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28/07/2011

Caravane de romans après celle du Tour pour

Avec ce temps automnal, difficile de se projeter sur les vacances, mais quoi qu'il en soit, que l'on se trouve au soleil ou sous la pluie, tous les climats se prêtent avec un peu d'organisation (pour la pluie, j'entends) à la lecture. Pour ce mois d'août pointant son nez, on voit d'abord ceux qui veulent mettre à profit les congés estivaux pour rattraper le retard en lisant des sommes.

Sur la plage, des pavés:

Le-temps-ou-nous-chantions.jpgCelui-là est devenu un classique en moins de temps qu'il n'en faut à DSK pour demander à une femme si elle veut se lancer dans un tourniquet moldave (ça laisse vraiment peu de temps...). Plus de 1000 pages que l'on avale comme de la barbe à papa, sans connaître la satiété alors même que l'on a déjà fini. Pourtant, le "pitch" n'est pas emballant comme un mauvais thriller : une famille de mulâtres, du chant lyrique, la tentation du jazz, l'Amérique profonde. Impossible à résumer, le livre s'apprécie sur la longueur, il faut lui laisser déployer ses centaines de pages comme certains oiseaux leurs ailes. Les rapports de la fratrie sont poignants et les réflexions sur la création artistique, d'un art non commercial dans une Amérique triomphante grâce à la consommation à quelque chose de précieux comme un Edelweiss. Et c'est un parisien qui le dit, lui qui aimerait des Edelweiss sur son balcon.

 

Kavalier & Klay.jpgHa les Comics ! Alors même que l'on ne peut plus aller au cinéma sans voir l'adaptation des X-Men, de Captain América et autres Wolwerine, Hulk, Spiderman... j'ai écouté les conseils de mon libraire qui me voyait soupirer devant sa sélection. Non pas que ce fut mauvais, loin de là, mais Kennedy Toole, Mc Liam Wilson et Fritz Zorn, z'avais tout lu... Il m'a dit "tiens, ça te fera le semaine, tu ne regretteras pas". Pas de regret, mais en 3 jours l'affaire était pliée. La genèse des comics, 2 cousins qui se retrouvent à New York, l'un yankee pur jus, l'autre venant de Prague, débarquant avec dans sa valise la boue du Golem... C'est drôle souvent, dur aussi, parfois tragique, quand des bateaux transportant des enfants juifs n'atteignent pas l'autre rive, mais haletant toujours. Pas forcément le roman du siècle, mais assurément un excellent compagnon d'un périple en car.

Sur la plage, des pavés, mais sans OGM (la France, Monsieur !) :

duroy_le_chagrin_300.jpgLionel Duroy est de ces écrivains qui écrivent toujours le même livre. Modiano est comme ça et c'est son génie. Jean-Philippe Toussaint aussi et nous subissons chaque fois la téléportation de son univers mental de la cuisine à la salle de bains. Duroy, lui, c'est la haine de la famille. La famille nombreuse qui n'est pas heureuse comme chez les Négresses Vertes. 

Dans ses livres précédents, il peignait un petit bout du tableau, quelques touches fauvistes de son univers familial léonin. Un père roublard un peu mytho, une mère mi-sainte mi-tyran et des frères et soeurs à n'en plus savoir qu'en faire. Mais c'est dans ce roman, quand il a rassemblé tout le passé et s'est enfin jeté dans la grande fresque qu'il donne son meilleur. On suit l'incroyable épopée de cette famille aux 10 enfants, les progrès de la médecine faisant qu'ils survivent tous. Les problèmes d'argent, la haine et l'amour dans le couple, l'impossibilité à se séparer qui hanteront les enfants entre ceux qui calqueront leur vie sur le modèle parental et ceux qui iront dans la direction diamétralement opposée. Duroy trempe sa plume dans ses plaies intimes qui n'ont jamais refermées, pour lui ce doit être douloureux, mais nous nous enivrons de ce goût unique. Un peu la différence entre un triste Bloody Mary au jus de tomate et un Bullshot au consommé de sang de taureau....

livre_lesfillesducalvaire.jpgJ'imagine un lecteur n'ayant jamais entendu parler de Pierre Combescot. Je pense que ça doit arriver souvent. Il découvrirait cet immense auteur par un de ces livres verbeux, trop érudits, faussement potache et souvent assommant comme "faut-il brûler la Galigaï ?". Il trouverait qu'une culture vaste comme les plaines de Sibérie dessert son auteur, tue le propos, nie l'humanité des phrases. 

