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19/11/2011

L'étrange cri du CRIF

Maxi-Posters-Les-Simpson---Le-Cri-71474.jpg"Nuits des longs couteaux à Solférino". A en croire Richard Prasquier, le président du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF) au célèbre "tout le monde sont juifs" de Desproges pourrait bientôt succéder un "tout le monde sont antisémites à gauche". Si ce n'est que Desproges était volontairement, et avec quel acharnement encore, comique. Chez Prasquier, toute déclaration rigolote l'est bien à son insu.

Ce pauvre Prasquier, donc, voit dans les récents accords entre le PS et EELV des relents d'antisémitisme ou peu s'en faut (il se "garde de franchir la ligne" mais avance tellement d'arguments pour exprimer sa colère qu'on n'est obligé de constater qu'il la franchit un peu quand même) dans l'éviction de quatre députés d'origine juive en Ile de France. Il s'en explique là dedans (je vous passe les articles Atlantico ou le Figaro) :

http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/articl...

Bon. Donc, si on suit Prasquier le délitement des valeurs de gauche en Ile-de-France s'annonce parce que ces 4 élus étaient les représentants des valeurs de combats, de lutte et d'ouverture de la communauté juive qui a un poids historique dans la région et il faut le conserver... Et Prasquier d'en rajouter une bûche au cas où certains seraient tentés de dire que Richard pousse le bouchon un peu loin "on voit bien les réflexes antisionistes et la détestation d'Israël chez EELV, incarnée par Yves Contassot, député connu pour ses prises de positions violemment antisionnistes". Les bras vous en tombent, non ?

Heureusement, nombre de membres du CRIF dotés d'un cerveau comme Patrick Klugman se sont éloignés de ces déclarations, mais certains des députés évincés avouent "recevoir des coups de fils inquiets et éprouvés d'électeurs"; dans une République laïque ? En quoi la judéité d'un député est-elle importante ? Plus que sa bretonnitude ou son auvergnatisme ? Les élus n'ont pas à nous encourager à effectuer le shabbat (putain, maman, pardon, je me sers de l'électricité un samedi...) et doivent venir travailler pour Kipour et autres fêtes, ou alors ils posent des RTT comme tout le monde... Tient pas debout son truc... "Le PS aurait dû le savoir" dit encore l'ineffable Prasquier. Mais savoir quoi ? Les seules questions qui vaillent portent sur le bilan de ces élus, le profil de ceux qui les remplacent et les projet de chacun, le reste c'est de la littérature égarée entre Gobineau et le Morand de "Doulce France"...

Par ailleurs, chers amis du CRIF (pour les élèves de lycée qui atterrissent ici en cherchant Justin Bieber et en l'orthographiant Justin Beaver, ceci est une antiphrase) cessez d'instrumentaliser l'antisionisme à tous vents. D'accord, quand Dieudonné fonde un parti antisionniste, on peut douter du caractère ouvert et constructif du mouvement. M'enfin, le sionisme, le vrai, celui de Théodor Hertzel était quand même classé comme un mouvement raciste jusque en 1991 (pourquoi plus depuis ? Les suites du Glasnost ? Si quelqu'un a la réponse...) donc l'antisionisme peut être fondé; je connais même nombre de juifs qui sont antisionistes et ils ne sont pas honteux ou dans la haine d'eux mêmes où je ne sais quelle connerie... 

Bref, Prasquier a encore perdu une occasion de se taire et renforce ce sentiment lancinant et obsédant depuis quelques années: celui que les tenants d'un certain pouvoir (politique, économique, syndical ou autres fonctions de représentations) ne parlent que de leur petit point de vue et ne représente qu'eux mêmes... Quand on est juif et qu'on entend Prasquier, on peut penser comme pour Charlie Hebdo "c'est dur d'être soutenu par des cons"...

