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24/03/2014

Le FN, parti le plus démocrate de France ?

democratie11296151131.jpgLes faits sont têtus, les chiffres aussi. La différence entre les deux tient sans doute en ce que les seconds sont bien plus ductiles que les premiers. Les commentaires des résultats d'hier ont en donné une nouvelle splendide démonstration. 39% d'abstention, 4 français sur 10. Et cela a valu trois minutes de conversation sur deux heures d'échange... Cherchez l'erreur.

On aime à dire que l'abstention touche les couches populaires, entendez pas là "les pauvres sont des abrutis et ne votent pas". A Paris, où les pauvres sont bien plus rares qu'ailleurs en France, l'abstention atteint 44% cherchez à nouveau l'erreur. La fatigue démocratique est immense et personne ne veut le reconnaître. 

Ni ceux qui sont au pouvoir et ne veulent pas reconnaître qu'ils sont là par défaut. Ni l'opposition la plus probable qui ne veut pas admettre qu'elle n'a pas de projet de remplacement autre que s'asseoir à son tour sous les ors de la République. Hier, les éléments de langage des leaders des deux camps étaient lamentables de ce point de vue. Exception faite de Najat Vallaud-Belkacem qui tenait bon sa ligne, chacun tenait boutique et essayait avec une maladresse infinie de draguer les électeurs du FN. Pantalonnade.

Dès hier soir, les éditorialistes avançaient leurs arguments pour expliquer la montée du FN. Une des explications un peu spécieuse est de dire que les affaires "font le jeu du FN". C'est vrai en partie, voir Cahuzac doit donner envie de renverser la table. En même temps, Balkany, Woerth et Copé sont réélus au premier tour, preuve que les français ne sont pas complètement dégoûtés de ces affaires... On parlera de l'immigration, du chômage, de la crise. Mais s'il est vrai que les crises économiques favorisent les discours populistes et simplistes, Mélenchon devrait faire une percée. Ca n'est pas le cas. Car Mélenchon symbolise aussi ce système qui fatigue les autres. Le FN continue à s'afficher hors système et pourtant, foncièrement démocrate. 

"La démocratie c'est la République quand on a éteint les lumières", écrit Régis Debray. C'est exactement ce qui s'est passé hier. Le FN est sans doute le parti le plus démocrate de France : pas d'arrangement boutiquier, pas de front, d'accord, pas d'obstruction (bon, ils investissent des octogénaires Alzheimer en oubliant de leur demander la permission, mais sur l'ensemble des candidatures, c'est anecdotique) et surtout le jour J ils se déplacent. Peut être vomissent ils la vie politique française, mais en attendant ils ont tous pris le temps sur leur journée pour aller jouer ce jeu de la démocratie... 

Sur la République, en revanche, si l'on tient à la stricte acception de notre devise, le FN est triplement hors jeu. Contre les libertés des couples du même sexe à se marier et à adopter, contre la liberté du droit à mourir, contre la liberté de vendre son corps, contre la liberté de circulation des travailleurs... Toutefois, leur faire ce projet serait d'une injustice infinie dans la mesure où la majorité de l'UMP et même un grand nombre d'électeurs de gauche sont opposés aux libertés (à gauche, ce sera la liberté de travailler le dimanche.

Sur la fraternité, pas besoin de s'étendre. Haine de l'autre, du rom, de l'étranger, des puissances de l'étranger, de Bruxelles, de l'Islam... Arrêtons les frais.

Reste l'égalité, pierre angulaire de la République française. Avec ses propositions de lois relatives à "la préférence française", le FN ne fait pas seulement une entorse à la fraternité, mais aussi une fracture à l'égalité. Si certains sont plus égaux que d'autres non pas par la naissance, mais par la loi, alors il n'y a plus de République. 

Deux mouvements se sont lancés en 2013, "Nouvelle Donne" et "Nous citoyens". Un mouvement de gauche, un autre plutôt de droite, en tout cas libéral. Plutôt que d'en faire deux camps opposés, observons que tous les deux ont donné la primeur à des mesures visant à revitaliser la vie politique, notre chère démocratie. Cela mérite sans doute lecture.  

21/03/2014

Extension du domaine de l'hyperbole

275.jpgMa première réaction à la tribune de Sarkozy fut fondamentalement égoïste. Je me suis dit "hé merde". Cette profondeur de l'analyse vient du fait que je venais de finir de corriger mes monceaux annuels de copies. Un des nombreux sujets que je leur proposais concernait la réalité de la liberté d'expression en France. Nombre de mes étudiants me désespéraient par leurs positions (pro Dieudonné, par exemple), mais je ne pouvais tout de même pas leur donner tort au motif spécieux que je n'aime pas le triste sire. 

En revanche, toutes les copies qui se hasardaient à dire des énormités telles que "aussi, on peut dire que la France de 2014, de par son environnement socio-médiatique est une dictature" étaient systématiquement évacuées de la pile dépassant la moyenne. Non mais. Et voilà que le plus mauvais joueur de cache cache de l'histoire ressort du bois dans le Figaro pour comparer la France d'Hollande à la Stasi... Et merde. Je vais avoir des réclamations, maintenant, c'est sûr. "Monsieur, vous dites qu'on est pas une dictature, mais Sarkozy il a dit que...". TA GUEULE.

