24/09/2012
Eloge d'Hollande et de Boorlo : Bayrou n'insulte pas son avenir
Coming out politique un peu honteux : j'adore François Bayrou. Pas ses idées, pas son orgueil, pas sa vision de la société et pas son hypocrisie qui le pousse à se draper dans les habits du chevalier blanc de la politique, alors qu'il a bossé avec Carignon, Longuet, Soisson et autres... Tout cela fait beaucoup trop pour mettre le poster du béarnais dans ma chambre. En revanche, j'adore François Bayrou car il réserve toujours quelques surprises lorsqu'il est invité. Rarissime aujourd'hui dans une ère de la surprésence politique combinée au surconformisme.
Les Verts gouvernementaux deviennent les champions du monde de la langue de bois, Placé réussissant en la matière l'exploit de surpasser JF Copé. L'opposition se caricature elle même et je pourrais écrire toutes leurs réponses lors des interviews où ils doivent commenter l'actualité gouvernementale. Hélas, au gouvernement, écouter Moscovici, Ayrault ou Sapin ne réserve guère que des désillusions sans fin. Valls, au moins, nous surprend, mais c'est peu dire que ces étonnements son rarement positifs... Bayrou, en ce qu'il ne supporte pas l'opposition à ses idées nous surprend toujours car il faut qu'il se contorsionne avec plus de souplesse qu'un boa pour rester cohérent avec lui même. Aussi, après 4 mois d'absence des plateaux, je me gobergeais par avance d'écouter sa position sur une nouvelle majorité qui n'est pas la sienne, mais qu'il ne pouvait se permettre d'estimer complètement. Je ne fut pas déçu du résultat, que l'on peut réécouter là :
http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-grand-rend...
Donc au début, il s'agit de rappeler que sa défaite n'est pas si honteuse car tous les thèmes qu'il a soulevé avec courage et brio (c'est lui qui parle là...) pendant la campagne sont au coeur des réformes actuelles. Et, puisqu'il a dû appelé entre les deux tours à voter François Hollande, il loue l'homme et le cap. Sans aller trop loin bien sûr, faute de quoi il déçoit toute son aile catho de droite bon teint ralliés de l'UDF (plus grand monde...), mais assez fort quand même pour titiller l'oreille des déçus du satkozysme ayant voté Hollande et leur dit qu'ils sont amis... Mais pour ne pas insulter l'avenir, il explique que François Hollande sera un grand "si et seulement si", il réalise, son aggiornamento, son Bad Godesberg, qu'il tourne le dos à tout idéal de gauche et devient un vrai social-démocrate à l'Allemande. En gros, un centriste, quoi. Habile...
Ensuite, à la fin, il salue et loue l'initiative de Jean-Louis Boorlo en lui disant "unissons nos forces". Il sait que Boorlo est un fragile quand lui a le cuir tanné par tant de revers qu'il ne ressent plus rien. Il en profite donc pour dresser un panégyrique de Boorlo histoire de "Coco pour 2017, toi et moi on fait un ticket, je te laisse Matignon"...
Au final, évidemment, il n'y a pas une once de cohérence et 100% de calcul, mais tout de même tout cela est fait avec une telle hargne, une telle foi en son étoile politique que cela force l'admiration du spectateur. Pour le respect, on repassera...
18:01 | Lien permanent | Commentaires (0)
22/09/2012
Lutte contre le présenteisme, le train d'avance de la SNCF
La nouvelle n'avait l'air de rien, perdu dans le ronron du journal matinal. Au milieu des cris d'orfraie et de la défense vigoureuse de la liberté d'expression, nous apprenions que la SNCF avait signé un accord avec les syndicats pour lutter contre le présentéisme. Coup marketing, de bluff, annonce foireuse ? On verra bien. Toujours est-il que je me suis réjouis de voir une aussi grande entreprise reconnaître le fléau des stéréotypes et ce que cela peut induire de néfaste.
Pour la faire vite, un cadre partant à 17H30 pour chercher ses enfants, en Allemagne, en Angleterre ou aux Etats-Unis est équilibré et sait s'organiser. En France, le pire des branleurs qui "prend son après-midi" selon la fine plaisanterie consacrée... Sauf que cet écart d'horaire induit des graves troubles pour les personnes consacrées par ces horaires difficilement conciliables avec une vie sociale épanouie. Pis, cela induit des inégalités fortes dans la mesure où à plus de 80% ce sont encore les femmes qui vont chercher leurs enfants et ces horaires fous érigés en dogme promeuvent donc les mâles et les nullipares...
A l'évidence, et les syndicats auront raison de se battre, les charges de boulot sont souvent liées à une hausse constante des exigences de productivité. Soit. Mais pas tant que ça... Nombre de personnes se retrouvent dans ces schémas, préfèrent fuir une vie personnelle par trop chaotique, risquée ou incertaine pour se plonger dans le cocon d'une entreprise rassurante car ils y réussissent. Personnellement, j'en ai vu des palanquées jouer au baby foot ou autres jeux à la con, boire des cafés toute la journée, chatter sur facebook et se déclarer "charette à mort" quand sonnait 18h et que les gens raisonnables reprenaient une activité normale (l'un d'entre eux, et pas le plus fin mais roublard en diable est aujourd'hui directeur de la rédaction du Point). Ce conformisme calendaire débile, qui implique que le travail effectué avant 9H30 n'existe pas puisque personne ne t'as vu le faire est probablement à l'origine de ma démission définitive du salariat pour le free lance. Là, si je bosse à 7h du mat', c'est qu'il le faut, idem pour les coups de bourre post 19H, mais je n'ai à épater ou bluffer personne et quand je sais que le dilemme est entre moi et moi, je tranche en ma faveur et m'accorde ma sieste...
