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22/12/2015

Comment réussir à aller se faire voir, en 2016 ?

Logo_BienVu_360x250.jpgParfois, on sent qu'on vit plus qu'un dialogue entre deux personnes, mais que leurs échanges font écho à un dialogue entre deux générations, voire entre deux mondes (même si je n'aime guère l'expression). Un jeune dans sa prime vingtaine que j'ai eu le bonheur d'avoir comme étudiant pour sa dernière année et un quinquagénaire que j'ai plaisir à conseiller, échangent sur la meilleure façon de marquer le débat politique grâce aux médias. Les stratégies, stratagèmes et autres plans ne sont rien sans caisse de résonance. Ca n'a pas changé depuis César. Les moyens, en revanche ont beaucoup évolué et ces changements ont connu une accélération récente assez folle qui implique que les trente ans séparant cet ancien étudiant et cet ami sont comme deux mondes qui s'ignorent et ne se comprennent plus. 

Une phrase a particulièrement marqué mon attention. Mon ami quinqua évoque le fait qu'il pourrait bientôt être mis en couv' de l'Obs. Et lui de se goberger, de se pincer du col "c'est quand même pas une feuille de chou, l'Obs" et le jeune gandin de lui rétorquer avec beaucoup de respect, pourtant "pardonnez-moi de vous le dire, mais si, je crains que ça ne soit devenu une feuille de chou, l'Obs". Peut-on avoir plus grand écart sur l'utilisation des médias ? Au-delà de l'écart de perception, je lis un écart difficile à résoudre entre l'ancien monde et le nouveau, entre la fama et les vues, la renommée des titres et l'emprise de l'audience.

Le cycle de l'information s'est emballé, a grossi dans des proportions démesurées jusqu'à atteindre le stade de "l'infobésité" et il est désormais impensable de pratiquer les conseils de Jacques Pilhan sur la parole rare. Si vous usez de la parole rare, vous n'existez plus. Hollande disparaît 3 jours, des détournements arrivent sur Internet pour parler de SOS disparitions. On peut s'en réjouir ou le déplorer, mais difficilement le nier. La politique moderne exige une hyper communication, qu'ont comprise, acceptée et ultra intégrée les anglo saxons Obama et Trudeau, mais plus proche de nous Iglesias et Tsipras ont également tout compris de ces ressorts. Ils ne cherchent pas à faire la Une d'un quotidien de référence, d'agiter les indiscrets et autres "téléphone rouge", mais font le pari d'une parole fractionnée. Pour les jeunes, certains canaux, certaines formes de langage, d'autres pour les femmes, les minorités... Dit comme cela, le marketing et le saucissonage politique a de quoi désespérer au-delà de Billancourt. Cynisme, marchandage ! On peut dire ce qu'on veut, mais toutes les démocraties s'épuisent et voient leur abstention s'envoler, comment en vouloir aux responsables politiques d'essayer de s'adresser au plus grand nombre par des canaux qu'ils empruntent et avec les mots qu'ils empruntent. Cela ne se résume donc pas à essaimer et remplir Twitter ou Instagram, mais évidemment continuer à parler dans l'Obs et le Monde. Mais en admettant que cela a de moins en moins d'effet. D'abord parce que les lecteurs de ces titres s'informent par ailleurs, ensuite parce qu'une forme de lassitude face à l'infobésité, justement, fait que ces paroles ont moins de poids. Les lecteurs préférant tant qu'à faire de l'authenticité, laquelle passe mieux en long format, d'où le succès des livres politiques écrits par leurs auteurs (et les fours de ceux qui continuent à recourir à des plumes...).

Nos responsables politiques ne sont pas convertis à cette nouvelle donne médiatique. Ceux qui savent s'y adapter prennent plusieurs longueurs d'avance comme l'a montré la tornade Macron. Avis à ceux qui veulent rattraper le train...

