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06/04/2014

Objectif 0%

images.jpegCe chiffre magique qui fascine l'époque, le zéro. Défaut, délais, stock, papier, panne, les cinq piliers fantasmatiques sur lesquels repose le toyotisme. Internet renforce ce sentiment de toute puissance, de l'absence totale d'accident et de perfection. Au rythme où vont les choses, je sens pouvoir atteindre moi même cet objectif en termes politique. Le 0% de la représentation de mon idéal dans les équipes de gouvernants.

Plus le temps passe, plus je me sens social/radical/libéral. Alors dit comme ça, on accole à radical le PRG et à libéral, Madelin. Tout faux. Radical dans le sens aucune concession avec les idéaux sociaux et les instruments financiers qui permettent l'avènement de l'égalité social : radical sur les impôts, sur la lutte contre la fraude fiscale, pour la mort des niches fiscales, des aides et allègements sous le manteau. La radicalité du programme du Front de Gauche sur les puissances du capital me cogne comme une évidence. Quand je lis Piketty et que je vois que la rente rapporte autant que le travail, je me dis qu'il est urgent d'être radical... Radical également sur la transition écologique, fiscalité fracassante sur le polluant, douce sur le changement, investissements massifs sur les bâtiments à énergie positive, taxation méchante des denrées au bilan carbone dément. Des fraises en hiver ? Que les nababs se les payent à 50 euros le kilo, ça fera des taxes pour l'Etat et le reste du monde se contentera des produits de saison...

Libéral parce que le dirigisme à ses limites et que la sentence de Brecht m'amuse mais je la cantonne à ma cuisine (l'homme est bon, mais le veau est meilleur). Dans mon boulot, je fréquente des entrepreneurs admirables, qui créent de l'emploi sans faire de casse ou chercher à être obnubilé par le profit. Il faut encourager ces gens-là, mais évidement sans déréguler un code de travail protecteur. Non mais. Sur les questions sociétales, je ne m'étends même pas, tant je les soutiens toutes sans sourciller : du droit des minorités au droit à mourir dans la dignité à celui des personnes de migrer et d'acquérir une citoyenneté par la suite...

Problème, avec ce type d'idées vous êtes catalogués, mais mal. Dans deux cases, donc l'on vous somme de choisir. Si vous ne le faites, c'est un double écartèlement à venir. Social traître pour les uns, gauchiste pour les autres. Ma marge de manoeuvre n'est guère épaisse, quelque part sous les 1%, je file serein vers ce chiffre chéri par les amateurs de yaourts à consommer avant la plage...

31/03/2014

Y a-t-il une opposition pour sauver le pays ?

ya-t-il-un-flic-pour-sauver-la-reine-affiche_y_a_t_il_un_flic_pour_sauver_la_reine__1988_1-.jpgCe matin, comme beaucoup de français, je suis amer. Mais pensant aux nombreux français qui, au même moment, sont ravis à la lecture des résultats, me vient une question : vraiment ? Croient-ils vraiment que la vague arrivée hier apportera les résultats escomptées ? Ce billet ne prend parti ni à gauche ni à droite, mais se rappelle qu'avec à nouveau 40% d'abstention et une montée du FN incontestable, une petite auto-critique de la façon dont on fait de la politique dans ce pays n'aurait rien de superfétatoire...

J'écoutais à la radio ce matin Gérard Collomb dire qu'il l'a emporté de justesse alors qu'au vu de son bilan pharaonique il aurait du triompher. Il a failli trébucher à cause du gouvernement et il déplore "que la gauche n'ait jamais réfléchi à l'entreprise, au travail, qu'elle n'ait pas travaillé sur son programme quand elle était dans l'opposition". Et je lui donne raison sur ce point. Ce qui, après 10 ans d'opposition, est quelque peu déprimant. Me reviennent alors en mémoire d'innombrables interviews où Moscovici et consorts disaient "il est temps que la gauche se mette au travail". Ce qu'elle n'a jamais fait. Elle l'a emporté par ras le bol des autres en 2012, avec une mesure symbolique prise en directe à la TV (la taxe à 75%) sans jamais avoir bossé en amont. Et les résultats de cette impréparation se fait sentir aujourd'hui, bravo la 7ème Compagnie...

Je suis prêt à parier qu'Hollande repassera en 2017, là n'est pas le sujet. Ce qui me navre, c'est le haut degré d'impréparation du camp d'en face. Hier soir j'écoutais Copé se pourlécher des résultats et donner une docte leçon de ce qu'il faudrait faire. Pardon ? Ne sont-ce pas ses idées qui dirigeaient jusqu'en 2012 ? Et qu'a t'il fait depuis ? Mener des combinaziones pour sortir Fillon du jeu, sanctuarisé les contrats de Bygmalion, se défaire de la presse et assurer son auto-promotion : qui peut penser que monsieur Copé prend un instant le temps de bosser à autre chose ? NKM a finalement été battu hier. Soulagement. Pour avoir lu son programme dans le détail, je puis affirmer sans me tromper que jamais cette dame n'a pensé à un programme pour Paris autre que "foutre Hidalgo dehors". L'UMP sort les crocs depuis hier, persuadés de l'emporter en 2017 et le bal des égos va reprendre. C'est dramatique à confesser, mais dans ces conditions, j'ai plus de respect pour un Xavier Bertrand qui prend du recul, consulte, écoute et cherche une autre voie.

