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13/12/2012

Tout le monde lit I love you now

arton618.jpgPensant à ceux qui arpenteront les boutiques pour les achats de noël, je souffre. J'ai résolu ce problème en famille en défendant l'arrêt des cadeaux pour plusieurs motifs : l'adéquation modérément heureuse entre les surprises et leurs destinataires, la surconsommation, le fric foutu en l'air, le temps perdu à aller chercher ses cadeaux qui emmerdent tout le monde... Donc, bon, moi ce week-end, j'ai du temps. Enfin, j'avais jusqu'à ce qu'un type qui se prétend mon ami me réquisitionne pour venir l'aider à repeindre chez lui.

Toujours est-il que, si je devais faire des emplettes de noël pour tout un tas de cousins, je ne m'emmerderais pas et achèterai une pile de "Je t'aime (maintenant)" le livre que Sandra Reinflet vient de faire paraître aux éditions Michalon.

On a coutume de dire qu'une oeuvre littéraire atteint son but lorsqu'elle touche à l'universel. A contrario, une grosse part de la production littéraire française souffre d'un nombrilisme envahissant qui l'empêche, forcément, d'accéder à l'universel. Trop de petits conflits germanopratins, de références de palier, de ronchon et d'éditorial venant se nicher dans la prose et empêchant toute la mise à nu de l'âme que requiert la fiction. Je ne suis pas en train de vous dire par surprise que Sandra a réalisé un chef d'oeuvre à rebours de nos travers hexagonaux. Mais elle a su habilement prendre des deux cultures. 

Poussé à ce point, ça confine même au génie : rien de plus universel que l'amour et rien de plus nombriiste que le propos de Sandra, puisque le livre parle de ses amours. Véridiques, fantasmées, à peu près vécues, consommées ou pas, les histoires d'amours de Sandra sont multiples et protéiformes. Entre l'amour très pur pour son père (ce héros), l'amour torturé d'une histoire d'une nuit qui s'est répétée à intervalles réguliers, le premier amour à nul autre pareil, et l'amour avec une autre femme qu'elle n'a pas vu venir, rien de commun si ce n'est des souvenirs.

Sandra nous promène dans ses souvenirs qu'elle a fait remonter à la surface pour un exercice de funambule : retrouver les protagonistes de toutes ces histoires qui composent son kaléidoscope amoureux. Pas besoin de boussole ou de carte du tendre pour retrouver son papa, mais les autres ? Il y a un mort (ça arrive), des adresses manquantes, poste restante et quelques miracles. Des bouteilles à la mer qui ont répondu à un mail hasardeux trouvé par les hasards du web. La chance sourit aux audacieux et pour mener son projet à bien, Sandra n'a pas manqué de cette vertu. Elle a tiré de cette odyssée sentimentale ces 24 portraits avec photos où l'on rencontre 24 inconnus qui nous sont familiers. C'est là où le nombril se mue en universel. Les portraits de Sandra évoqueront à tous leurs plus belles nuits, leurs espérances déçues, leurs souvenirs amusés ou leurs plus grands remords. Les grands lecteurs apprécieront l'effort de l'auteur pour ciseler ses textes, ceux qui lisent peu arriveront tout de même facilement à bout de ces courtes histoires. Les autres regarderont les belles photos. Et voilà comment le miracle de noël (ou des courses) s'accomplit. Votre oncle égrillard se gobergera de toutes ces histoires lui rappelant les siennes et votre cousin vieux garçon le dévorera avec une impatience fébrile; votre soeur le lira en riant aux éclats (elle connaît la moitié des personnages du livre) et votre mère s'interrogera sur votre santé mentale, puisqu'elle n'ira pas plus loin que cette première histoire d'amour de Sandra pour son père et vous redonnera le numéro d'un ami psy. Le temps ainsi économisé sur les emplettes de noël n'en sera que plus délicieux à dépenser sottement, en regardant passer les passants ou à attendre sous la couette que cette feignasse de jour se lève.

