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22/09/2017

Narcos, saison 4

Pas de spoiler, pas de révélations fracassantes sur un nouveau cartel colombien, mexicain ou autre destination exotique. Non, la saison 4 de Narcos a commencé il y a bien longtemps et nous sommes en plein dedans. Au sens où "nous" sommes en plein dedans. Il s'agit d'une série où nous sommes les anti-héros, ceux qui subissons de plein fouet les exactions du nouveau cartel insaisissable, mais qui pille infiniment plus qu'Escobar en son temps ; et en redonnant bien moins aux classes populaires, de surcroît. Lors des funérailles du célèbre baron de la drogue, des dizaines de milliers de colombiens pauvres pleuraient, inconsolables. Et pour cause, le tyran assassinait ses opposants politiques et policiers, mais a financé des HLM de qualité qui sont toujours debout aujourd'hui, des écoles, des hôpitaux. Il a arrosé les classes populaires dans des proportions inouïes, l'argent de la drogue a pallié là où celui de l'Etat faisait défaut. Combien de pauvres hères en Europe défileraient derrière le corbillard de Jean-Claude Juncker ou de José Manuel Barroso ? Aucun. Et pourtant... 

Pourtant, la récente révélation de ce que le rapport d'expertise européenne était truffé de copiés-collés de Monsanto confirme ce que tout le monde voit : l'emprise du nouveau cartel, la corruption rampante, étouffe le politique comme un boa constrictor achève ses proies. Dans "Une démocratie corruptible" le politologue Pierre Lascoumes a montré comment la corruption endémique paralyse l'action publique dans les pays en développement, obère la possibilité de redistribuer. Ce que nous dit Lascoumes c'est qu'il existe des seuils universels, des montants à partir desquels on peut corrompre, partout dans le monde. On se focalise sur les pays d'Afrique ou d'Amérique du Sud, façon polie de mettre à distance le problème, mais la corruption des agents publics ne connaît pas de frontières et se répand de plus en plus dans les instances européennes. Selon Lascoumes, au delà de 20% du salaire d'un fonctionnaire, la possibilité de corruption est là. Prenez un douanier qui émarge à 1200 euros nets par mois. A 100 euros de backchich pour prendre des risques, il ne bronchera pas et vous fera coffrer. Mais à 500 ? A 1 000 ? Si cela heurte notre morale, Narcos montre bien comment la police, les compagnies téléphoniques (pour connaître tout des écoutes), les juges et une partie de la classe politique furent achetés par les barons de la drogue. L'avantage, ce qui mit fin à ces pratiques, était l'identification possible de l'ennemi. Là, nous faisons face à une hydre avec des centaines de têtes tapies dans l'ombre, mais qui avance. A mesure qu'ils avalent des empires médiatiques, journaux, télés, sites internets, les libéraux pratiquent la corruption soft, celle des esprits. A mesure qu'ils stipendient des experts, infiltrent les commissions, les arcanes des assemblées, des cabinets, ils instillent toujours leur dose personnelle dans tous les cocktails législatifs. 

Le décalage entre ce qu'on nous annonce sur les étiquettes de réformes et la réalité des recettes ne fait que s'accroître. Cela n'a rien de complotiste, les faits sont là. Les lanceurs d'alertes hurlent et nous les entendons pas assez (aidés que nous sommes par des gouvernants qui ne les protègent pas assez, quand ils ne les attaquent pas en justice). Dans Narcos, la justice finit par passer avec l'aide de quelques incorruptibles militaires et illuminés religieux. Espérons qu'on pourra s'en sortir avec d'autres types de renforts. 

21/09/2017

Beaucoup de pavés, peu de bouchers

Il y a quelques jours, le Monde consacrait un grand papier à la tendance de cette rentrée littéraire : une augmentation colossale de très gros livres. Et le quotidien du soir d'interroger un certain nombre d'acteurs du livre sans jamais questionner la qualité de ces mastodontes de papier. On parle des souffrances lombaires des libraires, de la place prise sur les étalages ; du goût des lecteurs, à la rigueur d'un rapport nombre de pages / nombre d'euros. Rien, pas un mot sur la qualité des textes. Or, celle ci-laisse souvent à désirer car on nous assène des pavés plein de gras, où une immense partie est à jeter et où, du coup, le rapport financier est très défavorable...

La question n'est pas esthétique, mais relève plutôt d'un dysfonctionnement de la profession où on décompte bien trop peu d'éditeurs pour recouper, retailler, sculpter tous ces livres. Je ne parle pas des pavés industriels, ceux qui sont vendus tels quel, avec public à l'avenant. Les Ken Follet et autres qui déversent des sommes de plus de 1 000 pages depuis des années avec un public peu regardant, qui avalent cela ou du Joel Dicker comme d'autres vont au Mc Do. Non, le problème tient plutôt à ce que nombre d'auteurs se réclamant d'une forme de gastronomie littéraire nous vendent du prêt à mâcher informe. Dans "l'édition sans éditeurs", le fondateur de la Pléiade André Schiffrin déplorait le manque de personnel dédié à ce travail fin sur les textes, le manque de temps accordé aux ourlets et finitions sur manuscrits. Bien sûr, nombre de bons éditeurs travaillent toujours sérieusement aujourd'hui, mais la courbe d'embauches n'a absolument pas suivi la vertigineuse hausse du nombre de textes publiés. Fatalement, à un moment donné, ils ne peuvent plus suivre et envoi à l'imprimerie des textes insuffisamment fignolés.

