18/05/2013
Dette étudiante, le benchmark pour les nuls
L'époque aime le benchmark en politique. Ne plus savoir pourquoi ou comment on fait les choses, mais se poser d'emblée la question cruciale et en l'espèce (ha ha), capitale (ha ha bis) : ou nous situons nous ? Partant de l'idée pas nécessairement idiote (encore que), selon laquelle on ne peut pas avoir raison tout seul, il est désormais sans cesse demandé à nos dirigeants de comparer leurs résultats sur tout, dans un inépuisable (mais pénible) concours de bras de fer puéril.
Et ta compétitivité, elle est grosse comment ? Il est beau ton trou de la sécu ? T'as combien d'élèves par classe, toi ? Ho l'autre, il a même pas des bons résultats en PISA, le nul... Un adage historique dit pourtant que comparaison n'est pas raison car chaque pays a sans doute des particularités et des raisons pour procéder comme il le fait. Les éditorialistes les plus tartuffes le rappelle à tour de bras "bien sûr, comparaison n'est pas raison MAIS" c'est plus fort qu'eux. Pour enfoncer la France, il faut sans cesse montrer les Etats-Unis, l'Allemagne ou la Suède, les 3 modèles vers lesquels nous devrions regarder en même temps, nous condamnant à un strabisme décisionnel...
Sur la dette étudiante, que de conneries n'a t'on pas écrit sans voir que nous avions les subprimes sous les yeux. Combien de Sarkozy et de Pécresse ont vanté les marges énormes dont nous disposons puisque "seuls" 6,4% des étudiants français sont endettés. Contre l'écrasante majorité des américains qui comprennent eux, les bons petits, que l'éducation est de l'investissement et que chacun doit investir. Tu parles Charles. Nos pious pious, pas fous, préfèrent bosser même si c'est dur à combiner que de s'endetter. Traînant ainsi un boulet lourd et les contraignant à accepter n'importe quoi au sortir de leurs études pour rembourser les mensualités sous peine de rejoindre très précocement les fichiers des surendettés. Mais Sarko/Pécresse et consorts hurlaient que c'était le meilleur moyen d'avoir des facs dignes de ce nom, riches comme les facs américaines où les chercheurs ont des moyens et les étudiants des locaux au poil. Pas faux. Mais comme pour les villages Potemkine, ils ne montraient qu'un bout des States. Entre temps, Elisabeth Warren, la conscience de gauche d'Obama a déterré le lièvre : la dette américaine des étudiants cumulée atteint près de 1000 milliards. Plus de la moitié de la dette française. Pas mal, hein ? Derrière les chiffres il y a surtout des dizaines de milliers de vies brisées. Car la logique absurde d'investissement dans l'éducation trouve là ses limites : tous ceux qui ont cru qu'ils rembourseraient dès leur sortie d'étude s'explose sur le mur de la réalité. Ceux qui ne trouvent pas de travail très rémunérateur commencent dans la vie avec un boulet de dette impossible à se défaire. Ils ne pourront jamais se loger décemment ou autre parce qu'ils auront suivi des prospectus infâme et engraissé quelques poches de profs (pour une majorité de précaires) et de donateurs. Pas sain. Quelques vainqueurs, des étudiants ingénieurs et surtout financiers, pour une majorité de perdants. Le libéralisme dérégulé ne peut pas s'appliquer à l'éducation pour la bonne et simple raison qu'il ne s'agit pas d'une marchandise, comme c'est souvent dit (pas toujours fait) pour la santé.
En espérant que nos amis socialistes français arrêteront de se comparer et auront le courage de financer les humanités, une vraie nécessité quoi qu'en dise les autres.
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14/05/2013
De la visibilité
Au sortir de cet ample livre (près de 600 pages), on pourrait se dire - à tort- que c'est juste un excellent livre. Mais que, quand même, après les magistrales 100 premières pages, l'éblouissement n'est plus présent à tous les chapitres. Que, passée l'introduction lumineuse et quelques développements ébouriffants, l'auteure se perd dans un luxe de détails, d'anecdotes et ne nous distille plus de nouveaux concepts. On pourrait. Et on aurait tort. Décanté, digéré, le livre ne vous quitte pas et vous vous dites que vous avez sans doute lu ce qu'il y a de plus juste sur l'impalbable omniprésent : la visibilité. Ca touche à des détails, la modestie de l'auteur, le ton, le foisonnement des anecdotes, la justesse de l'analyse, l'élégance du style (rare, chez les sociologues).
