04/01/2021
Il n'y a pas de zone grise du consentement vaccinal
Trois ans de débats post #Metoo ont fini par faire tomber le mythe de la fameuse "zone grise du consentement" en matière sexuelle. Ce concept était toujours mis en avant par celui qui ne prenait pas "non" pour une réponse. Cela ne signifie pas que tout est toujours évident et sous-titré, que l'auto-censure n'existe pas, qu'il n'y a pas des stratégies intériorisées qui peuvent pousser certaines femmes à accepter des relations qu'elles ne souhaitaient pas au début. Bien sûr que si, ces cas existent, mais la "zone grise" au sens d'un incertain où tout est permis, est une fumisterie. En réalité, quand il y a échange, discussions (y compris non orale ; en matière de sexualité, les corps, les yeux, les gestes parlent d'eux mêmes) le consentement est aisé à recueillir, ou à en constater l'absence.
Voilà à quoi je pensais ce matin en entendant nombre de responsables, politiques comme médicaux, parler de l'accélération de la vaccination, omettant de faire davantage consentir la population. Le débat étant abrasif et clivé, chacun.e étant sommé.e de se positionner, je précise que je suis ultra pro vaccin, militant, sans débat, et que lorsque ça sera mon tour, j'irai me faire vacciner. J'irais pour une raison fondamentale : la vaccination est à la fois égoïste et altruiste. On se vaccine pour se protéger de la maladie, mais surtout pour protéger les autres, les éventuel.les malades comme les soignant.es débordé.es. La non vaccination, en revanche, est uniquement égoïste : on compte sur les autres pour éradiquer la pandémie et vivre à nouveau comme avant. C'est une différence fondamentale. Et il faut le rappeler. Les anti vax sont des NIMBY, ni plus, ni moins. Pas forcément des adversaires, mais des personnes qui se trompent de colère. On ne peut pas les rallier par la force, mais uniquement par la pédagogie, recueillir le consentement en expliquant à quoi cela sert.
Souvent, dans un débat sur les vaccins classiques, nombre de petit.es malin.es me disent "mes parents ne m'ont pas vacciné et je vais bien" et on leur répond invariablement "car tout le monde est vacciné, donc la maladie éradiquée. Tu n'as pas la rougeole, la polio, la variole, grâce aux autres". Fin du débat. Et on peut avancer. Il faut faire ce même effort de dialectique de façon approfondie tant la défiance vis à vis du vaccin Covid est bien plus forte.
Les résultats pour un vaccin n'ont jamais été si rapides ? Mais jamais ô grand jamais on a mis tant de moyens, financiers comme humains, pour chercher. Jamais non plus on avait sous la main autant de cobayes volontaires, tout était réuni pour trouver vite et les labos étaient évidemment motivés par le fait de sauver le monde et empocher le jackpot. Si les malades du paludisme étaient solvables comme les occidentaux, il y a longtemps que la science aurait trouvé davantage... Il faut le dire, l'expliquer, être clair et net. De même qu'il ne sert à rien de cacher les profits en milliards que vont engranger Pfizer et Astrazeneca, les marchandages entre États pour obtenir plus de doses ; les faire passer uniquement pour des alliés du bien commun, prendre les gens pour des cons, n'a jamais fait avancer le schmilblick...
La stratégie vaccinale des médecins prend en compte ce recueil du consentement, y compris en EHPAD et c'est tout à son honneur. On ne gagne jamais rien à passer en force. De même qu'on ne se remet pas d'un drame comme l'assassinat de Samuel Paty en forçant des gosses réfractaires à la laïcité à chanter la Marseillaise, on ne gagnera pas les anti-vax avec une rhétorique martiale.
De tous les drames de 2020, le pire était sans doute la perte de capacité à se projeter. Nous étions tous englués dans un présent éternel, anxiogène, où il n'est pas possible de reconstruire ce que la pandémie casse. Le vaccin offre cette perspective de réouverture. Il faut être cohérent, si on veut tout réouvrir, si on veut pouvoir connaître à nouveau le goût de l'insouciance, il faut soit croire aux miracles, soit croire à la science. Moi j'ai choisi.
13:55 | Lien permanent | Commentaires (0)
02/01/2021
Élargir le champ de vision du COVID
Pour commenter le couvre-feu à 18h, ce matin, un spécialiste des maladies infectieuses du Grand Est dit ceci "pour nous c'est un minimum et un peu tard. Je regrette pas les décisions, mais leur date d'entrée en application et peut être faudrait-il faire plus". Près de dix mois après le premier confinement, près de 300 jours que nous sommes suspendus à un virus, les tensions sur un éventuel pire - des fermetures d'écoles ?- sont toujours là. C'est désespérant.
Le camp de celles et ceux qui approuvent les restrictions est toujours aussi fort : les confinements, couvre feu et autres fermetures ne sont pas si impopulaires. Au-delà des quelques millions de nouvelles personnes qui ont déjà basculé dans la pauvreté voire l'extrême pauvreté, celles et ceux qui effleurent la folie, la violence, le désespoir, nombre de braves personnes trouve que "c'est un peu exagéré, surtout que nous sommes raisonnables, mais tant que les jeunes feront les andouilles faudra bien fermer". C'est ignoble.