10/12/2012

La double fracture numérique

brasacha.jpgJ'ai écouté l'émission comme on regarderait une partie de chasse car l'on sait que le lion bouffera le chasseur. Avec une curiosité perverse, quoi. Alain Finkielkraut vs Michel Serres. Sujet : l'édudaction et le numérique. Combat archi déséquilibré puisqu'après quelques minutes, Finkielkraut se plaçait dans la posture de grand papy grognon, concédant avoir une connaissance "exclusivement livresque et par conversations" de l"internet... Suite à cet aveu aussi précoce, je me suis dit que ça allait tourner carnage. Caramba plus que raté. Soit le lion avait besoin de lunettes, soit le débat est plus complexe qu'il n'y paraît. A mesure que l'émission avançait, la curieuse impression que Serres cherchait à éluder la question pourtant capitale des ruptures de connaissances et des inégalités induites par l'Internet s'imposait. Si vous avez 52 minutes de libres, ça reste une émission d'un fort bon niveau :

http://www.franceculture.fr/emission-repliques-l-ecole-da...

Après avoir entendu les 2 philosophes disserter, je me suis perdu sur la toile et suis tombé avec un sens du hasard très relatif (comme souvent sur le oueb) sur un article particulièrement éclairant sur l'augmentation des inégalités liées à internet. Il est là : 

http://www.internetactu.net/2012/06/04/perdre-son-temps-l...

Si vous ne l'avez pas lu, ce que dit Xavier de la Porte (le présentateur de "Place de la Toile"), c'est que les classes socio-économiques les plus favorisées passent moins de temps, mais surtout un temps différent sur l'Internet. Pour une fois, le qualitatif passe avant le quantitatif devant leurs analyses et c'est cela qui me semble le plus important. Plus intéressant, le discours d'un certain nombre de tenants de l'éducation par Internet, me rappelle les premiers libéraux, dans les années 80 avec leur trickle-down. Cette théorie, signifiant littéralement "ruissellement" explique ceci : permettez aux plus riches de s'enrichir et ça retombera sur les pauvres. Là, en l'occurrence, on part du principe que l'augmentation du nombre d'infos présentes sur internet produira mécaniquement de la redistribution. Force est de constater, nous disent les profs (concernés en premier lieu) qu'il n'en est rien. Les plus favorisés ont des parents qui leur apprennent à débrancher, à construire une réflexion non fragmentaire, sans surfer d'une seconde à l'autre et détectent très tôt les failles dans les fondamentaux. Les moins favorisés n'ont pas ce type de réflexes devant la déliquescence précoce de leurs fondamentaux en français. Or, depuis dix ans, toute l'action des pouvoirs publics a été de s'alarmer de l'avancée de la fracture à l'accès numérique. Hélas, le chirurgien français n'a pas suffisamment regardé l'état du malade avant de se lancer dans son opération puisqu'il y avait bien double fracture. Si la première est bien en passe d'être résorbée, et l'avenir de Free devrait accélérer la cicatrisation, la seconde est plus que jamais béante. Nombre de profs remettent aujourd'hui en cause l'enseignement du numérique (et de l'anglais, mais je trouve cela inepte) en primaire au détriment du français sachant que la maîtrise de la langue ne cesse de baisser à mesure que l'enseignement de celle ci ne cesse de diminuer sans qu'aucun ministre n'est effectué de corrélation entre ces deux propositions.

