Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/11/2011

Extension du domaine de la lutte des profs de ZEP

couv_autopo.jpg Le clin d'oeil a l'oeuvre de notre grand escroc littéraire est volontaire. L'escroc, celui qui arrive à trouver des avocats comme Raphael Enthoven pour prétendre "qu'il imite parfaitement le style creux et parvient à faire croire qu'il écrit mal quand c'est volontaire" (après avoir lu "le Philosophe de service" dudit fils Enthoven, je vous le confirme, "qui se ressemble s'assemble", entre escrocs on se défend. Si ce mec est philosophe je suis rabbin. Journaliste très intéressé par la philo c'est certain, cultivé d'accord, mais quand il pense à haute voix et que c'est la sienne, tous aux abris...). Dans son premier livre, Houellbecq donc  nous présentait un informaticien frustré qui ne pense qu'à des fantasmes étriqués et dont la vie pue le céleri rémoulade oublié dans le frigo depuis dix jours. Mais quand le sentiment de réel transpire à ce point des pages (pas du céleri rémoulade évidement), ça fait mouche. Or, Autoportrait du professeur en territoire difficile d'Aymeric Patricot embarque avant tout son lecteur par sa puissance réaliste extrême. Ce n'est pas le cas de toutes les autobiographies, car nombre d'écrivains sont mythomanes soit en se panthéonisant (Hemingway qui d'après lui est le plus grand amant, le plus grand soldat et le plus fin lecteur) soit en se détruisant avec une fausse haine de soi pénible (Nourrissier).

Or Patricot dans ce court récit de ces premières années de sa vie de prof trouve le ton juste, joue juste. Ni victime, ni héros. Ni déconnecté par une jeunesse dorée, ni préparée car issu de la cité, Aymeric avance dans la vie de jeune prof de ZEP sans préparation et cette absence de mise en garde rend la gifle d'autant plus violente. Dans le premier chapitre, il prend des gants sociologiques pour relativiser ce qui lui est arrivé.  Il revient sur la violence de l'expérience. Comme pour tout professeur il parle du déclassement, du manque de compassion. Surtout, il évoque très justement le double médiatique du professeur qui complique tout. Dans les médias, on parle des profs de ZEP pour évoquer les agressions ce qui alourdit le climat quand lui raconte n'avoir jamais été agressé mais y avoir toujours pensé. On parle sinon des profs en termes de privilégiés ce qui, quand on connaît la réalité ne prête même plus à sourire... 

La vraie violence tient à la ZEP elle même. Ces "5% d'établissements français qui ne sont plus dans la norme". Ou on te demande un autre travail, avec d'autres conditions. Interdiction de virer les élèves car il n'y a pas de surveillants. Caractère équivoque des sanctions: les mômes s'en foutent, les parents s'en foutent, la hiérarchie ne veut pas savoir. Objectif: tenir votre classe... Après, on peut te tenir tous les discours du monde sur les Hussards de la République, on voit bien que cela confine à la mauvaise plaisanterie et que ceux qui parlent de ça sont hors sols. 

Difficulté supplémentaire: la ségrégation ethnique: 95% de profs blancs pour 95% d'élèves non blancs. Patricot le dit très bien, l'incarnation du ghetto c'est le collège. C'est là véritablement ou se cristallise au plus fort les inégalités. Au lycée, on respire déjà mieux. Il enseigne aujourd'hui à la Coureneuve dans un lycée et les classes sont beaucoup plus assidues (en filière général, en technique c'est autre chose) car les plus violents sont partis. Les filles noires sont lycéennes, pas les garçons. Que vont-ils devenir ? Le livre ne le dit pas par lassitude de dire tout ce qui ne va pas mais on sent poindre les pages des faits divers du Parisien...

