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14/04/2014

Opposer une ligne économique plutôt qu'une ligne Maginot au FN

big-soldats_maginot.jpgPar acquis de conscience professionnelle, je me suis infligé l'intégralité de l'émission "Des paroles et des actes" avec Marine le Pen. Soit 2h30. La dernière fois, c'était Manuel Valls et j'ai du tenir 20% du temps. Ras le bol. De tout. De Manuel Valls, évidemment, mais aussi de cette mauvaise émission, malheureusement de service public, avec ce Homais du journalisme, David Pujadas et toutes ces séquences formatées. Ces duels attendus. Soupir. 

Ma première phrase est donc mensongère. Par acquis pro j'ai regardé l'émission, mais par divine surprise, je suis resté devant l'écran jusqu'au bout. Par pouvoir voir Nathalie St Cricq et Jeff Witenberg se faire humilier ou Alain Lamassoure foncer tête contre tête avec la Présidente du FN pour un fastidieux duel. Pas non plus pour voir la navrante altercation avec Mourad Boudjelal. Je le concède, ça fait donc encore beaucoup de déchets. Néanmoins, ce qui m'a enchanté, c'était la confrontation avec un chef d'entreprise, un syndicaliste et un député PS, Yann Galut. Devant ces adversaires moins huppés, la présidente du FN a ployé et même plié devant le soldat socialiste, inconnu du grand public. Pourquoi ? Parce qu'il a bossé minutieusement et pas cherché à briller. Il ne voulait pas s'offrir le zapping avec une phrase qui aurait fait mouche. Sa stratégie consistait à gagner aux points plutôt que de chercher un improbable KO qui ne vient jamais avec le FN.

Sans doute cette belle victoire est elle justement lié à la personnalité de ce député. David contre Goliath. Député de près de 50 ans, il a défendu des immigrés et fut l'avocat de SOS racisme, mais il n'a pas voulu centrer son propos là dessus. Car il a vu ses aînés se ramasser des gamelles à faire la morale. Eriger d'improbables digues avec morgue. Front Républicain. Il a vu aussi les compilations télé et tout ce qu'on disait des duels avec les personnalités du Front National, Jean-Marie comme Marie. Brillants tribuns, ils poussent leurs adversaires à faire de la surenchère verbale, de l'hyperbole. Plein de lyrisme, les assaillants entament ce que précisément les frontistes leur reproche : une déconnexion du réel. Des attaques idéologiques et uniquement cela "êtes vous Républicain ?", "Moi, Madame, j'aime mon pays"... "Mais, l'Europe, Madame, l'Europe !". Toutes intonations théâtrales qui tombent à plat...

Yann Galut ne saurait probablement pas faire cela, quand bien même il voudrait. Tout avocat de formation qu'il soit, c'est un orateur médiocre, sans présence physique particulière. Il n'en impose ni par le verbe, ni par les épaules. Au début de l'affrontement, Marine le Pen se repaît, elle a gagné par avance croit-elle. Mais rapidement, elle déchante puis dévisse. Galut lui montre ses incohérences, ses limites, ses failles. Montre à quel point elle rase gratis : retraite à 60 ans + embauches de fonctionnaires par centaines de mille (à la sécurité) + baisse des taxes sur l'essence +++... Et en contrepartie pour des économies : lutte contre l'immigration (Ha ?) et lutte contre la fraude sociale, dont tout le monde sait qu'elle compte pour environ 1/10 ème de la fraude fiscale... Quand bien même nous aurions une fraude sociale égale à zéro, cela ne compenserait même pas la baisse sur l'essence. Mais alors Marine ? "Je n'ai pas une vision comptable de l'économie" a t'elle répété 10 fois, comme un mantra. Merci Yann Galut, tu ne fut pas spectaculaire, mais bigrement efficace. Pour les européennes, c'est trop tard, mais pour 2017, li faut revoir encore et encore ta prestation.

13/04/2014

Marcher, à perdre la raison

Paris_colmar.pngAprès cette nouvelle manif, les paroles de Jean Ferrat peuplent ma tête. Marcher, à perdre la raison, marcher à ne savoir que dire et n'avoir que toi (la gauche) d'horizon. C'est une chanson triste, mélancolique en diable, mais moins que cette manifestation depuis si longtemps annoncée. Au rassemblement, place de la République, il y avait de la sono et du monde. Pas assez. Mais plus qu'assez.

Pas assez pour renverser le gouvernement Valls, sa politique austéritaire, ses 50 milliards d'allègements. Pas assez pour faire croire à des lendemains électoraux victorieux pour une gauche non libérale. Mais plus qu'assez pour sentir le ras le bol, voir la vivacité de la rancoeur. Dans le détail, comme dans les manifs sans appel précis, très politiques, l'assemblée était assez monochrome. Très blanche, plus vieille et masculine que pour des manifs circonstanciées. Les cortèges en faveur du mariage pour tous étaient autrement plus représentatifs du pays aujourd'hui. 

