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03/07/2013

1 an après : rasemblementir

circuit-menteur.jpgEn ces temps où l'on atteint le point Godwin en quelques clics, j'aurais même pu titrer le "Rat semble mentir" tant de toutes façons, il n'y a plus rien à espérer de ce social-libéral. Se renier à ce point, sur tous les sujets, ça confine à la psy lourde.

Cette piste d'explication ne me dit rien, il y aura bien 3 journalistes analphabètes pour interviewer deux psys en manque de reconnaissance sur le rapport d'Hollande à la nourriture, qui explique un déficit d'autorité, qui s'est déplacé sur son rapport à la mère et s'est transféré sur son rôle de président sans passer par la case prison... 

Bien sûr, les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent et tous les dirigeants se font élire sur une part de malentendus. Mais le cas Hollande est plus complexe. Il y avait eu une primaire avec 5 candidats. Un amuseur de galerie (Baylet) un projet de gauche classique (Aubry) un nouveau projet de gauche (Montebourg) et un projet de droite (Valls). Hollande était historiquement rien. L'homme de la synthèse, le haut fonctionnaire sans vision de la société, ni vraiment sociale ni trop libérale. En termes de storytelling impensable. La rigueur économique prévue de longue date, le monsieur sérieux pour gommer monsieur petites blagues constituait une marche pour rassurer ses troupes, mais pas pour conquérir au-delà de Solférino. Alors il s'inventa une histoire conquérante et gourmande. 

C'était il y a un an à peine, c'était il y a un déjà. Pour se faire élire Président des français, ce petit baron socialiste s'inventait une double mythologie : l'ami des écologistes et l'ami des femmes. Il n'envisageait de croissance que responsable de la planète et de gouvernance que mixte ou paritaire selon le terme usité. Quelle double carabistouille. Pour l'écologie, il a confié à Jacques Attali une mission sur l'économie positive, qui ne l'engage pas le temps de son mandat. En revanche, exit Fessenheim, welcome Notre Dame des Landes, ambiguïté maintenue sur le gaz de schiste (alors que la dernière technique de fracturation hydraulique est toujours aussi polluante : on a retrouvé des horreurs dans un lac situé à 1km de l'exploitation la plus flambante neuve, en Pennsylvanie) exit la Taxe Carbone, pas de nouveaux brevets verts. Etc etc etc... A l'heure des arbitrages, des grandes calculettes et autres chiffres à la décimale l'écologie prend -7%. On ne peut faire pire... Pas un budget à prendre aussi cher, les finances publics n'auraient pas été plus menacées à un seul -2%...

L'autre truc, c'était les femmes. Déjà, Batho étant remplacée par Philippe Martin, le truc 50/50 est achevé. Après, comme le faisait remarquer Réjane Sénac après l'élection d'Hollande l'an passé, la parité n'est pas entré dans les moeurs. A part Lurel, les hommes de ce gouvernement sont tous blancs, les femmes représentent en plus la diversité (Pellerin, Vallaud-Belkacem, Taubira, Benguigui, Langevin...) la jeunesse, la société civile et autres. Elles correspondent à toutes les attentes sociétales qu'Hollande doit calmer. Qui plus est, même si Taubira et Touraine ont de gros portefeuilles, l'équilibre des responsabilités est très loin d'être acquis... Hollande tient toujours les femmes pour des subalternes, raisons pour laquelle il a écarté Martine Aubry. Enfin, regardons ce qui est dit du licenciement sec d'hier : plus de couac. Nous prend-t-on pour des cons ? Cahuzac mis en examen, déconnant abondamment pendant 4 mois, reste. Montebourg, qui désavoue le Premier Ministre à la moindre occasion depuis un an (Florange, Dailymotion, Renault) reste... Le crime de Batho est sans doute avant tout d'être une femme...

Ca va être long 4 ans à l'avenant...

