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02/10/2020

Séparation, piège à con

Rarement un aussi long discours, aussi attendu, assez équilibré et préparé, n'aura débouché sur autant de vide et de frustration. Sur un thème abrasif, clivant, Macron a choisi la pondération. Il ne s'est pas rendu coupable de petites phrases faciles, de clichés, pas de bruit et d'odeur... Et pourtant, il a séparé.

Les nervis d'ultra droite, chauffé à blanc par la droitisation du débat avec C News et BFM qui se déportent tant qu'il ne reste plus de place à droite. Eux, attendait la dissolution de l'islam en France, qui n'est pas venue. Ailleurs, on pointait justement qu'un texte sur "les séparatismes" et qui ne parle que de l'islam radical est une nouvelle provocation, une nouvelle stigmatisation par contumace de tous les musulmans. Le processus est éprouvé et ici, décuplé : charge aux jeunes femmes qui portent le voile d'expliquer qu'elles ne sont pas sous emprise, à ceux qui fréquentent les mosquées qu'ils ne sont pas sur le point de commettre un attentat... Au final, en se voulant pondéré et modéré, on est en réalité clivant et sarkozyste et a renforcé les stéréotypes.

La séparation républicaine, elle existe. Ce sont les contournements de carte scolaire, le refus d'appliquer la loi SRU en payant cher des avocats pour ne pas avoir de HLM sur sa commune, c'est la fraude fiscale à foison, c'est le vide de péréquation financière entre départements d'une même région... Et pour toutes ces fractures ouvertes, aucune loi de prévue. Celle de ce matin, en revanche, ne change rien à la réalité, fors dans l'esprit des commentateurs. Les enfants déscolarisés pour radicalisation religieuse, on peut déjà les ramener à l'école. Les prêches haineux, idem, les endroits interdits aux femmes, itou. Du vent, de l'esbrouffe. Sur ce thème, notre arsenal judiciaire est mille fois assez important pour prévoir toutes les situations et donner la main aux élu.es locaux le cas échéant. La République n'est évidemment pas désarmée, mais en occupant le terrain pour dire qu'elle l'est on tend un piège aux cons. Qu'il nous soit permis de ne pas tomber dedans. 

28/09/2020

Impôtphobie

Ça n'est pas pour me vanter, mais je paye beaucoup plus d'impôts que Donald Trump et je suis loin d'être milliardaire... Les révélations du New York Times tombent évidemment à point nommé, avant le premier débat et devrait aider cette ambulance trouée de toutes parts qu'est Joe Biden à l'emporter quand même. Mais on aurait tort de cantonner le problème à Trump. C'est un drame, un séparatisme gigantesque qui concerne tous les ploutocrates, ce qui incluent nombre de potes et de soutiens de Biden, Bloomberg en tête...

Suite à la réforme fiscale du même Trump, en 2018, les familles pauvres américaines payent en moyenne 24% d'impôts quand les 400 premières fortunes aux États-Unis en payent... 23%. Ne cherchez plus l'erreur, ne cherchez plus les monceaux de milliards qui manquent, ils existent !

Toutes proportions gardées, le problème est le même en France. Nos classes moyennes payent effectivement beaucoup d'impôts, mais elles ont en retour beaucoup de services publics (beaucoup plus que dans les pays vraiment libéraux), le problème étant que nos 400 fortunes en payent infiniment moins que nous... Et cette injustice se répercute sur les entreprises : alors que nos PME/TPE ont des cotisations diverses importantes, le CAC continue de payer beaucoup, beaucoup moins. En apparence, l'écart s'est réduit et n'est plus comme au début des années 2000 de 33% d'IS pour les PME et de 8% pour le CAC, mais ce car nos 40 voleurs ont bénéficié entre temps d'exemptions honteuses comme le CICE qui ne sont même plus reconnus comme un dispositif exceptionnel, Macron l'ayant fait rentrer dans le bien (ou le mal) commun. Ajoutez à cela que nos amis du numérique yankees à qui nous déroulons le tapis rouge se foutent copieusement de notre gueule : Netflix a payé 500 000 euros d'impôts en France, en 2019, pour 80 millions d'euros de bénéfice déclarés. Nous fermons les yeux sur des flagrants délits. AirbnB, Uber, Microsoft, et même Facebook et Google payent peanuts, embauchent guère plus et nous continuons à leur offrir des prébendes. Nausée.