Concernant les mots d'ordre, je ne sais que dire. Il semblerait que nous étions tous réunis pour nous opposer à l'Europe des patrons, à l'austérité et à la précarité des jeunes. Bon. Pourquoi pas. Je crois pouvoir ajouter sans trop choquer que nous étions également tous contre le racisme et la guerre. Ca n'est guère suffisant... Surtout, cela vous enfonce dans les ornières de la dénonciation, par essence insuffisante. 

Les marches de la campagne 2012 avaient ceci de galvanisant qu'elles s'appuyaient sur un programme, "l'humain d'abord" avec une règle verte écologique, des modes de productions alternatifs, l'investissement massif dans de nouveaux segments d'emplois. Bref, des propositions. Hier, bernique. Il s'agissait donc de pousser un long gémissement même pas pensé. Le pic au moral fut atteint lorsqu'une militante hirsute a voulu me vendre une publication qui titrait sur "l'emprise de la bourgeoisie"... PFFF... N'étant pas dans la détestation de moi même, j'ai passé mon chemin. Cette semaine, une stat effroyable a paru soulignant que les 67 personnes les plus riches de la planète possèdent autant que les 3,5 milliards les plus pauvres. Le même genre de phénomène est à l'oeuvre en France avec une hausse continue de la fortune des 0,01% pour qui la rente rapporte autant, si ce n'est plus que le travail ou même le risque... Difficile de croire dans ce cas que les forces de la finance sont mises à mal. Mais nul revendication d'opposition au trading haute fréquence, à l'inhumanité d'une économie qu'il faudrait supplanter. Une chanson prenait la défense des gentils détenteurs du RMI contre le vilain FMI. Je vois bien l'idée de la rime, mais outre que le RMI n'existe plus depuis 6 ans, cette vision archétypale de trop eu raison de ma marche. Je mettais la flèche et rentrais en faisant un crochet par le mur des fédérés. Le souvenir de cet idéal me remettait du baume, parce que des marches comme ça ne vous donne pas envie de faire un grand bond en avant...

10/04/2014

J'aimerais aimer le 1, hein

une-personne-tient-le-nouvel-hebdomadaire-le-1-le-10-mars-2014-a-paris_4867067.jpgRoulements de tambours, faites place : un fou relance un nouveau format papier en 2014. L'identité du porteur de projet lui ouvre les portes de toutes les rédactions pour présenter son projet au nom prédestiné pour tout écraser sur son passage. Le 1, d'Eric Fottorino. L'ancien directeur du monde jouit d'une aura de pureté. Quand il y avait des combinazione au Monde, il n'y était pour rien. C'était un directeur pur esprit qui écrivait des livres ou faisait du vélo (ses livres sur le vélo sont charmants, d'ailleurs). 

Plus qu'un nouveau titre, c'est une idée, un concept même osons le mot. 1 comme un thème, 1 feuille qu'on déplie. 1 comme unique, une sorte d'hapax éditorial. Waou... 

Il n'y a pas de pub, de belles plumes et un thème sympa : la France fait-elle toujours rêver ? Autant dire pour les marketeux que j'étais "coeur de cible" pour le 1. L'ai donc acheté. 2,80 euros. Soit plus de deux fois le prix du Canard Enchaîné qui lui aussi vit sans publicité. Mais qui comprend 100 fois plus d'infos, de textes, de "valeur ajoutée éditoriale". 2,80 euros pour un gros tract, c'est cher et c'est énervant. Ca rappelle que tous les directeurs de presse n'achètent jamais de "biens culturels" donc ils se foutent du prix fixé. Ca m'évoque ces éditeurs qui compilent des articles ou des tweets et en font des livres de 120 pages en Garamond 18 qu'ils vendent 14 euros en se lamentant sur la radinerie et l'inculture des français... Le sujet m'irrite au plus haut point. Entre ce que je lis et ce que j'offre, je dépense entre 300 et 500 euros de livres par mois et n'achète plus jamais les livres au rapport euros/page scandaleux entre autres critères. 

Le second point est bien plus ennuyeux, plus dirimant à terme. Car s'il est aisé de changer le prix de vente du magazine, la réforme de fond sera plus lourde. Car outre qu'il y a peu de texte, peu d'entre eux sont dignes d'intérêt. L'éclairage de le Clézio oui, le témoignage de Prejlocaj, re oui. Pour le reste... Le pire étant la pathétique pochade de Pourriol qu'on nous promet de retrouver chaque semaine. Il fait parler deux philosophes morts sur un sujet d'actu. Mais sans légèreté, sans alacrité... Ce titre n'a pas de légitimité en presse. C'est ça qui m'ennuie. Le 1 est une sous-revue, des commentaires de ceux qui ne sont pas ou plus commentateurs de l'actu dans les radios, les chaînes d'infos en continu. La presse écrite se meurt de n'être plus la presse et de singer Internet en permanence. Là, l'intention était sans doute louable, mais le résultat est déprimant. On a besoin de 1, de XXI, d'autres presses, mais pas d'ersatz de commentaires, de rebuts de presse. Espérons que le N°2 du 1 relèvera le niveau...