Pour ne pas accabler son lecteur, Patricot finit son récit sur une note positive: comment il s'en est sorti. D'abord, il a l'humilité de le reconnaître, en restant 3 ans. L'amour dure trois ans, la dévotion ordinaire aussi. Pour les autres, ceux qui prolongent leur engagement au-delà de la garantie décennale, l'auteur tire son chapeau et on le comprend. L'écriture, aussi, qui lui a permis de transcender son quotidien pendant. Après, il a pu se replonger dans la réalité et trouver cette parfaite distance de l'opus. L'écriture au quotidien, c'est aussi ce qui a poussé mon amie Titcheure a créer son blog, http://inglichetitcheur.canalblog.com/ qui est d'une drôlerie sans pareil. En créant un avatar blogesque d'elle même, elle a su se tourner en dérision et aimer ses élèves d'autant plus. Elle a changé la charge de la pierre qui pèse sur Sysiphe et en s'imaginant heureuse, elle a réussi. Patricot aussi, il est heureux de pouvoir transmettre via les mots, son quotidien qui est celui de tous les professeurs débutants. Ce n'est pas toujours rose, mais ça va mieux en le disant et encore mieux en l'écrivant. Reste à le faire lire.

Demain soir, rendez-vous au Quai Branly pour une expo sur les armures Samouraï, je vais voir si je peux pas en gratter deux ou trois pour mes potes jeunes profs...

03/11/2011

Pourquoi tant de haine de la démocratie ?

democratie_1.jpgLe mot de Churchill n'est même plus vrai. "La démocratie est le pire des régimes, à l'exception de tous les autres". Cet apophtegme soulignait fraîchement notre passion à reculons pour la démocratie vers laquelle le monde marchait lentement quand même, parce que l'autre chemin vers le fascisme. Bon, mais ne serait-on pas en train de faire curieusement machine arrière ? Il y a comme des vilains relents de 2005 avec les réactions à l'annonce de Papandréou de convoquer un référendum. "Il est fou. C'est très grave. Pourquoi demander ça au peuple ?" se demandent à l'unisson les dirigeants du G8 bien vite rejoints par les marchés qui plongent en choeur à peine le mot prononcé. Exactement comme notre VGE national qui avait rédigé le projet de constitution et avait été dévasté à l'idée que Chirac soumette ce texte au peuple...

Que les marchés ne soient pas démocrates, ce n'est pas nouveau. Ils fonctionnent sur l'information et la fiabilité de celle ci, alors son caractère confiscatoire est crucial pour leur maintien en état de profit permanent. Rien de tel qu'une bonne dictature pour les marchés et agences de notation qui ont d'ailleurs, mais on l'a déjà oublié, dégradé la Tunisie, l'Egypte et la Lybie car n'est-ce pas des régimes instables, ce n'est guère encourageant pour nos affaires. Ils réagissent fort logiquement de la même manière pour l'annonce du référendum grec, craignant que ces connards de populos n'acceptent pas ce qu'on leur donne alors que Sarkozy l'a pourtant bien dit "il n'y a pas d'autre plan", la similitude avec 2005 est troublante et décourageante. Car en 2005, la France, le Danemark, l'Irlande ont tous voté non et le traité de Lisbonne reprend le même texte... Les dénis de démocratie sont de plus en plus patents et la presse est plus que modérément critique. 90% des éditorialistes étaient favorables au "oui" hier et 99% tremblent aujourd'hui à l'idée que la France puisse perdre son AAA.

Enfermé dans leur fameuse "pensée unique", gouvernants, leaders économiques et médias oublient pour autant une vérité inchangée: on a personnalisé les profits et mutualisé les pertes en 2008. Mais ceux qui ont gagné beaucoup d'argent avec les junk bonds et spéculent depuis, les coupables  en somme, n'ont toujours pas payé... La démocratie dont le triumvirat cité-ci dessus a plein la bouche devraient trouver cela illogique.

"La démocratie c'est la République lorsqu'on a éteint les lumières" écrivait fort justement Régis Debray. Et effectivement, quand la démocratie vacille sur ses bases, les extrémistes de tous crins fleurissent et pas seulement politiquement: depuis le théâtre du Châtelet avec des connards de cathos ressuscités à Charlie Hebdo hier il y a des vilains relents dans l'air... Dans un cas comme dans l'autre, quelques petites factions n'admettent plus qu'une loi à la base de la démocratie, s'expriment au dessus de leurs croyances : la liberté d'expression. Et ils vont être d'autant plus légitimes que l'indignation devant ces actes de salopards est à géométrie variable: toujours prompte à dénoncer les relents racistes de la France, la nouvelle passionnaria télégénique de la lutte pour la diversité, Rokhaya Diallo, fondatrice du collectif "les indivisibles" commentait l'événement d'hier d'un troublant "les conneries d'hier vont relancer Caroline Fourest pour deux ans". On écrit "conneries" pour dire qu'on dénonce mollement un attentat criminel mais surtout on déplore que cela fasse la part belle à son ennemie juré... Ce type d'attitude chez une supposé héroïne de l'anti-racisme révèle en réalité les crispations internes d'une France figée dans ses petits clans, en col blanc, col bleu, peau jaune, noire ou rouge, toutes petites coteries peut compatibles au demeurant avec le concept de démocratie... Idem pour les fous furieux du Châtelet qui sont modéréments tancés par le pouvoir en place qui a besoin de son électorat catho et s'en voudrait d'aller les stigmatiser les plus nerveux d'entre eux... Beurk.

