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30/01/2012

Huffington Post : beaucoup de buzz pour rien...

martine-reine-du-buzz.jpgSi j'étais tombé par hasard sur ce site, j'aurais simplement passé mon chemin rapidement, lassé par ces billets sans hiérarchie, sans queue ni tête et où l'auto-promotion la dispute aux billets à charge. Depuis que le net a acquis une certaine audience, le nombre de petits malins qui veulent faire de la promotion grimée en site d'information sont légions. Sauf que celui-ci a vu sa mise en ligne savamment orchestré depuis des semaines, avec tout un barouf sur la personnalité de la rédactrice en chef, Anne Sainclair.

Occupation des locaux du Monde, utilisation éhontée du nom, de la marque le Monde, sur le bandeau, partout dans le site... Enfin, cherry on the cake, le site a bénéficié de l'onction mondiale apportée par la fondatrice. Tout est là pour dire "attention, sites d'info en ligne la révolution est en marche". C'est une révolution de palais sereine, qui se mène à 8 clampins quand Rue89 ou Atlantico disposent au bas mot d'effectif trois fois plus important. Rue89 a mis du temps à recruter des riverains, fidéliser des lecteurs critiques, Atlantico a débarqué d'emblée avec des moyens, pour promouvoir le sérieux de son site. Je ne prends que ces deux sites car ils sont fondés sur la gratuité, Médiapart ne peut décemment pas être comparé pour cette raison.

Le Huff' donc, c'est 8 salariés mais un déluge de textes : miracle arithmétique rendu possible par le recopiage consciencieux de dépêches AFP d'une part et par la mise en avant des troisièmes couteaux encore disponibles chez cette denrée que les journalistes affectionnent "les experts". Sauf qu'au lieu, ce qui serait sain, de solliciter les tonnes de très bons profs ou représentants associatifs et syndicaux que l'on n'entend pas dans le vaste barnum de l'info Mainstream, le Huff' veut jouer la carte de la célébrité. Ca donne des noms assez pathétiques comme Raymond Domenech ou Zorah Bitan, qui a pour titre de gloire d'être "l'ex porte-parole de Manuel Valls": mazette ! Des éléments de langage reprenant un playmobil spécialisé dans le débit d'éléments de langage comme d'autre des copeaux de bois, ça donne quoi ? Surtout, que penser d'un site qui vante l'exigence de l'info et repose sur des bénévoles ? David Kessler, membre de la direction explique benoîtement que ceux qui publient des tribunes dans les grands journaux le font gratuitement. Oui, mais une fois par an, et encore, quand ils ont quelque chose à dire. Là, vu la masse de texte à fournir, le Huff va ouvrir ses colonnes à tous les obscurs en mal de temps d'écoute qui enverront consciencieusement, chaque semaine, leurs impérissables vues sur la marche du monde en nous les faisant subir au lieu d'importuner leurs voisins de table...

Sinon, le truc est désormais connu : pour aspirer du trafic, faire monter ses chiffres et donc le coût de ses pubs, les sites d'infos dits sérieux insèrent des articles bidons, mais qui sont très lus. Pour rue89, c'est rue69, des articles de cul. Pour Atlantico, c'est un compilation de l'ensemble des titres de la presse people par Barbara Lambert. Pour le Huff', on fait les fonds de poubelle de presse d'investigation de starlette: l'ex d'Halle Berry va prendre des cours de gestion de colère, ou alors le mec qui a le vrai numéro de portable de la star de Camping n'en peut plus... Entre ici Albert Londres ! On veut donner des leçons de morale pour faire comme les autres, quel intérêt ?

Hier soir, je donnais une dernière chance au site pour voir comment il traiterait l'intervention type ORTF du Président. Désireux d'avoir un vrai "plus" à proposer, le Huff prévenait dès l'après-midi: "suivez le commentaire de l'interview du président en live et les à côtés". C'en était trop, j'ai donc suivi le conseil : je suis allé voir à côté et je n'y retournerai pas...

28/01/2012

Petit Journal / Progression du ridicule politique, où est la poule, où est l'oeuf ?

poule-oeuf-l650-h474-c.jpgComme le remarque fort justement Bernard Stiegler, la télévision n'est pas suffisamment pensée par les intellectuels. Pas à la mesure de son influence, en tout cas. Les thuriféraires du papier et du web (qui souvent sont les mêmes quand ils tiennent les cordons de la bourse), s'envoient des liens vers leurs colonnes mais tout ça sonne creux dans le pays. Prenez un journal dit "d'opposition" comme Libé, même pas 200 000 ex. En leur accordant généralement un coefficient de 2,5 lecteurs par journal, on atteint péniblement 500 000 personnes touchés par le journal chaque jour.

