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17/02/2018

Nucléaire plutôt que renouvelables, bagnoles plutôt que train : make our planet great again ?

L'abandon de Notre Dame des Landes et la limitation à 80km/h ne peuvent sérieusement tenir de feuille de route écologique cohérente pour le quinquennat. Ces deux décisions éviteront d'avoir un bilan uniquement à charge sur une question où la régression était éminemment prévisible et est à l'oeuvre à l'heure actuelle. Sans surprise. À la lecture des programmes des candidats de 2017, les ONG écologistes avaient classé Macron bon dernier en la matière. Impensable au XXIème siècle. Génie de l'opinion, Macron sait bien qu'en matière écologique, le culot peut tenir lieu de coloration. Une nomination symbolique (Hulot) un # gratuit et sans conséquence (#Makeourplanetgreatagain) et une grande réunion payée par BNP Paribas pour mettre en exergue cet oxymore "vive la croissance verte" et le tour est joué.
 
Si cela ne résiste pas deux secondes à l'analyse factuelle, rappelons le cas de ce gigantesque pollueur (mais "progressiste") de Justin Trudeau, qui a rouvert des pipelines et autorisé des extractions plus dégueulasses que son prédécesseur conservateur, Stephen Harper. Quelques tweets sur son yoga quotidien pour dire qu'il communie avec dame nature, une pincée de reportages auprès des indiens natifs qui protègent la nature, et hop. De toutes façons, le chantage progressiste du "nous ou le chaos" leur tient lieu de joker quand on les taquine trop sur le sujet... "Ok, nous ne sommes pas parfaits, mais franchement, vous préférez Trump ?" nous disent-ils de façon sybilline. Non, je ne préfère pas Trump, mais j'aimerais autant avoir des choix plus alléchants.
 
Libéral convaincu, phobique de la contrainte, Macron ne veut pas s'emmerder avec des choix de consommation, d'énergie, de transports où le collectif reprendrait le pas sur l'individu roi. C'est le triomphe du plat individuel sous plastique contre l'AMAP. Concrètement, c'est la suppression des aides à l'agriculture bio et des Etats Généraux de l'alimentation bio mensongers où aucune aide concrètes à l'alimentation raisonnée sur l'industrie n'est inscrite dans la loi. Raison pour laquelle Hulot a déserté la restitution de ces travaux, laissant Stéphane Travert dire tout le bien qu'il pense du texte...
 
En matière de transports, la encore, cohérence. L'auteur d'une loi sur les cars Macron a habilement demandé à un tiers "neutre" Jean-Cyril Spinetta de produire un rapport outrancier pour expliquer qu'il faut tuer les lignes de train de proximité. Si l'on mettait le coût écologique en face de ces propositions, on aurait envie de hurler. Mais pour les adorateurs du PIB (aveugle à ce genre de subtilités) la cause est entendue... Explosion des inégalités de mobilité, abandon de territoire ruraux, ce rapport est frappé au coin de la déraison.
 
Et troisième temps de la valse, l'énergie. Si Ségolène Royal s'était montrée charmée par Macron, ça n'est pas sur la volonté de sortie du nucléaire. Non content de freiner la fermeture des centrales (même s'il amusera la galerie avec celle de Fessenheim qui lui tiendra lieu de village Potemkine de son engagement vert), Macron a récemment déclaré à la presse qu'il "n'excluait pas l'ouverture de nouveaux réacteurs". Voilà voilà... Comment expliquer pareille folie, pareille ineptie à rebours du progrès ? En termes rhétorique, le populisme du haut consiste une nouvelle fois à renverser les termes : ainsi, promouvoir le nucléaire, c'est s'assurer que l'on bloquera le charbon. Exactement la même stratégie que pour Trump, montrer le pire pour se dédouaner plutôt que de chercher à indiquer un chemin vertueux. En l'espèce, de nombreux rapports montre que dans une Union Européenne en voie de conversion aux énergies renouvelables et propres, la France est le mauvais élève. Ce bilan n'est pas imputable à Macron, évidemment. Mais par des choix rétrogrades, il conforte notre dernière place. En refusant d'investir dans l'éolien, le solaire, les énergies marines, il souligne comme sur tant de sujets qu'il peut se réclamer du progressisme tant qu'il veut, il incarne mieux que personne le conservatisme.