Le grand impensé de la vie politique reste définitivement le rapport au temps. Savoir prendre du recul, s'effacer, vouloir revenir avec autre chose que le ras le bol, voilà ce qu'il nous manque. Un vrai renouvellement dont le pays a besoin. Ce qui est vrai pour l'opposition l'est également pour la majorité, à quoi bon remanier si c'est pour mettre Valls à Matignon et remettre dans le jeu ceux qui étaient écartés en 2012 : Royal, Delanoé, et puis quoi encore, Pascal Lamy ? La prochaine fois, au lieu du changement, votez pour le renouvellement, ce sera plus sûr...

27/03/2014

Le round de trop

couleur-du-mensonge-2003-08-g.jpgLongtemps j'ai été gérontophile au point d'en être jeunophobe. L'animal totémique de ce blog vient de là, pas pour les propriétés de son appendice caudal. Car le castor est junior et je l'étais. 

Quand je dis gérontophile, je ne parle pas d'alcôve, mais d'inspiration, de Pygmalions. Il m'avait toujours semblé évident que les anciens avaient plus de choses à m'apprendre que les autres. J'ai grandi dans un foyer où l'on m'a inculqué l'idée que l'histoire bégaye souvent et qu'il faut connaître ce qui s'est passé avant vous pour s'exprimer intelligemment. Tournes 7 fois les pages de ton histoire de France avant de parler, en clair. Un conseil qui me fut d'autant plus judicieux que mon parcours professionnel m'a emmené vers des chemins déjà fortement défrichés. Et je savais donc que je n'allais pas tout inventer moi même, d'une part et que d'autres sauraient éclairer mon chemin, d'autre part.

Quand je m'intéresse à la naissante économie collaborative, mes guides ont à peine 25 ans et c'est logique. C'est grâce à eux et surtout à mes étudiants, que j'ai fini par surmonter ma jeunophobie en envisageant désormais mes cadets avec autre chose qu'un dédain infini, mais au contraire une joie tout aussi infinie pour leurs univers mentaux parallèles. Peut être arriveront-ils à m'éloigner de mon idéal réac égalitaire dont je vois bien qu'ils ne comprennent pas vraiment ce que cela peut avoir de magnifique. Bref, je m'égare...

Quand j'ai commencé à travailler dans le secteur du handicap, plusieurs siècles de pionniers me contemplaient, bien sûr, et quelques professionnels en place depuis 4 décennies me donnèrent de précieux conseils. Ils me confièrent les codes, m'apprirent tout des chapelles, des enjeux, des lignes de forces, des raisons des blocages et des faux semblants politiques. Je dis "eux" mais je devrais dire "lui" tant j'ai fait en la matière une rencontre rare. Un peu Dieu pour Bernadette Soubirous ou Yoda pour Luke Skywalker. Il ne sait pas se servir d'un ordinateur et c'est tant mieux, je n'aimerai pas qu'il tombe sur cette note. Je sais qu'en Afrique la mort d'un ancêtre est pleurée comme la disparition d'une bibliothèque. Rarement cette image ne m'a paru aussi juste qu'avec lui : car l'analogie africaine sous-tend que les livres brûlés n'existent pas ailleurs. Et tout ce qu'il m'a apprit ne se trouve pas dans des livres, des rapports ou des notes ministérielles. Il sait pour reprendre la formule de Françoise Héritier que la loi "égratigne le réel" et que les changements sociaux s'opèrent souvent autrement. Il m'a ouvert les portes de ses établissements, présenté des psys, des moniteurs d'ateliers, laissé parler avec des usagers, des travailleurs, laissé me perdre là où d'autres ne pouvaient pas aller. Il m'a laissé me coltiner au réel. 

Si aujourd'hui j'exerce ce métier qui n'existe pas vraiment, c'est aussi grâce à lui qui n'a jamais du lire un CV de sa vie, discuter avec un conseiller d'orientation ou rencontré de coach professionnel. Il m'a soupesé du regard comme un maquignon jauge une vache et m'a dit "t'es dans l'écoute, t'as envie de donner, tu devrais animer des colloques". Depuis sept ans, je fais sienne sa prédiction et n'ai jamais eu de meilleur conseil depuis. Je lui dois tant que je ne peux évidemment manquer aucune des grands messes qu'il organise pour son association. Cette manifestation à laquelle je me rends donc depuis sept ans m'a tour à tour amusé, émerveillé, un peu déçu et puis cette année, exaspéré. Exaspéré de voir tant d'intelligence collective mal utilisée, tant de personnes (600) frustrées d'entendre les mêmes blagues, les mêmes arguments, les mêmes ficelles que l'année passée. Car mon Pygmalion ne veut pas passer la main quand à l'évidence, il devrait. Il s'accroche à des oripeaux dérisoires, se persuade d'être toujours le seul capable, comme un mauvais maire qui veut encore tenir le crachoir. Hier j'avais le coeur serré de voir la salle se vider devant les répétitions de mon mentor qui s'accrochait au pupitre. Je ne pouvais pas le couper, ne pourrais pas lui dire que ça n'allait pas. Pas par lâcheté, par incapacité d'écoute de sa part. J'ai essayé, je lui ai dit, mais à l'évidence il ne veut pas. Comme Charles Aznavour veut mourir sur scène alors qu'il n'est plus qu'une momie, certains s'arriment au pouvoir avec une énergie désespérée qu'ils prennent à tort pour un surcroît de pêche. 

J'ai eu l'immense honneur de passer deux heures avant hier avec Claude Alphandéry, 92 ans. La preuve que le temps ne fait rien à l'affaire, quand on est bon, on est bon. Mais Alphandéry ne fait pas le round de trop, il n'est plus là que pour inspirer, insuffler, donner envie. Il a lâché le pouvoir qui devenait pour lui Kryptonite, je salue sa sagesse et aimerait tant qu'elle soit plus partagée.