Résultat, ces dernières années, on constate une inflation de livres de 800, 900 pages qui traduisent surtout que les auteurs qui vendent ne prennent plus le temps de retravailler leurs textes. Ainsi de sommes pondues par Aurélien Bellanger, Vincent Delecroix ou Philippe Jaennada pour ne citer qu'eux (mais je pourrais en trouver nombre d'autres) qui ont toutes plusieurs centaines de pages superfétatoires. Ces auteurs ont en commun de vendre suffisamment pour inverser le traditionnel rapport de forces entre auteur et éditeur. Toutes les correspondances d'auteurs et d'éditeurs montrent comment les premiers romans sont souvent amputés sans que les auteurs y trouvent à redire, attendus qu'ils rêvent uniquement de mettre leur nom sur une couverture. Si le succès est au rendez-vous, les choses se compliquent pour l'éditeur. La marge de manoeuvre se réduit. Elle n'est pas anéantie, quand Bellanger envoie 1 500 pages à Gallimard pleines de copier coller de Wikipédia, son éditeur peut encore lui demander d'avoir la décence de se relire un minimum. Mais le brouet qui sera finalement publié prouve bien que l'éditeur a baissé les bras de façon beaucoup trop précoce. 

Je ne veux pas déplorer bêtement le fait que nous ayons moins de José Corti ou de Jérôme Lindon car ça serait faux : il suffit de lire les dithyrambes aux éditeurs dans les remerciements de certains auteurs pour bien voir que les artisans du mots sont toujours là. Mais comme pour la grande distribution, on trouve trop de patrons d'abattoirs et pas assez de bouchers... 

16/09/2017

L'assourdissant silence autour des soutiens FN aux ordonnances travail

Est-ce par méconnaissance, par oubli, par relativisme, par cynisme ou par pur calcul ? Toujours est-il que l'on parle fort peu des soutiens sans réserve d'élus FN de premier plan comme Robert Ménard ou Louis Aliot, aux ordonnances sur la la loi travail. Invité chez l'ineffable Bourdin, Robert Ménard expliquait que les ordonnances "vont dans le bon sens car elles permettent aux petits patrons une tranquillité d'esprit pour licencier". Ces soutiens sont légions, Gilbert Collard rejoindra les rangs, Marion Maréchal le Pen fait fuiter qu'elle aussi pense du bien de ce texte...

Ca n'est tout bonnement pas conforme avec le grand récit des commentateurs progressistes qui aiment à renvoyer dos à dos "les extrêmes". Ha ! Les vilains canards "extrêmes". Les fous, les cataclysmiques, ceux qui ne veulent pas gouverner, ne veulent pas accepter la modernité économique... A force de le répéter en boucle, nombre d'électeurs ont fini par le croire et accepter benoîtement ce signe "=" entre le Front National et la France Insoumise. 

Pourtant, ce soutien d'une grande partie du FN à la régression sociale n'a rien de surprenant. Jean Marie le Pen était plus que proche de Poujade, il fut son fils en politique et a embrassé tous ses combats : la défense des petits patrons, le refus de la fiscalité, le suspicion généralisée sur les feignants, le fait qu'on nous foute la paix avec les normes pour laisser vivre les bouilleurs de cru. Que fait Macron depuis qu'il est arrivé à l'Elysée ? Il prend la défense des patrons pour licencier, explique que la fiscalité est toujours un fardeau, critique les feignants et, lors de la présentation de son plan d'envergure pour le logement, a expliqué doctement qu'il fallait "baisser les normes sociales et environnementales qui pèsent sur le bâtiment, notamment les normes concernant les personnes en situation de handicap". Au fond, Macron c'est le Poujade des élites, la culture de la finance en plus et le racisme primaire en moins (eu égard à sa politique d'accueil des migrants, gardons nous de faire de Macron l'humaniste qu'il prétend être). 

Dire cela, même documenté, même preuves à l'appui, c'est s'exposer à une inquisition sans nom. "Comment osez vous ? Ca n'a rien à voir !". Evitons les points Godwin, mais l'histoire sombre regorge de cas où le patronat et le bloc bourgeois ont, sans sourciller, accueilli les fascistes à bras ouverts pour éviter les communistes. 

Philippot, c'était l'idiot utile des progressistes. Son discours de défense des services publics servait les éditorialistes qui aimaient à montrer les ressemblances programmatiques avec la France Insoumise. Quiquonque est déjà allé à un meeting FN sait que les références aux services publics font bailler les spectateurs qui n'attendent qu'une harangue anti immigrés, anti banquiers, anti normes, anti média, anti tout. Maintenant que sa ligne s'éclipse, la recomposition se clarifie et la mauvaise foi ne pourra durer éternellement : non, gauche radicale et extrême droite n'ont rien à voir. Oui, l'extrême droite est parfaitement soluble dans le bloc bourgeois, Laurent Wauquiez s'en frotte les mains par avance. Avis à tous les désespérés sociaux, ceux qui veulent retrouver des Communs et du Partage, si vous continuez à lorgner vers le FN, vous avez autant de chances de trouver ce que vous voulez qu'un gnou d'échapper à un troupeau de hyènes.