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13/02/2016

L'effarante duplicité de nos élus

janus.jpgDis moi d'où tu parles camarade, mais dis moi surtout dans quel micro tu t'exprimes. Rarement cet adage m'est apparu avec autant de forces que ces derniers mois. Gilles Boyer, le directeur de la campagne d'Alain Juppé, a sorti un chiffre que je n'ai aucune raison de contester : il y aurait 400 interviews politiques par mois en France, j'imagine dans des ondes, écrans ou colonnes avec un minimum d'audience. Bon. Quand on n'a pas la notoriété de Chirac, Sarkozy, Valls ou Hollande, ça contraint à se démarquer à chaque sortie, à trouver la réplique qui fera le sel de la journée en tournant en boucle. Mais l'époque n'est plus à écouter les ronronnements du cardinal de Retz qui seraient entrecoupés d'une sortie fracassante, de temps en temps. Du coup, tant qu'à faire, on se crée un avatar médiatique simplifié qui va plus vite.

Nos élus ont-ils pour autant simplifié à l'extrême leur pensée ? Pensent-ils vraiment comme ils le clament souvent sur les plateaux télés que : "le problème c'est". En général suit, selon les questions "l'autre", "les impôts", "les normes", "Bruxelles", "les élites", "lIslam", toutes propositions s'inscrivant en droite ligne de la brillante saillie de Manuel Valls déclarant qu'on ne doit plus chercher à comprendre... 

Mais tous ces hommes et femmes politiques qui cherchaient à comprendre auraient cessé de le faire avec l'avènement de la TNT, des chaînes en continue, d'Internet ? Hum, j'ai comme un doute. En écoutant Bruno le Maire, dans "l'Atelier du pouvoir" sur France Culture nous distiller ses vues sur la liberté, économique comme sociale, disserter avec aisance sur Tocqueville, on peine à croire que c'est le même homme que celui, qui, chez Bourdin, est une sorte d'épigone politique d'Eric Zemmour, parlant par phrases courtes et simples, avec des idées simplistes sur les questions identitaires, religieuses, sécuritaires et d'immigration, qu'il relie avec une aisance aussi notable que vomitive... Toutes associations douteuses qu'il se refuse évidemment à faire sur France Culture. Auquel faut-il accorder sa confiance ? Peut-on accorder sa confiance à une telle duplicité ? L'évidence ne peut être que non. S'adapter et adapter son discours est une chose, se renier en est une autre. On peut attendre que les politiques s'auto-régulent et cessent de se renier en espérant qu'ils comprennent les vertus d'un discours unique et de clarté. Autant attendre que les poules disposent de prothèses dentaires. Aussi faudrait-il et à l'orée du dispositif "Présidentielle 2017" qui envahira bientôt tout, c'est essentiel, recentrer l'éthique journalistique pour ne pas pousser à cette duplicité. Ne pas aborder 17 thèmes en 10 minutes, ne pas faire rebondir sur les remugles de l'actualité et chercher à explorer un sujet à la fois. Ca ne doit pas être irréalisable, c'est en tout cas bigrement nécessaire. 

08/02/2016

Le piège protéiforme du professionnalisme politique

500_F_1272335_aXlNPeNHnOmWPQJr5pvAYaKrjzjyio.jpgEn début de semaine dernière, j'ai déjeuné avec un ami, jeune élu d'une campagne assez isolée cumulant un paquet de problèmes : la faucheuse de Sarkozy y a passé ses 3 lames : adieu caserne, tribunal, et pour l'hosto on prépare les chrysanthèmes. Ajoutez à cela un haut débit en panne et quelques menues considérations que je vous passerai, son job de Président de l'intercommunalité n'est pas précisément une sinécure. Nous avons le même âge mais pas vraiment les mêmes loisirs. Il ne pense pas à se plaindre, il aime son boulot, passionnément. Bien sûr, étant un socialiste de gauche, il souffre beaucoup depuis quatre ans (c'est long quand on les passe à avaler des couleuvres) et nourrit une rancoeur indélébile contre la ligne actuelle, mais au-delà de cela alors que je l'interrogeais sur l'avenir, il me dit qu'il a démissionné de son autre poste politique (sur Paris) pour chercher du travail. "Je ne veux pas me retrouver à 45 ans et à être obligé de le faire. Parce qu'alors, je réaliserais que je ne sais rien faire d'autre et je me retrouverai, que je le veuille ou non, obligé d'être un professionnel de la politique". 

