Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/10/2012

Italie, lie de la classe politique...

220px-Merlot_wine_lees_after_fermentation.JPGSi je n'étais pas né français, j'aurais aimé être italien. Pour sa langue, son climat, sa culture, ses paysages. Pour son peuple, évidemment, aussi avec qui j'ai noué tant de relations depuis bientôt 30 ans. Pour tout cela, l'Italie résonne chaleureusement dans mon coeur. Quand je n'ai pas la chance de m'y rendre, l'Italie vient à moi. Les personnes les plus chaleureuses, drôles et spirituelles que j'ai rencontré au Vietnam étaient un couple d'italiens...

Je me disais en début 2012, que si notre Hollande national réalisait la mission impossible de perdre contre Sarkozy, je pourrais m'expatrier en Italie. L'amoureuse partage ma passion pour la Botte, c'était un bon début. Certes, il ne sont pas épargnés, loin s'en faut, par la crise, et le sort des enseignants du supérieur chez les transalpins est pire que chez nous. Mais quand même, la dolce vita...

Et puis cette semaine, la lecture des journaux nous ramène à une triste réalité. Berlusconi condamné pour fraude fiscale, là : http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/silvio-berl... . On pourrait être optimiste et voir cela comme un progrès, après tout nous n'avons même pas condamné Chirac a posteriori quand eux savent empêcher Berlusconi de se représenter. Sauf que sauf que, la chose vient après qu'il a été trois fois au pouvoir, s'en est servi pour voter des lois d'amnistie le protégeant. Sauf que l'Italie est le seul pays démocratique où les marchés ont imposé l'actuel chef du gouvernement. Pire, Monti, cet ancien de Goldman Sachs, est sans doute le moins pire qui puisse arriver à nos amis transalpins. A ce sujet, on peut écouter les 15 premières minutes de cette interview vidéo de Rafaele Simone, le génial auteur du "Monstre doux" où il expliquait comment l'idéologie libérale dominait l'Europe et pourquoi il fallait réveiller la libido du projet de gauche. http://www.franceculture.fr/emission-les-matins-nouvelles....

C'est proprement désespérant. Berlusconi ne doit son ultime disgrâce qu'à ses déboires judiciaires, mais sans cela, ni sa vulgarité, ni l'ineptie de sa politique ne le mettent réellement hors-jeu d'un point de vue électoral. A gauche, plus de Prodi, exit Veltroni, si jamais ils l'emportent, ce sera par défaut et sans champion. Pendant ce temps, le mouvement "5 stelle" (5 étoiles) de Beppe Grillo engrange les sondages de plus en plus stratosphériques. Beppe Grillo est un humoriste agitateur qui a vu son audience croître sur Internet et les réseaux sociaux. Comme souvent dans ces cas là, l'acte fondateur du mouvement est d'une pureté cristalline : lutter contre la corruption. Hélas, passé la bonne intention, ce mouvement ne se révèle pas blanc blanc comme le soulignait un excellent article du Monde Diplomatique du mois dernier. L'étude soulignait les dérives populistes d'un racisme virulent du mouvement. Il surfe comme souvent sur ces étrangers qui viennent manger les pâtes des vrais italiens, en remet une couche sur la virilité avec le péril d'une homosexualisation de la société... Cette virilité mal placée transpire de l'idéologie des suiveurs de Grillo qui, pire encore, méprise l'écologie, sans doute au motif que c'est une conception féminine de l'existence. Derrière Grillo, qui ne se présentera même pas en raison d'un passé judiciaire (un accident de voiture où il a fauché un passant mort après coup. Même s'il fut mis hors de cause, ça fait trop lourd pour briguer un mandat) une ribambelle d'amateurs invectivant les bronzés, les efféminés et autres rêveurs verts. Ca fait rêver, hein ? Problème, à la faveur des élections municipales, ce conglomérat de pieds nickelés pourraient emporter quelques villes, notamment Bologne où ils font des scores hallucinants. 

Après coup, on a beau moquer le Tea Party depuis chez nous, la déferlante de mouvement néo cons est à notre porte. Et ça, mama mia, c'est tout bonnement déprimant. Plutôt que de verser la lie dans le verre du pouvoir, il faut jeter la bouteille et en ouvrir une nouvelle, même un peu jeune, mais plus porteuse d'espoir... Comme disait Salina, il faudrait que tout change pour que rien ne change.

