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14/12/2015

En finir avec les bas du Front Républicain

321_001.jpgLes faits sont têtus et en démocratie, tout les résultats doivent s'analyser à l'aune du nombre de voix. Si, comme dans le roman de Sarramago, tout le monde se mettait à voter blanc, celui ou celle qui obtiendrait une voix aurait gagné, mais avec une voix et non 100% des résultats exprimés. Donc, avant d'avancer que le FN a été submergé, regardons qu'il a fait 6,82 millions de voix, 800 000 de plus qu'au 1er tour et même 400 000 de plus que le record, déjà historique de la présidentielle 2012. A ce rythme, dans un an et demi, Marine le Pen peut tabler sur au moins 8 millions de voix. En 2012, Sarkozy et Hollande en avait chacun glané environ 10. Mais cette fois, avec une fracturation, pas sûr qu'ils aient autant... Ne pas voir cela serait de la folie. Et l'argument selon lequel le FN au pouvoir est le meilleur moyen de les décrédibiliser est un leurre (ceci pour ceux qui croient que la prise de quelques régions hier aurait précipité le FN vers une défaite en 2017) : dans toutes les mairies prises par le FN en 2014, le parti a explosé ses scores avec 10% de plus en moyenne lors des régionales. A Beziers la liste FN de Louis Aliot a agrégé 48% au 1er tour. Barrage ? Pas sérieux...

On parle souvent de l'opposition au Front National comme d'un barrage républicain. Si l'on conserve l'allégorie, reconnaissons qu'hier on a érigé des digues dans la panique la plus complète du premier tour, panique folle qui a tout de même vu des militants de gauche faire campagne pour Xavier Bertrand et Christian Estrosi... Cela ne se reproduira pas et surtout, une fois qu'on a fait cela, on ne peut guère faire plus, à part aboutir au rêve ultime du FN, à savoir une fusion du PS et des Républicains. 

La montée du FN s'explique sans doute par des facteurs économiques et socio, mais surtout par la faiblesse de l'offre politique actuelle et au manque de renouvellement. Trente ans de politiques sans grande réforme. Quelles sont les plus grandes mesures prises depuis 20 ans pour contrer le cancer du chômage : les 35h et l'autoentrepreneur. Et leur ingénieurs sont toujours là. Comme ceux qui ont réformé les retraites, la santé, l'éducation... Et d'ailleurs, ils se proposent de revenir en 2017. Regardons la primaire à droite : Sarkozy, contre Juppé et Fillon, plus d'un siècle de mandats à eux 3... Et le nom de Sarkozy dans 15 affaires, Juppé qui fut condamné, et toujours là... Le FN est en réalité bien pire du point de vue des affaires (voir ici un article rappelant que les élus FN ont été 3 fois plus condamnés que leurs homologues PS et UMP entre 1997 et 2012) mais s'érige en chantre d'une forme de morale. Dès que quelqu'un dit trop de conneries, il est viré. Ils ont poussé les caciques du père le Pen, les Gollnisch et autres, pour présenter des candidats beaucoup plus jeunes, moins usés par trente ans de formules creuses. Les reports de voix entre le 1er et le 2nd tour montre que le ras le bol domine : Wauquiez et Pécresse l'emportent notamment en siphonnant les voix de la Manif pour Tous. On peut convenir sans froisser personne que démarier des couples ne constitue pas exactement un programme de redressement collectif pour le pays. Mais c'est un coup de gueule. Comme celui de Troadec en Bretagne, régionaliste bonnet rouge qui glanait tout de même 6,7% des voix sur un programme réduit à néant, mais fort en décibels. Cette exigence de radicalité devrait déboucher sur des mesures dès ce matin. Redonner le perchoir à Bartolone ? Folie... Consoler Saintignon, Castaner et consorts avec des postes au CESE et autres fromages ? Hérésie...

Tous les mouvements politiques émergents depuis quelques années mettent tous en avant, quelle que soit leur orientation politique, le fait que le premier big bang nécéssaire est institutionnel. De Nouvelle Donne à Nous Citoyens, de gauche à droite, tous montrent bien que la vraie radicalité ne peut naître que d'une réforme radicale de nos institutions. Supprimer le Sénat, pas pour les économies de bout de chandelles, mais pour supprimer les allers/retours de la navette, moment de petits arrangements pour gros lobbys... Réduire le nombre de parlementaire, ériger le cumul absolu, diviser par 10 le nombre de communes.... Ce big bang là aurait l'effet salutaire de renforcer les responsabilités des élus et surtout permettre l'émergence de nouveaux visages. Encore une fois, avec une absence de proportionnelle mais un jeu à deux tours, on peut ériger des barrages, mais lorsqu'ils cassent, on reçoit un torrent de boue. A méditer rapidement...

