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10/12/2011

Les nouveaux OGM : Optimistes génétiquement manipulés...

M1905_74.jpgQu'un magazine choisisse pour sous-titre "retrouver du sens" et on sait déjà qu'on va se poiler. De ce point de vue, Clés, est au rendez-vous. La nouvelle trouvaille de Servan-Schreiber propose un décryptage tous les deux mois de grandes tendances sociétales en prenant le temps dans un monde de l'hyper vitesse. Alors, je trouve ça bien pensé, d'ailleurs j'adhère aux valeurs du slow food, mais quand je vois 20 pages intitulées slow life, je sens que le piège à c... se referme. Bingo. Pas étonnant, de la part d'un type qui a crée Psychologie Magazine qui est à la psy ce que François Feldman est à la musique classique, ou Edouard Courtial à la diplomatie. Passons.

Peu de choses à sauver dans ce magazine à 5 euros (prochaine fois je prendrais une crêpe au Nutella, il m'en restera quelque chose) où les bons sentiments côtoient systématiquement les conseils pour se faire du bien moyennant un demi-SMIC l'après midi.

Le pire n'étant jamais certain, il faut poursuivre sa lecture et arriver au sujet de couv' "nous sommes tous optimistes, c'est génétique" avec notamment une interview de Florence Servan Schreiber (pourquoi chercher plus loin ?) l'inoubliable auteure de "3 kifs par jour"... Je pensais tomber sur un article très con sur les optimistes qui auraient raison, plus que les pessimistes et à l'arrivée de l'hiver, allez, on se fait plaisir nom de Dieu... Le mal est bien plus profond: tout part d'un cours à l'ESCP avec un prof qui explique que la chance s'enseigne et que chacun à en soi un potentiel de chance à faire croître. Ils ont fait une espèce de nouveau Dalaï Lama, mélangé à Steve Jobs, je vous laisse juge... http://www.youtube.com/watch?v=OoF-_1YKjSU

Moi je comprends tout à fait que ce monsieur fatigué dise des conneries énormes après une journée de boulot... Mais de là à l'inscrire dans les programmes scolaires avec justification pseudo scientifique (si on considère que les Bogdanov sont scientifiques, c'est ouvert) du type "les gens optimistes vivent 19% plus vieux que les autres". Tout est à l'avenant, c'en est effrayant... Les margoulins et autres escros de tout poil nous vendent du séminaire à la con à 3000 euros la journée, de "le bonheur comme facteur de performance" "l'optimisme pour rebooster votre croissance". Ce avec des arguments solides pour vous faire raquer: les français sont plus pessimistes que les brésiliens ou les chinois, ça impacte directement notre PIB...

Le problème quand le lien social s'est délité à ce point et que la kleptocratie marche à plein, c'est qu'elle laisse un boulevard aux pharisiens de tous poils. Avant on se contentait des cartomanciennes, des voyantes, ou en version moderne, la Française des Jeux. Ca n'était pas bien grave. Mais ériger cette connerie en programme national, faut il vraiment que la situation soit grave. Pas de quoi nous rendre optimiste en tout cas...

Demain, nous réfléchirons sur ce concept proposé par mon filleul de 5 ans : le "demi copain". Nouvel avatar de la crise qui implique que l'on ne peut plus avoir d'ami plein ?

07/12/2011

Peine de mort: et si aujourd'hui Sardou battait Dabadie & Julien Clerc ?

'Oléans_appuyé_à_la_guillotine_et_brandissant_la_tête_de_Louis_XVI_-_gravure_anglaise.JPGLa génération Y, les 18-35 ans, est parée de toutes les vertus possibles, à écouter le MEDEF. Cela mérite suspicion.

J'imagine que la peu philanthrope au-delà du raisonnable Laurence Parisot clame son amour des jeunes d'aujourd'hui car ils sont "souples" "adaptables" et "connectés". Comprenez par là, résignés à la perspective de devoir être précarisés et opposés les uns aux autres, dans une déferlante plus violente que celle dépeinte par Marx dans sa parabole de l'armée de réserve qui relève tristement de la prétérition...

Hormis l'ardeur à la tâche, on prête à cette nouvelle génération des idées éclairées sur les préférences sexuelles, les mélanges culturels et autres avancées que les crétins rubricards ou trendsetters rangent dans la case "question sociétales"... Et bien chers docteurs sondagiers grimés en sociologue, je puis vous l'affirmer sans bouger les sourcils, vous vous gourez au-delà du raisonnable...