25/10/2012

L'angoisse du grand patron au moment de parler fragilité

images.jpegHier, j'ai eu la joie d'animer un déjeuner de levée de fonds pour une très belle association, le Clubhouse France ( http://www.clubhousefrance.org ). Visitez le site, renseignez-vous, mais il s'agit d'une initiative privée (ils ne reçoivent pour l'heure que 3% de financements publics, de la part de la mairie de Paris) magnifique qui permet aux membres de ce club, tous atteints de maladies mentales - principalement la schizophrénie et autres troubles bipolaires - de retrouver une estime de soi suffisante pour se réinsérer. La démarche est fondée sur une grande autonomie des membres qui gèrent eux même le Club (sis 80 quai de Jemmapes) au quotidien.

Bien qu'ayant fait cela gratuitement, je suis reparti infiniment plus riche que je ne suis venu. Riche de rencontres, d'écoute émerveillée de membres du club qui ont eu le courage de parler les 80 convives, tous capitaines d'industries, entrepreneurs ou simplement grande fortune. Il en fallait du cran pour venir s'exprimer ainsi sur ses fragilités, sans misérabilisme ou commisération ; simplement en exigeant une écoute attentive. Elle le fut, sans exception.

Ce fut sans doute ma plus grande surprise. Depuis le début de ma vie professionnelle - il y a une petite dizaine d'années - je me suis retrouvé si souvent en compagnie de chefs d'entreprises que leurs discours me surprennent rarement. Comme pour les politiques, les EDL (éléments de langage) ont envahi le champ de la prise de parole en public. Un certain nombre de codes, mots valises et autres balises vous permettent rapidement de savoir si celui qui parle dirige une grande dame publique, une start-up ayant bien grossi, une industrie ambitieuse (il y en a) ou un moloch des services. Sur tous les nouveaux sujets de responsabilité de l'entreprise, les managers ont du se former et apprendre à plaider car tous (loin s'en faut) ne portent pas en eux de convictions fortes sur le besoin d'ajourner la place de l'entreprise dans la cité. Aujourd'hui, heureusement, on continue de distinguer aisément les tenants d'un vrai changement sociétal et ceux qui tentent maladroitement de surfer sur l'ère du temps indignée devant les injustices. Mais jamais de mutisme: développement durable même quand ils polluent abondamment, diversité même quand ils sont confits dans leurs clichés ou parité quand ils sont machistes, les néo dirigeants savent parler de tout. Culture sciences-po dite sciences-pipeau, nos nouveaux fantassins de l'aventure entreupreunariale peuvent donner un avis sur tout.

Hier, point. D'un coup d'oeil aiguisé vous pouvez facilement distinguer les poseurs qui feignent l'émotion de ceux qui sont réellement chamboulé. Hier donc, un membre du Club est venu raconter son histoire qui aurait pu être la leur. Un jeune homme brillant, successful, un winner avec PHD et MBA en poche très haut placé dans une belle entreprise. Du jour au lendemain, il se met à faire des achats compulsifs. Pas des babioles, mais plutôt un Matisse ou une Aston Martin. Il était en phase maniaque avant de sombrer dans une phase profondément dépressive. Et là, hier, il a accepté de venir en témoigner. Nous avons échangé quelques mots avant le déjeuner pour être sûr qu'il accepte et que tout allait bien. Il m'a souri et a hoché la tête en signe d'approbation. Au moment venu, il s'est levé sans rechigner, s'est installé au pupitre et a fait l'effort insensé de lever les yeux de sa feuille pour regarder l'assistance en témoignant de souvenirs difficiles. A ce moment, j'ai vu des dirigeants émus comme jamais. "Ce pourrait être nous" se propageait de table en table. Quelques uns, trop obnubilés par leurs histoires de marges brutes sont repartis comme ils étaient venus, mais l'immense majorité et les plus célèbres d'entre eux, avaient été touché au coeur. Au moment de repartir vers leurs bureaux, ils emportaient des fragments de cette fragilité qui terrifie tant l'entreprise. Leurs certitudes ont été ébranlées, avec un peu de chance, leurs pratiques changeront.

En sortant je pris le bus et tombait sur un des convives amateurs de transports en commun. Tout frais retraité de l'univers bancaire, il souhaitait mettre sa débordante énergie au service d'association. J'ai aimé son discours : "vous comprenez, le collectif doit se mobiliser. Historiquement, il y eut un consensus malsain entre patronat et syndicats sur la question de la souffrance psychique. Quand un type était atteint, les patrons n'en voulaient plus et les syndicats exigeaient qu'un malade ne travaille plus de sa vie. Peut être la crise économique va accélérer la prise de conscience au motif qu'on ne peut laisser loin de l'emploi un nombre immense (1 à 2% de la population) de travailleurs pendant 20 ou 30 ans. La question du prix va peut être les amener vers une évidence : le travail ramène la dignité et fait partie de la thérapie". Ces sages paroles délivrées, le fringuant sexagénaire est descendu d'un pas sautillant. Je suis resté seul dans mon bus, interdit devant mon livre, les témoignages du déjeuner défilant en boucle dans ma tête.  

