18/07/2011
Portrait du thésard en marathonien
Précisons le d'emblée avant que les foudres justifiées d'Osez le clitoris ne me tombent dessus : je dis "thésard" et "marathonien" car en Français, le masculin l'emporte, mais dans le cas qui va suivre, la mixité prévaut et pas seulement l'Abbé. Si je dis "marathonienne" et "thésarde" je restreint mon cas à la moitié de l'humanité. Voilà voilà...
On le voit au cliché choisi pour illustrer cette note, les chercheurs comme les coureurs ont parfois l'impression de s'épuiser pour pas grande chose et d'être un peu pris pour des cons par le monde extérieur. C'est loin d'être le seul rapprochement possible. Non, entre ces deux populations masochistes, de nombreux points de convergence existent.
Bien sûr, il n'y a pas qu'un type de thésard, comme il n'y a pas qu'une sorte de marathonien. Faisons donc comme les motos de France Télévisions sur le Tour de France et remontons le peloton...
Tout au fond, il y a une énorme masse de quidams qui se demandent un peu ce qu'ils font là. Ils savent que sur leur carte de visite ça ferait chic et aiment la projection sociale que cela leur donne d'eux mêmes. Comme Perrette et le pot au lait, ils s'imaginent "Docteur en" ou "Docteur ès" (contraction de l'ancien français "en les" donc cherche pas à devenir docteur ès histoire, sauf si tu veux aller jouer du flutiau dans les points presse UMP) car cela en impose dans les dîners en ville. Idem pour celui qui finirait un marathon. Dans les deux cas, peu importe la performance, en 16 ans ou en 6 heures, l'intention qui compte.
Ce qui compte c'est la beauté du geste, qui impressionne 99% de la population, qui n'accomplit ni l'un ni l'autre. Même s'ils ne finissent pas, ils en profitent pour distiller ça et là la possibilité de ce faire. "Chéri, je vais courir" et la moitié non courante de préciser à l'assistance "chouchou va faire le marathon" sous les bravos admiratifs. Idem de l'autre côté "pupuce, je vais à la bibliothèque" ou "à un colloque", "il y a une conférence sur l'influence de Jung sur les produits dérivés dans l'économie du Guatemala et je pense que ça peut m'aider pour un paragraphe". Ce genre d'activité, surtout un week-end, force le respect quoi qu'il arrive.
Remontons un peu et l'on trouve les orgueilleux. Ceux qui finiront quoi qu'il arrive. Parce que c'est ainsi et qu'ils ne tolèreront pas d'échouer. Même si ils ne veulent pas devenir marathoniens confirmés ou chercheurs, qu'ils deviendront après joueur de water polo pour l'un et ergonome chez Nestlé pour l'autre, ils insisteront parce que c'est ainsi. Ils n'aiment pas cela, mais sont lancés et achèveront par devoir sans y retourner. Comme ceux qui élèvent un seul enfant ou prennent une cuite à la vodka poivre. Pour savoir.
Après, un peu devant dans le peloton, on se rapproche des pros. Ceux-là ont des facilités pour l'exercice et sont face à un dilemme: se défoncer ou pas. Leur vie oscille entre renoncements et encouragements, coup de blues et coup de bourre. Mais une belle performance ne s'obtient qu'en se faisant mal, en courant même s'il pleut ou neige dans un cas, ou en s'enfermant dans le cloître de la bibliothèque quand vos meilleurs amis proposent une mojito party. Bien sûr ils doutent, mais au final quel pied immense que de franchir la ligne en voyant que l'on a fait mieux que ce qu'on espérait secrètement et que pour fêter ça, on double la capacité des seaux de la mojito party.
Enfin, tout devant et ce ne sont pas forcément les plus aimables, il y a les champions; ou les névrosés, c'est selon. Car pour gagner cette compétition insensée et finir devant les autres en plus de finir - c'est à dire finir plus vite et en battant les autres-, il faut être prêt à des sacrifices et des coups bas. Les soupçons de dopage ne sont jamais loin : comment courir 30 bornes par jour sans fatiguer ? Comme on écrit 15 pages : au Guronsan, aux amphétamines, corticoïdes, anabolisants et autres (je lis l'Equipe tous les matins, ça va...)... Ceux-là ont renoncé à toute vie sociale pour les marathoniens ou l'ont orienté pour putasser (on dit réseauter quand on est poli) auprès des mandarins pour les autres. Bien sûr, ils franchissent la ligne en premier mais comme pour Sisyphe, on peine à les imaginer franchement heureux...