Gageons que, sur les questions de sexualité, les opinions pourront évoluer avec le temps quand ils comprendront que Gérald, ce mec si cool mais, dont la nana n'était jamais dispo pour sortir et qu'il partait rejoindre avant la fin de la soirée, en fait... Difficile de se déjuger pour eux, et ne blâmons pas Gérald, difficile de s'affirmer et de sortir de la norme. Idem pour nombre de thèmes clivants où le groupe rassure. Qui peut sincèrement s'affirmer communiste à 18 ans aujourd'hui ? Ca n'existe plus si on veut la paix...

En revanche, il est un thème pour lequel l'évolution est moins évidente ; la peine de mort. Car l'expérience ne vaut pas jugement. On peut se prononcer hors connaissance de cause. "Cela sert-il à quelque chose ou pas ?". Voilà le seul débat qui vaille et je croyais la réponse évidente... Pour tester les capacités rhétoriques de mes étudiants, je leur ai demandé de se prêter au jeu, en espérant que l'un d'entre eux aurait le courage ou la malice de jouer l'avocat du pour. Malheur à moi, ils étaient une légion et pas vraiment étrangère... Si le vote avait eut lieu dans cette salle de classe rassemblant de jeunes électeurs, assemblée complètement mixte, il n'est pas dit que la loi Badinter serait toujours en vigueur. C'était avant hier et j'en suis toujours K.O..

On s'habitue à tout, à la détestation de l'autre, à la peur panique, à ceux qui érigent des lignes Maginot, des murs de Gaza et autres clôtures contre l'Autre. Triste mélopée de l'ultra moderne solitude où l'on n'est triste seul mais toujours moins mal accompagné que si c'est par l'autre... Ca, je m'y suis acclimaté à défaut de comprendre. Mais que l'on trouve bénéfique, logique, légitime, de reprendre la vie de quelqu'un ? Ca, les bras m'en tombent...

Pourtant, tout a été dit là, avec l'immense talent de Jean-Loup Dabadie.

http://www.youtube.com/watch?v=QANmYI9N3kY 

"C'est du sang d'homme, c'en est encore. C'en est encore". Cela me semblait être la plus grande évidence. Celle pour laquelle, avec nos pouces opposables et nos cortex frémissants nous avions dépassé le stade guttural, le stade de foot, le stade barbare et obscur. A quoi ça sert ? Seule question qui vaille encore... Comment croire que l'extermination de celui a causé l'impardonnable ramène qui que ce soit ? Je ne connais qu'un imbécile pour avoir bramé qu'il était pour http://www.youtube.com/watch?v=9FJUpNf215A 

Comment en est-on arrivé à ce qui ne résiste pas à la raison ; Sardou mettant Dabadie K.O. ? 

J'hasarde, ce qui a changé depuis 1981, c'est l'hyper empathie et la volonté exacerbée de diffuser du compassionnel, l'idéologie du fait divers... La place occupée par les chiens écrasés ne cesse de croître.  Pradel et Hondelatte, journalistes au fond assez médiocres (avec circonstances aggravantes pour Hondelatte qui s'essaye à la chronique culturelle avec une pauvreté d'esprit que l'on ne trouve guère que chez les experts consultants engagés par Canal pour justifier les millions d'euros investis sur la Ligue 1) ne devraient pas avoir le dixième de l'audience dont ils jouissent pour nous infliger les poubelles de l'âme humaine et pourtant ils sont starifiés comme jamais...

Au lieu d'une société adulte qui se pose la question des désaxés, des fous, de l'injustifiable et de ce que l'on peut envisager pour faire résilience, on préfère revenir en arrière, à la loi du Talion. Certains jeunes m'ont dit que Saddam Hussein condamné à mort nous avançait, c'était un minimum eu égard à l'ardoise hémoglobinique du bonhomme et si on avait pu attraper Hitler, hein... J'en suis resté coi. Oui ? Si on avait attrapé Hitler, quoi ? La face du peuple juif en eut été changé ? Cela aurait ramené tous les tziganes, les homos, les russes, les communistes, les pas comme il faut et tous les résistants ? Ca aurait soulagé quiquonque ? Est-ce un progrès de voir cette scène folle où les manifestants lapident et piétinent Mussolini avec la fureur d'un rottweiller devant un steak ? Ne sont-ils pas plus souillés et moins insérables ceux qui s'abaissent à assassiner l'assassin ?