12/12/2015

Lettre à mes amis qui regardent ailleurs

La-maison-brûle.jpgLa planète brûle et 195 chefs d'état se sont réunis au Bourget. Cocorico. L'accord est sans doute insuffisant, mais au moins ça avance on trouve 100 milliards pour "l'aide à l'adaptation et aux énergies renouvelables". La France brûle et on peut craindre qu'un électeur sur deux sortira uniquement pour faire ses courses de Noël, dimanche... Depuis une dizaine de jours, je vois fleurir sur les réseaux sociaux des bannissements grandiloquents des électeurs Front National. M'accordant avec Gérald Bronner pour dire que les réseaux sociaux produisent de la "mêmeté" et, connaissant l'écrasante majorité des contacts de ma page Facebook, je sais qu'il n'y a pas, ou en proportion épsilonesque, d'électeurs FN. Ils sont 1150, admettons qu'une douzaine (mais je pense 10 fois moins...), sans rien laisser paraître, glissent un bulletin FN dans l'urne. Cela ferait 1% de mes contacts... Pas exactement à l'image de l'hexagone, plutôt de la résistante Martinique et de ses 1,4% d'électeurs FN...

En revanche, je ne préfère pas connaître l'étendue du cataclysme, mais le pourcentage d'abstentionnistes parmi ces même contacts est malheureusement à deux chiffres et je crains que cela ne commence pas par un 1, mais peut être un 3 ou un 4, comme le reste du pays... Des tonnes d'abstentionnistes. Le je m'en foutisme, comme l'intelligence et la connerie, sont fort bien partagés. Alors, une précaution s'impose. Il y a autant de nuances d'abstentionnistes que de gris dans les romans de gare. Hier soir, je dînais avec un ami abstentionniste du second tour, en mode spinoziste. Il se délecte de la misère socialiste en espérant que cela recomposera plus aisément la vraie gauche, le moment venu. Je ne dis pas que j'adhère (nonobstant toutes ses conneries, dérapages et autres, j'irai voter Bartolone parce qu'il n'est pas seul à bosser  pour la région et que je crois bien plus à ce collectif qu'à l'autre), mais je peux entendre. D'autres amis partagent et pratiquent "l'abstention militante" : ils connaissent tous des programmes des uns, des autres et ne trouvent rien qui les contente. Une profonde désespérance. Hormis cela, ils peuvent prendre des heures pour aller manifester, se déplacer, soutenir, pétitionner, bref, ils ont la politique dans le sang, croient au collectif mais ne se retrouvent pas dans l'offre politique actuelle. Dur de les blâmer...

En revanche, il y a ceux qui s'en foutent. Complètement. Mais alors com-plè-te-ment. Ceux qui me disent "de toutes façons, ils sont tous pourris". Comme dans le cliché, oui oui, je l'ai entendu à maintes reprises depuis quelques jours. Tous indifférenciés, reprenant ainsi sans s'en rendre compte l'éternelle antienne du FN. Suffisamment foireux, nos responsables pour ne pas leur voler dix à quinze minutes dans leur dimanche où ils iront faire des courses de noël ou bruncheront pendant 3 heures.... Mais bon, perde dix minutes pour voter, pour choisir, ça non.