La beauté de la chose, au final, c'est qu'hormis leurs différences de performances, ils constituent une grande famille qui trouve toujours des choses à se dire, quand bien même la vie d'un 4h30 ne ressemble pas à celle d'un 2H18 ou un docteur en neurosciences n'est pas forcément proche d'un docteur en littérature comparée. Et pourtant, ils auront toujours des anecdotes, partageront des conseils ; il faut avoir souffert seul pour comprendre ce qui unit ces curieuses tribus...
Demain, nous verrons si ceux qui combinent les deux doivent courir sur un tapis pour pouvoir relire Sophocle en même temps...
09:27 | Lien permanent | Commentaires (4)
17/07/2011
Primaires PS : le sang des équipes ne saurait mentir...
Les faits sont têtus, les CV aussi.
Avant que les équipes respectives fourbissent leurs arguments et avancent programme contre programme comme deux bouquetins affolés par la dernière motte d'herbe disponible, regardons donc qui composent lesdites équipes. Transparence oblige, pas de combinazione pour savoir qui tire les ficelles, même s'il reste toujours une armée de conseillers, de consultants, de thaumaturges en toc et de faiseurs de rois autoproclamés avec titre anglicisé en bandoulières. Transparence oblige, donc, les équipes de campagne par sujet sont déjà connues. On peut les voir là, toutes ensemble (toutes ensemble, so-cia-listes) :
http://www.rue89.com/2011/07/13/le-whos-who-de-la-primair...
Commençons par les outsiders, dont les équipes sont plus restreintes. Celle de Montebourg. On aurait l'aimé voir plus étoffée. La nouvelle présidente de ni putes ni soumises, pas d'avis sur la question si ce n'est que le débauchage de sa prédécesseur à tourné au grotesque. En revanche, bonne pioche avec Aquilino Morelle, cet ancien IGAS qui pourfend le médiator. Le problème est le même que pour le candidat, manque d'épaisseur et de démultiplication pour être crédible sur tous les sujets, même si ses positions sur la démondialisation ou contre le cumul des mandats sont intéressantes.
Manuel Valls. C'est tout... Non, mais ce n'est pas sérieux ? Michèle Sabban et Ali Soumaré comme porte-flingues, Valls peut mettre un gilet pare-balles chez lui parce que des snipers pareils... Pire, mais au moins c'est décomplexé, il s'est adjoint les services d'un "conseiller en charge des discours et des éléments de langage". Le ridicule ne tue pas, il plafonnera à 2%...
Ségolène Royal : prendre les soutiens de 2007, observer ceux qui restent en 2011, souffrir pour eux...
François Hollande. Ha ! L'homme du changement, le Kennedy de Corrèze, l'homme qui a fait souffrir son corps, qui a réfléchi, qui a compris les errances du passé et passé la France au stéthoscope... Mon cul. 10 ans premier secrétaire, cet homme qui n'a jamais travaillé ailleurs qu'en politique propose une France déjà figée, pas tout à fait une France moisie, mais une France un peu rassis, qui ne croustille pas. Des énarques à la pelle, des élus sénateurs, la gauche la plus à droite avec Gérard Collomb, Moscovici, Cahuzac, Rebsamen et jusqu'à Didier Arnal... S'il passe, n'espérer nul changement, ses équipes rassemblent toute cette génération qui ne fut jamais ministre et en souffre. Tous ces quinquagénaires et au-delà (le renouvellement générationnel passe peu par ces lignes) professionnels de la politique qui ont suivi Hollande comme d'autres un joueur de flûte, par espoir d'un gros bout de fromage. Mais on ne construit pas une espérance à gauche sur du ressentiment.