Bien, dans la campagne, on sait pour qui ils roulent. 500 000 rebelles façon Demorand, plus mainstream tu meurs, 500 000 pseudo punks façon Inrocks qui voient comme Thomas Legrand dans François Hollande le moyen de continuer à être libéral en hurlant à la fin des privilèges. Qui peut y croire à part les militants PS, les habitants du XIème et tous les théâtres et centres d'art contemporain ? Personne. Restons à 200 000 ex en ne dérangeant personne, en ne réfléchissant pas au-delà des lignes du cadre tracé par les amateurs du mainstream. On étouffe dans le papier quand on veut entendre parler politique autrement.

C'est ce qu'a fort bien compris ce garçon très bien faussement ébourrifé, complètement inculte politiquement mais fort intuitif et malin, Yann Barthès. Plutôt Groucho que Karl pour Marx, plutôt Rosa d'Obispo que Rosa Luxemburg, mais peu importe de la politique il en consomme en intraveineuse, 8 heures par jour d'images et le résultat est là : chaque soir, 1,5 millions de téléspectateurs, et quelques dizaines (centaines ?) de milliers d'amateurs de réchauffé en ligne qui écoutent religieusement le prêche de l'enfant de choeur sur notre vie politique.

Dans un entretien très instructif accordé au Monde Magazine (400 000 exemplaires, quand même) d'hier, Barthès nous dit qu'il aime "le théâtre de la vie politique française", sans doute parce qu'il aime la mettre en scène en faisant des tonnes... Prenons le Petit Journal pour ce qu'il est, une plaisanterie un peu bavarde, un peu maladroite, mais qui permet d'attendre la suite. Un film de Max Pecas qui serait en première partie d'une soirée Lubitsch ou quelque chose d'approchant. Le problème est que tous ne l'entendent pas de cette oreille... Manuel Valls dit que cette émission "a trouvé le ton pour parler aux jeunes qui ne s'intéressent plus à la politique" et BHL ajoute "c'est un bon commentaire de la vie politique française". Vous m'objecterez qu'avec des zélateurs de cet acabit, pas besoin d'opposant. Certes, mais néanmoins, Valls et BHL ont plus de poids que Régis Debray ou Martin Hirsch, dont je doute qu'ils apprécient les saillies du groom des puissants, Barthès...

Barthès 1, Barthes 0. L'homme qui a atteint volontairement le degré zéro du commentaire politique a battu celui qui s'interrogeait sur ce que serait le degré zéro de l'écriture. Sarkozy décorant Kristeva prononce le nom de l'auteur des Mythologies à la manière du mirliflore cathodique, car c'est lui qui envahit l'espace disponible de cerveau et donne le là de la nouvelle critique. Je viens de me fader 80 copies d'étudiants de qui j'exigeais une analyse distanciée des programmes de chacun et que croyez vous qu'il en restât ? "François Bayrou dit qu'il faut produire français mais il roule en voiture allemande. Jean-Luc Mélenchon veut de la fraternité, mais il est méchant avec les journalistes" ... Bah voyons, Nicolas Sarkozy a des tics, François Hollande est pas clair sur ces chiffres et puis quoi encore ? Barthès a un tic pour moquer les piques des responsables politiques ou leurs propositions, indifféremment, il dit "et paf" par antiphrase. Du pur Yann Barthès dans le texte: " Ha ha ha, je me gausse les politiques n'ont pas de vraies mesures, ils ne proposent rien et c'est pourquoi je les montre plein de leur ridicule au conseil de Paris avec Rachida Dati et je me marre... Oh bien sûr, moi le 22 avril j'irai voter, sans doute pour Sarkozy ou Hollande comme tous les branchés Inrocks, mais surtout pour faire passer mon 1,5 millions de téléspectateurs à 2 millions je suis prêt à tous les trucs de montage, toutes les simplifications goebelsiennes pour bien montrer à quel point nos politiques sont nuls".

Cher Yann Barthès, tous mes étudiants vous regardent religieusement. Ils ont même révisé leur analyse de l'actualité politique ainsi. Ils ont retenu tous les petits travers que vous dénoncez avec délectation. Et rassurez-vous, aucun d'entre eux ne veut plus aller voter pour ces guignols... Avant de les laisser sortir de la salle, je leur ai juste rappelé qu'ils avaient raison, puisqu'ils devenaient majoritaire; l'abstention ne cessant de progresser chez les jeunes. Comme Marine le Pen, d'ailleurs, qui recueille 28% d'intentions chez les 18-24 ans. 

Ne vous méprenez pas, je ne vous accuse pas de tous les maux, il y avait bien du ridicule chez nos marquis par le passé. Mais à ne montrer que cela, cher ami, êtes vous bien certain de ne pas être un tantinet responsable du marasme ? Je crains malheureusement que cette fâcheuse pensée ne vous effleure pas quand vous gloussez de ragots au Silencio entre chroniqueurs culturels...  

 

24/01/2012

Le sens du peuple est il soluble dans un parti censitaire ?

