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29/10/2020

L'État compte sur vous

Ce matin sur Inter, Richard Ferrand a eu une sortie absolument contrôlée, absolument voulue, la plus parfaite incarnation de ce qu'est la macronie :  "Si on est malade c'est qu'on n'aura pas fait aussi attention que nécessaire(...) Nous devons être en grande vigilance (...). Ce n'est pas une question de faute, c'est une question de responsabilité". Ces gens-là sont fascinants. Face aux dérèglements climatiques, ils en appellent aux éco-gestes, devant le tsunami social, ils exigent des chercheurs d'emplois que ceux-ci traversent la rue et donc maintenant, face à une maladie qui se promène dans l'air, les responsables sont ceux qui sortent. C'est fou. 

Personnellement, je connais des tas "d'irresponsables" qui n'ont pas encore chopé le Covid. Ils vivent de façon insouciante, portent le masque de façon aléatoire, se servent dans le bol apéro de leurs comparses. Bon, coup de bol c'est passé. Je connais aussi nombre de sérieux, d'anxieux, de responsables en diable qui l'ont chopé. Personnels médicaux, commerçant.es, enseignant.es travaillant masqué.es, mais à une pause clope, à un déjeuner, c'est arrivé. C'est eux qui sont malades et on va encore les accabler ? 

C'est navrant et pour autant parfaitement cohérent. Dans "le culte de la performance" Alain Erhenberg analysait le nouveau discours dominant dans les années 80 chez les néo libéraux, celui de la performance (dopée) des sportifs de haut niveau, avec un champ lexical qui envahit rapidement l'entreprise et contamine (ha ha) peu à peu le politique... Le corps libéral est un corps "fit" asséché, sans faux pli, sans relâchement, donc. Aussi, face à une épidémie, il sait faire face, il s'adapte, il affronte le virus tout gainé, insubmersible. En 1980, ça avait l'attrait de la nouveauté, 40 ans plus tard, on sait bien que ça n'est que ruine du commun... 40 ans de leurs politiques ont fait exploser les inégalités et donc renforcé les inégalités de naissance en diable, renforcé les déterminismes. En somme, leurs politiques ont fait que les responsabilités individuelles sont de plus en plus biaisées comme lecture du monde et ils n'ont que ça à proposer ? Déplorable...

Ces gens-là ne sont jamais à une contradiction près (mais ils préfèrent parler de "pensée complexe") : ils nous privent de tout sans nous concerter, nous enlève toute forme de responsabilité élémentaire : nous déplacer ou pas, travailler ou pas, aller aux spectacles au restaurant, ou pas etc etc... Et in fine, si ça ne va, ça serait de notre responsabilité ? M'est avis qu'il va falloir beaucoup, beaucoup de vodka pour arriver à la fin de ce deuxième (prudent, ne pas dire "second") confinement... 

27/10/2020

Nos enfants nous haïrons (et ils auront raison)  

Le blockbuster de l’automne sort, non pas en salles, mais partout dans le pays avec quelques semaines d’avance : 50 nuances de confinements. De l’enfermement total au régime de semi-liberté suivant un axe boulot-boulot-dodo pour éviter le métro, les pistes qui se dessinent ne sont guère riantes. Mais plus encore, ce qui me subjugue, c’est la rapidité avec laquelle l’inéluctabilité de ces fermetures s’est imposée à nous. La célérité avec laquelle le corps médical a imposé son emprise sur nous, empêchant toute forme de débat ou de controverse politique avec eux. Car je ne veux évidemment pas avoir de controverse médicale, je ne remets pas en cause leur autorité indéniable, je dis simplement qu’une composante de la nation ne peut pas imposer ses vues à toutes les autres, surtout avec des conséquences aussi lourdes, sans qu’on en parle.

 

Évidemment que d’un point de vue médical, reconfiner est, non pas la meilleure option, mais la plus sûre pour faire chuter le nombre de contaminations et donc espérer ainsi rouvrir les hôpitaux à d’autres prises en charge. En Ile-de-France, aujourd’hui, 80% des opérations prévues sont déprogrammées. Alors en fermant quelques semaines, on aura peut être de nouveau une fenêtre de tir de quelques semaines pour opérer des hernies, des changements de pacemaker, retirer des tumeurs et autres menues plaisanteries qui expliquent qu’avant mars 2020, les soignant.es n’occupaient pas des emplois fictifs…

 

Mais pour les autres ? J’entends beaucoup de bien portants, de bien vivants, de non menacés, expliquer doctement que « c’est pénible mais il n’y a pas d’issue ». Quid des 25% de celles et ceux qui se sont apauvri.es jusqu’à la banqueroute ? Quid de ceux qui ont fermé leur commerce, activité, et ne rouvriront pas ? Quid de ces presque 60% de chercheurs d’emplois qui ne touchent plus aucune indemnité (chiffre cité par Samuel Churin toujours inattaquable sur ses données), quid de celles et ceux qui ont été ou vont être expulsés ? Croyez-vous que la plus grande crainte des SDF, des chercheurs d’emplois en fin de droits, des patrons de PME à deux doigts de la liquidation judiciaire soit d’attraper le Covid ?

