Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/09/2016

Le ras le bol démocrate

Fotolia_42099286_XS.jpg« Vous pouvez placer la moitié des partisans de Trump dans ce que j’appelle le panier des personnes pitoyables [« déplorables »] (…)  Les racistes, sexistes, homophobes, xénophobes, islamophobes », jugés « irrécupérables ». C'est avec ces mots aimables qu'Hillary Clinton a laissé éclater à voix haute et devant un micro son dégoût de la démocratie. Elle n'est pas seule, mais rarement cela avait été avec tant de franchise par un responsable en campagne.

En 2005, à la suite du triomphe du "Non" au TCE avec 55% des voix, Valéry Giscard d'Estaing, père du texte, s'était exclamé qu'on aurait du l'écouter et que le "peuple" n'était pas capable de comprendre la portée d'un tel texte, d'en juger toutes les nuances, et donc, qu'on aurait pas du la consulter. Les 90% d'éditorialistes qui avaient pris parti et fait campagne en faveur du "oui" avaient bien du mal à masquer leur haine pour ceux qui les faisaient passer pour des imbéciles. Dans de longs éditos enflammés, ils expliquaient que les électeurs avaient été victime d'une désinformation majeure, qu'ils ne comprenaient rien aux enjeux de ce texte bon pour eux et qu'ils s'étaient fait floués.

Sans doute une partie des électeurs avaient effectivement été victimes de raccourcis de campagne et de slogans populistes. Et après, quelques gogos croient bien à l'inepte "travaillez plus pour gagner plus" et que dire de ceux qui ont basculé en faveur d'un candidat parce qu'il a affirmé que "son ennemi c'est la finance". Ca s'appelle la démocratie, on use des ruses de margoulins, on se livre à des raccourcis percutants, on maquille.  

Je note qu'en 2005, aucun de ces bons éditorialistes rougeauds de colère n'avaient pris la peine de réhabiliter le travail d'Etienne Chouard qui avait attiré des centaines de milliers de lecteurs sur son blog où il disséquait, article par article et avec une minutie sans égale, le texte de la Constitution Européenne. Il était rangé dans le même camp des "populistes qui parlent sans rien connaître" alors qu'il connaissait mieux le texte que n'importe lequel de ses défenseurs. Mais non, ignoré, piétiné. Un déni de démocratie majeur, et jamais reconnu comme tel. Pas étonnant que le peuple finisse par se venger.

A force de nous refourguer de force d'amères potions libérales, le peuple se mithridatise contre cela. Il se renforce, tanne son cuir et en vient à considérer avec un certain dédain la solution démocrate. Trop douce, trop timide et timorée. Quand on se sent vraiment grippé, on ne veut pas de l'aspirine mais un remède de cheval. D'où la vogue pour des dirigeants dont le verbe se distancie de la souffreteuse démocratie. D'où la vogue pour les régimes illibéraux et les "vrais chefs". La question n'est pas, n'est plus, de savoir si c'est judicieux. Evidemment que je partage (et n'importe qui avec une once de bon sens) le dégoût de Clinton pour ceux qui sont attirés par les propos de Donald Trump. Mais il ne mène nulle part, ce dégoût. Un peu comme le "rien ne sert de chercher à comprendre les terroristes" de Manuel Valls. C'est à chaque fois une résignation, une négation de la politique, en disant "circulez y a rien à voir et choisissez parmi les candidats raisonnables. 

Après l'uppercut du Brexit, l'Europe groggy se réveille et comprend qu'elle doit boxer : menaces contre Google, amende record contre Apple et ce matin Juncker qui pose un véto au pantouflage de Barroso chez Goldman Sachs. C'est sans doute encore insuffisant, mais c'est la voie à suivre : plutôt que dénigrer l'adversaire autocrate et fou, redonner force à la démocratie avant qu'elle ne se meure.  

 

 

 

 

 

09/09/2016

Un nouveaux XIXème pour le XXIème siècle ?

1_1291901766.jpgDans une émission sur France Culture ("les Nouvelles Vagues") consacrée à l'exploitation des "datas" en politique, on apprenait que Barack Obama avait fait "la plus grande campagne du XIXème siècle" pour l'emporter en 2008. En effet, les informations très précises obtenues grâce aux applications de géolocalisation - l'incarnation la plus absolue du XXIème siècle-, lui avaient permis de faire une gigantesque campagne de porte à porte ; soit l'outil le plus utilisé dans le siècle de multiplication des démocraties, le XIXè. En somme, l'histoire est un éternel recommencement et en renouvelant un medium vieux comme le monde, on avait donné un coup de jeune à la politique. 

En France, évidemment, ce simili paradoxe n'est pas passé inaperçu et notre classe politique a voulu s'en emparer. Lors des primaires socialistes de 2011, Martine Aubry a demandé à ses militants de frapper à des milliers de portes de sympathisants de gauche. Le résultat de la primaire prouve que cela ne suffit pas toujours.  Macron est malin, il a embauché les équipes françaises d'Obama, Guillaume Liégey, cofondateur du cabinet éponyme qui a fait la campagne de 2008. Et il nous explique qu'En Marche, c'est le Yes We Can français... Que le renouveau du peuple, la grande marche non maoïste, le grand bon progressiste qui ravive la flamme révolutionnaire de la jeunesse, c'est Macron. Et là, on se pince.

Parce que, les chiffres sont têtus et ils sont violents avec l'ex de Bercy : Macron recueille un piteux 22% d'opinions favorables parmi les moins de 35 ans, ceux qui ne votent plus, mais est en revanche plébiscité par les +65 ans (51% d'opinions favorables). Manu, c'est le gendre idéal dont ta belle mère a besoin, mais pas la France... Manu, c'est le solutionnisme triomphant : une appli, un "meet-up", une réunion, on marche comme des scouts et hop, on résout l'abstention...