 

 

09/02/2018

L'étrange syllogisme des violences faites aux femmes

L'écrasante majorité des plaintes pour violences sexuelles sont fondées. Or, tous les hommes accusés sont de vrais agresseurs qui trop souvent s'en sortent pour cause de dysfonctionnement juridiques ou de prétexte fallacieux (prescription notamment). Donc toutes les femmes portant plainte sont des victimes. Quel bel exemple de syllogisme foireux...

Avec cet air du temps abrasif, tous les porte-voix doivent redoubler de vigilance. Média ou individu aux réseaux énergiques (ce qui parfois revient au même, en termes de résonance) doivent apprendre à respecter la présomption d'innocence des deux côtés. Il peut y avoir des dénonciations calomnieuses. C'est évidemment l'infime minorité, mais ça n'en est pas moins grave. En l'espèce dans le cas de Darmanin et de Hulot, on se dit qu'on a sans doute confondu vitesse et précipitation avant de planter le décor du tribunal.  

A l'heure actuelle il n'y a rien, hormis une histoire plus que trouble et emmêlée pour Darmanin. Certes, il concède qu'il va aux Chandelles (c'est bien son droit, j'y vois la revanche sociale débile du fils de femme de ménage tout heureux de côtoyer DSK dans un club sélect...) mais en ce qui concerne les rapports forcés, on n'en sait rien. La plaignante a changé d'avis sur la posture du ministre et fut condamnée pour chantage auparavant. Ca ne fait pas d'elle une coupable, on peut ne pas être après avoir été, mais ça doit appeler à la prudence... Pour Hulot c'est encore pire, ce torchon d'Ebdo qui se proclame chevalier blanc du journalisme car garanti sans pub et ressort des rumeurs antédiluviennes d'une plainte annulée par une plaignante reconnaissant que "l'affaire n'en est pas une" d'une part et une histoire tout aussi emberlificotée de 1991 avec forts relents de coups tordus politiques (la plaignante serait la fille de Gilbert Mitterrand). Je n'ai aucune sympathie particulière pour Hulot et une assez forte inimitié politique pour Darmanin, m'enfin le fait qu'ils soient publiquement exposés comme des coupables de viols sans fondement n'est pas acceptable. Et c'est dangereux. Car si les faits sont classés sans suite comme c'est plus que probable, le mouvement #Metoo refluerait, perdrait. Ceci comme avec la probable défaite de la fille Besson accusant Pierre Joxe... Pour que Joxe porte plainte en diffamation, quand même...

Qu'on le veuille ou non, il est quasi impossible de ne pas porter un jugement sur ce genre de dénonciation. La salissure est immédiate car les actes évoqués ne sont pas répugnants, ils sont immondes. Mais nous ne sommes pas les Etats-Unis et contrairement à ce que dit Toubon (plus inspiré sur les migrants) ça n'est pas au harceleur de prouver qu'il n'a pas harcelé. Car chez nous la présomption d'innocence est un principe supérieur. En l'occurence, il devrait en l'espèce protéger Hulot et Darmanin et Joxe qui n'ont pas à être poursuivis tant que les accusatrices n'ont pas d'éléments concrets à charge.

Bien sûr, en matière de consentement sexuel, la "zone grise" embrouille beaucoup les choses. Bien sûr, après des siècles d'oppression hallucinante il faut que la peur change de camp et cela ne peut pas se faire en pureté parfaite. Mais d'un mouvement parfaitement spontané, salutaire et vital comme #Metoo et #Balancetonporc, la plupart du temps anonyme, destiné uniquement à faire bouger les mentalités et prendre conscience de l'ampleur du scandale, on passe à un tribunal médiatique ad hominem avec risque d'erreur très lourd. Dont le prix à payer serait un ressentiment des mâles blessés dans leur orgueil, une suspicion généralisée et personne n'y a intérêt. Pas sûr que ça soit le plus court chemin vers l'égalité entre les sexes. 

02/02/2018

Merci Aurore Bergé !