Plus sérieusement, en signant cet accord qui contient des mesures effectives comme l'interdiction des réunions après 17H, mais aussi des bilans plus réguliers pour estimer la charge de travail et ainsi distinguer sur les horaires le bon grain productif de l'ivraie présentéiste, la SNCF prend un train d'avance pour l'égalité homme/femme et montre la voie express à prendre pour tous les groupes où l'on prétend fièrement que l'avenir appartient à ceux qui partent tard...
PS: pas de hacking sévère, trouvé l'illustration là http://www.tibo-illustrations.net/article-5829080.html
10:58 | Lien permanent | Commentaires (2)
19/09/2012
Boulevard le Pen...
Nouveauté pour moi en cette rentrée scolaire, je dois donner des cours de rhétorique politique. Nouveauté bis, ce ne sera pas seul, mais en bi voir trinôme avec des cerveaux bien formés et aux opinions très éloignées de miennes. Attendu que mes comparses sont des amoureux du politique et goûtent modérément les petites phrases, tout se passe bien. Nous abordons donc nos travaux pour aider nos étudiants à comprendre comment les politiques s'agitent en invoquant des mots clés comme autant de codes les renvoyant ou les excommuniant de certains partis.
Pour des raisons absconces "travail" est de droite "partage" de gauche et "République" pour tout le monde... Mais ces derniers temps et Sarkozy l'avait fortement bien intuité en 2007, les clivages classiques sont transcendés par les questions identitaires et de ce point de vue, je redoute que Marine le Pen ne soit en train de marquer des points... Bien sûr, les questions économiques seront très présents pendant le quinquennat eu égard à la gravité de la crise actuelle. Bien sûr aussi, un certain nombre d'enjeux sociétaux vont émailler les 5 années à venir : droit de vote des étrangers, mariage homosexuel ou encore euthanasie. Mais les questions identitaires amorcées plus que maladroitement (et sans doute volontairement maladroitement) par le précédent gouvernement vont revenir : la fracture entre vainqueur et perdants de la mondialisation se creuse et Marine le Pen guigne sans honte les bataillons des perdants, fort nombreux. Si elle les rallie tous, elle l'emportera.
Elle ne peut à l'évidence le faire sur les seuls thèmes économiques. Le Front de Gauche fera barrage et est historiquement mieux outillé pour contenir les travailleurs prolétaires, quand bien même les instituts de sondage disent le contraire. Contrairement aux idées reçues sur la campagne, Mélenchon a fini assez haut et le Pen n'a pas fait les 24% qu'elle atteignait un an avant, du temps où DSK était le champion putatif de la gauche. La faute a une orientation de campagne. Le Pen a eu les yeux plus gros que le ventre : elle a voulu tout tout de suite. Mais sa rengaine anti élite européenne et ses solutions économiques n'ont pas pris, elle patinait et commençait à décliner. Son retour aux fondamentaux de son parti, phrases chocs sur l'immigration, "mais des centaines de Mohamed Merah arrivent chaque jour par avion" fit mouche. Elle le sait et elle se pourlèche de voir qu'une irrépressible montée voir accession au pouvoir sur ces seuls thèmes est désormais possible. Un premier signe de ce virage à droite (c'est malheureusement possible) eu lieu lundi matin sur RTL, Marine le Pen était invitée par Apathie qui pensait sincèrement la coincer en lui demandant son avis sur la manif' de l'ambassade américaine en lui faisant confesser que Valls était assez sévère. On peut l'écouter en entier là : http://www.rtl.fr/actualites/politique/article/sur-rtl-ma...
Avouez que dans la série petite phrases, "je préfère un régime totalitaire laïc à un régime totalitaire musulman", dame le Pen fait fort. Surtout quand elle anticipe la réponse d'Apathie et le met KO en disant "oh je sais bien qu'on ne peut dire ça, mais les français pensent comme moi" et à voir les chiffres de vente et d'audimat des nouveaux beaufs et fachos médiatiques, elle marque un point. Et elle risque d'en marquer d'autres de marteler la même stratégie pendant un moment. Dans cette nouvelle guerre froide idéologique opposant occidentalisme et islam, le punch itératif de le Pen fonctionne. Elle n'a qu'à attendre que des faits divers tragiques surviennent partout dans le monde et parfois en France pour relancer ses piques en commentant l'immobilisme des dirigeants politiques.
Entre une UMP courant après le FN sans succès en singeant la dureté sur le foulard ou les expulsions et un PS mal à l'aise à l'idée de dénoncer les obscurantismes, le Pen peut se frotter les mains. Ce n'est pas demain la veille que nos gouvernants vont changer de discours en essayant de pousser l'ascension de rôle models dans les quartiers et surtout de relancer massivement l'emploi dans ces quartiers. Quand on bosse et qu'on est bien dans ses baskets, on perd moins de temps à regarder les conneries de films qui circulent sur Internet. Eu égard aux derniers chiffres de consommations des médias, télévision au global et audience des sites Internet, m'est avis que le Pen ne va pas trop souffrir pour trouver des arguments pendant 5 ans...
07:57 | Lien permanent | Commentaires (0)