16/11/2011

Les sondages, ces grumeaux de la démocratie

c1-web-sondages2.jpgCe livre ne vous fera pas vous sentir mieux. Ce livre ne promet pas de perte de poids. Pourtant, avec un taux de 100% et sans marge d'erreur, on peut néanmoins affirmer que ce livre est de salubrité publique. 

Salubrité publique car, pour des raisons que les auteurs expliquent très bien, la critique sur les sondages n'existent pas. La complainte, l'expectoration, l'éructation, oui. Une tendance générale au ronchonchon face aux sondeurs, mais qui ne s'accompagne jamais de mesures cohérentes: à lire l'énervement d'opposants aux sondages, il serait de bon ton de les limiter. Mais on ne le fait pas et on musèle la vraie critique en les traitant de "bourdieusiens" avec des accents de "staliniens" lancé par les jeunes cons des jeunesses rocardiennes très sûrs d'avoir définitivement déconsidéré leur adversaire.

Premièrement, je veux bien me faire traiter de bourdieusien ; ensuite, la critique ne tient pas debout, elle se contente de répéter à l'envi le titre provocateur d'un article, sans l'avoir lu, l'opinion publique n'existe pas. Bon, mais fors ça ils disent quoi les sondeurs quand on leur montre par A+B+C jusqu'à Z qu'ils mentent ? Rien, ils recroquevillent la tête dans les épaules et ils avancent doucement contrairement à leur chiffre d'affaires qui avance sereinement.

Car si l'on ne peut savoir combien de sondages se commandent en France, il n'est que de voir les chiffres d'affaires des instituts pour voir que tout va bien pour eux, merci. Une augmentation quantitative du chiffre d'affaires qui croise une ligne qualitative qui suit la même pente forte, mais en sens inverse... Le livre démontre cela avec une netteté pas encore lue jusque lors. Nous montrer, non pas que les sondeurs se plantent souvent, ça on le sait ; mais comment ils mentent de plus en plus, prennent de plus en plus de largesses avec la réalité en monétisant qui plus est leur enquête (ce qui va à l'encontre de l'expression "donner son opinion" avez-vous déjà entendu "vendre son opinion" autrement que pour Eric Besson ?). Au final, le livre nous montre que les sondeurs relève aujourd'hui plus des chiromanciens ou des rebouteux que es scientifiques. Manuel anti-sondages la démocratie n'est pas à vendre (écrit par Richard Brousse et Alain Garrigou, tous 2 sociologues et tous les 2 responsables d'un site de vigilance citoyenne http://www.observatoire-des-sondages.org; le titre prend là tout son sens. Et la contre critique des sondeurs s'effondre. Car, comment reprocher à des sociologues de ne pas aimer les enquêtes d'opinion ? Ils vivent pour cela ! Mais les enquêtes sérieuses, avec un terrain, des enquêteurs formés qui passent du temps avec des répondants volontaires. Or, le livre montre bien comment le téléphone et plus encore Internet tue la scientificité des sondages, comment on incite à répondre pour de l'argent comment on force la main avec des push polls ces enquêtes aussi fiables que la morale de DSK... Dans un très bon sketch, les Guignols proposaient déjà cette lecture assez proche de la réalité pour qui (comme le Castor) a déjà fréquenté cette étrange faune des spécialistes ès sondages, http://www.youtube.com/watch?v=64XKWP4nseQ. Guère complexe de maquiller la réalité pour qui a les moyens. Malheureusement, le sketch ne déforme même pas la réalité...

Je ne crois pas que le Grenelle de l'Environnement faisait état de la pollution mentale, mais si elle y figurait en premier lieu, il faut dépoussiérer nos pensées de ces sondages qui relèvent de la pensée magique. La presse, en premier lieu, doit retrouver le courage de l'opinion. La sienne, celle du peuple telle qu'elle la ressent, pas cette infâme pensée qu'on lui vend pour trop cher. Pour 14 euros et deux heures de lecture, on peut définitivement se sevrer de ces béquilles pour incompétents de l'extrapolation, pour asséchés de l'imaginaire, pour raccourci de la vision du pays. Avoir des idées libres, ça n'a pas de prix.

