08/12/2020
Liberté d'expression chérie, où est ton égalité honnie ?
Monsieur, pourquoi on a pas le droit d'être homophobe ?
Monsieur, pourquoi, aujourd'hui, quand on voit la police on court ? Comment on peut être plus serein ?
Y a des pays dans le monde où on peut être condamné à mort, pour viol ?
Pourquoi les rappeurs ont les poursuit plus que Zemmour ?
L'homophobie, c'est pas comme détester les noirs ou les juifs... Monsieur, pardon, mais j'ai le droit d'être homophobe, non ?
Pourquoi Nicolas Canteloup il est pas en prison ?
Dénoncer les violences policières, ça rentre dans la liberté d'expression ?
8h, ce matin, classe de 3ème pleine de mômes. Je suis venu causer liberté d'expression, à l'occasion de l'hommage à Samuel Paty à l'invitation de l'association Ghett'Up qui accompagne les établissements un peu dépassés sur ces enjeux... Un peu dépassés car avec moins de moyens humains, plus de mômes nécessitant un suivi. Ce matin, au café, le proviseur adjoint me disait que le changement de sociologie du quartier, liée à de grands plans HLM, avait fait passer le collège de 20% de boursiers à plus de 50% de boursiers en moins de 5 ans... Ce genre de changements, énormes, nécessite à l'évidence plus de moyens pour compenser, notamment en termes d'enseignement des langues (les mômes boursiers passant rarement leurs vacances à l'étranger) en équipement informatiques, et autres. Ils ne les ont pas. Aussi, au quotidien, c'est parfois coton. Pour moi, ce fut tout sucre, parce qu'extérieur et là pour deux heures, je pouvais parler de tout, sans tabou, que je citai La Rumeur, Orelsan et Games of Throne, bref, j'étais une parenthèse enjouée, il était évident que tout serait simple et sans heurts. Pour rendre cet éphémère pérenne, il faut des moyens qui font défaut à ces établissements.
Dans ces établissements, il y a trop de système D, de démerdentiel, de petits cailloux mis dans les chaussures de celles et ceux qui doivent enseigner. Dans les hommages à Samuel Paty, plutôt que de hurler, Marseillaise pour tous, vive la liberté de blasphème et autres, un peu d'égalité sans laquelle il n'est pas de liberté possible. "L'égalité est le pont qui relie la liberté et la fraternité" écrivait Robespierre. Si on veut toutes et tous s'étreindre fraternellement, sororalement, qu'on puisse être libre de dire ce que l'on veut, il faut de l'égalité.
11:34 | Lien permanent | Commentaires (9)
05/12/2020
Horloges confisquées
Il y a une semaine seulement, on attendait la démission de Jean-Michel Blanquer. Après les révélations à tiroir de Médiapart et de Libération, les témoignages très clairs des membres d'Avenir Lycéen reconnaissant avoir été achetés et instrumentalisés pour faire la propagande du Timonier de Grenelle, la seule inconnue dans cette affaire était la date de départ du ministre. Hier soir, un article du Parisien confirmait que "l'hypothèse Blanquer aux régionales se précise". Entre les deux, dans quel Vortex sommes nous tombés pour aboutir à cette réalité parallèle ?
Dans celui des horloges élyséennes. Contrairement à Sarkozy et Hollande, qui ne furent maîtres de rien du tout, Macron est vraiment le maître des horloges. Sarkozy vit ses réformes confisquées, empêchées, son débat sur l'identité nationale torpillée par les horloges des autres. Hollande n'a rien pu faire contre le naufrage de Cahuzac, fut contraint d'écouter les frondeurs, ne put enterrer le fait d'avoir proposé la loi de déchéance de nationalité. Depuis 2017, c'est différent. A chaque embûche, à chaque problème, ils accélèrent, repartent dans une autre direction et ça finit par passer.
Le Grand Débat, la Convention Citoyenne sur le climat furent évidemment des onguents sur des jambes de bois, mais il faut bien admettre qu'en attendant, on parle d'autre chose. Cet été déjà, Olivier Dussopt aurait dû démissionner suite aux révélations de corruption, mais on a détourné le regard. Lallement est toujours là, Darmanin aussi. Cette majorité qui a peu de profondeur de banc ignore tout simplement les cartons rouge de l'opinion et laissent les joueurs sur le terrain, comme c'est aussi elle l'arbitre, il y a peu de choses à faire...