J'imagine maintenant que ce lecteur tombe dans une librairie d'occasion, il tomberait sur les filles du calvaire ce chef d'oeuvre que l'on ne trouve plus jamais sur les têtes de gondole. Ce chef d'oeuvre au nom de station de métro, le plus beau roman mettant en scène des prostituées depuis la vie devant soi de Romain Gary. Combescot donne ses lettres de noblesse à la gouaille parisienne, habille ses filles qui se dévêtissent pour le boulot d'une humanité à nul autre pareil. C'est tout, c'est fin, c'est final, c'est un chef d'oeuvre. Rideau (rouge pourpre).

Dessert:

Theorie du chiffon.gifSi vous n'avez plus de place, avalez encore ce vol-au-vent littéraire, 120 pages à peine. Du meilleur Lambron, mauvais esprit à revendre et réflexions aériennes de bout en bout. Déjà le sous-titre "sotie", donne envie. Le sujet importe peu, la mode, c'est le muscle du discours entre un couturier et une journaliste, les réflexions qui filent à tout berzingue sur le corps, la marchandisation, la standardisation du mauvais goût, l'apogée du mauvais goût. Du goût, du goût, du goûtu en somme !

 

 

 

C_line_Entretiens_avec_le_Professeur_Y.jpgPour finir, un chef d'oeuvre absolu. Ab-so-lu. On me l'avait offert il y a une dizaine d'années et voilà que je le retrouve en poche remasterisé par Tardi sur les tables de l'Arbre à Lettres. Entretiens avec le professeur Y c'est le génie de Céline qui invente - rien de moins - le style oral dans un désopilant échange de deux personnages sur fond d'incontinence, verbale comme urinaire. Je m'en voudrais de déformer le propos. Céline était sans doute un sale type, ses lettres à la NRF rappelle qu'en plus de ses opinions politiques sombres il était obsédé par l'argent et mauvais comme une teigne avec les autres écrivains. Mais ce bref roman rappelle bien plus facilement que le voyage que c'est un génie. Ceci doit clore le débat. 

 

25/07/2011

Cachez ces fachos cathos que nous ne saurions voir...

210011.jpgLe mundillo médiatique aime les jeux de société. Il encense à longueur de colonnes et de vidéos le Monopoly mondial de l'économie casino. Il vénère Richesses du Monde où l'on spécule à l'envi sur les matières premières. Même en période de péril écologique, il loue les vertus du 1000 bornes et du toujours plus vite. Mais plus que tout, il aime Risk. Ce jeu de stratégie délicieusement suranné, très "guerre froide" où l'on attaque la Yakoutie, le Kamchatka ou le Siam.

Risk où le souvenir enchanté d'une époque où le monde avait un ennemi: le communisme. Ha, le rouge, le moustachu ce salopard qui voulait piquer tout le grisbi, éradiquer les déviants intellectuels, empêcher toute sexualité débridée, bref un méchant génial à la fois sanguinaire et peine à jouir. Les libéraux n'ont jamais inventé plus beau méchant que le communiste. Depuis, ils rament.

Bien sûr, il y a l'Arabe. Ce salopard qui a fait tomber les tours à NYC et sauter les RER de St Michel. De plus, nombre de membres de l'OCDE ont un passé colonial, alors ça fait bien. Mais quand même, ils nous aident bien à construire nos maisons et puis quand il y en a un, ça va, c'est quand il y en a plusieurs... L'ordre libéral ne peut se contenter du seul arabe comme ennemi : l'arabe n'est pas officiellement en guerre, pas même froide, donc comme péril, repassons. Restent les terroristes, mais ils sont rares et on ne peut éternellement hurler au loup.