22/10/2012

La crise qui vient

La_crise_qui_vient_Laurent_Davezies_Seuil_2012.jpgVraiment peu de titres à jeter dans cette collection de la République des Idées. Rosenvallon est bien plus détonnant, surprenant et incisif dans ses choix d'éditeur que dans ses prises de positions tièdes -même si fort bien défendues - en tant qu'auteur. Le dernier né porte un titre aussi prophétique qu'intriguant : la crise qui vient. L'auteur, Laurent Davezies, est d'après sa biographie et d'autres recherches internet un récidiviste de la prospective osée. Personnellement, je n'en avais jamais entendu parler, mais après avoir refermé son dernier opus, j'ai incontestablement envie de lire les autres.

Que nous dit-il avec la concision en vigueur dans la collection (109 pages) ? Que la France a connu un certain nombre de crises plus ou moins fortes et que la prochaine à venir (puisque c'est malheureusement une sale habitude prise par les puissances occidentales depuis 40 ans) se singularisera par son extrême inégalité territoriale. Dans la partie analytique du livre, l'auteur découpe la France en 4. Une France des métropoles extrêmement dynamiques et protégée des impacts de la mondialisation; une France de l'ouest et autres qui vit bien, profite de mouvements migratoires internes et de subsides publics ; une France à la peine et au risque de décrochage économique et enfin une France sous oxygène public. 

Or, les nouvelles dynamiques à l'oeuvre depuis 2008-09 nous mettent face à un choix territorial qui pourrait être fort douloureux. Nous semblons arriver au coeur de ce que la mondialisation peut toucher directement d'emplois peu qualifiés délocalisables (ce qui a pour conséquence interpellante d'avoir 92% des emplois supprimés depuis 2008 étant masculins avec 350 000 contre "seulement" 30 000 destructions d'emplois féminins) et la raréfaction de finances publics va nous mettre au pied du mur. On apprend également que contrairement aux idées reçues, la redistribution joue déjà : pas au niveau infra-régional (les Hauts de Seine ne redonnent pas à la Seine St Denis) mais au niveau national. Un Umberto Bossi français pourrait réclamer la sécession de l'Ile de France qui contribue largement au refinancement des autres régions. Ce d'autant que cela ne lui est pas payé en retour puisque nombre de travailleurs franciliens vont s'établir ailleurs pour leurs retraites et consommer là-bas, où leur pouvoir d'achat explose. L'Ile de France concentre de nombreuses interrogations du livre également à ce titre, elle est de très loin la première région productrice de richesses, mais pas la première en termes de santé économique. C'est de façon surprenante le Limousin, modeste 19ème sur 22 en termes de PIB, qui remporte ce classement. Or (bis), ce n'est sans doute pas le Limousin qui assumera la croissance de la France de demain. Davezies pense la croissance ; faut-il être décroissant, altercroissant ? ; pour la forme mais globalement semble convaincu qu'il nous faut continuer. Et il avance un choix pour la France de 2020 (et après) : soit une grande redistribution territoriale au risque de décrocher en termes de compétitivité car cela sera très onéreux (notamment pour assumer la facture énergétique et la remise à flot des bassins d'emplois sinistrés) soit un choix à l'anglo-saxonne de "clusters" territoriaux qui concentrent l'essentiel de la richesse. J'ai appris à cette occasion que le dilemme se pose en ces termes : jobs to people ou people to jobs. Pour les anglo-saxons, les territoires ne sont que des instruments et lorsque ces derniers sont défaillants, il faut s'arranger pour les vider et faire migrer (on voit ce que cela implique) vers des zones plus concentrées et plus performantes. 

Je ne sais ce qu'il adviendra dans les années à venir, mais si c'est la seconde option qui est retenue, je dois bien reconnaître qu'il ne faudrait pas me secouer car je serai plein de larmes. Parisien depuis bientôt 33 ans (bientôt...) l'idée que notre très beau pays (à de rares exceptions que je ne citerai pas, j'ai sillonné un bon bout de l'hexagone pour loisir ou boulot avec un émerveillement sans cesse renouvelé) puisse devenir un vaste désert parsemé d'oasis me navre au-delà de toute expression...