Alors cher ami qui pense cela, qui dit que cela ne te concerne pas et qu'ils n'ont qu'à se démerder, que les régions ne servent à rien et que de toutes façons tu t'en sortirais mieux toi même, réfléchis deux secondes. Souviens toi, quand tu étais petit et que tu mangeais à la cantine. C'était assez dégueulasse, mais au moins tu avais le ventre plein et plein de copains autour de la table. Depuis, c'est mieux, on a fait rentrer des diététiciens et on essaie de manger plus équilibré, tous ensemble. C'est important, surtout pour ceux qui mangent moins bien chez eux, de s'éduquer à l'alimentation équilibrée. Quand tu t'en foutras demain en t'abstenant joyeusement, tu permettras comme c'est déjà le cas dans les mairies FN d'avoir des lycées où les cantines mettront du porc un peu partout. Pour rigoler, pour faire chier. Surtout, tu pousseras sans le vouloir un pouvoir exécutif qui exclura de la cantine les plus modestes s'ils n'ont pas tout réglé. C'est facile d'étudier quand on a pas mangé, hein ? Et souviens toi, quand tu étais petit et que tu ne connaissais pas un mot, on t'invitait à chercher dans le dictionnaire. D'ailleurs, la plupart des mairies en offre aux mômes. 2 mairies FN les ont retirés "pour mesures d'économies" officiellement, même si l'achat de tous les dicos de la ville pèse beaucoup moins lourd que l'augmentation d'indemnités qu'ils se sont voté à peine élus (en moquant l'éthique des élus PS et UMP...)... Tu diras qu'ils peuvent aller sur Wikipedia, mais c'est toujours pareil, il faut pouvoir en parler avec des parents qui t'y poussent. Bref, c'est le serpent qui se mord la queue des inégalités et tu renforces le cercle vicieux. Par flemme...

Les régions, tu t'en fous. Qu'on expulse et mène la traque à ceux qui fraudent dans les transports (même si c'est pour aller chercher du boulot...) tu t'en carres, d'ailleurs tu as ton Pass Navigo, ou ton Vélib, ou ta bagnole et tu fais du co-voiturage donc faut pas te faire chier, t'es citoyen... T'as raison, va. Et surtout ne réfléchis pas aux raisons qui font que tu as pu trouver un logement et un boulot où la problématique de transport n'est pas prégnante, soit que tu bosses de chez toi, soit que tu es proche de transports pratiques. La culture, tu reçois des invitations, t'aimes pas trop l'art officiel et d'ailleurs, ce soir tu as un vernissage secret, avec envoi par SMS une heure avant de l'endroit exact. Alors ce que la politique fait comme soutien culturel, tu t'en carres un peu. L'été, tu t'éclates dans les festivals un peu partout en France et tu payes ton billet d'entrée, donc pas de politique. La prochaine fois que tu iras au Eurockéennes, à Rock en Seine, à Solidays, à Avignon ou ou que ce soit, tu demanderas les budgets et tu verras que sans aides publiques, sans ces politiques pouilleux que tu piétines et méprises si ostensiblement, ils ne peuvent pas exister. Ils mettraient la clé sous la porte. Beaucoup l'ont fait, mais ça serait bien bien bien pire si on cessait où si le FN qui sort des kalachnikovs dès qu'il entend le mot culture, arrivait au pouvoir. Ca sera sympa, l'été dans la France FN avec uniquement des concerts de santons et de la bourrée auvergnate (j'ai rien contre les auvergnats, hein...). 

Toi de toutes façons, tu t'en fous, les politiques sont déconnectés, et tu veux changer de vie, t'as pas besoin d'eux pour ça. T'as quitté ton job de salarié et t'as monté ta boîte en vivant sur tes ASSEDICS. Ou tu t'es formé pour monter un salon de thé en passant par un CFA. Y avait des politiques pour t'aider, là ? Bah non, t'as pas vu d'écharpe tricolore, donc ils étaient pas là. Pauvre con (ou pauvre conne, hein, ne soyons misandre uniquement, mais quand je pense à l'absentioniste content de lui, je vois plutôt un homme, déformation personnelle). La politique est partout, dans ce pays, et heureusement. Tu ne la vois pas. Si tu continues à ne pas voter, tu verras ce qui se passe quand tu la méprises. Là, crois moi, tu la verras. Quand j'étais petit, il y avait ce comminatoire "si tu ne t'intéresses pas à la politique, la politique s'intéressera à toi". Nous y sommes. Alors vote, bon sang.  

07/12/2015

Le prix du renoncement

img_qu_est_ce_que_signifie_rever_que_vous_tombez_4002_300.jpgComme tout le monde (ironie de l'expression. Comme "tous ceux de mon monde", bien sûr, mais clairement pas comme une majorité de français) hier, le visionnage des résultats électoraux fut comme une lente descente de speed. Chaque nouvelle région affichant des résultats hallucinants était un coup de poignard de plus. A part la Corse et la Bretagne, plus de 20% partout et dans 2 régions, donc, de 40%. Un sursaut d'abstentionnistes et quelques accommodements d'appareils pourrait nous préserver (merci le PS) un peu du chaos mais là, s'il est encore un responsable politique pour contester l'inexorable montée du FN, il faut le ranger aux côtés des climatosceptiques. Si d'aventure les manoeuvres décrétées hier soir à la va vite suffisaient, nous détournerions le regard jusqu'à 2017...