Ce week-end, par deux fois, j'ai croisé dans un métro nocturne et dans bus de l'après midi, ces fameux jeunes à capuches qu'aiment tant les éditorialistes du Point puisqu'ils leur permettent d'illustrer toutes leurs couvertures sur l'insécurité en France. Là, sans vouloir jouer la gauche laxiste et aveugle, je voyais  surtout des victimes. La seule agressivité dont ils firent preuve était sonore et se perpétrait contre le wagon ou le reste du bus : écoutant sur leurs téléphones des mélodies à l'harmonie douteuses et aux paroles nébuleuses, ils exploitaient moyennement bien les ressources numériques pour se divertir. Je sais, ce propos est atrocement réac et sans doute que rentré chez eux, ils avaient d'autres usages numériques autrement plus riche pour eux. Mais je ne saches pas que les sites de téléchargement de sonneries à la con, de ce type de musique et autres attrapes gogos chronophage fonctionnent autant chez les enfants de profs que chez les enfants élevés dans des zones où l'emploi est aussi présent que l'herbe au Sahara... Il ne faut pas confondre Vincent Peillon et Moïse, mais c'est peu de dire qu'un miracle est attendu en la matière. Il y a bien un vrai chirurgien au gouvernement (Cahuzac), mais il avait une clinique d'implants capillaires et il est en délicatesse, à mon avis prolongé, avec l'opinion.

08/12/2012

Est-ce encore osé d'oser ?

osons.pngAu commencement était le verbe. L'époque le consacre à nouveau, les glaives étant tombés en désuétude. Si les canons fleurissent toujours, ils sont considérés  vulgaires par les élites (qui les vendent quand même). Même en colère, même ulcéré et révolté, il est très rare que l'homme révolutionnaire frappe. Il parle plutôt, comme Besancenot, version télégénique de la transgression.

Il suffit de voir comment la réaction plus que saine du leader des Conti avait choqué l'opinion bien pensante : diantre, il saccage tout, c'est un sauvage. C'était pourtant, une manière saine de dire son ras le bol contre les mots tournant à vide et n'empêchant pas la fermeture de son usine.

Le verbe, comme le rocher de Sisyphe, se remonte jusqu'en haut de la colline puis retombe et on en prend un autre. Fut un temps, c'était "ensemble" puis il fallait à tout pris être "connecté". En ce moment, une action fait florès partout dans la société : oser.

Quel étrange cri puisque d'après Audiard, c'est à la non limitation de cette action que l'on reconnaît les cons... Ce week-end Franck Dubosc qui rentre incontestablement dans cette catégorie, est le parrain du Télethon dont le slogan est, "oser vaincre". Cette communication prolonge une longue litanie qui va du féminisme, au bio, à la France (c'est un forum dont le Castor doit bâtir des programmes pour mettre en lumière ce qui reste de bien dans le pays, vaste programme...) ou plus modestement, à Paris. En effet, pour lancer sa campagne municipale de 2014, Anne Hidalgo s'est placée sous la protection de l'audace. Un procédé habile dans la mesure où cela lui permet de faire de la disruption comme dirait Jean-Marie Dru, en clair être là où on ne l'attend pas. Après 13 ans de Delanoé, le plus dur pour la dauphine sera d'incarner la volonté de faire encore beaucoup et non pas de gérer en bonne mère de famille. En cela, l'audace a une aura démiurgique confortable.

En cela, le retour du Osons de tout bois est intéressant. La dernière fois qu'il fut à la mode, c'était il y a une quinzaine d'années. Jean-Pierre Elkabach en avait fait son slogan pour France Télévisions qu'il présidait. Dans le cas du sémillant lèche botte, cela tenait de l'oxymore vivant et fut vite enterré. Le retour en grâce de l'audace depuis quelques années ne doit rien au hasard, elle est fille d'une crise très profonde. 

Dans la mesure où les croyances dans le changement s'effritent très fortement, où les résignations s'amoncellent, il n'est pas anodin de voir cette demande. Oser le féminisme c'est affirmer que l'on ne peut se contenter du statu quo en matière d'égalité des sexes. C'est venir titiller le cynisme ambiant en remettant le volontarisme en selle. Cynisme qui règne sur la troïka gouvernementale Ayrault Moscovici Cahuzac (et René Coty en prime). Aussi, on ne saurait que trop conseiller à Arnaud Montebourg de lancer une grande campagne de communication "oser les nationalisations". Chiche.