01/02/2017
Penelopegate : et si on recausait du salaire maximum ?
Le doigt, l'idiot, la lune, énième remix... Ce qui serait bien avec cette histoire de Pénélope, c'est qu'à un moment, on organise des débats publics en remontant la focale pour interroger les raisons poussant à ces scandales financiers à répétition. On peut d'emblée évacuer l'argument délétère qui l'emporte, hélas, aujourd'hui "de toutes façons en politique, ils sont tous pourris", ainsi que sa version édulcorée "depuis la nuit des temps, les responsables publics ont toujours cherché à tirer avantage de leur situation. Ça défoule, mais outre que c'est faux, ça ne fait guère avancer le débat. En revanche, interroger les responsables publics plus longuement sur le fait qu'ils ont l'impression de mal gagner leur vie nous éclairerait.
Plus que l'avidité ou le goût pour la corruption souvent avancées comme explication, je crois beaucoup plus à une consanguinité des élites et un mélange public/privé qui a complètement fait perdre la tête aux responsables publics. Ce, particulièrement depuis 30 ans que les rémunérations dans les hautes sphères privées se sont envolées. Quand vous sortiez de l'ENA, en 1970, vous ne gagniez pas nécessairement tellement mieux votre vie dans le privé que dans le public et vous pouviez faire une carrière de grand serviteur de l'Etat en voyant vos amis partis pantoufler sans éprouver aucune jalousie. Mais avec la dérégulation financière, les écarts entre comparses de promo peuvent aller de 1 à 10, voir beaucoup plus selon qu'ils sont haut fonctionnaires ou haut actionnaires. Les conseillers d'Hollande partis dans la banque gagnent déjà, à 35 ans, 5 ou 6 fois ce qu'ils gagneraient en restant à l'Inspection des Finances ou à la Cour des Comptes. Et en général, ces courbes ne font que s'accentuer. Pas étonnant que ceux qui restent du côté public ont l'impression d'être "vertueux", voire "sous-payés".
C'est Guaino qui nous explique qu'il est presque à la rue avec sa paye de député, c'est JF Copé qui explique comme argument pro cumul que "si l'on accueille ceux qui se contentent de 5 000 euros par mois on aura que des tocards", c'est Gérard Collomb ulcéré par le plafonnement de ses indemnités... Ad nauseam. Ces responsables sont-ils vraiment au bord de l'indigence ? Evidemment, non. Mais ils prennent leur petit déjeuner, déjeunent, dînent, partent en vacances avec des amis bien plus riche. Quand vous êtes invités en vacances par un yuppie qui s'est loué une villa en Toscane avec 2 hectares, vous vous interrogez sur vos propres deniers.
Repensons à ce cher Emmanuel Macron, interrogé par Jean-Jacques Bourdin alors qu'il est à Bercy "vous êtes riche, Emmanuel Macron ?". "Non, j'ai bien gagné ma vie dans la banque, mais c'est fini". Pauvre petit, après avoir empoché 2 millions d'euros dans la banque, il émargeait à un crasseux 12 000 euros par mois avec une ribambelle d'avantage en nature conséquent et il nous dit "qu'il n'est pas riche". Forcément, comme il regarde toujours vers le haut et vers ce concept infâme, indécent, abject, de milliardaire, il se considère démuni...
Interrogé sur sa proximité avec les couches populaires, Jean-Luc Mélenchon sur France 3 lundi soir répondait "non. Ca n'est pas parce que je vis dans un quartier populaire et que je prends le métro sans garde du corps que je suis proche. L'indemnité parlementaire, c'est 5 ou 6000 euros quand le salaire moyen est de 2200 euros et le médian de 1700, donc j'en suis loin". Ca fait du bien, tout de même, cette lucidité. Mais c'est le minimum. Pour dépasser les scandales financiers à répétition, il faut cesser de regarder du mauvais côté de la lorgnette et faire le procès de l'argent roi.