L'attitude de ces responsables est semblable à celle des climatosceptiques dans la mesure où ils se réfugient derrière un double mensonge : la faute des abstentionnistes et le vote de colère. JM le Pen totalisait 4,8 millions de voix en 2002, sa fille 6,4 en 2012. Hier idem. L'abstention renforce le % final, mais la triste réalité c'est que la fille a gagné des millions d'électeurs, dans de nouveaux segments de la société (et malheureusement, les profs) et surtout, comme le souligne bien Nona Mayer, le FN a gagné des votes de femmes qui lui étaient historiquement réfractaires. Les seuls à continuer à ne pas voter pour eux sont les hauts diplômés. L'équation : plus on est instruits, moins on vote FN, reste valable. C'est ballot car il va être délicat de rattraper notre retard en formation de 5 millions de diplômés d'ici à 2017....

L'autre mensonge c'est celui du vote de colère. Bien sûr, c'est le vote de gens en colère, mais largement aussi réfléchi que ceux qui sont allés voté pour une autre formation. En colère contre une immigration mal maîtrisée, apportant de la délinquance et autres billevesées répétées en boucle. Ce matin, on déverse des analyses hyper conjoncturelles : crise syrienne, attentats et je ne sais quelle autre peur récente. M'enfin Marine le Pen totalisait bien 6,4 millions de voix en 2012 ? Alors, oui, il y a un repli identitaire et sécuritaire, mais honnêtement, les politiques actuels insistent sur ces enjeux au-delà du raisonnable. S'il suffisait de cela, le choix de Hollande de voter la déchéance de la nationalité (vieille demande du FN....) aurait dû suffire. Et ça ne fut manifestement pas le cas...

J'ai souvent entendu dire que politiquement, la France avait le cul entre deux chaises. Bon sang que c'est vrai. Notre droite n'est même pas de droite dans le sens où elle n'a jamais réussi à susciter un rêve de droite, donc un "American dream" à la française, instillant aux électeurs l'idée que quand on veut on peut. L'autoentrepreneur est le Canada Dry de ce rêve, un ersatz poisseux... Et notre gauche, surtout (je pense qu'elle porte le plus lourd fardeau) n'est pas de gauche sur ce qui fait ses fondamentaux : éducation, santé, progrès social. L'éducation française part en capilotade, sauf pour notre élite. On se bunkerise de plus en plus tôt pour protéger les parcours des enfants nantis. Les déserts médicaux s'étendent, mais cela ne concerne pas les plus favorisés et le travail se précarise, se flexibilise, se volatilise, mais pas pour "nous" puisque je suis dans la bulle au chaud. Nier cela relève de l'hérésie. Depuis 30 ans, depuis que la mondialisation a ouvert ses portes en plus grand, nous faisons le choix de l'élite : soutient au CAC 40 (le Pacte de Responsabilité et le CICE comme derniers avatars...) contre celui aux PME-TPE et ce malgré un niveau de chômage record depuis des années... Dans les transports, tous les investissements mis dans le TGV, ce qui profite aux cadres qui bougent allègrement, quand les usagers des TER et RER voient leurs gares fermer et les trains se faire plus rares, victimes d'avanies matérielles... Et que dire de notre école ? Notre chère école, ce pilier de la gauche ? PISA nous dit que malgré les effets d'annonce, nous avons délaissé les ZEP où nous envoyons les profs les moins expérimentés, délaissons tout le parascolaire (assistants sociaux, infirmiers...) en moins grands nombres que dans les bonnes écoles... Dans la santé, nous concentrons des établissements de pointe et il faut un an pour prendre rendez vous avec un ophtalmo, à Brest. Une petite élite des métropoles, éduquée et à l'aise, ne voit pas les massacres territoriaux pourtant magistralement décrits par Christophe Guilluy et Laurent Davezies. 17 millions de français finissent leur mois à 50 euros près, vous allez continuer à leur parler de valeurs ? Ce matin nous payons le prix de l'aveuglement collectif et du renoncement à changer les choses, nous payons notre accommodement face à la montée des inégalités. C'est dramatique, ça sera peut être pire dimanche et nous l'aurons bien cherché.