Un aveu de lucidité déconcertant. Et pour être honnête un peu excessif dans l'autoflagellation. Issu d'une famille modeste, il avait travaillé avec des responsabilités importantes dans un groupe de l'économie sociale pendant 5 ans. Un bilan qui n'a rien d'anodin. Rien qui puisse le faire rentrer dans ce que l'ex ministre Michèle Delaunay avait appelé "le tunnel". Pour autant, insuffisamment d'expérience pour qu'il se sente capable de bosser hors politique. Etonnant. Il a fait de solides études humanistes, a donc ces 5 années d'expérience et aujourd'hui s'investit dans des dossiers très techniques comme la gestion des déchets, l'implantation de SEM et autres installations du haut débit. Même ses adversaires politiques lui reconnaissent que contrairement à l'immense majorité des élus, il sait lire un bilan et un compte d'exploitation. Il adore ça d'ailleurs.

Je vous entends déjà. Oui, il dit ça mais il est bien allé chercher ses mandats. Bah non. Nombre de jeunes élus le sont des suites d'une campagne volontaire, d'un contexte national porteur et d'une envie de renouvellement, mais sans avoir anticipé une possible élection. Dans le cas de mon ami, c'est clairement le cas, il venait voir comment se passaient les élections sans penser une seconde pouvoir gagner (la gauche ne l'avait pas fait depuis Napoléon...) alors une fois la surprise passée, il fallut bien s'organiser. Et si nous avons beaucoup trop d'élus, nous manquons en revanche de cadres de bons niveaux, raison pour laquelle son job de Président de l'Intercommunalité lui prend beaucoup de temps : impossible de déléguer. Donc on l'encourage à être élu. Et tout s'organise en coquille d'escargot pour se couper des emplois non élus. Après deux mandats, comme mon ami me le redoute, force est de constater que ça devient difficile. Et que nos élus n'ont pas modernisé la vie publique de sorte que les passerelles soient plus simples.

En effet, sur ce sujet aussi, notre incapacité à nous réformer bat des records... Bruno le Maire se félicite d'avoir démissionné de la haute fonction publique, mais premièrement il ne sera pas suivi par tous, deuxièmement, on l'Assemblée Nationale n'est pas composée que de hauts fonctionnaires. Au-delà de ces quelques cas, où est la réforme des institutions promise depuis des décennies qui empêcherait les élus de le rester pendant 40 ans ? Et encore ne sommes nous peut être pas au bout de nos surprises puisque Les Républicains annoncent d'ores et déjà leur volonté de revenir sur le cumul des mandats... Un réflexe de trouille pour s'assurer encore plus d'élus professionnels à vie, cumulant pour arriver à des indemnités à 5 chiffres, voilà une attitude à rebours de ce qu'il faudrait : aider les élus à mettre en avant ce qu'ils savent faire, dans une logique de VAE, pour aller travailler dès qu'ils perdent ou se retirent / public, privé (hors conflits d'intérêts liés à leurs fonctions précédentes évidemment) ou associatif, peu importe. L'important est que dans un marché de l'emploi qui devient de plus en plus liquide, avec des sinusoïdes, on puisse s'engager dans la vie publique avec la certitude de pouvoir en sortir et y revenir plus tard pour apporter autre chose. Et une doléance de plus pour 2017...

06/02/2016

"Opération Banlieues" : Macron 1 / PS 0

12688319_10205604464290191_158440964018139878_n.jpgC'est tout de même assez fou ce qui s'est passé hier soir, à Bercy. A titre personnel, ce qui est assez fou est que je ne pu être sur scène pour introduire mes copains Saïd Hammouche et Benjamin Blavier aux côtés d'Emmanuel Macron, mais bon, disons que grippe 1 / Castor 0 et ça n'est pas un match très intéressant... 