01/07/2013

Entrer dans la lumière en l'éteignant ?

la-coree-du-sud-eteint-la-lumiere-pour-augmenter-le-taux-de-natalite_18367_w250.jpgDe toutes les unités de mesure récentes, une des plus emblématiques de l'époque porte un nom aussi ridicule que possible, mais dit bien ce qu'elle veut dire : le BUM. Le bruit d'unité médiatique et son dérivé internaute, le buzz, semble être devenu un nouveau Graal pour maints décideurs, maints politiques, maints artistes, toujours en devenir selon cet infecte vocable : des wanabees.

Ce mot employé pour les graphomanes non encore publiés semble désormais correspondre à toute une masse indistincte qui fait, agit, mais ne s'en contente pas. Elle voudrait plus. Englués dans un présentéisme intense, les wanabees ne vivent qu'en aspirant perpétuellement. Et pour se faire remarquer dans un loft médiatique si encombré que l'on vire à l'asphyxie, il faut souvent faire preuve d'outrance. D'où des propositions de lois plus folles les unes que les autres, plus dythirambiques, lyriques, excentriques, grandiloquentes. L'Assemblée vire parfois à la foire d'empoigne et au concours Lépine de l'idée la plus marquante et absolument inapplicable.

Or, en ce 1er juillet, dans l'indifférence la plus totale, perdue entre 2 commentaires sarcastiques sur les statuts de l'UMP et l'analyse des résultats du Tour de France, un texte de loi change les choses. Les journalistes parleront abondamment du prix du gaz et de la taxation des CDD, pour savoir si le curseur national va un peu plus à gauche ou un peu plus à droite en fonction des pourcentages de hausse ou de baisse. Ils pourraient parler plus largement d'un texte de bon sens qui oblige, à compter du 1er juillet, les enseignes commerciales à éteindre leurs lumières entre 1h et 7h du matin. Bien sûr, c'est un texte trop mou, à l'image du gouvernement, et on aurait préféré une extension entre 20h et 9h du matin, quand les magasins sont fermés bien sûr, mais quand même, c'est déjà cela. Rien qu'avec ces 6 heures d'extinction, le total des économies d'énergies engendrées sera de 200 millions d'euros. On comprend donc que les commerces préfèrent payer plutôt que de se priver de ce qu'ils pensent être une bonne publicité. EDF n'allait pas les dissuader, préférant encaisser cette dépense énergétique inutile. Cela montre les limites de la seule puissance de la fiscalité pour contraindre les entreprises à aller vers plus de vertu écologique et l'utilité de planification et de radicalité politique. Ca n'a l'air de rien, ces interrupteurs baissés, mais à l'échelle du pays, cela permettra d'éviter l'émission de 200 000 tonnes de CO2. 

200 000 tonnes de CO2 et l'auteur de ce texte de bon sens et porteur d'une utilité sociale énorme est anonyme. Gloire te sois rendu soldat inconnu de l'intérêt général. Signes en plein d'autres à l'avenant...

29/06/2013

Dépasser 1000 pages après l'an 2000 ?

9782021025347.jpg "Un bon roman est un gros roman" m'a dit un soir devant une -grosse, évidemment- bière, mon ami Laurent Binet. L'auteur d'HHhH m'expliquait un jour qu'il existe deux types de littérature : les nouvelles, jusqu'à 150 pages, et les romans, à partir de 300. J'imagine qu'entre 150 et 300, ce sont des petits romans J'avais trouvé l'analyse consternante de facilité, de complaisance avec son propre ample roman. Puis, le Binet fielleux m'avait cuisiné sur les oeuvres qui m'avaient marqué. Vraiment marqué. Que je relirais, qui me hantent et dont je connais les boissons favorites des personnages et les recoins de la trame. Pas seulement des auteurs dont j'encense le style, la phrase, comme mon idole absolue, Bernard Frank, mais dont je pourrais difficilement exhumer une chronique plus qu'une autre... Perplexe, j'admettais que le 1ère classe Binet marquait un point. J'aime Echnoz, Gracq ou Ponge, Manchette, Vialatte et Ernaux (et aussi Desproges, en fait...) pour leur concision, mais j'aime leur oeuvre avec un O, j'aime leur geste, mais je ne suis pas certain de pouvoir isoler un roman en particulier. Un roman c'est gros parce qu'il faut camper, installer, poser la trame, le décor et surtout, les silences. C'est tout un art, non pas d'emmerder, mais de faire attendre son lecteur.