Il y a le juif. Le lobby. Le complot. Dans l'affaire DSK on a pas osé l'évoquer et puis si, puisque ces gens là s'entraident entre eux pour écraser le camp d'en face. Finalement, le juif, aujourd'hui, c'est la radium ; à manier avec précaution de peur que le souvenir de l'Holocauste ne vous pète à la gueule. Donc l'ordre libéral y va mollo.

Il y aurait bien le jaune. Mais oui, c'est évident, putain de chinois. Ils nous piquent tout, nos boulots, notre fric, nos congés... Mais bon, tant que les Iphone et Ipad et polos sont abordables car fabriqués chez eux il leur sera beaucoup pardonné...

Alors, aigris, on se rabat sur les sans-défense: les roms, les kurdes... Tu parles d'une bravoure. Thierry Mariani, alias Thierry la Fronde populaire les fustige et les pourchasse à coup de lance pierre sous les vivats des piliers de bar et la France éternelle, un instant seulement la France redevient la France.

La France éternelle qui revit avec Voeckler, le coureur à l'eau claire, avec ses bonnes traditions, son défilé militaire du 14 juillet qui soude toute la patrie. Qu'une hérétique attaque cette noble institution et on la renvoi sur son drakkar. La France humiliée dans le concert des nations, mais la France revigorée! Mais une France moisie, une France qui sent l'encaustique et la blouse grise, le châtiment corporel et le bénédicité. Une France dont le monarque de Latran rappelle que "jamais l'instituteur ne remplacera le curé" une France qui envoi régulièrement le premier de ses ministres au Vatican avec tant d'autres. Et la droite populaire et Marine le Pen qui sont soutenus par des masses qui n'ont rien de laïques. A propos de leur haine de l'autre, à tout ceux-là, de leur haine des Roms, des assistés, des arabes, des voleurs de poules et des communistes planqués rue de Solférino...

Pourtant la haine de l'autre est bien là dans les églises, parmi les rangs des cathos. C'est en son nom que les Etats-Unis mènent leurs guerres diverses ; le curé des troupes Françaises en Afghanistan fait salle comble quand il appelle au triomphe des valeurs françaises et de la nécessaire victoire sur les forces musulmanes. Nulle part ces dérapages catholiques ne sont dénoncés. Dans l'enquête de Caroline Fourest sur Marine le Pen, on voit que les excités du bénitier n'ont rien de pacifique mais on n'ébruite que peu ces passages du livre.

Alors, quand un de leur plus beau nervis, en Norvège, dézingue à la sulfateuse avec plus de violence qu'Uma Thurman dans Kill Bill, on parle de folie... Cachez ces fachos cathos que je ne saurais voir, jusqu'au bout dites le bien partout l'église catholique n'est que pureté et amour du prochain... L'islamophobie galopante en Europe n'a rien à voir avec elle, un storytelling qui vaut bien l'histoire d'un mec qui transformait l'eau en vin et multipliait les pains. A l'époque, 99,9% des gens étaient analphabètes, logique que cela passât. Aujourd'hui, en revanche....

20/07/2011

Peillon / Sitglitz, même combat : le politique.

9782021041132FS.gifDe prime abord Vincent Peillon et Jospeh Stiglitz n'ont rien en commun, même pas leur éditeur français (Le Seuil pour le premier, Babel pour le second). En tout cas, je n'avais jamais pensé à rapprocher le philosophe politicien socialiste français de l'économiste proche des politiques démocrates américains. Logique, je n'avais jamais pensé à rapprocher Daniel Cohn Bendit de Magic Johnson non plus. Sauf que si je ne rapprocherais sans doute jamais ces deux-ci, les deux premiers nommés m'ont frappé par leurs similitudes à la lecture de leurs derniers ouvrages.

Quand je parle de rapprochement, je parle du fond, du message porté. Sinon, autant le livre de Stiglitz est facile à lire, autant celui de Peillon est âpre et complexe...

