Franchement, qui peut penser que l'écart colossal à l'échelle d'une primaire constaté entre Ghali et Carlotti est lié uniquement à ces bus ? Entre une ministre techno, dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle se démène avec parcimonie pour son portefeuille et une passionaria des quartiers, n'y a t'il pas une justice à ce que la seconde l'emporte ? Au fond, n'est-ce pas le vrai triomphe d'une démocratie que de récompenser ceux qui écument les réunions de quartier, parlent aux électeurs et essayent de voir quels sont leurs difficultés quotidiennes, en termes d'éducation, de santé, de transports et bien sûr d'emploi. Et qu'on ne vienne pas me parler la bouche encore pleine de croissants au beurre de "vote communautariste" ou de "populisme électoral".
Pour qui est, un tant soi peu, habitué aux codes journalistiques, c'est assez vomitif. Tout cela pue la connivence, l'entre soi, la gentrification. Apathie a eu Menucci, Carlotti et tutti quanti au téléphone, tout le monde l'a briefé et lui a expliqué pourquoi il fallait dézinguer la beurette. Les attaques sont d'un bas inimaginables. On imagine pas la même chose pour Cahuzac, un Balkany, un Pierre Bédier ou un Carignon pourtant autrement plus blâmables électoralement mais du sérail. Eux....
Ce soir, lors d'une Masterclass dans l'école où je donne des cours, l'excellent politologue Denis Pingaud est venu parler de son non moins excellent livre, l'homme sans com' (le Seuil). Le livre parle des défauts (euphémisme) de la communication gouvernementale d'Hollande. Il nous expliquait que la France est en retard d'un cran sur la nouvelle communication politique où les dirigeants zappent les médias pour s'adresser directement aux citoyens et forcer ainsi les médias à s'adapter à une réalité qu'ils ne goûtent pas forcément. Exemple, Obama tweetant pour demander à ses soutiens de mettre fin au shutdown. On peut discuter longtemps la pertinence et surtout les dérives potentielles de ces nouvelles méthodes. Il n'empêche que devant le conservatisme - et je reste poli - de certains éditocrates devant ceux qui ne sont pas du sérail, on se dit que le fait de pouvoir les court circuiter serait salutaire au-delà de toute expression...
22:36 | Lien permanent | Commentaires (2)
15/10/2013
Pas encore mort au champ de bataille du Made in France
Subrepticement, le livre d'Arnaud Montebourg la bataille du Made in France a surgi sous mes yeux, au milieu de dizaines d'autres ouvrages. Allez savoir pourquoi, je l'ai pris. Pire, alors que je suis plongé dans un des rares écrits de Céline que je n'ai pas lu - Mort à crédit - j'entame l'opus. Et l'achève avant que les chevaux n'aient eu le temps de souffrir. Mon cerveau politique non plus. Mon cerveau littéraire en revanche... Evacuons le hiatus d'emblée car il faut que ce soit écrit : qu'Arnaud Montebourg fasse comme l'écrasante majorité des politiques et qu'il se prenne un écrivain fantôme (version made in France du ghost writer) ! Ca n'est plus tolérable de lire ça.
Déjà qu'à l'oral, il pérore, il emphase, il ampoule à souhait, mais à l'écrit... Pitié ! Ce n'est pas juste mal écrit, c'est grotesque !!!! Toute la pompe Mitterrandienne, la culture classique en moi et la fascination pour une mise en scène virile et tout ce qu'il y a de plus toc. Des répétitions ad nauseam du "mon équipe" partout du "la France" toute les 3 lignes du "le volontarisme paiera"... Achetez lui un dictionnaire des synonymes, bordel. Heureusement, le livre n'est pas en lice pour les prix de fin d'année donc passons à autre chose, mais de grâce le prochain qu'il le fasse relire par Bruno le Maire ou Bayrou (qui écrit fort bien et a du temps libre).
Sur le fond, en revanche, on est conquis. Si, si. On a envie d'y croire, d'autant plus que Montebourg ne donne pas dans l'utopie. Pas de nouveaux phalanstères, pas de lendemains qui chantent et d'internationale ouvrière. Non non, au contraire, une nationale ouvrière avec un protectionnisme bien ordonné qui commencerait par nous même. Les références à Roosevelt sont légion, tant pour le courage que pour des décisions précises comme le "Buy american Act" et le célébrissime "Small Business Act". Mais il ne se contente pas de convoquer de glorieux aînés rarement là pour vous contredire et montre aussi comment Obama peut être une voie à suivre lorsqu'il fait voter des textes protecteurs pour les nouvelles industries.