13/11/2011

Le long dimanche de DSK...

9782912667205FS.gifA l'époque, en 1978, le livre avait fait l'effet d'une petite bombe. Intitulé le dernier dimanche de Sartre, ce texte acide à souhait et trop en avance sur son époque car il se permettait de louer la malveillance, paraissait du vivant de l'idole. Peut être est-ce pour cela que le très beau roman de Jean-Pierre Enard n'est malheureusement pas resté dans le Panthéon littéraire.

Une réédition il y a quelques années chez l'excellente petite maison bordelaise Finitudes n'a pas suffi à faire connaître l'opus à un public aussi large que le mériterait le texte lui même. On ne touche pas à la statue Sartre de son vivant et surtout pas par la fiction, c'est le vrai blasphème. Qu'on soit Raymond Aron ou son héritier débile, Nicolas Baverez, alors la sur le fond, on peut se permettre d'attaquer avec des arguments lénifiants ("il était Stalinien") on vous ouvrira toujours les tribunes, ondes et caméras. Mais là, dans le roman véritablement politiquement incorrect, le très grand Jean-Pierre Enard osait imaginer Sartre incontinent, baveux, loqueteux. J'ai beau adorer Sartre, rien que pour Les Mots, ce croche-pattes empreint d'admiration me plaît toujours autant, dix ans après que mon père me l'a fait découvrir.

En lisant la presse française de ces derniers jours, je me dis que nos Rouletabille sont trop timorés ou trop limités, car ils se cognent au réel. Bien beau de décortiquer tous les SMS du Carlton, de démultiplier toutes les sources possibles et imaginables autour du "meilleur économiste de France" pour déceler une faille supplémentaire. On apprend ainsi presque tout de l'emploi du temps actuel de l'ancien directeur du FMI, ex favori pour la présidentielle de 2012. Des ex, apparemment, il en a un paquet, de passages, des passagères ou des voyageuses, des aléatoires, des laborantines, des professionnelles ou des occasionnelles, des dilettantes, des ambitieuses. Des réfractaires, aussi, apparemment, mais ça il ne faut plus en parler. Tout cela on nous le dit, on nous le suggère. Mais c'est un peu court. Ce qu'on voudrait, c'est creuser ce qui tient dans ces quelques lignes du Journal du Dimanche de ce matin, "seules les équations de maths le calment mais son emploi du temps reste vide".

Impensable et pourtant évident: un régal, un miel pour l'imaginaire. Imaginer l'ex "singe en rut" devenu triste dans sa cage. Après avoir secoué énergiquement les barreaux, hurlé à la mort, il s'est calmé. Un Ipad en guise de banane, l'ex puissant en est réduit à aligner les grilles de Sudoku premium comme un chômeur en fin de droits ou un retraité sans les moyens d'aller en Sicile... Quelle déchéance. Il nous faudrait une hyène pour écrire ce texte, mais une hyène talentueuse. Pas un tâcheron façon Darmon et Derai, les phacochères des éditions du Moment qui fouillent les poubelles pour assassiner Rachida Dati quand elle est au sol. Non un salaud magnifique, une ordure talentueuse pour affronter DSK dans une corrida où le taureau a déjà reçu quelques banderilles mais ne s'avoue pas encore vaincu pour autant. Faites le parler de la crise de l'Euro et son oeil frise à nouveau, il reprend du service. En plus, Silvio qui va avoir du temps libre, avec lui au moins, on peut s'amuser... Marc-Edouard Nabe a publié son "Enculé" le 6 octobre dernier, mais au titre on sent bien que ce n'est pas cela. Non Régis Jauffret saurait faire cela, ou peut être Thomas Reverdy ou Cécile Guibert, des auteurs qui n'ont pas peur des dingues mais au contraire que la folie aimante. J'espère qu'ils y ont pensé avant moi et que je pourrais lire ça en 2012, ça nous changera de l'auto-fiction...