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23/04/2014

Extension de l'auto-surveillance

big-brother-is-watching-you.jpgRécemment un changement s'est produit sur le site de ma banque, la BNP. Oui, je sais je devrais être à la NEF ou autre banque plus responsable que la BNP, mais il est mal aisé pour moi de les tancer, tant leurs équipes se sont montrées très compréhensives quand je déménageais et avais besoin d'un coup de main opportun et d'une souplesse de crédit que l'on accorde pas toujours aux saltimbanques comme moi... 

Bref, désormais lorsque je dois effectuer un virement de compte à compte ce qui arrive souvent pour ceux qui ont une activité professionnelle et donc deux comptes en banque, le site vous bloque votre virement si vous ne remplissez pas la case "Motif". Soupir.

Votre Pass Navigo permet déjà de connaître vos moindres mouvements et si vous n'avez pas désactivé la géolocalisation de vos appareils électroniques, impossible de gagner sa partie de cache-cache avec Big Brother. Mais il n'a pas à trop forcer son talent, puisqu'une part croissante d'utilisateurs de réseaux sociaux se localisent bien volontiers pour dire à leurs cercles dans quels bars, hôtels, lieux insolites, ils se trouvent.

Lorsque vous voyagez, vous recevez désormais des tonnes de messages vous incitant à l'auto-surveillance. Avant d'embarquer en avion, bien sûr, mais aussi dans le train où l'on vous rappelle de ne pas laisser vos bagages seules un instant et désormais dans le métro où vous devez redoubler de vigilance face aux pickpockets... Débrouillez vous pour que rien ne fraude, rien ne dérape.

Et maintenant, donc, sur mon site de banque qui me connaît déjà très bien puisque l'historique de mes dépenses est commenté : en face des dépenses, je vois des icônes (loisirs, sorties, voyages... malin la BNP), mais cela ne va pas assez loin pour eux. Non, à cause de Claude Guéant et autres oublieux des règles de transparence, il faut moi même que je notifie ce à quoi servent mes virements. Alors, devrais-je mettre "impôts" "changement cuisine" "surprise pour mon amoureuse" pour vivre en paix dans un monde bien gardé ? Un doute m'étreint. J'ai plutôt envie d'essayer "Ziad Tiakedine", "Soirée chez Dodo la Saumure", "libération des otages", "Costard pour Manuel Valls", juste pour voir à quel point la surveillance est efficace...

 

19/04/2014

L'anticléricalisme est-il encore socialement acceptable ?

t-shirt-anti-religion-atheisme.pngLa prétendue montée de l'intolérance religieuse occupe une place de plus en plus importante, sans aucun doute démesurée, dans nos gazettes. Mais quid de l'intolérance à l'égard de l'anticléricalisme ? Cette cause ne suscite aucune émotion. Pour en être violemment victime, je puis assurer qu'elle mériterait un geste, un discours, un plaidoyer ! Lecteur, ne te hasardes surtout pas à croire que je plaisante, je sens monter une lame de colère contre mes congénères impies. Aujourd'hui, il n'est plus socialement acceptable d'être anticlérical. Anticapitaliste, c'est chic, antieuropéen, c'est tendance, végétarien donc antiviande c'est le nec plus ultra, mais anticlérical c'est se montrer intolérant, fermé, violent. Ben voyons...

Depuis une grosse dizaine d'années que mes amis me convoquent à leurs unions, je me fais toujours une joie d'aller à la mairie. Pour ceux d'entre eux, j'en connais légion, qui choisissent d'ajouter à cela une visite à l'église (les plus vicieux parlent même de "vrai mariage" ce qui, d'un point de vue légal est un contresens lourd, mais si ça leur fait plaisir de croire ça... en plus du reste...) je me réjouis aussi. En effet, les jours de mariage j'ai remarqué qu'il faisait toujours un grand soleil et très frais dans les églises. J'imagine que c'est la tentation du seigneur pour les âmes faibles, dont je fais partie qui perdent leur temps à lire au soleil alors qu'ils pourraient écouter du sous Luc Ferry sur les vertus de l'amour éternel... J'ai des superbes souvenirs de lectures intenses, un coca à la main avec la cascade de champagne à venir.

Pourquoi m'en veut-on à ce point pour une attitude hédoniste et en rien hostile. Je ne hurle pas croa croa devant les églises, je ne crie pas au curé "violeur d'enfants" ou autres oukases gratuites. Non, je me contente d'ignorer ce que je considère comme la plus grande catastrophe de l'humanité ; les monothéismes. Je n'ai pas été invité à des mariages à la synagogue ou à la mosquée, mais ma réaction serait strictement la même. Egalité avant tout. 

