20/04/2017
A mes amis journalistes, détendez-vous !
Chers amis du 4ème pouvoir, on se détend : je viens en paix. J'aurais des raisons d'être courroucé par ce que je lis en ce moment, mais allez, sans rancune ! Je vous demande juste de redescendre sur terre pour les 3 derniers jours... Vous faites pas un métier facile, je le sais. 95% des détenteurs des médias en France sont 9 milliardaires qui ont tous des commandes de l'Etat, des ronds de serviette au Siècle et des mariages consanguins. Ca facilite pas la liberté d'expression. A peu près la même proportion d'experts économiques qui interviennent chez vous sont issus de l'école néoclassique et vous prêchent à longueur de journée la sainte trinité "alléger les charges pour créer de l'emploi / baisser les impôts augmente la croissance / tout bon emploi public est un emploi public détruit". Ca n'aide pas à la diversité de vues. Dès lors, depuis quelques temps, vous vivez en bocal. Depuis une dizaine d'années, ça s'est considérablement accéléré avec les rachats à la pelle de Drahi, de BNP (Bergé Niel Pigasse), de Arnault qui sont venus concurrencer les mecs déjà établis, Dassault, Pinault, Lagardère... Et l'info elle même s'est accéléré avec des chaînes d'info en continu et une demande croissante de contenus digitaux pour lesquels vous avez recyclé les mêmes têtes de gondole aussi baptisé "éditorialiste". Et là, ça c'est ressenti niveau qualité.
Quand ils devaient signer un édito hebdomadaire, éventuellement quotidien, et une petite télé ou radio par ci par là, les gars avaient encore le temps de sortir, d'humer l'air du temps. Ca les aidait beaucoup à dire moins de conneries. Mais avec l'augmentation exponentielle du rythme de l'info et des impératifs délirants de productivité, les éditocrates expérimentent sans s'en rendre compte ce qu'ils veulent faire subir au monde entier : des cadences infernales pour une qualité de plus en plus déplorable... Et c'est ainsi que des têtes bien faites à la base peuvent dire littéralement n'importe quoi et, se souvenant de leur khâgne, trouver quelques arguments pour justifier l'injustifiable comme Christophe Barbier qui déclarait qu'il était contre-productif pour un éditorialiste de se rendre sur le terrain. La crainte de la contagion de la normalité, sans doute... C'est Ruth Elkrief et Anna Cabanna qui déclarent que Philippe Poutou est un homme dangereux et non républicain après qu'il a mouché Le Pen et Fillon. On se pince.
Je ne veux pas ici faire davantage leur procès, Halimi dans "Les nouveaux Chiens de Garde", Aude Lancelin et Laurent Mauduit dans leurs récents livres l'ont fait en version très détaillée. On sait cela, on sait qu'on vit dans un monde où l'info est présentée sous un jour uniquement complaisant pour les possédants, où l'on s'extasiera sur quelques créations d'emplois sans en regarder la nature (sociale, de statut), où l'on ne s'étonne même plus des écarts de salaires, où l'on passe plus de temps à traiter la fraude sociale que son homologue fiscale alors que la seconde représente environ 100 fois les montants détournés de la première... Ad nauseam.
Le problème de la bulle médiatique c'est qu'elle est composée de tas de gens bien qui ont honte de leurs éditorialistes. D'ordinaire, ils doivent déplorer un peu de censure où quelques accommodements pour des articles élogieux sur ceux qui sont par ailleurs de généreux annonceurs. On survit, c'est pas un métier facile. Mais là, voir un programme on ne peut plus social tranquillou, en mode retour aux fondamentaux, avec écarts de salaires de 1 à 20 (on est loin de "tous égaux"...) de travail aux 32h (on est loin du revenu universel ou du "marre du salariat") et de séparation banque d'investissement de banque spéculative (pas vraiment la vision de Proudhon...), traité comme si la France allait passer sous pavillon de l'URSS réanimée, c'est laid. De même que prendre des vessies d'alliances commerciales pour des lanternes militaires avec l'ALBA, c'est moche.
Aussi, chers amis journalistes, vous pouvez ne pas aimer Mélenchon et adorer Macron, c'est votre droit le plus strict. Vous pouvez haïr Mélenchon et ne pas vouloir condamner Fillon par anticipation, c'est l'impérieuse liberté de la presse. Mais quand même, reprendre mot pour mot les éléments de langage de Fillon, arrêter de lui poser des questions sur les affaires judiciaires qui le pourrissent, idem pour Marine le Pen et continuer à harceler Mélenchon de questions sur Chavez, Castro, Poutine et autres ? Raisonnable ? Continuer à dire que Mélenchon veut quitter l'Europe et l'Euro quand il a crié sur tous les toits que c'est faux, acceptable ? Le problème, chers amis, c'est que ce faisant, vous ne vous grandissez pas. Or, une démocratie saine à besoin d'une presse libre et respectée. La presse française se situe au 43ème rang de la liberté de la presse, d'après RSF. Pour la 5ème puissance mondiale, supposée mère des libertés collectives, ça la fout mal. Mais c'est mérité : censure, auto-censure à tous les étages. Du coup, nombre de journalistes sont démonétisés et leur parole est contreproductive à souhait. Plus Barbier, Le Parmentier, Quatremer et Pujadas s'effraient de Mélenchon, plus il monte dans les sondages. Plus leurs mensonges se répandent, plus la riposte déferlent sur le net. Mais ça n'est bon pour personne : je ne ferais certainement pas l'apologie des milices numériques de la France Insoumise, ils flinguent à tout va et dans le lot il y a d'innocentes victimes... Pour les trois derniers jours, je fais un rêve, celui que soudainement, les éditorialistes se reprennent et disent avec clarté que Mélenchon est de gauche et pas d'extrême gauche, avocat d'un socialisme redistributif et pas confiscatoire et ainsi de suite. Amis journalistes, détendez-vous, on ne vous en aimera que plus, hein. On arrive à la fin et comme dans les marathons, c'est pas la partie la plus simple. Allez, plus que trois jours.
