20/11/2012
L'échec, l'autre gaz de schiste français ?
Avec l'amoureuse, la plupart de nos livres sont encore en cartons, rendant délicat la trouvaille d'un moment de distraction au milieu de quelques déballages. Et voilà que le soir même de notre emménagement, une bonne fée amie m'offre quelques livres de la maison où elle travaille. Un nouveau roman de Garcia Marquez, un vivifiant essai sur les relations entre USA et Chine et "grandeurs et misères des stars du net". Curieusement, c'est ce dernier qui retient mon attention. Vanné, je pense que ce sera une lecture récréative et paresseuse. Erreur.
C'est fort mal écrit, au point ou l'on pourrait prendre n'importe quel passage du livre et le faire passer à des étudiants en journalisme ou autre matière à "aspiration rédactionnelle" et leur poser comme exercice : "une vingtaine de clichés stylistiques se sont glissés dans ces deux pages, entourez-les en rouge et proposez un synonyme". Ce qu'on y trouve dans le fond, en revanche, est très amusant et je l'ai avalé d'une traite comme un mauvais Mc do... Du coup, c'est encore plus claqué que je me levais le lendemain matin. Alors, en ouvrant de nouveaux cartons, je me demandais ce qui avait retenu mon attention dans cette galerie des glaces des stars du web. Ces six success stories exclusivement masculines (les auteurs, une journaliste et le fondateur de Meetic s'en explique : moins de femmes ayant tout sacrifié et les deux approchées ont décliné l'offre d'interview) ont toutes en commun de mettre en lumière un aspect peu éclairé d'ordinaire sur les CV de nos dirigeants : leurs échecs. Oui oui, leurs gamelles, leurs déroutes, leurs conneries...
C'est l'aspect sympathique du livre. Il montre que ces six capitaines d'industries se sont pas mal plantés et, contrairement à Alain Minc, se sont remis en questions pour changer leurs pratiques et repartir de l'avant pour arriver aux résultats d'aujourd'hui. En outre, il ressort du livre que dans la net économie, le diplôme ne joue aucun rôle, seuls 2 des 6 sont bien diplômés et cela ne les a guère aidé, les autres sont malins ou débrouillards. La conclusion est signée de Marc Simoncini, un monument de tartufferie : à le lire, pour que la France se redresse, il suffirait qu'elle reconnaisse le goût d'entreprendre, laisse plus le droit à l'échec et cesse d'avoir une fiscalité confiscatoire (c'est lui qui parle) à l'égard de nos entrepreneurs. Et les auteurs de citer la façon dont les Etats-Unis ont laissé Steve Jobs se planter dix fois et triompher à la onzième. Ha bon ? Ce serait aussi simple que ça ?
Impossible de nier que le logiciel culturel français a un problème avec l'échec. Depuis l'école où la sélection se fait par ledit échec et où la réussite voire l'excellence considérée comme une obligation (ce qui relègue un nombre infini de personnes méritantes hors des sentiers battus parce qu'ils n'avaient pas l'intelligence scolaire) à l'entreprise qui reproduit bon gré mal gré les clichés sociaux sur l'excellence et la nullité supposée des uns et des autres. Aussi, cette machine à trier française éconduit et sacrifie sur l'autel de l'interdiction d'échouer, des millions de personnes. Alors, quand on lit l'ode à la modernité contenue dans le livre on se met à vouloir les soutenir mordicus. Sauf que sauf que...
Le livre laisse un peu sur sa faim dans la mesure où il ressort que ce qui produit le plus de richesses aujourd'hui selon les indicateurs en vigueur à une utilité sociale discrète. Meetic met à jour le Chasseur Français. Fort bien. Seloger.com est une mise à jour technologique des journaux de petites annonces. Bien. En revanche, le reste... Venteprivee.com exploite la surproduction marchande tout en écoulant les stocks de fringues, de vins, de livres et autres. Priceminister.com exploite lui la surconsommation des occidentaux en les incitant à revendre plus pour racheter plus, tu parles d'un progrès... Enfin Free réduit les factures de téléphone portable des français, fort bien. On ne pleurera évidemment pas sur la troïka d'opérateurs présents qui avaient sans conteste des marges plus que confortables Néanmoins, attendus que ces derniers ne jouent pas le jeu, les conséquences sur l'emploi de l'arrivée de Free ne sont guère fameuses.