L'auteur développe donc ce qui nous entoure, ce que nous devinons, ce que nous intuitons sans savoir le formaliser : ce qui rend visible, comment on devient célèbre, pourquoi et pourquoi cela vaut cher ? La partie sur l'économie de la visibilité est la plus fouillée, la plus riche sans jeux de mots et celle qui prête le plus à réfléchir.
L'auteur revient dans son histoire jusqu'à Alexandre le Grand, le seul qui était massivement connu de gens qui ne le connaissait pas personnellement. Puis explique que jusqu'à l'invention de la photographie, les 3 types de personnes qui sont reproduites en tableaux (hors commandes de nobles) sont les saints, les héros et les génies. Aujourd'hui, ce serait les grandes figures caritatives, les sportifs et les chercheurs (ou entrepreneurs) mais le trio de fonctions stimulées persiste. La différence avec cette visibilité est donc qu'elle a commencé à être monétisée dans des proportions fortes et surtout de façon décorélée du talent. Autant Star Academy reconnaît une forme de talent (avec accélération de la reconnaissance de rapidité) autant Loft Story ou les It Girls comme Paris Hilton reçoivent de l'argent du simple fait qu'ils sont visibles. Les développements sont bien plus longs et savoureux.
On sent que l'auteure a eu de nombreux échanges avec l'économiste André Orléan (l'auteur de "l'Empire de la valeur"), le livre ne porte pas de jugement moral. Cela en choquera certains, mais la critique et la déconstruction des effets de valeurs haussières et baissières n'en est que plus juste. Elle n'adule pas les stars, ne les envies pas, ne les méprise pas non plus. A la fin du livre, un coup de pied de l'âne inédit intervient : elle rappelle une étude jamais citée que les "personnalités exposées, les stars" effectuée sur un grand nombre de cas. Par rapport à la moyenne, les stars ont une espérance de vie de 13 ans inférieure à la moyenne, elles se suicident 3 fois plus et sont deux fois plus alcooliques. La traduction savante du célèbre "pour vivre heureux, vivons cachés". Madame Nathalie Heinich, vous n'êtes pas connue, je ne vous connais pas, mais après vous avoir lu, je vous dis merci.
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13/05/2013
105 brutes attaquant un Gentil...
Manquait plus que cela pour définitivement réconcilier la Nation et les politiques : Guaino se prend pour Clint Eastwood. Comme Clint, il se lève seul, sur de son bon droit et va rétamer la gueule des méchants. En chemin, il trouve quelques acolytes et la justice triomphe. Dans le remake français du " Bon, la brute et le truand" la liberté scénaristique est assez étonnante puisque les justiciers veulent aller faire la peau... aux VRAIS justiciers...
Je suis tombé hier sur l'émission politique de France 5 où Guaino invité ne comprenait vraiment pas, sincèrement pas, en quoi son attitude pouvait être choquante. Il commença par une longue tirade sur le Mur des Cons. Pas nécessairement bien inspiré. Puis, il fit un détour sur cette histoire de lettre, mais l'on sentait bien qu'il souffrait de devoir répondre à pareille question. Il persistait et signait. Le juge Gentil bafouait les principes élémentaires de la République et puis de toutes façons, c'était un homme solide, il n'allait pas se laisser impressionner par une petite bafouille. La journaliste lui fit tout de même remarquer que c'était inédit dans l'histoire de la République, mais Guaino inversa le propos en arguant que le véritable caractère inédit était qu'on vienne l'emmerder. Guaino si prompt à péter les plombs et à quitter les plateaux se tint calme. Peut être parce que Caroline Roux, la journaliste qui sait être fort pugnace avec d'autres têtes ( je l'ai vu triturer Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, titiller Mélenchon (sans succès) ou encore Eva Joly) fut plus sympathique avec l'ex plume de Sarkozy, elle qui a épousé Laurent Solly, le nouveau DG de Facebook après avoir occupé le même poste chez TF1 en transfuge de chez... Sarkozy Nicolas. Mais je pense sans doute à mal.
Quoi qu'il en soit, même sans parler de la connivence journalistico-politique, le plus grave dans cette histoire, c'est les 105. Guaino est jobard, il avait insulté un député (Jérôme Guedj) en direct et globalement souffre peu la contestation. Qu'il se croit à nouveau parti dans je ne sais quelle croisade pour une politique plus noble, grand bien lui fasse. En revanche, que 105 députés sur 194 élus UMP (soit plus de la moitié d'entre eux) s'essuient joyeusement les pieds sur la séparation des pouvoirs, il y a de quoi pleurer... Et d'espérer que pour leurs vacances d'été, au lieu de revoir des Westerns en DVD, ils se mettent à lire je sais pas moi, L'Esprit des lois de Montesquieu, par exemple...
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