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19/04/2017
A mes amis fillonistes (j'en ai, hors Sens Commun) : soyez pas cons, votez Macron
Petite confidence : avec ce conseil, je me tire une balle dans pied. Mon second tour rêvé, c'est Mélenchon/Fillon. D'abord parce qu'on aurait réussi à éjecter le FN du premier tour et ça c'est inestimable ; ensuite parce cette création ploutocratique d'En Marche ! n'aura été qu'un hapax électoral de quelques mois, enfin parce qu'on pourrait y aller à fond dans la campagne de second tour : projet contre projet. 500 000 fonctionnaires en moins avec la croyance démiurgique que les baisses de charges créeront des millions d'emplois (parle en aux pins de Gattaz...) contre 2 millions d'emplois crées, fléchés, planifiés dans les nouvelles énergies et la nouvelle agriculture. Une laïcité qui dit avec l'écrasante majorité des français "foutez nous la paix avec la religion" contre un catho traditionaliste lancé dans une croisade anti islam. Et surtout, un candidat moisi, pourri par les affaires les plus dégoulinantes, le scénario que Chabrol n'a pas osé présenté aux producteurs car il trouvait ça trop gros.
Misogyne (ne laissant pas parler sa femme), bourrin (dans ses rapports avec la presse) gentiment raciste et homophobe, pingre (le remboursement des avantages accordés à ses propres mômes) et magouilleur (les contrats de FF conseil sentent le souffre). Avec un tel épouvantail, la gauche peut l'emporter. Et ça pour toi, électeur de droite, c'est les boules. Tu te rends compte, une élection qu'on disait absolument imperdable, pliée, déjà jouée il y a moins de cinq mois. Faire une telle remontée pour accéder au second tour et tout perdre, quelle indignité comme aurait dit une des grandes voix de ton camp.
Alors sois pas con, vote Macron. Sur les moeurs, il est beaucoup plus proche de toi que tu ne le penses : écoutes son discours sur Jeanne d'Arc, écoute son éloge de Philippe de Villiers au Puy du Fou, écoute sa fascination pour la monarchie, que ça soit dans le rétablissement des chasses présidentielles ou son interview au "1" où il explique les bienfaits de ce régime. Macron n'aspire qu'au trône. Et puis tu as entendu "on a humilié la Manif pour tous". Franchement, il est proche de toi. Pas un mot encourageant les minorités sexuelles, et mieux il a été baptisé alors qu'il est issue d'une famille laïque, il te tend les bras ! D'accord, il a épousé sa prof de français quand les convenances voudraient qu'il épousât une de ses élèves et lui fit quatre enfants. D'accord. Mais c'est vraiment le seul reproche à lui faire, non ?
Sur l'économie, il adore Thatcher (BBC, 2015), trouve que le statut de fonctionnaire est dépassé, écrit que nous ne sommes pas allés assez loin avec les lois El Khomri et Macron, trouve que la loi Sarkozy/Pécresse sur l'autonomie des universités ne va pas assez loin, il veut l'autonomie complète des établissements scolaires de la maternelle à la fac. Le pied, non ? Sur les chômeurs il expliquait lundi chez Bourdin que les plus diplômés abusent du système "en faisant le tour du monde en sachant qu'ils retrouveront du boulot en rentrant". Tu te rends comptes, une horreur pareille, seul Laurent Wauquiez l'a osé. Franchement, un bourrin libéral pareil ne t'as pas encore séduit ?
Alors bien sûr, il y a l'immigration et l'islam. Mais attention, on l'a beaucoup caricaturé, Macron. Mohammed Saou, des propos sur la déchéance de nationalité et la crise des syriens, et ça y est on en fait un communautariste laxiste... Si c'est pas malheureux... Macron c'est aussi un type qui croit aux vertus réparatrices de la prison (lors du débat de TF1) qui veut renforcer les sanctions pénales avec obligations de purger toutes les peines de moins de trois ans intégralement (parles en à Ciotti, il ose pas aller aussi loin...) et sur l'immigration, son modèle c'est Justin Trudeau : open bar pour les titulaires de doctorat, les informaticiens et autres, et exit le reste. Restrictions sur le regroupement familial. Fais pas ta rombière, ami filloniste, il est des nôtres le Macron ! Et lui, il saura taper le bolchévique Mélenchon. Sois pas branque, vote pour la banque. Allez, plus que quatre jours.