Rapporteure d'une mission parlementaire sur les relations entre écoles et parents d'élèves, Aurore Bergé a martelé le fond de la pensée lors de sa tournée médiatique : les profs sont déconnectés de la réalité, c'est pour cela que l'école peine autant. En lisant cela, j'avais vraiment envie de remercier la députée, que j'ai eu l'heur de rencontrer à quelques reprises, pour donner ainsi la plus belle illustration de ce qu'est le macronisme : un populisme d'en haut.

Le populisme apporte de mauvaises réponses à de bonnes questions, pour reprendre la formule de Laurent Fabius à l'encontre de Jean-Marie le Pen. En l'espèce, Bergé nous explique que les profs n'habitent pas à proximité des écoles où ils enseignent, comprenez par là, des écoles défavorisées. Rien de neuf, hélas. Dans "autoportrait du professeur en territoire difficile" le romancier et professeur Aymeric Patricot avait magnifiquement exprimé ce décalage face à sa première classe, en zone prioritaire. Il était même allé plus loin, en évoquant sa stupeur à constater que les profs étaient quasiment les seuls blancs de l'établissement. Là où Bergé tacle la "déconnexion" des profs, comprenez par là des bobos déconnectés de la réalité difficile, il faut évidemment lire l'inverse. Le procès en privilège professoral ne résiste pas deux secondes à l'analyse chiffrée : il n'y a pas de profession aussi mal payée en France, par rapport à leur niveau d'études. Du scandaleux niveau de rémunération de nos professeur(e)s des écoles à l'indigent salaire des profs du supérieur, on trouve un second degré un tout petit moins mis à mal, mais loin des bons élèves de l'OCDE, tout de même. Trouvez moi des profs qui peuvent facilement se loger sans recours au parc social, dans Paris et grandes villes ? Soyons sérieux... Si c'est le cas c'est qu'ils/elles sont héritier(e)s ou avec un(e) conjoint(e) extrêmement bien payée... Je tiens les fiches de paye de nombreux amis profs à dispo et j'engage Aurore à se substituer à Stéphane Plaza et à trouver un bel appartement dans des quartiers gentrifiés. Et surtout bonne chance... Je jetterai un voile pudique sur l'argument du "temps de travail" avant de m'énerver à un niveau que désavouerai mon cardiologue... 

Bergé ne comprend pas que le problème est inverse : ce sont dans les établissements que les élèves "décrochent" de la réalité, mais par le bas et malgré eux. Patricot montrait bien la difficulté pour des profs, ex bons élèves, à enseigner à des élèves en difficulté et leur montrer toute la joie qu'il y a à s'insérer par l'école, s'ouvrir des possibles. Justement parce que le prof a perdu du prestige social, il est complexe de s'adresser aux jeunes en proie à des difficultés sociales qui voient des modèles de réussite plus rémunérateurs. Le problème c'est qu'on manque de profs, qu'on a trop taillé dans les TZR (titulaires sur zone de remplacement) ces profs prêts à relayer les absences de leurs collègues. A tout manager comme une boîte, on a appliqué un ratio de remplaçants beaucoup trop faibles. Mais l'absence pendant un mois d'un prof de français est autrement plus préjudiciable que l'absence d'un marketeux ou d'un contrôleur de gestion... Des associations de parents en Seine Saint-Denis ont porté plainte contre l'Etat pour discriminations car leurs enfants ont en moyenne trois mois de cours en moins que les élèves de Paris intra muros. Comment, dans des conditions de travail aussi dures et inégales, ose-t-on charger les profs à qui on devrait, d'office, donner la médaille du mérite ?

Comble du populisme d'en haut, Bergé propose aux professeurs de renouer avec les parents en leur proposant d'amener "un plat de chez eux" pour les valoriser. Y a bon Banania, amène donc ton Mafé poulet ou tes boulettes, qu'on puisse dire qu'on a une France ouverte (la même Bergé est un soutien indéfectible de Gérard Collomb...) et n'oublie pas de voter LREM à la prochaine comme une dinde vote pour le doublement de Thanksgiving. Disant cela, la députée suppute insidieusement que le prof est un amateur de steak tartare ou de quinoa et qui ne voudrait pas aller au devant de cultures différentes. Si ça n'était aussi grave, aussi important, on en rirait.