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06/12/2017

Charité sans solidarité n'est que ruine du pays

En juin dernier, Amancio Ortega, le fondateur de Zara, a fait un don de 320 millions d'euros aux hôpitaux publics espagnols. Mariano Rajoy était ravi. Il a remercié le grand homme. Nombre de responsables associatifs, des militants, des soignants, en masse, ont appelé à refuser le don. Leur mot d'ordre était "nous voulons la justice fiscale, pas la charité". Comment ? Quels bande d'ingrats que de refuser un don aussi conséquent ? Comment pouvaient-ils être aussi butés, bornés, pour refuser si belle offrande. C'est vraiment le problème des gauchistes d'avoir un problème avec le succès, la réussite et d'avoir le toupet de voir un salaud en quelqu'un qui offre 320 millions d'euros pour la bonne cause...

La fortune d'Amancio Ortega est estimée à 77 milliards de $. Ce don de 320 millions d'euros est une goutte d'eau, non pas par rapport à sa fortune comme on voudrait résumer le débat, mais par rapport à ce qu'il a soigneusement éviter de payer au fisc espagnol depuis des décennies. Le problème est double : éthique et économique. Ethique, car pour amasser une telle fortune, Ortega a commis de horreurs : Zara est régulièrement épinglé pour le travail des enfants, en Turquie, en Syrie. Des cadences à la chaîne qui n'ont rien de moderne et pas grand chose d'humain, des conditions de production écologique peu compatibles avec nos impératifs de changement... Si la mode est la seconde industrie la plus polluante au monde et la première à dégrader les conditions sociales (selon Oxfam), Zara est sans conteste parmi les trois principaux coupables, en termes d'ampleur. Et au sommet de cette pyramide de saleté, 77 milliards. L'insanité de cette fortune, la folie, l'infamie. Effectivement le problème n'est pas les 320 millions donnés ici, mais les dizaines de milliards volés. Ce que nous rappelle ceux qui s'opposent au don, c'est qu'Ortega n'est pas généreux, au contraire, il est ultra pingre et n'a pas payé ce qu'il doit. En donnant cette obole, largement défiscalisée ça va de soi, Ortega tente ce que faisaient tout bon catholique ayant commis moult pêchés dans leurs vies : acheter des indulgences pour aller quand même au ciel. L'église ayant besoin d'argent pour construire des cathédrales, les recouvrir de feuilles d'or et engraisser le clergé, elle acceptait volontiers. Elle avait aussi ses oeuvres, ses bons pauvres, ses hospices. Pas de souci, la charité privée n'est pas un souci, en soi. Le problème c'est quand la puissance publique oublie qu'elle est fondée sur la solidarité entre les membres de sa communauté et accepte de substituer à cette logique celle de la charité. Pour le dire d'un mot en détournant Rabelais, "Charité sans solidarité n'est que ruine du pays". Le compte n'y est pas et les dizaines de milliards détournés éhontément par les ploutocrates n'est pas compensés par les quelques centaines de millions qu'ils redistribuent chichement. Ne pas se laisser abuser.  

Bien sûr, en attendant, il est tentant de succomber. Personnellement, quand des grandes fortunes font des dons, organisent des galas de charité ou autres au profit d'associations pour lesquelles je suis engagé, il est difficile de dire non. Mais une association n'est pas un Etat et tout le monde doit avoir ses lignes rouges : accepter un don d'une fondation respectable, ça n'est pas prendre l'argent de Dassault. A chacun son examen de conscience.

Nous avons aussi en France, nos Amancio Ortega, mais en plus pingre. Maintenant que Liliane Bettencourt n'est plus, il nous reste Arnault et Pinault, Bolloré et Niel. Les deux premiers dépensent leurs immenses fortunes dans des collections d'art contemporain et de grands crus de vins dans l'unique but de spéculer. Bolloré abondent des hôpitaux privés au pays de la sécu publique, et Xavier Niel, qui se présente partout comme un grand mécène, fait tout payer dans sa Station F, y compris les locaux loués par la Fondation la France s'Engage, dédiée à l'accompagnement et aux financements de projets d'intérêt général. En sommes nous avons des ultra riches qui se soustraient à la solidarité et en même temps, ne sont même pas charitables : ça justifie de lâcher la cordée... 

