02/06/2013
Une bonne droite pour enfin cogner à gauche ?
Serait-ce vraiment trop demander que d'avoir une droite au niveau ? On comprend qu'après 10 ans au pouvoir, nos chers amis de l'UMP aient un peu de mal à admettre qu'ils ne soient plus aux manettes. Pour marquer ce mécontentement, ils éprouvent le besoin quasi mécanique de hurler qu'ils feraient mieux s'ils étaient encore aux manettes, poursuivant ainsi sur la lancée du sublime bilan qu'ils ont laissé. Soyons justes, ils ne poussent pas l'arrogance jusqu'à l'insulte et se contentent de dire qu'ils avaient armé la France en 2012 pour faire reculer le chômage et relancer le business, mais que tout s'est cassé du jour où Hollande fut élu.
Cette opposition névrotique est d'autant plus incompréhensible que, depuis un an, on ne peut pas dire que le président socialiste multiplie les décisions à même de courroucer un parti comme l'UMP. A part le mariage pour tous, dont la contestation a pris des proportions délirantes, la politique menée par ce gouvernement n'a de socialiste que l'étiquette. Des efforts dans l'éducation, certes, et un peu plus de contrats aidés que ce que des libéraux feraient... Et encore, un consensus mou s'instaure depuis trente ans, entre toutes les familles politiques pour faire de ces outils l'alpha et l'oméga permettant d'instaurer un peu de paix sociale dans les quartiers ségrégés où le chômage oscille entre le double et le quadruple de la moyenne nationale. Aussi, la colère idéologique a droite relève-t-elle de la colère de mauvais perdant. Même si elle prend les traits d'une rage que l'on ne retrouve plus guère que lorsque l'on jette des morceaux de viande crue au milieu d'une cage remplie de pitt bulls affamés. Et la colère étant mauvaise conseillère, la droite se divise comme jamais, atteignant un niveau de nullité politique inédite.
La psychodrame attachée à leur élection interne de président de l'UMP plus truffée de fraude que dans les sections socialistes marseillaises n'a pas améliorée l'image. Et en profondeur. Au-delà des quelques semaines de rebondissements ubuesques sur les comptes et recomptes de la COCOE, de la CONAR et autres acronymes, l'UMP est durablement entamée par un manque évident de leadership. Tous peuvent critiquer ouvertement Hollande pour son manque d'envergure, mais le moins que l'on puisse dire est qu'aucun des cadors de droite ne fait preuve d'autorité sur ses troupes. Aucun ne parvient à être ne serait-ce que légitime dans le débat. Sur le même mariage pour tous, ils ont réussi à s'engueuler, à se diviser et même dans le cadre de la primaire parisienne, à s'opposer... Ladite primaire voit d'ailleurs ressurgir le spectre de la fraude et des petits arrangements suspects. NKM, plus habile que Copé, ne rentre pas tête baissée dans la mêlée et devrait s'en sortir sans mal et obtenir l'onction nécessaire de son clan pour battre Hidalgo. Le péril sera grand entre une bonne candidate de droite, pugnace et perfide et une mauvaise candidate de gauche, scolaire et sans imagination. Ces limites ne sont pas trop handicapantes pour un rôle de gestionnaire, mais clairement rédhibitoires lorsqu'il s'agit de faire adhérer sur un nouveau projet. Mais quel que soit l'enjeu de cette mère des batailles locales, Hollande ne se sentira pas menacé ou contraint d'infléchir sa politique tant qu'il ne sentira pas la menace porter sur sa fonction propre.
Or, comme me disait un ami de droite, ayant travaillé avec certains des premiers rôles actuels, pour l'heure Hollande est bien placé pour l'emporter en 2017. En battant Marine le Pen au second tour. Comme souvent avec ces exercices de futurologie, les possibilités de faire évoluer le scénario sont grandes, mais l'on ne voit pas poindre les signes d'un apaisement nécessaire (pour eux) à droite. Et la gauche se contente donc de gérer les affaires courantes sans avoir à prendre de risques sociaux et se permettant même de continuer à ignorer superbement la demande de justice sociale qui défile dans la rue. D'ailleurs, les questions de remaniement, l'éjection immédiate des plus libéraux du gouvernement (Moscovici, Cazeneuve) et leur remplacement par ceux dont le programme était autrement plus ambitieux (Aubry, Aubry, Aubry et peut être Aubry) n'est donc malheureusement plus à l'ordre du jour. Aussi, pour que ce gouvernement tienne ses promesses sociales, il faut aller brûler un cierge pour la réconciliation du camp d'en face...