Je ne critique jamais "les médias" car ils n'existent pas, mais il y a une musique entonnée dans les années 80 avec ce torchon de Challenges, qui affiche joyeusement le classement des fortunes françaises. Et, il faut des complices pour réussir des hold up, ce numéro est chaque année la meilleure vente... Il y a toujours ce petit désir d'en être. Prendre en compte les ordres de grandeur permettrait de voir qu'ils volent de quoi financer les hôpitaux de sorte à être pour 6 vagues Covid (avec des lits, des personnels en renforts, équipé.es, payé.es dignement, des tests et des stocks de masques et médocs....), à l'Université d'accueillir toutes et tous selon les mêmes standards de qualité, investir des monceaux pour changer notre politique agricole et énergétique, de transports, pour l'adapter au changement climatique etc etc... On ne devrait parler que de ça, que de ça. Il y a un an (septembre 2019), quand Thomas Piketty exposait cela calmement, Léa Salamé lui posa la question suivante "Finalement, vous voulez éradiquer les riches, c'est ça ? N'est-ce pas un peu une idéologie liberticide ?". La liberté d'être impôtphobe a, hélas, de beaux jours devant elle... 

 

22/09/2020

Bonheur privé malheur public, edit Covid

Souvent les sociologues ont cette formule pour résumer les injonctions paradoxales françaises : bonheur privé, mais malheur public. "J'ai confiance en l'avenir de mes enfants, en mon futur professionnel, mais en revanche, je crois que le niveau baisse, et que la lame du chômage va tout emporter"... "Je n'ai jamais été témoin d'actes violents, mais je suis persuadé que le pays est victime d'ensauvagement"... Ad nauseam.

Appliquée au Covid, cette martingale s'enraye de plus en plus. A force de répéter que nous allons vers une catastrophe si nous ne durcissons pas les règles, nous nous contaminons mentalement et collectivement. Mais, à titre privé, tout va toujours bien. Si tout empire actuellement, ça n'est jamais de sa faute.

Non, le problème, ce sont les autres. Les jeunes d'abord, qui ne comprennent rien, les cons. Songez que les filles d'aujourd'hui ne comprennent même pas ce qu'est une tenue républicaine, les péronnelles, que voulez vous qu'elles entravent aux gestes barrières ? Il y a aussi les migrants et les pauvres. Comprenez moi bien, je ne suis pas raciste, mais ils l'ont dit sur C News, "dans le 93 et le 95, le virus circule plus qu'ailleurs". Ce sont des départements où les non blancs et les RSAistes sont plus nombreux qu'ailleurs... Coïncidence ?  Vous voyez bien que non... C'est terrible... Il y aussi les fêtards, les désoeuvrés, les chômeurs, tous ceux là font rien que traîner sans masques, les nazes. Ça m'ennuie de dire ça, mais si nous étions uniquement entre gens de bonne compagnie, entre gens de confiance pour employer le nom d'un site que Gonzague et Bérénice m'ont recommandé, tout irait bien ma bonne dame. 

Il y a quelque chose de foncièrement réactionnaire, de foncièrement rance et un peu dégueulasse dans le pays en ce moment. Comme si nous allions vers un enfermement maximal par la faute d'irresponsables, de jean-foutre... Et évidemment, la perspective d'un nouveau tour de vis nous rend moroses. 

Dans "l'Archipel français" Fourquet montrait bien l'affaissement si rapide, si puissant, si irrémédiable des corps intermédiaires, rend toute parole publique plus faible... Une multitude petites joies privées persuadées qu'elles feraient, forcément, mieux, que les tenants du pouvoir. En l'espèce, il serait temps que nous nous rappelions le Commun du pays que nous habitons. Si en ce moment ça couine, ça panique, c'est à cause d'un tout d'un continuum. Plutôt que de hurler à la mort, aux fermetures "inéluctables" des écoles, des entreprises, des cafés, des théâtres, nous ferions mieux d'avoir comme seul et unique objectif de nous demander quelles sont les conditions à remplir pour les maintenir ouverts. 

Quoi qu'en disent les courbes de cas contacts, de malades, de lits de réas, un monde sans savoirs communs, sans joies partagées, sans fêtes communes, ne vaut pas la peine d'être vécue.