Plus intéressant, en revanche, l'accueil par le ministère sur toute une demie journée de 1000 jeunes issus de deux associations fabuleuses, Mozaïk RH et Passeport Avenir. Bercy leur a mis à disposition des locaux pour faire des ateliers, rencontrer des dirigeants. Le ministre a décroché son téléphone et les boîtes sont venues en masse... Le soir, réunion courte dans l'amphithéâtre, photos avec le ministre (et El Khomri qui passait par là...), 2/3 pitchs sur le sujet des discriminations et un lancement de trophées de boîtes qui s'engagent sur le sujet. Récup et image ? Sans doute, et alors ? Les faits et surtout les boîtes étaient là... Demandez aux 2 fondateurs hier, ils vous expliqueront que leur problème dans les semaines à venir va être de caser tous les nouveaux rendez-vous dans l'agenda. 

Résumons : une opération pleine de succès, 0 euro engagé pour les assos (beaucoup, beaucoup d'huile de coude, mais le ministère a tout accueilli) et pour Bercy des dépenses réduites aux acquêts (ils ont invité chez eux), voilà le genre de partenariat public privé qu'on aimerait voir plus souvent. Et c'est hallucinant que ce soit Macron qui l'ai fait pour deux raisons. La plus subjective : il est le moins à gauche des ministres ayant eu le dossier en main. La plus objective : Saïd et Benjamin ont dû rencontrer plus de 50 ministres et conseillers depuis 2012... Saïd, surtout. Evidemment, "le bon arabe du PS". Regardez les photos, avec Hollande, Ayrault, Hamon, Lamy... Ad nauseam. Tous lui ont promis monts et merveilles, des "délégations de service public" des ouvertures en grande pompes et autres promesses mirobolantes. Pour quel résultat ? Rien. Un ami, proche conseiller de JM Ayrault me confiait, exaspéré, que Saïd était un des types les plus brillants qu'il n'ait jamais vu, qu'il avait rédigé des notes, passé des coups de fil pour accélérer les choses. En vain. Rage. Poubelle. Saïd et Benjamin n'ont pas la carte. Pas PS, pas maçon, pas énarque, dégagez pour le soutien....

Et Macron en à peine 2 mois emballe l'affaire. Déjà en quinze jours avait-il fait venir quelques PDG pour le lancement de la fondation Mozaïk RH. La critique ne doit pas rendre aveugle : depuis des mois, Macron dans une logique purement libérale, purement anglo-saxonne, mais parfaitement sincère, maintient qu'il est "plus simple de trouver un emploi quand on s'appelle Emmanuel que Fatima ou Rachid" il ne lâche pas avec ça. Le maintien comme un pitbull, explique que la solution démiurgique aux maux de la France est la lutte contre les discriminations et le rétablissement de l'emploi et de l'espérance qui va avec, dans les quartiers. Difficile de parler d'opportunisme...J'y verrai plutôt une habileté remarquable et une constance toute ricaine, son discours est 100% celui de Clinton 1ère campagne, quand il gagne le vote des Latinos, lui le white folk. 

Au-delà de cela, cette opération marque pour moi un signal d'alerte rouge pour le PS : machine obèse à élus locaux, le parti gère des prébendes et traite les associations avec des réflexes paternalistes complètement dépassés. Raison pour laquelle le PS a accompagné la lame de fond de la globalisation, de la "gouvernance associative" prônée depuis une grosse quinzaine d'années, prêchant pour des rassemblements. Le PS sait faire avec les mastodontes (Groupe SOS, Croix Rouge, Secours Catholique, FNARS...) mais ne sait pas détecter et encourager l'innovation sociale. Macron, en libéral avisé a détecté un potentiel et des talents et a su s'adapter. Le PS sait distribuer des chèques, ce que demandent les mastodontes (disons des "crédits" ou "subventions" ça sera plus correct) et comme ça tout le monde a la paix sociale. Mozaïk et Passeport ne demandaient pas cela (je ne dis pas qu'ils cracheraient sur un doublement de leurs moyens, hein...) d'où le bug du PS incapable de s'adapter. Macron, lui, a compris ce qu'ils voulaient : l'onction des pouvoirs publics, la vraie. On accueille à Bercy, on met le paquet, la grande salle, le ministre vient et les PDG des boîtes privées raboulent. Voilà ce que veulent les assos, des accélérateurs de solutions, de l'appui, du soutien, de la mise en relation. Ca me fait mal de le reconnaître, mais vu que c'est pour la bonne cause, je le fais joyeusement : merci Macron.