08:23 | Lien permanent | Commentaires (0)
28/05/2013
L'économie contre les nuls
C'est un livre à part. Un livre d'économie sans chiffres, sans benchmark, sans référence aux taux de change, à la fiscalité modulatoire ou à la relance par la déflation. Pour autant, l'ouvrage repose sur une bibliographie imposante et sur des comparaisons plus qu'intéressantes. L'auteur n'est pas un illuminé, mais un conseiller de banque publique Tchèque, ancien conseiller économique de Vaclav Havel et universitaire. Et il n'en peut mais de l'uniformité de ses collègues, alors il a décidé de prendre du champ et de repenser ce qui fait son quotidien, persuadé que l'économie est une science trop sérieuse pour être laissée toute entière aux mathématiques.
Aussi, Plutôt que de comparer la fiscalité vers l'export du Guatemala, du Mexique de la Suède, de l'Allemagne et des Etats-Unis, Tomas Sedlacek interroge la Bible, les textes hébraïques (pas les fondamentaux de l'Islam, bizarrement), la philosophie grecque où encore les mythes fondateurs de l'humanité comme Gilgamesh.
Son objet est de montrer, à rebours de la doxa actuelle, que l'économie n'est pas une science visant à maximiser le profit et le croissance, mais une lutte entre le bien et le mal, lutte séculaire qui a beaucoup moins cours aujourd'hui que la pensée mainstream avec religion de la croissance s'est répandue sur le globe.
Le passage sur la dette m'a particulièrement intéressé. Il y montre comment nos dirigeants européens (heureusement qu'il ne parle pas des US...) font l'alpha et l'oméga de leurs politiques l'idée d'atteindre un déficit de 3%. Non mais imagine-t-on un banquier qui regarde vos comptes et voit que vous gagnez chaque année 1000 et qui vous fixe comme objectif de ne dépenser "que" 1030. C'est pourtant ce qui se passe dans nos pays depuis bientôt 40 ans. Le résultat est connu : l'humanité n'a jamais produit autant de richesses, pour des résultats beaucoup plus modestes en termes de progrès humain. En cause, selon l'auteur, cette "religion" de la croissance qui ne mène pas vers le bonheur. Nous avons vraiment appris à désirer des choses inutiles, nous avons mis tous nos efforts à faire accroître artificiellement (via la dette) le PIB sans réfléchir aux conséquences de l'accumulation en vain...
L'auteur constate que tout barre en couilles depuis 40 ans et que, même lorsque nous dégageons des excédents colossaux comme entre 2001 et 2008, nous continuons de nous endetter massivement... Pour finalement exploser sur le mur de la dette publique. D'où le fait que nous allons nécessairement devoir penser autrement et réintroduire de la philosophie dans l'économie. Il ne dit pas de la "morale" car le terme a été vidé de sa substance par les tentatives désuètes de "moralisation de la finance". En revanche, il rappelle que l'économie s'est historiquement constitué sur une lutte du bien et du mal et que les économistes actuels semblent bizarrement bloquer sur Smith et Mandeville plutôt que de revenir vers Kant.
C'est un livre qui fait du bien, qui nous élève et nous rafraîchit. Après, le conseiller économique d'Hollande, Emmanuel Macron, fut l'assistant du grand philosophe Ricoeur. Et ce dernier, bien que frotté de culture philosophique semble bien éloigné des préceptes de Sedlacek... Ce n'est pas une raison pour baisser les bras.
07:25 | Lien permanent | Commentaires (0)
26/05/2013
L'étrange cri pour tous
"Hiroshima mon amour, pourquoi pas Auschwitz mon loulou" ? Ainsi Desproges raillait Duras. Que penserait-il de cet étrange cri de la manif pour tous ? Après tout, qu'une partie du pays gueule contre ce qu'ils croient être une atteinte à leur idéal de vie, pourquoi pas. Mais la durée de ce mouvement et surtout son ampleur dépassent à l'évidence le noyau d'illuminés qui croient sincèrement que l'Armageddon nous guette.