Montebourg a de la gouaille. Et des tripes. Il a vraiment sillonné la France et trouver une myriade de "oui nous pouvons" réindustrialiser, recréer, reproduire. Y compris dans des domaines inattendus comme la fonderie. Technophile, il dessine également une France du futur pleine de nouvelles industries vertes, faisant triompher l'économie circulaire et autres techniques relevant des circuits courts. En lisant le livre, où son obsession écologique ne fait pas de doute à chaque page, on ne peut qu'être plus dubitatif devant ces récentes palinodies sur le nucléaire ou le gaz de schiste. L'apprentissage de la realpolitik argueront ces détracteurs. Sans doute, mais c'est dommage tant l'ensemble se tient. Lutter contre l'obsolescence programmée et aller vers une consommation plus maîtrisée à tous égards : des produits locaux, de meilleure qualité, plus chers, mais qui dureront plus longtemps. Bon pour la planète et, in fine, pour le portefeuille. Que demande le peuple ? Ajoutez à cela une défense intelligente du protectionnisme en s'appuyant sur l'exemple de l'exception culturelle française qui nous a permis de conserver un cinéma de qualité (Montebourg ne se prononce pas sur les cas de Romain Duris ou de Mélanie Laurent...) et qu'il faut dupliquer cette démarche dans l'industrie.
Au final, il surjoue un peu son rôle de martyr (notamment dans l'affaire Florange) nous faisant croire qu'il est le seul à avoir compris comment la terre tournait et qu'il risquait pour cela de finir sur le bûcher des libéraux. Si on ne prête pas attention au cabot et que l'on se concentre sur le message, il y a là indéniablement matière à produire. En France.
22:00 | Lien permanent | Commentaires (2)
14/10/2013
Où sont les digues passées ?
L'antienne revient par toutes les voix des ténors de l'UMP actuellement "quand la gauche est au pouvoir, le FN progresse". D'abord, reste à prouver que la gauche est au pouvoir actuellement. Quand on écoute le blairiste de droite, Moscovici, parler de son obsession à couper les dépenses publiques, favoriser encore le modèle fiscal des entreprises (quand même Xavier Niel explique que l'environnement fiscal français est favorable aux entrepreneurs !!!), il est permis d'en douter. Ensuite, sur le raisonnement en lui même, les faits sont têtus : archi faux. Il faut le répéter sans cesse car ça passe mal. 2002 : 4,8 millions de voix pour Jean-Marie le Pen. 2012, après dix ans de pouvoir de droite, 6,4 millions de voix pour Marine le Pen. +25% en voix, en volume, en masse, c'est ça qui compte.
Depuis un an, la vague continue indéniablement à s'amplifier et aux municipales et européenes de l'an prochain, mieux vaut se préparer à une dégelée sévère. Cesser de rêver à d'improbables Front Républicain et autres digues politicardes à l'efficacité désormais aussi puissante que la ligne Maginot. A Brignoles, le fameux front a explosé. Une bourgade, dans un contexte particulier, que l'on ne peut comparer à une métropole. D'accord. Mais il faudrait être d'une mauvaise foi infinie pour penser que les barrières de jadis résisteront encore aujourd'hui.
C'est laid à dire, mais nous devons regarder avec une certaine fierté le second tour de la présidentielle de 2002. Personne n'avait hésité. Un niveau de mobilisation très important et 82% de démocrates contre un faible 17% d'anti-système. Cette digue n'existe plus. La présence de Marine le Pen au second tour de 2017 ne relève pas de la science fiction et la lucidité politique exige même de l'envisager pour comprendre l'étendue du désastre. En cas de second tour Copé/Le Pen ou Fillon/Le Pen ou Sarkozy/Le Pen (rayez les mentions inutiles...) le résultat serait sans doute proche du 70/30. Nombre de voix de gauche seraient lassées, désillusionnées, fatiguées de ce manichéisme, exaspérées de petites luttes... Et dans le cas d'un second tour Le Pen/Hollande, 65/35, 60/40 ? Décidément, ce 82/18 appartient au passé...
08:53 | Lien permanent | Commentaires (0)