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23/12/2013

Ou est le gras ?

corps-gras.jpg"Il faut tailler dans le gras des dépenses publiques". Cette phrase est répétée comme un mantra par l'ensemble des responsables publics. Après y avoir vu la ritournelle favorite des libéraux et de la droite la plus dure, j'ai fini par me ranger à y trouver une certaine justesse. A certaines conditions préalables, mais quand même. L'idée qu'on peut benoîtement considérer que 57% de dépenses publiques n'a rien d'alarmant m'intrigue. A titre personnel, c'est surtout parce que la qualité de service n'est pas à la hauteur de l'investissement que je suis mécontent et de façon plus citoyenne dépassant mon petit moi, que je suis consterné.

Noël arrivant, celui qui veut me faire un cadeau m'indique un lien me donnant une vue précise des dépenses publiques. Pas le budget ou les comptes de la Sécu, les régimes des retraites ou autres grands postes de dépenses. Ca, on les retrouve aisément. Je parle de tous ces interstices de budget, ces fameux "jaunes" budgétaires qui contrairement à ce que l'on trouve dans les oeufs ne sont pas nourrissants. De l'aveu même des hauts fonctionnaires en charge de budgets avec qui j'ai pu discuter de cela, le "jaune" c'est une espèce de fonds de réserve alloué de façon discrétionnaire. Comment ne pas croire que le drame français relève d'une multiplication de ce type de mannes ? Couplé avec une multiplication à l'infini d'agences, de comités, de centres de gestion, et de strates intermédiaires plus dures à anéantir... Eparpillées, dispersées, si on les met bout à bout, cela forme un amas de dépenses colossales, provoquant cette obésité de l'Etat qui empêche de relancer le service public.

Chez Copé cela donne "enlevez moi un 1 million de fonctionnaires et je remettrais la France en marche". C'est évidemment imbécile. En revanche, chez Jacques-Antoine Granjon, le patron et fondateur de ventes-privées.com ça donne une déclaration plus intéressante "je suis patriote. Nous avons le plus beau pays au monde et je suis heureux de payer mes impôts pour contribuer à sa marche. La seule question que je pose est : puisque je paye autant d'impôts pourquoi les profs, les flics, les infirmières sont-ils si mal payés ?". Je ne saurais dire mieux.

Dans les tracts des syndicats patronaux, on nous exhibe toujours les rémunérations exceptionnelles des très hauts corps de l'Etat. Oui, les inspecteurs de l'éducation nationale gagnent très bien leur vie, idem pour quelques mandarins au sommet des hiérarchies culturelles, sanitaires ou judiciaires, mais globalement on ne peut pas dire que ceux qui choisissent la fonction publique le font par amour de l'argent. Plus préoccupant, pour le dire en termes informatiques, si on fait la différence entre front office et back office, à savoir les représentants de la puissance publique qui sont au contact des citoyens et ceux qui gèrent, on se pose des questions. A tout le moins. Sans parler de complotisme. Je connais dans le détail les rémunérations des profs, depuis la maternelle jusqu'à l'université et ce n'est pas ça qui ruine le pays. Idem pour les flics, de l'homme de la rue jusqu'au commissaire. Les sages-femmes, les infirmières, les médecins hors dépassements d'honoraires, nos juges, greffiers. Les responsables de Pôle Emploi... Tous ceux qui, au quotidien, traitent avec les français ne sont pas guettés par l'obésité salariale. 

En revanche, j'en ai vu dans ma vie des commandes faramineuses en rapports, en études, en conseil, en frais de représentation et communication (balle dans le pied, je sais)... Des voitures avec chauffeur servant des "sous directeur à la planification de la refonte raisonnée", des nouveaux adjoints "à la modernisation", toute une para, une méta et une méta-para administration hypertrophiée. Des subventions versées en dépit du bon sens jusqu'à des investissements faramineux pour une utilité sociale discrète (sait-on que le compteur intelligent d'EDF va coûter 1,7 milliards d'euros ?). A l'évidence, le gras est là et le supprimer redonnerait tellement de souffle à l'action publique. Pour une fois, ne faudrait-il pas combattre le mal par le mal ? Nommer une nouvelle agence, ou un Haut Commissariat ?