En effet, le phénomène n'est pas français : les membres des équipes d'Obama qui sont tous partis dans la Sillicon Valley ne l'ont pas fait uniquement par amour transi pour les forces technologiques mais parce que leurs comptes en banques vont grossir d'un ou deux chiffres... Or, pour être accueillis à bras ouverts ainsi, c'est bien que vous ne fûtes pas un emmerdeur ou un adversaire législatif. Ces allers/retours, cette mollesse des positions, c'est ça le danger. C'est qu'on ne remet plus en cause ce système absolument dingue où l'on passe de 62 à 8 types qui détiennent autant de richesses que la moitié de l'humanité. Ou Bill Gates pourrait être trillionnaire dans 30 ans s'il est encore en vie... Ou les écarts salariaux entre un ouvrier et un patron du CAC est passé de 30 à 400. On parle de 1%, voire de 0,1%, mais le problème est l'ultra consanguinité entre les responsables politiques et ces 0,01%. Le problème c'est la force d'attraction incroyable de ces pôles privés sur les responsables publics. En termes de masses, y a pas débat pour savoir où se situe l'intérêt général. Mais la lutte du pot de terre contre le pot de vin est rarement gagné par le premier. Pour se prémunir de boire la tasse, le salaire maximum est un bouclier puissant.
Tous les arguments vérolés justifiant les rémunérations démentes s'effondreront rapidement. Ceux qui vous disent qu'à 20 SMIC, on n'a personne pour diriger Renault mentent. Les patrons nous renverront vers les salaires des footballeurs. Fort bien. Ces sommes indécentes sont déversées - à perte - par des investissements de nababs et des fonds peu soucieux d'éthique. Si on lutte contre le gonflement de ces fonds, les salaires des stars du ballon chuteront rapidement. Toutes ces rémunérations relèvent du boeuf aux hormones. Ca n'est pas tenable. 900 000 euros sur 10 ans de Pénélope, c'est un détournement immonde qui doit empêcher Fillon de se présenter, bien sûr, mais c'est 1 mois de salaire d'une star du PSG, c'est un bonus d'Emmanuel Macron époque Rothschild, ce sont ces ratios qui doivent nous interpeller pour empêcher d'autres affaires à l'avenir...
09:02 | Lien permanent | Commentaires (18)
31/01/2017
Le vote à 16 ans : une évidence niée par l'écrasante majorité des candidats
Je me souviens du tollé qu'avait suscité (à dessein) Martin Hirsch avec une proposition pour le moins iconoclaste : donner un droit de vote à points indexé sur l'âge. Plus on est jeune, plus on a de points, au motif que l'on est davantage concerné par les enjeux de l'élection. Les hurlements avaient couverts la justesse sous-jacente : au lieu de traiter d'Hirsch de génocidaire, d'euthanasiste en chef, les commentateurs auraient mieux fait de chercher à comprendre la logique d'un homme peu connu pour ses excès.
Si l'on pense à l'enjeu qui surplombe tous les autres, l'écologie, la proposition d'Hirsch fait sens. Les octogénaires et nonagénaires votants ne connaîtront pas les effets dévastateurs du réchauffement climatique. Dire cela, ça n'est pas de "l'âgisme", seulement une lecture des résultats électoraux. Bien sûr, il y a Edgar Morin et Michel Serres (et hier, Stéphane Hessel) que l'on nous ressort systématiquement pour nous dire que les anciens sont des sages, qu'ils sont altruistes et dévoués, qu'ils ne pensent à rien d'autre qu'à l'avenir de leurs petits enfants et arrière petits enfants... Mais Morin et Serres sont peu représentatifs du chenu moyen, outre qu'ils appartiennent à des CSP ++ quand le nombre de pauvres croit plus vite parmi les retraités que dans le reste de la population. Certes, à un peu plus de 8% de retraités pauvres, les plus de 60 ans sont bien moins concernés par le dénuement que l'ensemble de la population (autour de 14%) mais cette proportion monte et passé 65 ans, on a pas la possibilité de changer sa situation matérielle par son travail. Reste la délinquance ou le Loto... Pas majoritaire comme perspective. Alors, le candidat qui vous promet une augmentation du minimum vieillesse et des policiers et des caméras partout pour vous protéger des détrousseurs (que vous n'avez jamais vu, mais la télé en parle beaucoup, c'est inquiétant) a plus vos faveurs que celui qui promet une révolution énergétique et agricole qui changera la face du monde en 2035. Que vous importe que l'air soit plus pur dans le cimetière ou vous reposerez ?