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18/04/2017
A mes amis hamonistes, Mélenchon est socialiste. Il n'a rompu qu'avec le PS
"Mélenchon n'a rien d'extrêmegauche. Il me fait penser au Mitterrand de 81 qui a rallié les communistes, se déclarait anticapitaliste ce qui effrayait tous les médias, mais au final il a fait une politique sociale-démocrate". Ainsi parlait Philippe Poutou hier (France Inter). À l'évidence, c'est le monde qui s'est droitisé au point de faire passer un type qui avoue une fascination pour les réformes entreprises par Thatcher (Macron à la BBC, en 2015) comme candidat de "centre gauche". Il faut faire avec, ça n'est pas une raison pour ne pas se laisser enfermer dans les caricatures de Joffrin et Barbier qui s'accordent avec François Hollande pour dire que "Mélenchon appartient à la gauche qui ne veut pas gouverner". Quand on pense que deux des trois étaient déjà des acteurs politiques en 81, on soupire. Le programme de "l'Avenir en commun" rappelle furieusement celui du Programme Commun en termes de nationalisations, de conquêtes sociales, avec la révolution écologique en plus. Or, son programme est extrêmement proche de celui de Benoît Hamon, lequel ne dérange absolument pas la doxa pour deux raisons : 1/il n'a aucune chance d'accéder au second tour. 2/ Il a l'AOC rassurante pour tous les libéraux : PS. Avec eux, on peut négocier, on peut tordre, on peut continuer as usual. En 81, la doxa flippait parce qu'il y avait plein de communistes au gouvernement et de mesures "confiscatoires" sur les banques et l'industrie, mais depuis, l'establishment s'est adapté et rarement des responsables politiques auront autant conforté les marchés, le CAC et autres que DSK, Valls et Hollande. D'où le "plus jamais PS" qui monte, qui monte, qui n'en finit pas de monter.
Au fond, Mélenchon a 10 ans d'avance sur Hamon. Pas idéologiquement, le programme d'Hamon est même sans doute trop en avance (sur la dépénalisation du cannabis et la taxe robot), mais politiquement, puisqu'en 2008 Mélenchon avait acté que le PS était un astre mort pour la gauche. La machine à synthétiser cherche systématiquement la frange la plus libérale. Au sortir de ce quinquennat hallucinant de baisses de charges, de cadeaux fiscaux et de régression du périmètre de l'Etat, l'aile gauche du PS n'a littéralement rien à se mettre sous la dent. La base s'est rebellée en permettant à Hamon de gagner la primaire, mais le problème PS demeure et c'est à cause de ça que la course de Hamon est lestée en diable au point de l'avoir tué irrémédiablement.
Je sais bien que c'est cruel. La démocratie d'opinion, la dictature sondagière donnait 6 à 7% d'avance à Hamon sur Mélenchon début février, quand le rapport de force est désormais au minimum de 10% d'avance pour Mélenchon. Ca aurait pu en être autrement ? Sans doute, mais en fin de campagne, trop tard pour jouer Pérette et le pot au lait. Est-ce qu'Hamon est un mec sympa ? Sans doute. Honnête ? Itou. Ouvert ? Oui oui. Avec un bon programme, n'en jetez plus. Vingt cinq ans de PS et sans les conneries de Montebourg il serait encore au gouvernement, ce même gouvernement dont tous les membres le piétinent. Solférino, cette maison de tarés.
Quoi qu'il arrive, après un quinquennat pareil, l'urgence c'est de refonder la gauche, alors autant commencer tout de suite. Camarade hamoniste, c'est l'heure de nous rejoindre. Bien sûr, avec toute la posture critique dont tu es capable. Piketty apporte un soutien à Mélenchon dans une perspective de second tour, avec quelques critiques sur l'Europe, qui un soutien critique sur la Syrie etc... La France Insoumise est une maison ouverte, nul besoin d'embrasser un poster de Chavez pour être bien accueilli. Bien sûr qu'il y a nombre de sujets à discuter, à amender et tes bonnes idées sont les bienvenues. Aujourd'hui et demain. Mais ça urge un peu. Imagine dimanche, il manque 1% à Mélenchon. A cause de ce 1% on a un second tour le Pen/Fillon et en bon démocrate, comme moi et en vomissant, tu iras voter Fillon. N'est-ce pas un reniement beaucoup plus fort à tes valeurs, à ton ADN, à tes convictions, que de mettre un bulletin Mélenchon qui te fait regimber à cause de l'égo du bonhomme ou du caractère baroque de l'Alliance Bolivarienne ? Hein, vu comme ça ? Je te laisse avec ta conscience mon camarade et te le dis, toi comme moi on aime le socialisme et on sait que c'est une beaucoup trop belle idée pour en confier la destinée au PS. Allez, plus que cinq jours...
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