Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/06/2018

Mea culpa : le barrage est un suicide.

Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Il y a un peu plus d'un an, au soir du premier tour, j'ai paniqué. L'extrême droite était au second tour et un mélange d'atavisme, de convictions féroces et d'endoctrinement médiatique m'ont poussé, non seulement à voter Macron plutôt que de m'abstenir (ma tentation première...) mais qui plus est, à vouloir enrôler autant de monde que possible. Mes malheureux étudiants en premiers, qui subirent mes péroraisons en faveur de la "démocratie" (à prononcer avec trémolos). Pardon. 

Quelques semaines après, je fuguais même dans les Hauts de France, dans une circonscription non neutre symboliquement, pour retrouver un de mes amis qui ferraillait pour LREM contre un baron LR. Alors, je ne me faisais aucune illusion, mais je voyais Macron en Hollande bis, toujours moins grave que Fillon et donc j'avais ma conscience pour moi. Je me disais que le renouvellement, la purge même, de nombre d'élus récidivistes en élections comme en suspicion de détournement, d'immobilisme, tout cela serait le sirop moral qui ferait passer la purge libérale. Un an plus tard, mea culpa bis. Et c'est à cause des millions de personnes comme moi, qui ne se sont pas abstenues, que Narcisse 1er croit qu'il régente tout et qu'il a l'onction populaire et majoritaire. Pas de procès en illégitimité présidentielle, Macron est élu et bien élu, mais il ne voit pas que 11 millions de français ne sont pas allés voter au second tour, contre moins de 5 millions en 2002 face à un autre le Pen. Peut être à 20 millions aurait-il fini par comprendre et éviter ainsi cette politique d'infini mépris de classe. 

Un an après, quel bilan ? Fiscalement, Sarkozy était un syndicaliste en comparaison : même son exit tax est torpillé, l'impôt sur la fortune, le plafonnement des impôts sur salaire et bonus des banquiers. On se pince. Socialement, Hollande aurait été victime de purge stalinienne pour excès de gauchisme à côté de son conseiller. Flicage systématique des chômeurs, purge dans les APL, les aides sociales, nouveau gel du point d'indice des fonctionnaires... Les seules avancées sont soumises à discrétion territoriale : le "plan mercredi" de Blanquer part d'une bonne intention pour les familles qui ne peuvent garder leurs enfants, mais le coût de la mesure est laissé aux communes...  D'un point de vue régalien, l'aile dure de LR et le FN applaudissent les mesures de Collomb, on peut s'arrêter là en termes d'analyse. Ha non, pardon, il y eut l'Aquarius... En termes de justice environnementale, on atteint un paroxysme d'infamie. Bref, si l'on enlève le casting, c'est de très loin, à des années lumières, le plus dramatique régime de la Vème. Je dis "si on enlève le casting" car on ne rivalisera jamais avec Guéant, Guaino, Hortefeux, Dati et autres en termes de marlous, de combinazione, de vulgarité... Néanmoins, néanmoins en termes de textes de loi, le quinquennat Sarkozy fut infiniment moins nocif que cette première année de Marcon. Et nous n'en sommes qu'au début.

Macron a tout fait sauter, en termes de course de petits chevaux. Plus personne ne sait où il habite dans les grands partis traditionnels, PS ou LR. D'où la vanité des questions sur l'opposition. La seule interrogation porteuse de sens est celle de l'adhésion à Macron et celle ci est erratique. Mais on ne le voit pas car on nous renvoi systématiquement à une question d'opposants. Et alors, le barrage se reforme. Mes amis macronistes sont tous (ou quasi tous) écoeurés par l'inhumanité du programme appliquée. Raison pour laquelle ils refusent de se déclarer "soutien" au Président. Pour autant leur opposition s'arrête au silence. Qui ne dit mot ne consent pas, en fait. Mais cette perte de popularité, vertigineuse à gauche au point qu'être macroniste de gauche c'est désormais être un boucher vegan, ne veut pas électoralement. Le limogeage de Calmels ce week-end comme l'expulsion d'Olivier Faure dans les manifs de cheminots et fonctionnaires le rappelle : l'opposition à Macron ne veut pas de tiédeur. Macron le sait et compte la dessus : incarner le barrage, le mur de la raison face aux folies populistes. J'ai demandé à mes amis macronistes s'ils se sentaient bien dans leurs pompes au moment de la loi ELAN, de celle sur les états généraux de l'alimentation ou encore la loi Collomb. Non, 1000 fois non, ils ont la nausée. Pour autant, faites le test : demandez leur ce qu'ils feraient en cas de second tour face à Mélenchon ou Wauquiez. Et bien ils continueraient de voter Macron. Ils voient en Mélenchon un fou confisquant quand le programme "l'humain d'abord" est moins partageux que Mitterrand 1981... Et quand à Wauquiez, ils hurleront que c'est fou, qu'il est homophobe, islamophobe, raciste... Et ce disant, ils oublieront tout de leur quinquennat. 