C'est une excellente nouvelle que les français vieillissent et vieillissent en bonne santé. Mais la démographie biaise le vote car la part de plus de 65 ans avec une dilection pour des enjeux plus court termistes devient franchement oppressante. Si l'on songe à l'élection de 2007, Ségolène Royal a obtenu plus de voix que Nicolas Sarkozy chez les moins de 67 ans. Or, au final, Sarkozy l'a emporté par 2,2 millions de voix d'écart... 2,2 millions uniquement chez les plus de 67 ans. Ca peut légitimement poser question sans que l'on vous accuse d'avoir des préjugés stigmatisants sur les personnes âgées. Et ça peut légitiment appeler une contre proposition politique : abaisser l'âge de droit de vote pour donner davantage la parole à ceux qui sont concernés apparaît comme une évidence. Dans une société qui glorifie sans cesse la jeunesse, qui vante son inventivité, sa fraîcheur, son audace, il serait cohérent d'abaisser l'âge du droit de vote à 16 ans. Age auquel on n'est plus tenu d'aller à l'école, auquel on peut s'émanciper de ses parents, et on serait incapable de choisir un candidat ? Foutaises. Deux arguments s'opposent : déjà que les jeunes de vingt ans ne votent pas, alors pourquoi prendre les plus jeunes encore qui s'en fichent sans doute davantage ? Sophisme, on verra bien qui ira voter, mais quand on vous donne une liberté et des responsabilités nouvelles, il est peu probable que la majorité d'entre eux s'en moquera. L'autre argument c'est celui qui voudrait qu'à 16 ans, on est pas autonome et on vote comme ses parents. Mazette. Nul ne peut nier le poids considérable de l'éducation reçue puisqu'une majorité de jeunes votent comme leurs parents selon les travaux de notre spécialiste du vote des jeunes, Anne Muxel. Mais pourquoi cette influence s'effacerait-elle comme par magie à 18 ans ? Ca ressemble beaucoup à la frontière hexagonale qui bloque les effets de Tchernobyl, allons... Par ailleurs, cet argument de paternalisme bouffi rappelle étrangement la voix qui s'opposait au droit de vote des femmes au motif spécieux qu'elles voteraient fatalement comme leurs maris.
Vieille revendication des écologistes, cette proposition de bon sens est aujourd'hui également poussée par la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon mais pas de trace de tout cela chez François Fillon (qui demande le rétablissement de l'uniforme à l'école, aux antipodes d'une telle réforme), chez Marine le Pen (alors même que les jeunes votent pour elle) ou chez Macron (le candidat du renouveau qui drague les sexagénaires et les quadras yuppies). Dommage de constater une telle hypocrisie : on adore la jeunesse quand elle consomme, mais pas au point de lui donner le droit de s'exprimer sur son avenir. Misère.
10:58 | Lien permanent | Commentaires (12)
28/01/2017
Les boules puantes n'existent pas
Pour désigner les affaires de Pénélope Fillon, collaboratrice parlementaire la mieux payée de l'Assemblée et chroniqueuse littéraire la mieux payée de l'univers, nombre de commentateurs emploient l'expression "boules puantes". Idem pour les révélations dans un livre dispensable selon lesquelles Emmanuel Macron ministre aurait abusé des frais de bouches de Bercy pour favoriser Emmanuel Macron candidat. Comme jamais deux sans trois, on va voir ressurgir l'affaire des assistants parlementaires européens du Front National qui travaillent sans relâche pour la campagne présidentielle de Marine le Pen et jamais au moindre dossier concernant l'Europe.
Une fois l'expression lâchée, vient le temps du soupçon et même celui de la question ultime : qui se cache derrière ces horribles révélations ? Le fait est que, dans 99%, lesdites révélations ne sont pas contredites par la suite. Il ne s'agit pas toujours d'entraves à la loi, d'où l'absence de condamnations, mais en tout état de cause, de graves manquements à la morale. On est donc en droit de concentrer uniquement notre attention là dessus : que cela vienne d'un lanceur d'alerte, d'un collaborateur échaudé, d'un amant éconduit ou d'un pervers ne change rien au fond de l'affaire, ce sont les faits qui puent.
On le sait "mal nommer les choses c'est ajouter au malheur du monde" (Camus) et en l'espèce on euphémise des pratiques complètement inacceptables en se disant que cela fait partie des campagnes électorales. Que ce genre d'affaires sortent davantage au moment des élections est une certitude et donc la volonté de nuire relève de l'évidence. Mais ce qui abîme la politique ce ne sont pas les manoeuvres ourdies, mais les pratiques impunies. Point barre.
16:42 | Lien permanent | Commentaires (12)