 

Pendant plus d’un an, les gilets jaunes exigeaient de la dignité des fruits de leur travail, le retour de service public de proximité envolé et l’ouverture de lieux de sociabilité encouragés fiscalement comme les métropoles avec leurs centres commerciaux. La colère ne gronde plus car elle est devenue hors la loi, mais les raisons se sont-elles évanouies ? Pas sérieux…

 

Les profs, dont on ne parle plus qu’à l’aune du drame de Conflans Saint Honorine, pour pouvoir débattre ou non des caricatures, faut-il déjà pouvoir débattre. Pouvoir enseigner en présentiel, repérer les manques, les carences, les décrochages, tout ce que le premier confinement a abîmé… Les évaluations de septembre étaient cataclysmiques… Mais là encore, si on regarde qui a accès au porte-voix médiatique, on nous serine avec tous ces parents qui se sont mués en profs de secours et puis les mômes ont regardé des classiques de ciné, parlé politique à table, appris à jardiner… Là encore, un portrait Potemkine de la jeunesse hexagonale qui ne trompe pas grand monde, mais par flemme ou inconsistance on continue à propager ce bobard pour dire que le confinement, ça ne sera pas si grave pour les mômes…

 

Je pourrais en rajouter sur la nécrose du milieu culturel, les troubles psychiques qui explosent tant en tant, la solitude exacerbée des anciens et la frustration folle des jeunes, mais vous l’aurez compris, mon point est juste de dire que les conséquences futures du confinement sont potentiellement dix fois pire que ce que nous préservons en baissant le rideau. Les malheurs liés à la crise Covid reprennent ce vieux dicton voulant que un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, plutôt préserver des morts sûres et visibles liées au Covid plutôt que d’empêcher une hécatombe sous-jacente, un délitement non apparent. Quand vous avez une fenêtre cassée dans votre appartement, le mal est certain et connu. Quand vos fondations sont grignotées, vous ne voyez rien et peu à peu, l’immeuble s’affaisse alors qu’il est trop tard pour bétonner et sauver le tout.

 

Alors évidemment, rhétoriquement, dans un monde habitué, voire obnubilé par le court terme, penser aux générations futures, c’est se tirer une balle dans le pied. Le gaz de schiste de maintenant vaut mieux que les terres ravagées de demain, les rentrées d’argent de la 5G de tout de suite valent mieux que les dépenses énergétiques inassumables de demain et la notion de « vies sauvées » hic et nunc est plus puissante que les « catastrophes évitées, demain ». Je sais bien que rhétoriquement, c’est injouable de dire que oui les hôpitaux vont être saturés, oui il y a aura des semaines sombres, oui on ne pourra pas intuber tout le monde et ainsi de suite ; Vous dites cela et le rubicond Godwin vous frappe en pleine nuque : vous êtes un nazi. Ce débat est confisqué, il est pourtant digne et mériterait d’avoir lieu. Regardant ma Petite Merveille de fille et songeant aux lambeaux d’écoles et d’hôpitaux que nous allons lui laisser, des ruines fumantes et hélas inconstructibles d’une culture pour beaucoup, j’implore son pardon. Mais je ne pourrais pas lui en vouloir si en grandissant, plutôt qu’un placide « OK boomer », elle crache à la gueule des anciens…

 

22/10/2020

Nous sommes en guerre... Du récit

6 avril 2021, journal de 8h : "Hier, nouveau record, 7 643 personnes ont été expulsées soit 1 300 de plus qu'hier. Depuis le 1er avril et la fin de la trêve hivernale, la France a connu plus de 25 000 expulsions de domicile, dont près de la moitié avec des enfants mineurs". 

"Chômage : 700 000 demandeurs d'emplois supplémentaires se sont rajoutés à Pôle Emploi. Bonne nouvelle, cela ne gonfle les chiffres que de 100 000 personnes, puisque 600 000 personnes ont été radiées ou ont abandonné leurs recherches". Santé : le nombre de cancers et de maladies chroniques continuent à exploser, faute de soins et de prise en charge en temps et en heure, en 2020". Covid : Olivier Véran et Jean Castex tiennent à rappeler que la vigilance doit demeurer notre priorité tant que la saturation des lits de réanimation n'est pas loin. Ensemble, éloignons le virus"....

Je ne bosse pas à l'INSEE, et les chiffres changent chaque jour, mais les ordres de grandeur sont là. Je ne comprenais pas qu'ils ne nous chamboulent pas davantage. Un ami, patron social en diable, insoupçonnable, m'a presque hurlé dessus "les hôpitaux ont 3 semaines d'avance, on meurt Vincent, on meurt, je n'enverrais pas mes équipes à l'abattoir en ouvrant de faon inconsidérée". Il était victime de la propagande sanitaire menée actuellement.

Comprenez moi, je ne nie en rien la dangerosité du Covid, j'inverse juste le diagnostic : on vit une crise mondiale sanitaire sur laquelle nous avons peu de prise. Le truc est dans l'air. La Chine l'a vaincu, les démocraties galèrent toutes... La crise sociale et économique, en revanche, dépend de nous : que voulons-nous, qu'est-ce qui nous meut, qu'est-ce qui est prioritaire, conservez vaille que vaille les plus fragiles ou donnez les mêmes chances aux générations futures ? On a choisi. C'est désespérant, mais rappelons que nous sommes prompts à chercher des poux dans la tête de celles et ceux qui fraudent le RSA ou la sécu (peanuts) quand on donne la légion d'honneur aux fraudeurs fiscaux qui, après avoir volé des dizaines de milliards (coucou, Bernard Arnault) donne 3 pièces pour un suppo miracle et du gel ? Heureusement que Lacan n'est plus là pour nous dire ce que ça charrie en termes de symbole...