Sans être abscons pour autant, mais les détours par son maître Maurice Merleau-Ponty, comme philosophe du politique, parfois faut s'accrocher un peu (notamment le chapitre logos et argon) mais ça vaut le coup. L'idée de Peillon est que la mort de Dieu et la mort de l'homme que l'on agite tous les jours, sont des leurres, Dieu n'ayant jamais été aussi présent, dans nos conflits comme nos espérances, et l'homme, on le ressuscite, on le prolonge, le transforme, là aussi tout va bien. Le politique, (au sens d'intérêt de la cité et pas la politique qui renvoi aux gouvernants) en revanche, est menacé. 

Dans son essai puissant Peillon recherche ce qui, dans nos pratiques depuis quelques années a peu à peu éloigné la réflexion du politique. Comment la figure du philosophe, celui qui s'interroge sur le mal, le bien, la morale, les limites a peu à peu été éloigné des débats: "L'irrationalité est aujourd'hui le facteur le plus puissant d'organisation de l'espace public. Ce qui prime ce n'est ni le rapport à la réalité, ni les procédures de vérification, ni la rigueur des enchaînements logiques et la cohérence de l'argumentation, c'est la capacité à provoquer l'émotion en jouant sur les ressorts les plus immédiats et primitifs de la sensibilité. L'espace public, devenu espace marchand animé par une concurrence féroce pour capter les publics, évacue tout ce qui ressort de l'argumentation pour lui substituer des formules et des slogans".   

Le côté clanique de certaines élites, leur volonté de se conserver le pouvoir les a poussé à techniciser ad nauseam des débats pour un résultat à l'efficacité suspecte. La conclusion de Peillon glace le sang : gênés par le libre esprit, véritablement au service de l'intérêt général, les politiques grecs tuèrent Socrate. Aujourd'hui, le même complot est ourdi, Socrate a nouveau menacé et il ne faut pas le laisser mourir une seconde fois.

le_triomphe_de_la_cupidite_100211_0.jpg

C'est dans cette alarmisme constructif que Stiglitz se rapproche de Peillon. Le livre de Stiglitz est moins puissant, plus dilué et plus bavard mais loin d'être sans intérêt car très bien informé, trop bien même, quand on pense à la confession qui suit. Stigliltz donc, fut aux manettes dans de nombreuses crises et alors qu'il avait lâché le manche au cours de celle-ci, il réalise mieux la trahison des clercs politiques au profit des banques.

Comme Peillon, il montre comment la figure du sage est systématiquement écarté par les fous du politique. Il analyse très bien les irréelles décisions de l'équipe de Georges W Bush ayant amené la bulle du crédit : il faut lire les 20 pages d'autorisation de types de prêt que l'on a accordé à cette époque pour voir à quel point nous marchions sur la tête. Il décortique par la suite la volonté d'Obama barrée par cette endogamie immonde du politique et du financier qui détricote en grande partie les mesures courageuses d'Obama pour laisser un bon paquet d'avantages aux banques en enlevant des gardes fous. En clair, sans intervention du politique, sans sursaut avec une prise de conscience du politique, une nouvelle gamelle est à venir, pour les mêmes, mais les coteries supérieures s'en sortiront encore sans mal....

En lisant ces deux livres, on pense alors à l'initiative Finance Watch http://www.finance-watch.org/ 

cette aventure politique inouïe où des élus européens parmi lesquels l'eurodéputé EELV Pascal Canfin ont admis leur incapacité à contrer le pouvoir des marchés en raison de leur trop grande technicité. Ils n'arrivent plus à démêler les ruses et vices cachés des lobbys qui truffent les amendements d'apostilles favorables à leur corporation... Alors, ils ont crée cette ONG en demandant aux citoyens de les aider à refaire de la politique. Finance Watch, en quelque sorte, c'est la porte dérobée que l'on ouvre au philosophe pour qu'il se glisse dans l'agora pour porter secours au politique. Un s'est levé, donc, espérons que tous les autres suivront...