On ne peut évidemment être favorable aux manifestations lorsqu'elles sont dans un camp et les mépriser lorsqu'elles sont de celui d'en face. Soit. Mais lorsque les sans-papiers, les chômeurs, ou les salariés inquiets pour leur avenir manifestent, ils sont tous concernés. Venez à un défilé de 1er mai hors contexte présidentiel et vous ne verrez que des masses de plus en plus clairsemées et concernées au plus haut point par leurs revendications. Bon.
Ce dimanche, on nous annonce des centaines de milliers de personnes. Est-ce sérieux d'envisager que ces cohortes de marcheurs sont vraiment intimement persuadés que la loi qui a été voté, et même entérinée par le Conseil Constitutionnel, pourrait être retoquée ? Non, bien sûr. Alors pourquoi marchent-ils ? Parce qu'ils craignent les "changements de civilisation". Nous aurions donc des centaines de milliers de personnes intimement, tripalement convaincues que la face de la France va changer avec cette loi ? C'est étonnant, quand même, l'emphase. Etonnant et stérile. Cette année, j'ai donné des cours de rhétorique politique avec un chouette garçon de mon âge, mais du bord opposé. L'idée était d'apprendre aux têtes blondes à emprunter la langue et les arguments de l'ennemi. Montrer que sur tous les sujets, on peut toujours trouver deux approches, deux biais (un penseur MODEM amènerait une troisième voie, mais c'est demander trop de sagesse aux étudiants et trop de travail aux enseignants....). Nous avons passé en revue bien des sujets, immémoriaux comme d'actualité (de la gratuité de la santé et de l'école au cumul des mandats ou au droit de vote des étrangers), mais nous avons spontanément rayé celui là. Trop bête. Il n'y a pas un argument de ceux qui défilent demain qui tiennent la route une minute. Je parle de la loi. Sur la PMA et la GPA, on pourrait disserter, mais c'est une loi de bioéthique. Pour le reste...
Le mariage ? Qui est encore arc bouté sur cette fête au point d'en faire un privilège pour hétérosexuels ? Pas sérieux. Suivant. Les seules imbéciles qui ont de "l'Union civile" plein la bouche sont des hypocrites confits. Une institution le mariage ? Verlaine et Gide (et André Bettencourt....) n'étaient-ils pas mariés ? Pas sérieux, vraiment.
L'adoption ? Pour avoir un grand frère adopté, je puis attester que les demandes de l'administration et les enquêtes sont lourdes. Les parents adoptants ont infiniment moins de chances d'être maltraitants que les naturels.
La filiation ? Mais les standards d'associations pour enfants maltraités et abusés sont pleins d'appels émanant d'enfant issus d'union hétérosexuels. Tous les scandales pédophiles, tous les enfants battus ou tyrannisés ne sont pas des fils d'homos, à ce que je sache. La représentation archétypale papa-maman est sans doute rassurante, mais elle ne constitue en rien un garde fou.
Bref, tout cela ne tient pas debout et pourtant eux, ce peuple bafoué se tient sur ses ergots. Des centaines de milliers de personnes continueront de hurler, d'expectorer des slogans ineptes. Ils ne se battent pas pour conquérir des droits, mais pour empêcher d'autres personnes d'y accéder. Pourraient-ils alors marcher dans la rue pour demander le retrait de la CMU ? De l'Aide Médicale d'Etat ? Défileraient-ils en masse pour demander l'abrogation des ZEP et des "passe droits" pour les élèves de classes défavorisées ? Renverseront-ils les avenues pour demander l'abrogation du principe de HLM, exigeant ainsi que tout le monde se loge dans le parc privé ? Que n'envahissent-ils les boulevards pour demander à François Hollande de supprimer la retraite par répartition ? Ca ne tient pas debout ? Mais leur mouvement non plus ! Regardez ces milliers de personnes défiler contre un régime qui applique à la lettre leur programme économique et de lutte contre l'insécurité. Il ne leur reste que ce misérable petit étendard, cet ultime drapeau de la révolte. C'est assez pathétique, ce petit cri pour tous.
Quand le temps aura passé, je leur souhaite bien du courage à tous pour expliquer leur grande épopée à leurs enfants : "on s'est battus pour empêcher d'avoir une France aux mains des pédés". Non, vraiment, quel étrange cri...
08:49 | Lien permanent | Commentaires (4)