Pire, lorsque l'on lit les six trajectoires de ces tycoons de l'internet, il ressort qu'ils ont gagné des dizaines de millions d'euros et que leurs actionnaires ont également été très largement rémunéré, sans que les -rares- salariés aient bien gagné leurs vies. En effet, si Marx lisait les comptes annuels de ces entreprises, il s'étranglerait. La nouvelle économie nie complètement la valeur travail et encense les profits virtuels. Sans doute est-ce pour cela qu'elle laisse aussi facilement de la place à l'échec, ce sont ceux d'apprentis sorciers un brin irresponsables qui jouent pour gagner le jackpot et qui, si ça ne rigole pas, attendrons un peu avant de tout remiser sur le 21 rouge, impair et manque. Non décidément ma bonne dame, les jeux sont faits et rien ne va plus du tout...
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11/11/2012
Sous les banqueroutes, les jacqueries ?
En ce frais dimanche matin, j'ai fait un crochet joggant pour aller saluer mon pote Stéphane Gatignon. Le maire de Sevran avec qui j'ai bossé de très près sur un beau projet, dans une vie antérieure, a entamé une grève de la faim pour alerter l'opinion sur l'iniquité folle des finances locales. Alors que l'Ile de France est la région la plus riche d'Europe, certaines communes - dont Sevran, mais aussi Stains, Grigny et autres - sont littéralement au bord de la banqueroute. Si Sevran La crise des dettes souveraines nous a fait perdre la mesure concrète de ce que signifie ce terme: à force de renflouer des comptes à coups de milliards d'euros surgit de nulle part, l'opinion publique finit par croire que ces histoires de dettes relèvent de la fable comme le tonneau des Danaïdes et qu'il se trouvera toujours quelque bon chevalier pour remplir.
Là, non. 5 millions d'euros manquent à Sevran et ses 53 000 habitants. Avec la disparition (ou quasi) de Dexia embourbé dans ses emprunts toxiques, les prêts aux collectivités locales reposent de façon écrasante sur les épaules et les comptes de la Caisse des Dépôts. Or, cette dernière estime d'un point de vue comptable que la ville de Sevran n'est pas solvable. Le fait est que la ville de Sevran cumule les handicaps : peu d'entreprises présentes sur le territoire, bien moins de rentrées d'impôts locaux (la part de personnes pauvres étant plus grande qu'ailleurs et le taux de chômage continue à enfler de façon dramatique). Stéphane, maire et élu régional n'a jamais pu faire passer des idées de régulation sociale auprès de cette figure de la troisième gauche (Rocard...) qu'est Jean-Paul Huchon... Au niveau national, les villes sont baladées d'une instance à l'autre, d'où ce happening. Dieu sait que Steph n'est pas le candidat idéal à la grève de la faim : déjà filiforme, ne tenant pas en place, ce matin après 2 jours à s'époumoner et à dormir dans sa tente, il a les traits tirés, mais est déterminé à aller jusqu'au bout. Et pour cause, François Lamy, ministre de la ville a annoncé hier un déblocage des fonds imminents.