Passons l'hypothèse Mélenchon, je pourrais écrire 20 pages (je l'ai fait, en fait...) sur les dangers liberticides d'une dérive populiste, et restons sur Wauquiez. Cet épouvantail est le cadeau rêvé de la macronie pour raviver le barrage. "Votez pour nous ou vous aurez le chaos". C'est Obama face à Romney, ça passe. Puis Clinton face à Trump, ça rate. A date, Macron repasserait sans doute en 2022, parce que le torrent n'est pas encore assez puissant pour défoncer le barrage. Mais en continuant à laminer les protections des plus fragiles, la puissance du renversement pourrait les enfoncer. Je ne les plaindrai pas et je ne m'opposerai pas. N'avoir que "bouh Wauquiez" comme argument et ne pas voir son propre bilan c'est littéralement la mort du politique. La violence sociale des mesures de Macron ne figuraient pas dans le programme du candidat, mais les électeurs sont réduits à cet affreux chantage, "vous ne nous aimez pas, d'accord, mais sinon c'est Wauquiez". C'est tellement confortable, tellement facile, tellement ignoble. Je n'ai rien, mais alors rien de commun avec Wauquiez (mes cheveux deviennent naturellement poivre et sel et ma parka est grise), mais si notre vie politique devenait nous mener à un vomitif second tour Wauquiez/Macron, j'irai me promener et, promis juré, je ne porterai jamais de jugements de valeurs à l'encontre de ceux qui ne se seront pas érigés contre "l'extrémisme".  

19/06/2018

Valeurs infiniment grandes, actes infiniment petits

Ce matin sur France Culture, Mounir Mahjoubi a osé dire "le président Macron est le seul en Europe qui se bat au quotidien pour faire émerger la question des migrants, mettre ce thème à l'agenda pour qu'on agisse. Le problème ça n'est pas l'Aquarius, ce sont les cinquante Aquarius qui viendront demain". C'est extrêmement habile, cette stratégie déjà usée jusqu'à la corde pour masquer l'absence de politique écologique du gouvernement : renvoyer sa lâcheté quotidienne en grandeur de demain. Cette stratégie peut être qualifié de "populisme d'en haut", plutôt que de flatter des bas instincts grégaires (populisme classique) on flatte la technocratie en expliquant qu'il existe toujours de bonnes raisons pour ne répondre à ce qu'Orwell appelait la "common decency". Trudeau fait la même chose en expliquant qu'il faut sauver la planète demain mais nationalise aujourd'hui un gigantesque pipeline de schiste bitumineux (les plus écocidaires) parce que bon, on n'est pas à une contradiction près... Nous avons fait la même chose avec une grande surboum #makeourplanetgreatagain financée par la seule banque condamnée pour spéculer sur les matières premières agricoles (BNP Paribas) tout en important de l'huile de palme à foison à la Mède. Interrogé sur cette décision irresponsable, LREM renvoi la responsabilité aux prédecesseurs et se targue de vouloir honorer le contrat avec Total. C'est amusant, mais quand Duflot prenait l'engagement de bloquer les loyers, aucun scrupule à défoncer cette mesure par la suite avec le soutien de Bercy (poste de Macron à l'époque) : on a la fidélité à géométrie variable.... 