Ce matin, au cours d'un séminaire passionnant sur les pièges des discriminations nichés dans les CV et les alternatives existantes, un docteur en psychologie sociale m'a confié après mon récit catastrophé que seuls 10% des Français étaient résolument pour et 10% résolument contre. Le reste bouge au gré des questions, et surtout des éventuels événements. M'est alors revenu en mémoire une discussion avec mon ami l'Albatros où nous nous disions que l'actuel locataire de l'Elysée était foutu de rétablir la peine de mort après une mort de policier violé ou quelque chose d'approchant... Elle qui est tant vilipendée (et à raison !) remercions pour une fois l'Europe de nous protéger de cette avanie. C'est bien le seul truc à sauver du traité de Lisbonne...

Demain, nous verrons bien, mais en attendant pour oublier restent les précieux conseils de l'ami Thiéfaine http://www.youtube.com/watch?v=YbvVTE2FNEs 

06/12/2011

François Beaune, le talent fou

couv-beaune-9782070134779fs.gifUn homme louche fait partie de ce genre de romans dont on se demande en les refermant si l'auteur n'a pas tout mis. Une gifle, quelque chose de très fort, de nouveau, mais une crainte qui sommeille: celle du coup unique. Nombre d'auteurs sont, le plus souvent sans s'en être rendus compte, des fusils à un coup. Inutile de les citer, ils sont légions et puisqu'ils ont réussi un opus, pourquoi braire sur les suivants ? Citons les plus connus récents, tout de même, David Foenkinos, qui après l'excellent "l'inversion de l'idiotie" débite des daubes de pire en pire et Tristant Garcia qui n'a pas concrétisé les espérances placées dans "la meilleure part des hommes". Ce n'est pas typiquement français et les meilleurs romans des surdoués Safran Foer ou Zadie Smith étaient sans conteste les premiers.

Sauf que François Beaune lui frappe au moins autant que le facteur, deux fois. Vu la gifle que je viens de prendre sur l'autre joue, la première encore chaude du roman évoqué au départ, qui captait si justement la folie, je m'attends à une troisième torgnole. Surtout que chat échaudé craint l'eau froide, lecteur averti itou. Pas question de revenir avec une histoire de frapadingues. Or, on comprend dès les premières pages que c'est le choix de l'auteur. Casse-gueule. Et pourtant... 

Le nouveau personnage, Alexandre, est encore plus saisissant et captivant que l'homme du premier opus. Il dérouterait ceux qui suivent les faits divers en cherchant toujours du sensationnels, des barons en manque de sensations fortes, des enfants battus et des jeunes kurdes qui portent la haine en eux. Foin de tout cela. Alexandre a fait de très bonnes études. Mais il n'a pas une brillante carrière qui s'ensuit. Non, il mène consciencieusement des enquêtes pour la SOFRES. Trop consciencieusement, d'ailleurs. On ne peut pas lui parler, le critiquer. Il est dans sa bulle. Vit avec sa mère, veuve, avec qui il empile les parties de Scrabble, passe à Motus et livre des repas aux Restos du Coeur. Alexandre se dit "touché par la disgrâce", il suscite une espèce d'effroi poli. Les gens l'esquivent plus qu'ils ne l'évitent. Tout cela nous l'apprenons par la bouche même de l'intéressé, dans son journal de cavale pour un meurtre mystérieux, à Lyon (Manhattan étant déjà pris). 

L'autre force brute de Beaune, au-delà de la densité du personnage, c'est la maîtrise du tempo. Il délivre les infos au compte gouttes, brouille les pistes au bon moment mais sans abuser des effets de manche des mauvais polars. Beaune ne joue pas avec son lecteur pour faire le malin mais au contraire nous invite à progresser avec lui dans la compréhension de cette folie ordinaire. Quand nous sommes mûrs, nous plongeons même parmi les clochards, les jeunes paumés qui basculent dans une petite délinquance sans le vouloir et sont surtout violents entre eux. Jamais je n'avais senti un tel réalisme depuis les naufragés, l'immense ethnographie de Patrick Declerc. 

Le livre a paru en septembre dernier, Libé, les Inrocks, Télérama ou Médiapart ont salué le talent de l'oeuvre qui n'a pas raflé de prix. Si Limonov ou Retour à Killbegs méritaient incontestablement leurs bandeaux primeurs, je ne vois qu'une injustice profonde pour avoir privé un ange noir d'une récompense majeure. Il est vrai qu'écrire sur les désaxés, les tordus, les invisibles n'est pas toujours payé en retour. Peu importe, un talent pareil n'écrit pas pour eux et nous livrera forcément un troisième grand moment, de la littérature, contrairement au reste.