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19/05/2017

Le gouvernement des meilleurs, le pire des arguments...

on-est-les-meilleurs-1-638.jpgUn sophisme sans nom se répand sur les réseaux depuis la nomination des gouvernements : "enfin, on a pris les meilleurs à chaque poste. Des com-pé-tences. #EnMarche!". Abusant de notre amnésie collective (ou étant eux mêmes dépourvus de culture politique), les marcheurs nous expliquent que la révolution positive est sur le point d'advenir pour la bonne et simple raison qu'on aurait enfin recruté des personnalités sur leurs compétences. Leur talent. Leur expertise. Avant, c'est connu, on ne prenait que des nazes, des buses étiquetées d'un parti. Raison pour laquelle la France est dans cet état. Heureusement que l'idée de génie est arrivée. Mais, au fond, prendre des gens sur leurs "compétences" est-ce si nouveau, est-ce la première fois ?

Pire ministre de l'économie de ces quarante dernières années ? Francis Mer, grand patron, autoritaire et incapable de la moindre discussion avec des partenaires sociaux... Thierry Breton ne fut pas extraordinaire, non plus. 

Pire ministre de la santé ? Est-ce Mattei et la canicule ou Douste-Blazy, ou pourquoi pas, Kouchner ? Mon coeur balance, mais être un médecin (ou une pharmacienne dans le cas de Bachelot) n'est pas nécessairement le meilleur rempart pour affronter les lobbys et gérer les dizaines de milliers de soignants auxquels les mandarins ne condescendent que rarement à écouter.

Pire garde des Sceaux ? Rachida Dati tient la corde et elle est pourtant magistrate...

Pire ministre des sports ? Sans conteste ce benêt de Bernard Laporte, pourtant grand manitou du XV... 

N'en jetez plus. Pour ne pas taper systématiquement du même côté rappelons que le prof Peillon fut exécrable à l'éducation (hélas...). Comme Darcos et Ferry, d'ailleurs. Etre prof n'est pas le meilleur viatique pour aller rue de Grenelle. Pas plus qu'être énarque n'est un viatique de succès à la tête du ministère de la fonction publique... Est-ce si surprenant ? Non.

C'est le biais entre intérêt général et particulier qui n'est plus compris, même plus un débat. Allons au bout et forçons le trait pour nous faire entendre : pensez vous que Xavier Niel au numérique, Martin Bouygues au logement, Lagardère à la culture et Serge Dassault aux armées seraient de bonnes idées ? Evidemment, non. Il y a les forces de l'argent, mais aussi celles des corps, de la culture, de l'entre soi. Dans une éducation nationale dont le premier des maux est le nombre immense de décrocheurs, le malaise de ceux que l'on considèrent ou désignent précocement comme de mauvais élèves, faut-il nécessairement chercher un normalien/agrégé ? Pas sûr... Personnellement, mettre à la justice un amoureux des lettres qui a beaucoup réfléchi à ce qui est juste ou pas ne me choque pas. Il réfléchira à ce qu'il croit juste sur les peines et les vertus de la prison sans être emprisonné par trois précédents et les envies de deux copains de promo. L'absence de qualification professionnelle ne signifie pas l'incompétence et l'expérience personnelle ne signifie pas la capacité à penser pour tous. Ces trente dernières années, droite comme gauche reconnaissent à peu près unanimement que la meilleure ministre des sports fut Marie-Georges Buffet, sans passé de championne ou gestionnaire de clubs, mais animée d'une vision : contrée le sport business, défoncer le dopage (elle fit le plus en la matière) et développer le sport loisir pour tous. On ne demande pas plus à un ministre. 

J'ai une admiration sans bornes pour l'employeur Thierry Marx. Pour ce qu'il fait en matière de réinsertion de personnes éloignées de l'emploi en ayant compris que ces hommes et femmes fracassés par l'institution scolaire ne sauront pas suivre une formation d'un an. Il leur propose une formation éclair pour remettre le pied à l'étrier, puis une formation tout au long de leur carrière, quand ils ont retrouvé une assise professionnelle. Belle idée, magnifique et efficace (plusieurs centaines d'embauches annuelle). Ferait-il pour autant un bon ministre de l'emploi ? A l'évidence, non. C'est même quasiment systématique, cette impossibilité de reproduire le singulier en universel. Il y eut le contre exemple Malraux, c'est vrai, mais il était démiurge, il créait tout ex nihilo. 

Et puis, tout de même, quel biais sur les "compétences". Comme le disait fort justement Frédéric Lordon : "quand un patron parle, c'est de l'économie. Quand c'est un syndicaliste, c'est du militantisme". Appliqué à notre nouvelle ministre de l'emploi, Muriel Pénicaud, en quoi le fait d'avoir participé aux plans de lean management de Danone qui a viré des centaines de personnes en France dans des usines qui faisaient du profit, mais moins qu'en Inde, fait d'elle une interlocutrice valable ? Une experte de l'emploi ? Pas sérieux... 

Battons notre coulpe, pour finir. Si l'arrogance des marcheurs nous revient en boomerang c'est aussi parce que les précédents gouvernements ont osé des choses trop folles. Un ministre des affaires étrangères ne parlant que français (à nouveau l'ineffable Douste-Blazy, surnommé alors "Mickey d'Orsay"), des ministres de l'emploi n'ayant été qu'élu, n'ayant jamais passé un entretien de recrutement ou envoyé un CV. Mea maxima culpa. Mais ça n'est pas pour autant qu'on doit subir cette comparaison inepte entre la France et l'entreprise, entre la gestion universelle et à long terme contre les expérimentations trimestrielles avec priorités, il n'y a pas un pas mais un océan infranchissable. Espérons que les hypergonflés du bourrichon finiront par s'en rendre compte... 

