25/05/2011
Qué viva Espana ?
Ha, la jeunesse espagnole qui nous adresse une leçon depuis la Puerta Del Sol, quand chez nous, Porte Saint-Denis, les vendeurs de merguez pleurent l'absence de monde dans les rares manifs...
D'abord, ce slogan "Si vous ne nous laissez pas rêver, on ne vous laissera pas dormir". C'est beau et pacifiste, tenace et pugnace sans être irresponsable, puisque tel est le qualificatif sempiternellement employé par les gouvernants pour décrédibiliser les mouvements de jeunesse. Ensuite, sur la pugnacité. Elle est constructive : rapidement, à l'aide de réseaux sociaux, ils ont drainé des dizaine de milliers de militants prêts à débattre du fond. Contrairement aux révoltes arabes dont la finalité était avant tout (et c'est déjà extrêmement louable) d'éjecter les dirigeants despotes, la révolte espagnole repose sur un projet politique. Un projet de redistribution, de relance par l'emploi et le logement pour mettre fin à une société inique qui voit des jeunes de 35 ans, surdiplômés, vivre chez leurs parents car ils ne peuvent même pas accéder à l'autonomie. Comment voulez-vous que ces exclus du partage puissent entendre des propositions d'allongement du temps de travail quand ils ne peuvent même pas commencer à cotiser ? A 60 ou 65 ans, ils n'auront pas travaillé plus d'une vingtaine d'années, ce qui leur laissera sans doute un demi-SMIC espagnol pour assumer leur retraites... On comprend leur emballement modéré...
Reste évidemment à voir comment se traduira cette insurrection dans le calme: expulser Zapatero pour remettre Rajoy ou autre n'est sans doute pas une solution. Toutefois, un embrasement de ceux qui vont concrètement être confrontés à cette inacceptable situation sociale me semble être un signe de bonne santé mentale, l'inverse du "SIDA mental" naguère cité par Louis Pauwels...
Maintenant, reste à savoir si l'on envie l'Espagne uniquement pour son football, ou si notre jeunesse à nous arrivera aussi à se fédérer en propositions globale, plutôt qu'en tristes petits happenings festifs revendiquant un bout de strapontin. Quand on voit Julien Bayou monter son "jeudi noir" et "génération précaire", on a envie de l'aimer, mais le voyant louvoyer chez les Verts et se faire adouber d'emblée au conseil régional et commencer à adopter des postures du type "il faut être réaliste" on a envie de lui dire comme Jouhandeau aux jeunes de 68 "rentre chez toi, dans dix ans tu sera notaire", où son avatar politique, député européen...
En attendant, François Hollande fait de la jeunesse sa priorité pour 2012, ce qu'on peut saluer. Maintenant, François Hollande comme étendard...
10:09 | Lien permanent | Commentaires (2)
23/05/2011
Conne quête vs Tom oh boy !
L'idée de la critique croisée -prisée par les nouvelles écoles critiques en mal de trucs intéressants pour innover et se démarquer- me laisse plutôt froid. Wagner et Haddaway / Flaubert et Yann Moix, toutes ces oppositions improbables où l'on fait ressortir que, n'est-ce pas, tout peut être mis en parallèle tant qu'on est là pour servir l'art, j'y crois que pouic.
Ce préambule posé, je voulais quand même en faire au sujet de deux films : La conquête et Tomboy. J'étais certain d'adorer le premier, pour sa matière, son casting, sa bande-annonce et sa mauvaise critique dans Télérama, signe de qualité du film... Je fonçais.
Le second m'ennuyait par avance, branlette pour lecteurs de Libé, xème pseudo réflexion sur l'âge tendre. Je renâclais fortement. Je tournais les talons, même. Et puis, très vieux médium, deux amies m'incitaient sans détour à y aller. Leur avis valait viatique. Je cheminais.
Le problème de La conquête est dans la bande annonce. On a déjà vu le film. Même si Bernard le Coq est bluffant en Chirac et Podalydès en Sarkozy (les autres sont beaucoup plus discutables) le film fait pschittt... Pour les geeks de journaux politiques comme moi, toutes les répliques sont connues et le film semble avoir été brodé autour, comme une grosse série, rythmée par quelques bonnes saillies verbales.
A la différence près que les politiciens n'ont pas vocation à être scénaristes et que le procédé, plaisant, lasse très vite à la dixième phrase choc, rassemblées d'ailleurs dans la bande-annonce. Par ailleurs, on voit trop que le film a été écrit (Rotman) par un type qui méprise Sarkozy. Et cela sonne creux, on ne voit que les failles du petit garçon, ses tocs et sa dépendance à sa nana. On ne voit pas, à part face à Chirac, la bête politique; le tueur. Or, pour gagner cette bataille-là, il doit falloir un peu plus que les rodomontades dépeintes dans le film. Plouf...