Cette posture qui passait si bien il y a 10 ans me vaut désormais des philippiques d'une violence inouïe. Il s'agirait d'une "posture" d'une forme de puérlité mal dégrossie. C'est tout de même incroyable... Je considère que la misogynie sans nom des religions est à l'origine de la plupart des maux de la planète, que les dérèglements guerriers ou économique de l'histoire ont quasi tous été conduit au nom de cette moraline absurde. Et en l'espèce, en ce qui concerne le mariage, je me suis toujours dit que quelque chose d'aussi intime que la foi ne concerne que les intéressés directement. Que ne se marient ils à huis clos au lieu de convier le ban et l'arrière ban de leurs connaissances ? Ce serait plus simple. Et bien, ne pas vouloir s'associer à cette vaste lobotomie publique vous vaut excommunication et bannissement. Mes amis progressistes et belles âmes de gauche trouve que cela fait de moi un intolérant à la différence. Un manque d'ouverture d'esprit. Et je me retrouve seul. Ca n'est ni la première ni la dernière fois que ce genre de situation me rattrape : once a menchevik, always a menchevik... Mais je m'interroge quand même sur ce que cache cette colère de mes amis laïcs qui se soumettent aux rituels bénitiers et dans le même temps dénoncent la soumission des socialistes au capitalisme financier. Vous avez une tolérance à géométrie variable, les amis... Je vous aime quand même.

17/04/2014

La moindre des choses

51M3V7YS3HL._SL500_AA300_.jpgA peine le générique de fin apparaît-il à l'écran que l'on se demande quelle part de réel a été coupé dans le documentaire de Nicolas Philibert, La Moindre des choses. Déjà, dans deux de ces films précédents, être et avoir ou La maison de la radio j'avais été frappé par les coupes sombres dans le côté obscur. Philibert filme la lumière, la vie et la joie et jamais les empoignades. Si on peut à la rigueur imaginer que celles-ci ne surviennent jamais dans une classe d'école primaire, impensable qu'elles n'émaillent pas le quotidien de la Maison de la Radio ; quand un rédac chef pousse tel sujet ou biaise tel autre en demandant des témoignages plus ceci ou moins cela. Et cet embellissement du réel, autre forme de "mentir-vrai" irradie La Moindre des choses, superbe film sur la clinique de la Borde. 

Une plongée d'1h30 chez les fous, les psychotiques et autres formes de pathologies mentales très lourdes où l'on n'assiste à aucun cri, aucune crise où l'un des patients veut tout faire sauter, c'est peu plausible. Mais si l'on excepte cette faille qui après tout relève d'un choix artistique, tout dans ce film est emballant. Marquant, poignant, déconcertant, tout va à l'encontre des idées reçues et autres clichés généralement véhiculés par les médias. 

La clinique de la Borde institution psychiatrique unique qui accueillit Guattari pendant toute sa carrière est un enclos du Loir et Cher (Michel Delpêche n'est pas dans le film) où l'on tente une autre approche de la psychotérapie. Le film montre sur un ou deux mois la préparation d'une troupe composée de patients et quelques soignants et qui donneront une représentation de Witold Gombrowicz. Un spectacle que j'aurais aimé voir. Une pièce fort bien choisi car elle souligne merveilleusement comme le théâtre de Ionesco ou les écrits d'Artaud que le fou n'est pas toujours celui que l'on croit. La caméra de Philibert souligne peu, ne met pas de sous-titre, n'angle pas les choses. Il saisit des scènes et les laisse se raconter d'elles même sans que l'on sache d'où viennent les propos tenus.

Au point que l'on est parfois incapable de dire si les personnes qui témoignent sont des patients ou des soignants. Vraiment, on en est là. Et c'est merveilleux. J'ai eu un faible pour Jacques, l'homme qui apparaît sur le DVD et qui manipule le langage comme personne. Conscient d'être malade, il aime la Borde car il se sent "protégé entre nous. Et toi Nicolas (Philibert) tu es maintenant plongé, entre nous". Son rapport au théâtre est émouvant en diable, il se rappelle des pièces précédents qu'il a joué et pourquoi elles l'ont marqué et au travers de son récit, on aimerait voir d'autres documentaires filmant ces histoires là.

La thérapie médicamenteuse est filmée comme cela. Deux plans très cliniques sur des soignants remplissant d'imposants piluliers, des milliers de cachets dans des petites boîtes. C'est tout. On ne s'appesantit pas, les images parlent d'elles mêmes. De même qu'on ne souligne pas l'absence, de proches, de familles. A l'évidence la Borde est un lieu confiné où les patients comme les visiteurs de l'enfer de Dante, ont laissé toute espérance de se lier au reste du monde. Sauf lors de la représentation de la pièce où quelques centaines de riverains (?) se sont déplacés pour applaudir chaleureusement une représentation admirable en ce qu'elle montre le perfectionnisme raisonnable. Les costumes sont très travaillés, les bruitages et musiques itou. Les soignants ont fait leur travail et la merveilleuse metteur en scène également. Juste avant de monter sur les planches, celle-ci se tourne vers toute la troupe et leur dit "bravo pour tout ce que vous avez fait. Allez-y à fond, ne vous tracassez pas pour le texte, si vous faites des entorses, il se relèvera le texte, mais allez au bout des choses et surtout amusez vous amusez vous et bonne chance". Et ils s'amusèrent, le public aussi. Et l'on ne peut s'empêcher, quand on voit cela, de soupirer devant notre conformisme à tous. Les gourous de la "disruption" à tout crin, des pédagogies alternatives présentées par Powerpoint devraient aller faire un stage auprès de cette metteur en scène, admirable enseignante. Sans doute pense t'elle comme le dit le titre, qu'elle se contente de faire la moindre des choses, en attendant de passer à la suivante. Sans doute est-ce la meilleure façon de transmettre.