Non, je ne suis pas contradictoire. Il suffit de prendre des garde fous. Première condition sine qua non, qu'il soit biodégradable, c'est à dire nommé pour une durée donnée, de 3 ans par exemple. Ensuite, qu'il soit constitué uniquement de non élus. Des purs tenants de l'intérêt général venant d'univers différents, représentants d'une diversité de parcours, de secteurs. Enfin, qu'il s'engage justement à ne pas toucher au front office, c'est à dire aux fonctionnaires en contact avec les français, mais à un objectif drastique et raisonnée de dépenses du reste. Petit papa noël, c'est à toi de jouer...

22/12/2013

Progrégaire...

rtxvvuj.jpgL'implacable course en avant du progrès n'est peut être pas sans fin comme le croyait un peu naïvement ses avocats. Au contraire, la phrase de St Just selon laquelle "le bonheur est une idée neuve en Europe" doit s'actualiser sans cesse comme un logiciel informatique, sous peine d'être vérolée et de buger. Comme aujourd'hui... 

J'ai souvent été frappé par la montée en puissance récente des thèses empreintes de pensées magique, selon lesquelles le progrès social était inéluctable. Que c'était uniquement une question de temps et de génération. Non pas que je redoute quoi que ce soit des jeunes en particulier, mais c'est partir d'un postulat bien hasardeux que de croire que les jeunes, en tant qu'amas indifférencié, seront forcément plus progressites que leurs aînés. On le voit avec les résurgences actuelles de mouvement à caractère racistes. Encore que cela reste impalbable, intangible. On pare la génération qui vient de toutes les vertus, ce qui par ricochet peut exaspérer les aînés qui ont le pouvoir et peut également radicaliser les plus jeunes non conformistes. Les débats sur la loi du mariage pour tous en furent une excellente illustration : alors que tous les sondages indiquaient une différenciation gigantesque par classe d'âge (une courte majorité opposée chez les +75 ans, une égalité en dessous, un bel avantage chez les moins de 50 ans et un raz de marée en faveur de la réforme chez les moins de 25 ans) les caméras de télévisions n'ont eu de cesse d'exhiber les jeunes du mouvements avec le même acharnement qu'elles ont de montrer les trains qui déraillent ou la neige en juillet... 

Cela serait une bataille sans fin, comme pour les manifestants, de mesurer le repli grégaire d'une société à l'aune des mouvements de protestations. Trop incertain, comme les recensements d'actes à caractère raciste effectués par des assocs. Ce n'est parce qu'ils ont l'étiquette "good guys" qu'il faut se fier à leurs outils : c'est très triste, infiniment triste à dire, mais un certain nombre de tocards ont fait de l'antiracisme un plan de carrière et prennent un malin -et infect- plaisir à agiter des chiffons rouges toutes la journée pour mieux justifier leur existence. Passons.