Séance de rattrapage hier. C'est un film de crise. Econome. Economie de plans, de gros plans, de temps (1h22), de répliques. Un film qui sonne juste tout du long. Où les deux jeunes actrices ne sont même plus des actrices, ce qui est compliqué avec des comédiens si jeunes. On revoit des scènes que l'on a tous vécu : dans le bain, avec les parents, à table, lors d'un baiser furtif et honteux ou encore dans un "action ou vérité" saisissant de réalisme. Surtout, en évitant toute dérive trash ou voyeuriste, toute facilité vers le cliché, Céline Sciamma réussit un très, très beau film.
Demain, nous tenterons d'imaginer ce que peut être le quotidien de Moscovici, Cambadélis ou le Guen depuis dix jours. Je les vois mangeant des Chocapic en robe de chambre, avec LCI ou I Télé en boucle, en pleurant devant une photo de DSK....
08:30 | Lien permanent | Commentaires (5)
21/05/2011
Politique-fiction, les quotas à l'autre FFF
Ambiance tendue ce matin là pour la réunion mensuelle de la Fédération Française des Finances. La France, championne d'Europe de 1997 à 2002 accumule les résultats médiocres et le nouveau Président, en place depuis 2007, accumule les conneries. La France socialo-coco-écolo a volé en éclats. Aujourd'hui, les commentaires acerbes abondent dans les cafés : "y a un problème de fond, on reconnaît plus le pays, regardez l'équipe, y a que des libéros". Au football, le libéro est ce joueur libre, d'où son nom, qui joue devant la défense et remonte mettre la panique dans le camp adverse. Un de nos plus brillants représentants à ce poste fut Laurent Blanc, mais ceci serait une autre histoire.
La réunion doit trancher deux problèmes : les "bi-parcouraux" et le recrutement et les critères de sélection de nos élites.
Les hiérarques se massent avec leurs costards à deux SMIC et, autour de jus de tomates avec tabsasco, entament le premier débat par la voix puissante du sélectionneur :
- On a un vrai problème en défense. Pour la défense des recettes publiques, tous nos meilleurs éléments se barrent à cause de cette règle à la con des bi-parcouraux. On les forme à nos frais jusqu'à sciences-po et l'ENA et derrière, ils partent jouer en attaque pour les banques et les fonds, c'est une stratégie dramatique, on fonce dans le vide là !
- Et alors quoi, on instaure des quotas : 20%, 30% de ceux-là seulement ?
- Non, il faut remettre la loi en cause et ne pas se faire enculer par les codes mondiaux de libre circulation. On doit imposer que 100% des défenseurs publics y restent, sinon on va se faire enfumer.
Tous les autres petits caporals regardent leurs pompes, le problème des bi-parcouraux est un problème crucial et dans le fond, ils savent bien qu'il a raison; un tel déséquilibre nous mène à la peste. Ce problème reflète la somme de leurs lâchetés mal digérées... Ils en sont encore là de leurs hésitations, quand le sélectionneur décoche une seconde salve:
-Non, puis bon, comme on est là pour se dire les choses. Il faut qu'on change nos critères de sélection. Regardez les Danois, les Suédois, les Finlandais et les Canadiens: ils nous laminent grave depuis dix ans. Pourquoi ? Regardez leurs équipes : elles sont complètement mixte, avec des différences d'âge, d'origine sociale et le tout prend.
-Va au bout salopard, qu'est-ce que tu sous tend ? Tu veux qu'on arrête de recruter des écoles de commerce pour prendre des oisifs? Eructe un sous-sergent.
- Je ne dis pas ça, détends-toi. Je dis simplement que nos critères de sélection sont dramatiquement simplistes: on détecte et sélectionne les seuls capables de faire beaucoup de dégâts et de profits sur les marchés les premières années. Bon, et qui a les qualités naturelles pour faire ça ? Les HEC et les ENA bi-parcouraux. C'est sûr qu'on fracasse les défenses publics et on affole les marchés, mais c'est une vision à court terme. On flambe toujours pendant un mois avant de prendre une dérouillée phénoménale. Souvenez-vous du blaireau sélectionné pour la privatisation des autoroutes; ça a marché six mois mais depuis, on a un de ces trous en défense... Vous voyez bien qu'avec ce jeu débile, on s'aveugle, on se découvre et on ramasse une volée...
Le Président rompt l'inhabituel silence qui le caractérisait depuis le début de la réunion et se tourne vers le sélectionneur: "Merci à toi, j'aime ta franchise et je comprends tes angoisses. Pour autant, je ne pense pas que cette conversation doive jamais sortir, on se ferait lynhcer dans la presse".
Arc-boutée sur son ordinateur sur lequel elle tape un compte rendu, reniflant et se mouchant dans la manche de son sweat à capuche, une jeune fille sourit intérieurement. Ayant fait de longues humanités jusqu'au niveau Master, ce qui lui vaut le droit d'être petite main dans ces réunions, elle enregistre cette conversation qu'elle compte donner à la presse dès la sortie en espérant que cela bougera certaines mentalités encrassées...
11:59 | Lien permanent | Commentaires (3)