 

 

 

15/05/2017

Docteur Edouard ou Mister Philippe à Matignon ?

La bonne nouvelle c'est que la France a un premier ministre, la mauvaise c'est que l'on ne sait pas qui. S'agit-il du flamboyant maire du Havre qui ouvre les débats du Positive Economy Forum (crée avec Jacques Attali) avec de vibrants appels à l'accueil des réfugiés lors de la crise syrienne ? Celui qui insiste sur l'importance cardinale de la culture pour émanciper les individus, décloisonner les rapports sociaux, donner confiance en eux aux personnes moins favorisées, relier tous les quartiers d'une ville entre eux et recréer de l'emploi ? Un humaniste new look en somme, qui inspirait à une ancienne ministre du gouvernement Ayrault : "il est tout de même beaucoup plus à gauche que Valls"... ? Lui, cet homme qui prend ses distances publiques avec la droite "gros rouge qui tâche" qui conchie les racistes avides de fermetures de frontières et de stigmatisations des musulmans ; lui qui tient des propos aux antipodes de Sens Commun sur le libre choix à chacun de vivre sa foi ou sa sexualité. Si c'est lui, alors ça n'est pas encore le progressisme en avant, mais effectivement, c'est bien mieux que Valls, moins dogmatique, plus rond ; plus soucieux du liant, aussi. 

Petit problème, le même homme et sur la même période a eu un autre visage. Parle-t-on de celui qui s'est abstenu sur le mariage pour tous ? De celui qui a voté contre la loi de transparence de la vie publique ? Qui a grogné comme un fou contre le cumul des mandats pour conserver les deniers et avantages de la mairie du Havre et de la députation locale ? Pour toutes ces décisions, sa parade est toute trouvée et, à l'aune du fonctionnement de la vie politique française, difficile de poursuivre davantage le procès : il a voté avec son camp. Alors voilà, il a été séduit par Macron, par le renouvellement générationnel, bla bla bla et là, promis, il ne sera plus l'homme d'un camp. Pourquoi pas ? Mais ça n'a rien d'évident. 

Philippe, comme Macron est un produit de l'élite scolaire classique pour ses postes (sciences po, ENA) aux idées tempérées sur l'Europe, le rôle de l'Etat et autres. Au jeu des 7 différences, on pourrait sans doute creuser (un tropisme écologique plus fort, le fait de diriger une ville portuaire vous ouvre d'autres perspectives) mais tout cela ressemble quand même à s'y méprendre à du Prodi/Renzi/Schröder/Merkel. Le cercle de la raison en action, en somme. La différence entre les deux duos est que les allemands donnent le ton, en Europe, quand les italiens suivent le tempo. La loi Macron est sur ce mode : l'homme Macron se voulait "libre des corporatismes" le ministre a rédigé à l'alinéa près ce qu'attendait la Commission en termes de libéralisation du travail. L'homme Philippe nous dira qu'il a rencontré la possibilité de s'affranchir des dogmes et d'agir en homme libre. Je ne veux pas insulter l'avenir, mais je me dis qu'un type qui s'est comporté comme un bon soldat pendant 20 ans aura du mal à devenir un mutin. 

Macron, accélérateur de dégagisme

 Il faut bien faire contre mauvaise fortune bon coeur et lui reconnaître cela, l'élection de Macron a tranfsormé les poids lourds de la politique en poids morts. Avant cela, certains s'étaient enfin rendus compte de ce que leur attitude d'acharnement électoral avait de délétère : c'est Ayrault, Bartolone, Mandon et d'autres qui ne se sont pas représentés.

Dès 2016. Les primaires des deux familles en ont éjecté d'autres : Juppé, Sarkozy, Montebourg, (Valls est discrédité à vie mais pour de pitoyables raisons, s'accroche). La présidentielle a achevé le boulot : Fillon n'y retourne pas, Chatel et Lellouche ont la lucidité de raccrocher les gants. Bien sûr, des Copé, Wauquiez et Baroin sont encore persuadés que la France va mal parce que l'Elysée leur échappe, mais ils sont désormais minoritaires. La carrière d'élu à vie, avec cumuls confortables et avantage divers, avec renvoi d'ascenseur et petits arrangements n'est plus un eldorado. En 1 an, cette révolution culturelle aura eu lieu. Un renouvellement sans précédent. On peut (on doit, c'est humain) moquer les Collomb, Delevoye, Le Drian et autres Bayrou comme figures de renouveau autour de Macron mais l'incroyable bouffée d'air frais du casting des législatives fait du bien. 400 inconnus qui se présentent pour essayer de servir, avec un engagement à ne pas dépasser 2 mandats. Respect.                                                        
Dans cette affaire, honte aux éditorialistes ayant pointé des "couacs" ou des "crises". Un type avec un casier judiciaire et un mec aux positions actives sur Israël, c'est mince. Surtout quand on a rien dit alors que l'UMP investissait Balkany sans discontinuer...         Au-delà de ça, ce qui prime c'est le renouvellement des actions. Chez Macron on part du principe que ces profils vont amener quelque chose de différents. Sur les pratiques, c'est possible. Sur le fond "la grosse coalition des meilleurs", le "consensus sur les talents" c'est exactement l'idée de la commission Attali en 2007, dirigée par Emmanuel Macron. Pas vraiment novateur, donc. Pas plus que le programme du candidat élu : baisse de la dépense publique et du nombre de fonctionnaires, mort de l'investissement public remplacé par des "projets", dérégulations diverses et avariées, le même fond de sauce néolibérale que depuis 30 ans. Mais dans des marmites neuves, peut être le goût changera un peu...