C'est extrêmement irritant cette déferlante solutioniste, tous ces nouveaux prophètes qui jouent des clivages éculés comme le clivage générationnel pour raviver leur petit ego. A chaque fois, ils semblent s'exprimer comme en lévitation, comme hors du champ du réel, eux qui prétendent l'incarner : que répondent les solutionistes à Donald Trump ? Comment expliquent-ils Marine le Pen, Victor Orban, Robert Fico ? A chaque fois, ces mouvements obtiennent l'adhésion des jeunes et sans me vautrer dans la facilité d'un nouveau point Godwin, mais force est de reconnaître qu'historiquement les mouvements qui obtiennent l'adhésion des masses jeunes sont rarement progressistes... Et 2016 ne fait pas exception, on est plus près de la relance de la production de chemises noires que de chemises à fleurs. 

Si l'on revient à notre ami Obama, en 2008, il proposait une sécurité nationale pour tous. Une promesse inespérée pour les américains. C'est sur ce même terreau d'espérance que Bernie Sanders est passé de 1% à 45% contre Hillary Clinton, grâce à ces promesses de hausses fortes du SMIC, de gratuité de l'enseignement supérieur et de la santé. C'est la retour aux utopies du XIXème. Des utopies humanistes. Résumer le changement à un presse-bouton ne fait lever personne. Il est encore temps de s'en rendre compte avant de suivre aveuglément le Lecanuet du XXIème siècle qui n'a de neuf que ses costumes...

 

 

03/09/2016

Partis d'un jour, sans retour

317_001.jpg1% de Français ont une carte dans un parti politique. C'est peu... Au-delà de cela, et à mon sens pire encore, seuls 8% des français ont une bonne opinion des partis politiques. Là, c'est le drame. Les partis, tous, sans exception, sont des astres morts. La tendance n'est pas hexagonale : aux Etats-Unis, si le Parti Républicain existait encore en tant qu'entité politique avec une colonne vertébrale idéologique et des équipes soudées, jamais Trump n'aurait fait l'embryon de la percée qu'il a commise. En Angleterre, cela tient un peu mieux, en Espagne de nouvelles formations intéressantes (Podemos, Ciudadanos) émergent. Chez nous, Walou en termes collectifs, mais une pléiade d'égos auto propulsés vers l'Elysée.

La présidentielle 2017 va mettre en lumière l'accélération de la transformation : Mélenchon parti sans attendre le PCF ou le Front de Gauche, Macron qui outrepasse le PS et Montebourg qui pourrait griller lui aussi politesse à la formation à laquelle il appartient depuis 20 ans. Ce week-end, Marine le Pen organise sa rentrée politique autour de son prénom et de son nombril en mettant le Front National sous l'éteignoir. Les étendards collectifs effrayent, pour vivre heureux, vivons solos... 

Cette nouvelle tendance est très largement alimentée par le récit médiatique qui se fascine beaucoup plus facilement pour de nouveaux visages que pour des histoires de courants idéologiques qui fatiguent les lecteurs. Les querelles suscitées par ces ambitions sont commentées également avec gourmandise "dans l'entourage de ... on moque la sortie de ...". On ne s'ennuie jamais à commenter le tiercé... Au point que nos amis exégètes du présent arrivent vraiment à dire des énormités comme "Macron pourrait tout changer". 

Le hic, énorme, l'éléphant dans la pièce comme dirait nos amis anglo saxons, ce sont les législatives. Là, à l'évidence, tous les candidats alternatifs n'ont strictement aucune chance de faire triompher leurs idées avec leurs troupes. La pesanteur, l'inertie d'un scrutin uninominal à deux tours condamne tous ce qui ne relève pas du PS ou de LR. Même le FN et ses 25 à 30% des électeurs, première force politique du pays, ne peut gère espérer plus que quelques dizaines (et encore) de députés en comptant sur une atomisation complète du paysage politique du pays. D'un point de vue purement démocratique, ça gratte... Le sémillant Macron, en imaginant (personnellement, j'ai du mal, mais prêtons nous au jeu) qu'il devienne président devra composer avec la droite ou la gauche pour avoir une majorité à la chambre, faute de quoi, il aura les mêmes pouvoirs que Chirac de 1997 à 2002. Pas vraiment suffisant pour radicalement changer la donne... 

Impossible d'ignorer cette cruelle réalité arithmétique qu'en l'état actuel de nos institutions, aucune réelle alternative ne peut survenir hors des partis traditionnels... Certes, ils ne pèsent que 1% des électeurs, mais ils concentrent 99% de la capacité de blocage. Pourtant, comme à chaque fois, les commentateurs en parlent en dernier recours et sous la contrainte. Dans une émission de C dans l'air consacré au dégoût des partis, il faut une question de téléspectateur pour qu'ils se décident à en parler, à la toute fin de l'émission et euphémisent cette question pourtant absolument majeure. Cela ne rentre pas dans le récit "d'uberisation de la vie politique" de "grand chambardement à venir' tellement plus vendeur. On peut le comprendre, la réalité est que notre vie politique est complètement verrouillée par notre Vème et que sans une décision mêlant lucidité, sens aigu de l'intérêt général et souci des générations futures de la part du PS et de LR, il ne peut y avoir d'échappatoire. Cessons de feindre l'ignorance et faisons de l'enjeu institutionnel un des débats principaux de la prochaine élection.