Soit Mahjoubi est sincère et c'est très inquiétant sur son intelligence, soit Mahjoubi est cynique et c'est profondément révoltant quand on pense aux enjeux soulevés. Car enfin, la loi Collomb sur l'asile et l'immigration a été voté par le FN, par la frange dure de LR et autres. Il n'y a pas que le temps court de l'Aquarius, depuis un an de mandat, ce gouvernement mène une politique migratoire infâme. On peut se draper dans de grands idéaux, les faits sont là. Et ils sont accablants.

Nul besoin d'attendre un feu vert des dirigeants européens pour accueillir l'Aquarius avec ses femmes enceintes et sa centaine d'enfants. Nul besoin de dire que la Hongrie et la Pologne sont d'extrême droite et encore plus liberticides que nous pour ne pas agir. En parlant grandeur du monde, enjeux de déplacements colossaux et autres, Macron feint d'ignorer qu'ils laissent ses ministres, Collomb en tête, continuer à orienter le débat avec l'infâme équation : immigration = insécurité, plus paupérisation, plus délinquance voire terrorisme. Il laisse essentialiser le débat sur l'immigration à la question de l'islam comme jadis, seul le FN osait le faire. 

Sur les deux grands enjeux concernant les générations à venir, écologie et migrations, la macronie rêve tout haut et si fort que cela l'empêche sans doute de voir ce qu'elle fait, tout tout tout tout bas. 

 

 

15/06/2018

Pognon de dingue : le contretemps

Plus le quinquennat avance, plus Macron me fait penser à ces soviétiques qui pensaient en 1991 que l'URSS avait raté car on était pas allés assez loin dans l'expérience communiste. Les propos librement volés de notre Président sur le "pognon de dingue" que nous coûtent nos aides sociales auraient, éventuellement, pu être été audibles il y a 40 ans, quand on ne savait pas. Aujourd'hui ça relève au mieux de l'aveuglement, au pire du délire de persécution des plus fragiles. 

Effectivement, le modèle de protection sociale français représente une part très importante de nos dépenses publiques, de la redistribution de nos richesses. Et cette part augmente avec le temps, mais on oublie de dire pourquoi ce qui changerait tout. Ca n'est pas de la gabegie, de la mauvaise gestion ou de l'idéologie socialiste. Mécaniquement, le fait que nous vieillissons augmente ses dépenses sociales, on paye pour nos aînés, nos plus fragiles, les personnes en situation de handicap ne meurent plus à 30 ans comme après guerre. On arrive à soigner davantage de cancers... C'est ça, les dépenses sociales. Et quand on voit la situation dans les EHPAD, le montant de l'AAH (allocation adulte handicapés) ou encore les prestations versées comme le RSA (dont la moitié des bénéficiaires potentiels ne le réclament même pas) ou les allocations familiales, difficile de dire aux personnes concernées qu'elles touchent "un pognon de dingue". Alors oui, les personnes en question restent pauvres. Ca s'appelle la fragilité, ça s'appellent les inégalités qui se sont tant amoncelées qu'elles forment des discriminations systémiques et que pour ceux qui ont sombré, qui ont perdu confiance, qui n'ont pas de formation initiale ou qui ont subi un accident, le volontarisme et le wishfull thinking comme on dit dans la start up nation, ne peuvent suffire. 

Ce que Macron refuse d'admettre et qui, en 2018, relève pour le social de l'équivalent du climato sceptissisme, c'est que le "quand on veut on peut aller vers le plein emploi" ne marche pas. Tous les pays qui baissent les dépenses sociales voient les plus riches être encore plus riche, le chômage baisser MAIS la pauvreté exploser. L'Allemagne et sa loi Hartz IV est à la fois le pays d'Europe où la pauvreté a le plus augmenté ses 15 dernières années (hors Grèce, hein) mais aussi les travailleurs pauvres. Idem pour le Royaume-Uni sans parler, évidemment, des Etats-Unis, où 25% des travailleurs sont sous le seuil de pauvreté. Des chiffres effarants de violence et qui ne cessent d'augmenter. Dans ces trois pays, de plus en plus de personnes à la rue, de plus en plus de refus de soins, de plus en plus de bagarres de SDF pour récupérer l'argent des consignes, des queues qui s'allongent devant les banques alimentaires. C'est ça, le prix à payer pour ne pas vouloir dépenser un "pognon de dingue" et le redonner de l'autre main, à ceux qui ont déjà tout...