 

 

21/12/2015

No we cannot, y no podemos

Hahaha-No-Meme-11.pngL'annonce des résultats espagnols hier soir, a dû mobiliser très largement les nouvelles forces politiques, en France. Pensez, un parti qui n'existait pas il y a seulement 18 mois et qui se retrouve déjà en faiseur de rois entre le PP et le PSOE. Podemos est ainsi passé de 0 à 20% des voix en un an et demi. Dans le même temps, les extrêmes centristes, ou centristes radicaux de Ciudadanos atteignent 14% et peuvent presque parler de légère déception tant les derniers sondages les plaçaient à un étiage supérieur.

Le parallèle avec la France est évidemment énorme. Sans avoir atteint des seuils pareils, le chômage et particulièrement le chômage des jeunes est très élevé. La corruption de nos élites ne reflue pas, mais là aussi cela ne prend pas les proportions folles de nos camarades ibères avec des villes comme Valence littéralement laissées à l'abandon par une poignée d'élus stipendiés. Enfin, ce qui explique surtout la percée de Ciudadanos (tout le discours de Podemos étant fondé sur la fin du cycle historique du capitalisme) est le refus du bipartisme, qui a échoué depuis quarante ans que la dictature de Franco a été renversée. Il n'est pas anodin, d'ailleurs, que les figures de la relève soient des juges, des avocats, ou un politologue (Iglesias, de Podemos) toute élite déclassée socialement, humiliée par la crise, mais avec les moyens intellectuels de riposter. Et quelle riposte ! 

Alors, ce matin, je bascule entre une belle excitation et un soupir d'anticipation. Au moment de l'élection d'Obama, la France avait rêvé d'un semblable renouvellement des personnes (à défaut des idées....). A la fin de son règne, 8 ans plus tard, peu de chances que cela nous concerne quand l'Italie a porté à son sommet un Renzi qui n'avait que quelques années de politique à temps plein derrière lui, idem pour Cameron, Trudeau (même s'il est le fils d'un grand politique canadien, ce qui change un peu la donne...)... En 2017, nous aurons vraisemblablement le choix entre les mêmes 3 principaux acteurs qu'en 2012. Reste à connaître leur ordre d'arrivée, cette fois. Et ceux qui peuvent bousculer la donne, sont le 4ème homme de 2012 avec un retour inespéré au premier plan ou alors le retour en sauveur de la Nation du 1er ministre le plus impopulaire de la Vème, en 1995. Il n'y a que chez Dumas que vingt ans après soit romantique et délicieux... 

Nous aurions donc le même terreau que nos voisins pour avoir un beau chamboulement de nos élites, mais peut être à cause du fait que nous sommes un peuple ultra politique, pareil bouleversement est moins possible. Si les commentateurs aiment à rappeler que nous sommes le Peuple des Lumières, de 1789 et autres insurrections populaires, nous sommes très légitimistes. Sans donner raison à Macron, difficile de nier que les français ont collectivement un surmoi monarchiste. Nous tolérons complètement les berlines noires, les lambris, les courtisanes et les récompenses pour services amicaux rendus. Pris la main dans le pot de confiture, nos élus confessent... Et reviennent. Bernard Tapie a déclaré hier vouloir revenir. C'est Grand Boulevard, mais comme il est connu, il n'est pas interdit de penser qu'une part des électeurs lui donnerait ses voix. Regardez Balkany, Copé... Si Cahuzac se présentait, nul doute qu'il serait élu et chaque nouveau sondage donne un score de plus en plus fort pour DSK. Nous passons l'éponge sur tout et voulons des visages connus, des stars, des Drucker de la politique. Notre personnel médiatique dure plus qu'ailleurs (le matin, nous confions les principales interviews de radio privées à Mazerolle et Elkabbach, qui étaient déjà là sous Pompidou...). Collectivement, nous confortons cette élite consanguine, qui ne se remet jamais en cause et qui produit les mêmes réformes et propositions. L'ennui, c'est que pareil scandale ne peut laisser de marbre. Contrairement à nos voisins, ce que cela produit chez nous est un vote FN. Sur le même constat (marre de l'inaction, mettre fin au bipartisme), il engrange des voix en masse. Sauf que ce parti n'a rien de neuf, que sa gestion des villes a été calamiteuse et que ses élus sont largement plus condamnés que les autres. C'est dans ces moments là qu'on est vraiment tenté de donner raison au Général lorsqu'il pensait que les français sont des veaux. Le général, d'ailleurs, parlons en car il nous a mis dedans. Sans lui mettre tout sur le dos (le pauvre est mort) c'est sa saloperie de présidentialisme qui nous fout en l'air. Quand l'Espagne et d'autre pays modifient leurs partis, ceux ci gagnent largement des suffrages lors d'élections partielles qui précèdent les législatives. La poussée de Podemos était déjà visible depuis quelques temps et ils ont même gagné les villes de Barcelone et Madrid. Chez nous, à l'inverse, tout se focalise sur la présidentielle et l'impossibilité d'y figurer en bonne place mine les partis aspirants. Ainsi, au moment ou Podemos se lançait, Nouvelle Donne et Nous Citoyens se lançaient en France et ils plafonnent depuis à 1 ou 2%. Ceci, car leurs figures tutélaires n'apparaissent pas comme aspirants présidentialistes. Fait croustillant, ces deux formations ont d'abord mis en avant l'importance capitale d'un changement institutionnel... lequel n'arrivera pas puisqu'ils n'arriveront pas au pouvoir. Le ver a pourri le fruit... 