Les lois, en revanche, sont concrètes. Or, la décision du gouvernement espagnol de faire passer un texte interdisant quasi intégralement l'avortement signale un violent retour en arrière. Seules exceptions, lorsque le foetus sera le fruit d'un viol (l'évidence de la preuve ne brille pas toujours) ou lorsque celui-ci mettra en danger la vie de la mère. Une régression sans précédent qui, en dépit de protestations vives, est passée par la voie démocratique. L'extension du domaine du grégaire, c'est aussi le fait de faire porter à des boucs émissaires leurs propres limites. Ainsi à t-on pu voir pendant les manifestations d'oppositions au mariage pour tous une vraie haine rejaillir en disant que "ces gens-là" ne seraient pas capable d'adopter et d'élever des enfants, pour mieux masquer les limites actuelles d'un modèle qui poussent de plus en plus de couples à se déchirer, à ne pas réserver l'attention nécessaire à l'éducation, à n'en faire qu'à leur tête. A chaque fois un papa et une maman, comme ils disent.... On peut voir un reportage effarant sur les dérives du libéralisme, des "enfants kleenex". Dieu n'est jamais loin quand des conneries pareilles sont là. Comme le dit le reportage "les victimes sont les familles, les coupables sont les enfants". Connards. Comme d'autres connards continuent, au nom de la religion à inscrire leurs enfants dans des thérapies pour les soigner de cette terrible affliction : l'homosexualité. Derrière toute régression sociale, il y a un clergé, si mes exemples sont choisis parmi le catholicisme, c'est que jusqu'à preuve du contraire, il s'agit de la religion la plus influente dans les démocraties occidentales, mais je ne me fie évidemement pas plus aux autres monothéismes. 

Sur ce, un progrès est certain pour les six mois à venir : les jours vont rallonger. Ouf.

20/12/2013

Failli être flingué, mais bel et bien giflé

faillir-etre-flingue-minard.jpgPetit, la flèche brisée faisait partie de mon panthéon cinématographique. Butch Cassidy, Pale Rider et quelques autres viendraient compléter une modeste filmothèque de Western. Mais je n'ai jamais versé dans ce style avec passion. Peut être pour m'éloigner des goûts de mon paternel qui a rédigé des articles dans les encyclopédies cinématographiques sur ce mauvais genre, comme on dit. Déjà que l'atavisme me poussait vers le roman noir, j'avais mon compte en termes de choix honnis par l'establishment. Les cow boys et les indiens quittaient mon univers mental à la fin de l'adolescence pour ne plus jamais y revenir. Non sans quelques sacrifices, comme ne pas voir l'adaptation ciné de Lucky Luke...

Aussi, lorsque je lus partout dans la presse que le grand roman de cette rentrée littéraire avait pour décor les plaines du grand ouest, je regimbais. Par principe. Mais de très fines et très fins lecteurs m'enjoignaient tous à lire cette merveille de style. Alors, j'ai surmonté ma répugnance. A grande, à très grande raison.

Minard écrit si bien, une langue si fluide, si riche, si incroyablement réelle, qu'on oublie parfois ce qu'on lit. Pas au sens d'illisible, au sens où nous sommes tellement transportés dans son univers qu'on la suivrait dans un western, dans l'espace, des usines ou un couvent pour le bonheur de lire. On relit souvent, dans "Faillir être flingué" tant le plaisir de lecture peut nous éloigner de l'intrigue. Quand on pense que les cuistres méprisent ces genres-là pour leur pauvreté littéraire (j'échange tout Darrieusecq, Abecassis, Houellebecq et Foenkinos contre 5 pages de Manchette), on se pince. Minard ne s'embarrasse pas de longs prolégomènes pour nous faire entrer au far west. Nous y sommes dès les premières lignes. Tout sonne juste, claque, fouette. 

On sue ou frissonne avec les personnages dans ces vastes plaines hostiles, on tremble à l'évocation ou à l'approche de bêtes féroces (coyotes, ours). Une scène fut pour moi insupportable, évidement, celle où l'un des meilleurs chasseurs bâffre du castor à en vomir.... Fumier ! Faillir être flingué, ne se pitche pas, il se vit. C'est une galerie de portraits (si je dis choral, il faudra faire un jeu de mots foireux avec Okay...) et de scènes primitives et terriblement modernes à la fois.

Car le far west c'est le début de la modernité actuelle, l'accélération des télécommunications, la concurrence exacerbée et le mépris de la nature qui doit s'effacer devant la jouissance immédiate de l'être humain. Fascinant. On aime les scènes de chasse, de beuverie au saloon et surtout cette description voluptueuse de cette merveille de raffinement : les baignoires. Mais je ne vous en dis pas plus, j'espère vous avoir déjà donné envie de le lire ou de l'offrir...