25/11/2017

Affronter des moulins à vents macronistes

Don-Quichotte01.jpgCette semaine, je fus saisi comme jamais par la peur du vide. Non pas sous, mais face à moi. Ce vide sidéral avait les traits poupins de jeunes collaborateurs parlementaires macronistes. Après m'avoir entendu parler politique et fiscalité, ils me demandaient ce que je pensais de leur début de quinquennat et de leur super budget. Alors que je détaillais point par point, l'insanité des 46% de baisses d'impôts concentrés tout en haut et surtout la folie qu'il y avait à accorder 400 000 euros de baisses d'impôts aux 1 000 français les plus riches et en même temps des baisses d'APL ou du gel de point d'indice pour les fonctionnaires, ils ne bronchaient pas. Ils clignaient beaucoup, bichaient presque.

Alors, je haussais le ton concernant l'idéologie délirante et mortifère à propos des chômeurs vus comme des ultra privilégiés "qui abusent de leurs allocs pour faire le tour du monde au Bahamas avec des montures Channel offertes par la prodigalité de notre welfare state". Toujours pas plus de réaction qu'une bernique. Je montais encore dans les tours à propos de la politique agricole suicidaire que nous menons en klaxonnant joyeusement, soutenant encore plus l'agriculture intensive et saccageant les aides au bio. Mes interlocuteurs clignaient des yeux, prenaient des notes sur leurs téléphones et affichaient une lippe boudue. Je sentais qu'ils allaient enfin me répondre, mais je devançais leur réplique en explosant définitivement en parlant des Paradise Papers dont ils n'avaient absolument rien à foutre alors que tout prouve que ces pratiques ôtent 20 milliards de recettes fiscales au pays chaque année. Là, tout de même, après un nouveau clignement d'yeux, mon interlocuteur m'opposait : "bien je comprends. Vous ressentez une certaine déception face à l'action présidentielle". Et il reprenait sa rapide mastication car sa députée ne voulait pas s'éterniser... 

Je n'en revenais pas. La moitié de mes critiques aurait suffi à faire sortir de ses gonds n'importe quel sarkozyste. Il n'en avait rien à faire, il a noté des chiffres, deux formules, a regardé les dizaines de notifications qui s'étaient amoncelé sur son smarphone pendant le déjeuner, m'a souri et est parti sans envie de débattre ou de convaincre. Tels des moulins à vent, les macronistes ne répondent pas. Le vent, c'est celui que fait souffler Jupiter via son messager Christophe Èole Castaner en éléments de langage reproduits à l'infini. Va affronter ça... Cela m'a souvent frappé depuis que j'en fréquente : aucune aspérité, aucune colonne politique chez les marcheurs, des techniciens. J'ai vu des députés faire applaudir par des salles d'employeur des mesures ultra techniques. Aux "nous voulons un pays où les gens respirent et mangent sainement car aujourd'hui l'air et nos assiettes font plus de morts que les armes", une vision de société, ils opposent "nous réintégrerons le RSI au sein de la Sécurité Sociale à périmètre fiscal constant et prévoyons un dégrèvement des cotisations au delà de 3 SMIC". Et des types applaudissent ça... Ca laisse songeur sur l'époque et l'échec des grandes utopies politiques, reconnaissons le...

Mélenchon l'a admis d'ailleurs, il y a peu. On doit lui donner raison, le 1er round revient au Président. Les manifs ne prennent pas, le mécontentement ne monte pas, ça n'est pour autant que l'adhésion est là. Une immense majorité de français jugent la politique fiscale du gouvernement "injuste", "à destination des hyper riches", "écologiquement injuste, tartuffe". Mais faute de grives, on mange de merles, et faute d'une alternative envisageable, on subit la marche. Surtout, on subit le rythme du vent. Nous voudrions encore parler des ordonnances de la loi travail, mais le vent nous a déjà déporté vers la réforme des retraites et le financement de l'assurance chômage. Le piège serait d'aller boxer dessus où les moulins à vent vont encore nous enrhumer. 