Et puis il y a l'équipe d'Aubry. L'équipe de celle qui ne voulait pas y aller. Avantage de cette faiblesse présumée: elle sait et elle s'est entourée. Là, pour le coup, le brassage joue : Axel Khan, André Dupond (président de sociétés d'insertion) Caroline de Haas, Jean Michel Sévérino (ex Agence Française du développement) des responsables d'ATD Quart Monde, de Sauvons la Recherche, Jérémie Boroy pour le handicap ou encore Sandrine Bonnaire et Françoise Héritier... Les limites des cénacles politiques sont intelligemment franchies. La nouvelle génération en politique a également droit aux premiers rôles avec Bruno Julliard, Guillaume Bachelay qui occupent de vraies postes. Certains Strauss khaniens sont là (Mazetier, Cambadélisà, mais l'ensemble est bien plus composé, plus balancé, l'ouverture sur les sujets plus larges, les antennes dans la société plus implantées.
Plutôt que de faire du contrôle au faciès, orientons le débat des primaires sur les papiers d'identité politiques des uns et des autres, si le peuple de gauche se rend au scrutin, tout cela devrait bien se passer...
10:29 | Lien permanent | Commentaires (1)
14/07/2011
La langue, cette grande oubliée de nos débats identitaires.
En ce jour de fête nationale, revenons quelques instants sur le fondement de notre identité nationale, inexplicablement oublié du débat de mauvais goût de 2010 : la langue. Revenons y, une fois n'est pas coutume par une initiative de la Fondation pour l'Innovation Politique, think tank très droitier dirigé par Dominique Reynié et Nicolas Bazire. Passé cet a priori, force est de reconnaître que leur documentaire, intitulé "Français singulier pluriel" est d'excellente facture défiscalisée (le propre des think tank). Il a été réalisé par 3 étudiants qui s'interrogent sur la place du français dans la Nation France; quelle importance a t'elle pour les nouveaux arrivants, pour les rapports sociaux? La place du français dans le monde m'a laissé plus sceptique, mais l'ensemble des 22 minutes se regarde sans déplaisir :
http://www.youtube.com/watch?v=WTLBwR7Pe6M
La fin, donc, est plus technocratique et ravira les amateurs de Max Gallo et de Chevenement puisque l'on apprend que le français régresse en Europe à cause de l'anglais. Pas un mot sur le fait que l'anglais est un dénominateur commun et que personne en France ne déplore jamais la perte de vitesse de l'allemand, de l'italien ou même de l'espagnol qui monte pourtant en puissance dans le reste du monde.
Pour le reste, les témoignages de profs, notamment l'excellent romancier et prof (je ne peux ajouter de qualificatif pour l'enseignant, je ne l'ai pas eu) Thomas Reverdy sont plus percutants. Reverdy, donc : "les ados restent des jeunes gens, plein de vie, éventuellement perturbateurs. Mais ils ne posent pas problème. Prof de lettres c'est un combat contre la société, le temps de cerveau disponible, les soldes, la méfiance des acteurs économiques, c'est tout cela, qui rend la chose difficile".
Il faut les voir les jeunes étrangers apprenant le Français car "c'est utile en préfecture" pour immédiatement revenir sur tous nos clichés. La langue est aujourd'hui plus maltraitée par nos élites que par ceux stigmatisés par ces mêmes élites. Le débat de 2010 avait voulu souligner que les gaulois étaient menacés, sans voir qu'un grand nombre de morphotypes non gaulois prononcés, mais Français de papiers, le parlaient beaucoup mieux, dignes héritiers de Léon Gontran Damas, le poète condisciple de Césaire qui s'interrogeait très justement sur la place de la langue dans le poème "Hoquet"
Vous ai-je dit ou non qu'il fallait parler français ?
le français de France
le français du français,
le français français?
On aurait aimé que les amateurs de "win the yes needs the no to win against the no" ou "si y en a que ça les dérange que j'augmente les impôts" fassent amende honorable d'être des délinquants verbaux et s'engagent pour que tout le monde maîtrise la langue le mieux possible, ce qui réduirait considérablement les inégalités et même l'insécurité, les incompréhensions conduisant souvent à la violence...
Demain, nous militerons pour la langue en disant du bien de "Bric et Broc" d'Olivier Rolin, livre qui donne envie de lire et d'écrire le Français.
18:10 | Lien permanent | Commentaires (2)