Demain, nous réfléchirons donc à la réécriture d'une constitution d'inspiration Maurasso-Trotskyste, revisitée par De Gaulle; on est en France tout de même...

01/11/2011

La pensée hors la loi du Figaro Magazine...

659123012.JPGNon mais de qui se moque t'on ? Il y a quelques mois déjà je m'étais égosillé devant une couverture de ce torchon présenté comme un organe de presse où l'on voyait un bienheureux dans un hamac avec ce sous-titre "voyage dans la France des assistés". C'était révoltant. Mais une aimable plaisanterie comparée à cette nouvelle édition du titre. 

L'indignation est plus subtile... Pas tant dans l'imagerie (encore que) que dans le titre. A l'image de la Sarkozye triomphante, cette droite décomplexée qui emmerde l'Etat, mais qui en même temps n'a plus que lui pour la sauver. Les crocs de boucher je ne sais guère, mais les saisies sur compte bancaire, ça devient urgent et salutaire. Comment peut-on, alors que la dette publique s'envole à cause d'un laxisme fiscal outrancier, inciter nos compatriotes à gruger la nation encore plus ? Ils pensent peut être que l'armée des humbles va payer comme à l'accoutumée ? Mais elle n'a pas les moyens alors que le pays, en richesses, ne s'est jamais si bien porté. Le populisme a changé de camp, les traders ne savent pas regarder des comptes publics, manifestement. La France compte 13% d'habitants sous le seuil de pauvreté et bien plus qui ne sont pas assujettis à l'Impôt sur le revenu, le rêve du Figaro Magazine est sans doute de les y contraindre...

On voit donc ce businessman en uniforme - chemise blanche, cravate noire- qui, d'un index autoritaire stoppe la courbe des impôts. Cette maladie redistributrice ne passera pas par lui. Outre que c'est moralement très condamnable, ça en dit plus que long sur les incroyables incohérences de cette droite qui se met quasi hors la loi : on nous rebat les oreilles avec l'identité nationale et on critique l'immigration qui fait venir des chômeurs. Mais les immigrés, c'est prouvé à l'envi, occupe les postes dont personne ne veut plus, dans des conditions thermiques ou horaires impossibles. Dans les maisons de retraite, les centres de déchets ou de recyclage, dans les centrales nucléaires... 

Quand à l'identité nationale, mais reparlons-en avec eux : aime t'on la France quand on la quitte fiscalement ? C'est les futurs Hugo qu'on assassine ! En empêchant les subsides de tomber dans les caisses de l'Etat, on fait de l'Education Nationale et du système de santé les deux plus grands plans sociaux de ces cinq dernières années.

Alors moins d'impôts, bon, mais moins d'impôts pourquoi ? Comme les Tea Parties aux Etats-Unis, le mouvement suggéré par le journal placé sous la coupe d'Etienne Mougeotte drague les fameuses "classes moyennes". Les classes hautes, le 1% et surtout le 0,1%, payer moins d'impôt cela devient impossible, ils ont déjà tellement tout ôté que moins de 8% comme Bettencourt ou Arnault, ça devient complexe... Là, le projet porte donc sur les salariés moyens. Charge à Baroin et Pécresse d'inventer des taxes sur les sodas, le whisky, les carottes râpées, le cachemire ou les tabourets de bar. Pas besoin d'être grand clerc pour voir que tout cela ne tient pas debout...

Hors la loi pour hors la loi, en 2012 il nous faudra plus que jamais un Robin des Bois qui sorte de Sherwood ou des forêts solognotes pour aller détrousser les abonnés du Figaro Magazine...