Électoralement, c'est peu payant. LREM a pris la pire raclée aux municipales d'un parti au pouvoir sous la Vème. Aucune grande ville gagnée. Aucune. Nombre de candidats sous les 10%. Des défaites piteuses. Nombre de ministres se sont pris des branlées homériques, Schiappa Panier Runacher, Attal, mais en bons Culbuto, sont repartis sans sourciller, sans broncher.
Macron pouvait lâcher hier, faussement grave, "je ne sais pas si je pourrais me représenter en 2022", il n'en pense pas un mot. Mais contrairement à ses prédécesseurs, il a confisqué l'horloge et donnera lui-même le départ de la course.
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04/12/2020
Éternel champion du grand oral
En répondant aux questions de Brut, Macron a rappelé qu'il est l'éternel champion du grand oral.
Bien sûr, ses contempteurs les plus sévères, les plus ulcérés, pour peu qu'ils l'aient écouté, l'auront trouvé épouvantable. Je ne compte vraiment pas parmi les thuriféraires de Macron, pour autant, force est de reconnaître qu'il est vraiment malin. Il sait exactement ce qu'il faut donner à des journalistes pour désamorcer l'hostilité. Son passé de banquier d'affaires, métier de séduction où l'on change ses arguments en fonction de ses interlocuteurs toute la journée, montre qu'il pourra prendre la tête de n'importe quel fonds en quittant l'Elysée. Voire même, de Black Rock. Il a ce potentiel là.
Sur les violences policières, il plaque son gimmick de "violences de quelques policiers" autant que possible et à la cinquième relance l'implorant de dire "violences policières", il concède un "on ne va pas jouer à ni oui ni non, je peux vous dire "violences policières" si ça vous fait plaisir" et il repart allegro. Pour celui qui a cherché comme scalp à faire dire "violences policières à Macron", c'est une balayette. Il se retrouve hébété, un peu humilié que son dessein puéril soit percé à jour et sans idée de comment relancer...
Sur l'enseignement de l'arabe, il revient au Macron de 2016, celui qui dit "la diversité est une chance pour la France". Là encore, ses contradicteurs sont pris de court, c'est exactement ce qu'ils voulaient. Sur le séparatisme, Mac l'anguille se faufile dans les interstices.
En 2017, deux jours avant le premier tour, il avait accepté une invitation de Mediapart pour 3h de discussion sans filet. Décontenancé par ce jeune homme qui aime débattre, qui reste jusqu'à l'épuisement, Edwy Plenel avait conclu par un commentaire comme "on peut vous aimer, où ne pas vous aimer, mais pas vous contester votre ouverture, votre goût du dialogue, merci d'être venu à Mediapart". Impossible de savoir combien de voix il a gagné ce soir là, mais j'en connais moult.
Depuis, Macron s'en est toujours sorti dans cet exercice contradictoire y compris avec Bourdin et Plenel, bien mieux qu'en discours où il s'écoute à l'envi... On l'a un peu oublié, mais au moment du grand débat avec les gilets jaunes, dans un délire de suffisance folle, Macron avait voulu discuter avec 60 intellectuels, ça avait duré 8 heures. 8 heures. Tout le monde était parti. Un papier du Monde relatait comment, à 2h du matin, 58 intellectuels partis, il ne restait que les agents de l'Élysée trop apeurés pour déserter les lieux. Un des derniers participants, sous couvert d'anonymat, avait dit "je ne sais s'il faut admirer la performance, ou convenir qu'il est juste complètement fou. Complètement fou de lui même, mais complètement fou quand même".
Et effectivement, derrière le mirage de la folie du discours, du brio du grand oral, il y a le bilan. Hier encore l'INSEE expliquait que la politique gouvernementale fait exploser les inégalités, pointant mesure par mesure tous les manquements. Sur l'environnement, on est plus loin encore dans le déni. Cette semaine, nous fêtions les 3 ans après les propos de Macron président jurant qu'en 2020, le glyphosate ne serait plus présent chez nous. Etc etc etc. Ad nauseam. Etre champion du grand oral, c'est comme champion du monde des matchs amicaux. Sympathique, mais très insuffisant...
17:40 | Lien permanent | Commentaires (11)