Bien obligé le ministre -et par ailleurs bras droit de Martine Aubry- après que Manuel Valls a, une nouvelle fois, justifié son rôle de Sarko de gauche en rendant visite à Gatignon au nom "de l'amitié et de la solidarité des élus de banlieue". Passons sur la tartufferie de la formule; Valls est un petit baron qui utilise la banlieue pour construire son image sécuritaire nationale et se redonner une virginité de gauche sur des thèses solidaristes tout en vivant à Bastille et en prônant concrètement des thèses libérales (quand Stéphane vit vraiment à Sevran, lui, je ne donnerai pas l'adresse mais voilà). Ce matin, le téléphone du petit maire crépitait : AFP, France 2, des radios... Peu importe qu'il ait fallu en passer par cet exercice, les faits seront têtus : mardi à l'Assemblée, nous verrons bien si les députés s'engagent en faveur de la solidarité territoriale ou si nous faisons le choix de reléguer des villes dans une autre France comme jadis on reléguait les paysans dans une altercitoyenneté. Au XIVème siècle, cela s'est toujours finit en jacqueries. Espérons que nos gouvernants, à défaut d'élan solidaire, aient le sens de l'histoire...
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07/11/2012
Le mariage pour tous n'excuse pas tout...
C'était il y a 6 mois à peine, il y a 6 mois déjà... Ce serait mentir que de parler de déception à l'égard du gouvernement en place. N'en attendant rien, fors de liquider la précédente majorité et détricoter les textes les plus abjects, peu de risques d'être déçu. Néanmoins, le pire n'est jamais certain avec nos amis socialistes et ces derniers ont réussi la prouesse de me surprendre une nouvelle fois. En mal...
Putain mais Jaurès reviens, ils sont devenus fous ! Parisot et l'AFEP qui saluent les arbitrages d'Ayrault, tu m'étonnes ! Les 20 milliards de crédits d'impôts sur les entreprises, passe encore, puisqu'il s'agit de moderniser notre parc industriel et donc de lutter contre les délocalisations et recréer de l'emploi domestique. Sans doute y aura-t-il des effets d'aubaine, on a déjà vu le film, mais l'intention est louable. En revanche la TVA ? Manuel Valls peut jubiler, son infect courant gagne en influence au sein du gouvernement et cette pensée délétère vide le peu de gauche qu'il restait...
Le fait d'agiter des réformes sociétales comme écran de fumée pour masquer la politique de fond relève du cliché. Mais les images d'Epinal ont leur succès et en l'espèce, c'est justifié. En l'occurrence, rien n'empêche de marcher sur deux jambes et d'avoir une politique économique redistributive forte et une volonté progressiste puissante en même temps. Mais là ce n'est pas le cas et même doublement. D'abord, parce que tant qu'à ouvrir l'égalité de tous les citoyens via leurs unions et leurs filiations, il faut parler de la procréation médicalement assistée (PMA) ce qui n'est pas le cas. Ensuite, ils ont beau jeu de parler du droit de vote des étrangers puisqu'ils savent qu'ils n'auront pas la majorité au congrès et pas le courage de faire un référendum. Mais il faut bien afficher ces cache-misère idéologique pour justifier le terme de "socialiste" contenu dans le parti au pouvoir.
Laissons leur encore quelques semaines pour explorer le gaz de schiste comme le prône leur nouveau héros Louis Gallois, installer un aéroport à Nantes, oublier la taxe Carbone et relancer quelques bonnes niches fiscales types Scellier comme réponse au logement. La droitisation de la France a été fort bien démontrée par nos politologues du Débat à l'aune de la dernière présidentielle pour montrer ce que la victoire d'Hollande avait d'accidentelle... Derrière, le président se comporte fidèlement à sa ligne sociale-libérale, de plus en plus libérale avec les mêmes lamentables arbitrages en faveur du prince. Ainsi, la réforme de la carte judiciaire avait supprimé 401 tribunaux en France. 1 seul, tel le Phénix, a ressuscité. Je vous le donne Emile, c'est celui de Tulle. Etonnant, non ? Non, navrant... Espérons que les séditieux en interne seront nombreux à se lever, d'Hamon à Emmanuelli, de Linneman à Maurel pour gueuler sur cette négation de l'idée de socialisme qui se répand depuis six mois... On peut évidemment craindre que ce ne soit pas le cas, mais il est trop tôt dans le quinquennat pour se résigner.
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