Il nous faut réapprendre à boxer différemment. Reprendre la main sur un agenda différent, avec des priorités qui parlent à tous : l'air, l'alimentation, une éducation qui permette à chacun de se réaliser, un vrai partage des richesses, des ressources, du temps. Sur ces sujets, nous sommes ultra majoritaires. Prenons le temps de nous rassembler pour faire bloc et levée une masse tel que le vent s'essoufflera contre elle.  

 

 

16/11/2017

Des porcs sans tête de l'emploi

"Ho oui, mais quand même Hervé le Bras n'a pas une tête de harceleur". Ainsi me répondait brillamment un distingué philosophe alors que nous échangions sur le harcèlement sexuel, pratique selon lui "réservée à certains milieux" et peu présente dans les milieux universitaires où "les gens sont cultivés". Je tombais de ma chaise et lui citais le cas du démographe Hervé le Bras, qui fut poursuivi par d'anciennes étudiantes en thèse qui, dans des termes très crus avaient expliqué qu'elles avaient été incité à pratiquer la promotion canapé. Mon interlocuteur se bloqua dans le déni au motif spécieux que le Bras n'avait pas la tête de l'emploi pour un harceleur...

Dans ces cas là, la phrase d'Einstein "il est plus facile de briser un atome qu'un stéréotype" prend un relief particulier. Les stéréotypes facilitent la vie de ceux qui aiment à ranger leurs représentations ; des pulls qui grattent pour les profs, des punks à chiens pour les intermittents, et donc sans doute des têtes de porcs pour les harceleurs sexuels... 

Harvey Weinstein, DSK, Tariq Ramadan, maintenant, tous ont "la tête de l'emploi". C'est sûr qu'à y regarder de plus près, ils ont quelque chose dans le sourcil, dans la lippe bavante, oui, retrospectivement, c'est sûr, ils ont des têtes de pervers. La vindicte populaire aimerait ainsi se débarrasser de types qui porteraient les stigmates. Ca n'est évidemment pas si simple. Et surtout l'ampleur de la libération de la parole des femmes avec les #Metoo font ressortir une telle masse d'hommes harceleurs que les rues devraient être littéralement invivables, défigurées par tous ces pervers dégoulinants. Il va donc falloir chercher ailleurs et dépasser nos croyances dans une tête de coupable pour prêter plus attentions aux mots, gestes et autres attitudes qui pourraient trahir un agresseur en puissance. Prenons Denis Beaupin, pour finir, il a posé avec du rouge à lèvres pour dénoncer les violences faites aux femmes. Il a posé avec son petit vélo en citoyen responsable, on lui aurait donné le bon Dieu sans confession, on ne l'aurait jamais soupçonné. L'histoire a montré, prouvé, re re reprouvé qu'on aurait eu tort. Les agresseurs sexuels ont souvent la responsabilité en étendard, la mise parfaite et le sourire en coin. Mais ils laissent partout des traces de mots, de gestes et d'attitudes visibles de beaucoup. C'est cela qu'il faut dénoncer dès le début car ce qui frappe dans toutes les histoires de harcèlement et d'agressions, c'est la durée sur laquelle elles s'étalent. Hier encore, Thierry Marchal-Beck, encore un bon petit à tête de chef scout qui n'était que patron du MJS se serait livré à des agressions sexuelles entre 2010 et 2014. Quatre années pendant lesquelles il a abusé de nombreuses jeunes femmes. La possibilité que personne n'ait rien vu, entendu, remarqué, est proche de zéro. Quatre années pendant lesquelles personne n'a voulu dénoncer un type qui n'avait pas la tête de l'emploi, du présumé coupable...