18/12/2015

République à l'intérieur des mers, sécession au-delà ?

img-195327361ff.jpgLes élections régionales de dimanche sont encore commentées, ad nauseam, avec ce résultat : 7 régions à droite, 5 région à gauche. Nul besoin d'avoir fait maths spé pour réaliser que le total ne correspond pas au redécoupage décidé sur un coin de table pour passer de 22 à 13 régions. L'en manque une... Et là, manque l'ensemble des DOM-TOM. Lesquels appartiennent pourtant à la République française depuis 1848, quand Nice et la Savoie n'y sont que depuis 1860 (et quand on voit comment votent les niçois...). Et l'Alsace-Lorraine qui nous a fait une si grosse frayeur, on l'a récupéré il y a moins d'un siècle... Pourtant, aller expliquer que Strasbourg a moins d'histoire française que Fort de France et vous vous ferez huer dans les salons.

Bon. Donc le péril FN est loin. C'est bon la République a gagné ? Oui oui, le FN a été battu partout en France, foutez le camp les défaitistes. Surs ? Est-ce qu'on peut quand même reparler de la Martinique qui a élu un quasi octogénaire indépendantiste ? Alfred Marie-Jeanne, 79 ans va pouvoir pendant 6 ans nous expliquer que l'ensemble des maux de son île son liés au jacobinisme exacerbé et va pouvoir déverser sa colère sans rien proposer pour les maux alors même que les compétences régionales (transports, lycées, formation) sont clés pour le redressement d'un territoire où le chômage des jeunes est dramatiquement élevé... 

Et en Corse ? On en parle des connards qui ont brandi un bouquin de 1758 et ont lu des passages en langue corse ? Le tout dans notre belle République ? Elles sont ou les belles âmes qui ont pleuré pendant toute la campagne qu'on parlait parfois arabe dans des mosquées en disant que ça menaçait la République ? Ca les emmerde pas trop qu'on parle autre chose que français dans un bâtiment public ? Le problème est évidemment résumé par l'adage "loin des yeux, loin du coeur". Si d'aventure on parlait breton à l'hôtel de région Bretagne, on peut présumer que les remontrances parisiennes seraient plus fortes. Dès lors, il faut choisir : soit ces îles sont dans la République, ça pose problème et on cogne, soit on largue les amarres...  C'est bien beau de conspuer le FN, mais ces élections sans lamentations témoignent de nos lâchetés, de nos concessions trop nombreuses sur la République. On se pousse du col, on fanfaronne de façon pavlovienne face à un ennemi unique sans réaliser que les attaques sont plus insinueuses ailleurs. Valls aime à citer Clémenceau (en oubliant que celui-ci était Communard...) pour marquer un peu plus son personnage martial. On aimerait parfois qu'il brandisse la solution du Tigre Vendéen pour la Corse "immersion totale de l'île et de ses habitants pendant 10 minutes" ça les ferait réfléchir un peu, les thuriféraires de Paoli.... Abstention, piège à con ; concession, aussi. Nous y sommes.