Quand je vois ce matin, Copé et Morano soutenir la bravoure de l'homme, je me dis que l'extension du domaine de l'hyperbole est infinie. D'accord nous ne sommes pas impériaux en France. Souvent condamnée par la CEDH pour manquements à la l'égalité de traitement, mal classée par Reporters Sans Frontières pour les atteintes à la presse et pression sur les journalistes. Mais de là à nous aligner sur la Russie, la Chine ou la Syrie, il n'y a qu'un million de pas. Que Sarkozy a effectué hier de sa légendaire petite foulée expéctorante, et bruyamment, encore. 

Ce n'est pas la première fois qu'un responsable politique se perd dans les marécages de l'excès verbal, mais en l'espèce, la figure dudit responsable pose problème. Bien sûr, Balkany a déjà comparé Sarkozy à Gandhi, Morano a mis sur le même plan la fiscalité d'Hollande à celle de Khrouchtchev, mais  comme disait Ségolène Royal à l'égard de ses propres camarades (citant un best seller vieux de 2000 ans, je crois) "pardonnez leur, ils ne savent pas ce qu'ils disent". Les auteurs de tels propos sont décrédibilisés avant même de parler du fait de leur biographie. Sarkozy, non. On peut ne pas l'aimer (présent !) mais il est tout de même l'Ex. Sa parole est rare et porte encore. Il le sait. Il a d'ailleurs été digne la dernière fois qu'il l'avait ouverte vraiment publiquement. Le 6 mai 2012, il avait dit au revoir poliment.

Il a droit de trouver que ses biographes sont zélées et fouillent son passé avec des excès de méticulosité, m'enfin admettons qu'il y a plus qu'un faisceau d'indices. Je me garderais bien des arguments spécieux type "il n'y a pas de fumée sans feu", mais il n'est que voir le monceau d'affaires entourant Claude Guéant , la ligne de téléphone portable prise sous nom d'emprunt... Je serai Hollande, je changerai de tailleur d'une part et je nourrirai quelque suspicion, d'autre part.

Le perdant de toutes cette histoire est à n'en pas douter le force de la parole politique. Sarkozy a perdu une occasion de se taire. Soit il est blanchi et la terre entière lui devra des excuses, soit il est reconnu coupable et nous aurons un problème. Car ce jour là, à côté de ceux qui se diront que la justice est passée, des factieux y verront l'ombre de la Stasi. Et c'est cette complotophilie qui nourrit vraiment, pour le coup, les plus mauvais régimes.

16/03/2014

Bingo clichés

topeka-bingo.jpgIl y a peu avec l'amoureuse nous sommes allés voir un ballet de Platel où un des danseurs crevait l'écran : Romeu Runa. Voyant qu'il passait en spectacle solo au 104, nous nous y rendîmes avec empressement hier soir. Pour la dernière. Et c'était complet. Et c'est la dernière fois que je vais voir un truc pareil, que je me fais couillonner de la sorte... Et pourtant il est toujours aussi virtuose.

Dans Il était une fois le Bronx, de Niro aime à répéter à son fils "there's nothing worse, than waisted talent". Et bah là, il aurait été servi. Après 10 premières minutes hallucinantes de virtuosité, tout en lenteur, bougeant des muscles inconnus et interprétant à merveille l'épouvante, notre ami et son comparse maléfique le metteur en scène (Miguel Moreira, c'est lui le coupable, si vous voyez son nom, fuyez) se lancent dans un massacre d'une petite heure au cours de laquelle ils vont explorer méthodiquement tous les clichés de la danse contemporaine. Evidemment, il va se mettre nu, le prétexte fallacieux choisi étant qu'il a été aspergé à l'eau d'un jet comme un manifestant rebelle. Car évidemment, il se rebelle contre les dominants et les formes de domination. C'est pour cela qu'il saccagera méthodiquement un édifice de palette de bois. La construction, ce truc de bourgeois.

C'est aussi pour cela qu'il singera un discours politique en se livrant à d'enfantins borborygmes. Les politiques sont des enfants incapables de vision, contrairement aux artistes. Il y aura aussi une belle séance de masturbation avec des fleurs avant qu'il ne répande les pétales sur sa tête dans une improbable séance d'auto souillure. Et puis, au cas où certains esprits étriqués n'auraient pas compris qu'ils étaient face à un être vraiment libre, il finit le spectacle nu et recroquevillé, mimant un auto fist fucking du plus bel effet. Comme il y a de la symbolique dans tout, j'en ai déduit qu'il nous disait là "nous sommes dans l'impasse". 

Là où cela me navre, c'est que nous étions au 104. Un édifice public, avec des subventions publiques. Or, ces jours-ci les intermittents luttent contre un MEDEF décomplexé et bien destiné à leur faire subir la même chose que ce que le soliste s'inflige en clôture et doivent lutter contre la désinformation. Les jocrisses réacs prétendent que les intermittents sont des enfants gâtés et qu'ils touchent des subventions indues pour des spectacles destinés à choquer le bourgeois. Rien n'est plus faux. Mais le spectacle d'hier était tristement leur meilleur prospectus...