Les Misérables, Les Karamazov, Au Dessous du Volcan, La conspiration, Jean Barois, Voyage d'un Européen à travers le XXème siècle, Martin Eden, Les filles du Calvaire, 100 ans de solitude,  Eureka Street, la conjuration des imbéciles ... ... ... Le Maître et Marguerite, La Storia, Les soldats de Salamine, Le journal de Jules Renard, Cité à la Dérive, Lucien Leuwen (to be continued)... Il n'y a pas d'automaticité, heureusement, mais souvent les livres qui m'ont marqué durablement sont massifs, épais, mafflus même. Pas que l'important soit la taille, mais la durée pour rester dans le graveleux. Apprendre à s'immerger, à prolonger des échanges, à découvrir au delà des apparences. Cela peut valoir y compris pour des textes courts compilés en anthologie : une amie bien attentionnée nous a offert pour notre mariage (et oui...) l'intégrale de Desproges. Plus de 1000 pages du génie de l'humour au 20ème siècle, plusieurs centaines de textes de quelques pages dont on ne goûte toute la puissance, toute la force, qu'en en lisant beaucoup, plus qu'en picorant. Idem pour les chroniques de Vialatte, rassemblées par Bouquins dans et c'est ainsi qu'Allah est grand

Pardon pour le détour initial, mais tout cela pour dire qu'en 2013, à l'heure où cela semble de plus en plus difficile, j'ai dévoré dans la grande nuit des temps d'Antonio Munoz Molina. Bernard Frank, encore lui, aimait à dire qu'au fond on pourrait résumer les quelques 5000 pages d'à la Recherche du temps perdu, ainsi : "le petit Marcel veut devenir écrivain". Le talent fait le reste. Là, c'est Ignacio, un architecte qui a fui l'Espagne en guerre (36), laissant femme et enfants dans la Sierra pour aller se réfugier, prébende de visiting professor à l'appui, aux Etats-Unis où rôde le spectre de son ex. Ca fait maigre. Un cost killer efficace appliqué à la littérature pourrait raboter 900 pages avec une trame pareille. Il se casse, il explique pourquoi, un détour par l'adultère, 10 pages sur la situation en Espagne et on signe la fin de la récré. Mais Munoz Molina est habité par son récit, il aurait pu continuer et on l'aurait suivi dans les souffrances et les interrogations de cet architecte qui aurait voulu être plus que cela. Un démiurge, un deus ex machina ayant prise sur l'histoire qu'il ne fait que fuir. Un bâtisseur de sentiments qui aurait pu conquérir cette belle américaine, lui faire tourner la tête au point de tout abandonner, mais c'est l'inverse qui se produit. La politique ici n'est pas un coup de pistolet au milieu d'une église, mais une surcouche qui nous aide à mieux mettre à nu les grandeurs et faiblesses humaines : elle révèle les lâchetés ou le courage, oppose des visions du monde. 

En 2013, la durée moyenne des articles de presse continue de chuter. Les 5 colonnes à la une des années 60 ne sont plus que 2 dans les éditos les plus impérieux. Les vidéos sur Internet sont sommés de se raccourcir, de se racornir et les concours de pitchs entrepreunariaux les plus courus se passent en 1 minute. In or out, but quick. Les séries se formatent en court et tout à l'avenant. Comme le montre Hartmut Rosa dans Accélération, tout mouvement violent dans l'histoire provoque des contre-mouvements en retour : des revues plus longues, des films de 5h, des pièces de théâtre interminables. Le défi est de taille quand la capacité de concentration s'effrite du fait de la sur-sollicitation : je connais autour de moi des dizaines de personnes ayant acheté les 900 pages des Bienveillantes de Johnatan Littel, mais peu qui ont achevé le roman. L'été arrive, à tout le moins de façon calendaire et entre les vacances et la décélération du rythme de travail, nombre d'entre vous auront le temps de lire dans la grande nuit des temps, vous allez au devant d'un plaisir infini. Et rare.