Unknown.jpegIl y a une certaine logique à publier "le sens du peuple" dans la collection Le Débat de Gallimard. Car il n'est pas tranché. Politiquement, (au sens de la vie politique française avec des partis, des représentants, les inévitables arrangements avec la réalité) Laurent Bouvet -c'est l'auteur- semble pris dans la contradiction du socialiste, résumée par Bénabar (pas cité dans le livre quand il fut un grand soutien de Ségolène Royal): "t'approuves mais tu regrettes c'est ton côté socialiste".

Si je commence par la conclusion, c'est qu'elle fut pour moi inattendue au terme d'un livre remarquable d'érudition, et de finesse d'analyse. Même s'il cite abondamment Rosenvallon et parfois François Furet, Bouvet n'est pas pour autant anticommuniste primaire. Bouvet aime le peuple, se méfie du parti socialiste dont il sait qu'à chaque fois qu'il eut le choix, il choisi l'élite, mais y retourne quand même. Syndrome de Stockholm ? Plus complexe...

Que nous dit Bouvet ? Qu'on a idéalisé le peuple au XIXème, qu'il a connu un bref âge d'or, mais que les socialistes s'en sont méfié, préférant le contourner et le mettre à part des leviers de décisions. Alors, lors du Congrès de Tours, tout le monde houspillait le socialiste Jaurès qui se réclamait du peuple alors qu'il était "ventru". De la gauche radicale à Péguy, tout le monde tombait sur les socialistes. La SFIO de 36 a un peu calmé tout ça, mais Bouvet rappelle, encore avec justesse que cela correspond à un "rattrapage logique". Plus forte car plus inattendue, son attaque des soixante-huitards qui reprend sans le citer le superbe mot de Jouhandeau aux révolutionnaires en goguette "rentrez chez vous, vous finirez notaires". Le trait est dur, pour ceux qui ont pris le Larzac comme pour ceux qui y croyaient vraiment. Mais quand on voit Kessler, Ewald, Cohn-Bendit ou encore Cambadélis, on se dit que l'ordre bourgeois n'a pas trop de raisons de trembler...

C'est pourquoi Bouvet rebondit sur 81 en parlant de gauche fantoche et d'éloignement des idéaux de la gauche : privatisation, équité, compassion pour les victimes et surtout, surtout, remplacement de la figure du prolétaire assimilé à Dupont Lajoie par celle de l'immigré. Le socialiste incarne depuis lors un politiquement correct, mais de droite... Qui l'a conduit, à chaque fois, à perdre ou à ne pas gagner dans la durée. Jusqu'à ce point, je ne changerai pas une virgule de l'opus. Chaque fois que la gauche a eu le choix entre le peuple et les people, le sens et le cens, elle choisi le second... D'où le silence à la question de Mélechon : entre le Front de Gauche et l'UMP, vous choisissez qui ? Le PS choisirait l'UMP et ça, c'est emmerdant... Le SPD a fait ainsi et les socialistes brésiliens aussi... A Solférino, on se mure dans le silence, mais la réponse est écrite et elle interroge lourdement.

Aussi, la conclusion me laisse plus que dubitatif. Il aborde les deux écueils à venir pour la gauche. L'écueil Terra Nova, car cela signifierait plonger encore plus dans la voie du progressisme libéral. 100% d'accord. Et l'écueil de la voie Mélenchon car elle conduit à une impasse... Là, pas d'accord, du tout. D'accord, traiter Marine le Pen de "semi démente" est une connerie. Soit. Mais sur le fond ? Cette analyse du PS par Rémi Lefebvre que partage Bouvet montre la véritable impasse : http://www.fondation-copernic.org/spip.php?article449 . Bouvet le sait : le PS n'a plus de militants (moins de 100 000) c'est un parti d'élus et de représentants de la très haute fonction publique qui ne comprend pas les aspiration populaire car protégé sur l'emploi et le logement, les deux grandes angoisses du moment... 

La bio de l'auteur nous montre qu'il a eu de grosses responsabilités dans l'animation idéologique du PS. Amoureux déçu, mais pas rancunier, il est près à jouer les cocus joyeux en adoubant Hollande et en accueillant son "sens du peuple". Hollande ? Hollande n'a jamais travaillé hors de la politique de toute sa vie: il s'est entouré plus encore que Mitterrand d'énarques. Ou sont ces Bérégovoy ou ces Mauroy ? Hollande n'aime pas les riches, c'est bien, il ne connaît pas les gens de peu et ça c'est plus emmerdant... Aussi, certes il faut lui offrir le "Sens du Peuple", mais le député de Corrèze ferait bien de faire l'acquisition d'un autre excellent livre que j'achève, de Pierre Bayard, "Comment parler des lieux ou l'on a pas été?" (Minuit). Ca lui permettra de parler de l'entreprise (au lieu de sa proposition lénifiante de bêtise sur la notation sociale : y a t'il un expert du PS dans le privé ?) et des milieux populaires...