S'opposer à ces mesures de privations de libertés, ça n'est évidemment pas être contre la science (ce qu'on dégaine tout de suite) encore moins être "eugéniste" (ce qu'on m'a avancé récemment). La science observe comment se répand le virus, comment il contamine, survit, comment il attaque l'organisme, et comment le combattre. Voilà ce que fait la science. A l'aune de ces observations, elle donne des conseils. La preuve que nous ne suivons pas la science, c'est qu'elle dit bien que le masque en extérieur ne sert absolument à rien sauf rassemblement monstre et pourtant, il est obligatoire partout y compris dans des forêts désertes... La science nous incite à la prudence extrême à l'intérieur, avec des masques, voilà ce qu'elle dit. Quand on mange, boit, transpire en faisant du sport, on enlève son masque, donc les risques sont accrus : plus l'espace est restreint et non aéré, plus on prend des risques. Le fait divers tragique belge d'un homme venu en EHPAD déguisé en Père Noël sans se voir positif au Covid et ayant contaminé 85 personnes et tué 26 résidents rappelle l'extrême contagiosité du virus et sa létalité sur les plus fragiles. Personne n'a dit l'inverse.
Être contre la science, c'est refuser la chimiothérapie pour affronter un cancer et préférer la méditation, des pousses de bambou et un abonnement premium à une chaîne de gourou. C'est penser que la variole, la rougeole et autres ont disparu comme par enchantement. Ça n'est pas le cas de celles et ceux qui demandent à vivre, mais veulent juste qu'on regarde les dégâts du COVID en élargissant la focale.
300 jours que nous vivons sous l'emprise du COVID et nous regardons toujours les mêmes choses : nombre de personnes contaminées, admissions à l'hôpital, réanimations, décès. Que ça. C'est uniquement à l'aune de cette boussole qu'on ouvre, ferme, entrouvre, dans un ballet qui n'est pas sans rappeler les entrées et sorties d'un chat domestique... La seule chose qui semble pouvoir arrêter cela, c'est le vaccin. Macron lui même balaye cette question d'un revers de main, "encore jusqu'au printemps".
En mars dernier, tout le monde était trop sidéré pour voir autre chose, on observait le compteur macabre s'affoler et nous étions tous des Roger Gicquel, la France avait peur. Depuis, nous sommes décillés et il est permis d'élargir la focale pour voir les drames causés par ce virus : 1 million de chômeurs en plus, 2 millions de nouveaux pauvres, 100 000 SDF en plus, le nombre de bénéficiaires des banques alimentaires a doublé, 8 à 10 000 morts du cancer supplémentaires chaque année pendant au moins cinq ans, faute de prévention...
On sait déjà tout cela, sans compter tout ce qu'on ne sait pas : 100% des psys publics (les articles sur des thérapeutes privés à 100 balles la consultation ne voyant pas d'afflux particulier est pour le moins croquignolet) parlent de "bombe inédite, de vague déferlante" et autres images laissant imaginer le désastre. Et l'économie ? Quand on retirera le respirateur artificiel des PGE et du chômage partiel, combien de faillites ? En 2020, on dénombre 25 à 30% de fermetures d'entreprises en moins à cause de cet artifice comptable. Ça laisse imaginer le désastre pour 2021... Quand chaque soir et chaque matin on entend "les indicateurs se dégradent" on ne parle que des courbes épidémiques qui, effectivement, ont tendance à s'aggraver en ce moment. Mais quid de toutes les autres que je mentionnais avant ? Car leur évolution est autrement exponentielle et bien plus dramatique pour l'avenir du pays. Refuser de voir cela, ça n'est plus de l'obstination, ça confine à la mauvaise foi caractérisée.
08:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
24/12/2020
Immunisés collectivement contre la honte
«Nous sommes devenus une société victimaire et émotionnelle. La victime a raison sur tout. Bien sûr, il est très important de reconnaître les victimes, de leur donner la parole, nous le faisons. Mais dans la plupart des sociétés occidentales, nous assistons à une forme de primat de la victime. Son discours l'emporte sur tout et écrase tout, y compris celui de la raison». Voilà comment parle le chef de l'État pour justifier le fait qu'il faut aimer Maurras l'écrivain contre le penseur et réhabiliter Pétain malgré l'antisémite. Mais réhabiliter quoi ? Quand bien même on prendrait les propos de Macron au pied de la lettre, sauver quoi ? Le héros de Verdun n'est un héros que pour ceux qui considèrent que faire tuer des centaines de milliers de jeunes gens plutôt que de négocier un armistice est héroïque ? Héros mon cul, oui. Réhabiliter Pétain, Maurras et l'identité nationale sans même un clapotis de contestation. Avec cette énième avatar honteux ne suscitant pas de réactions, je crois qu'on peut scientifiquement avancer que nous sommes collectivement immunisés contre la honte...
J'échangeais à ce propos avec la Reine Mère qui partageait mon incompréhension. Elle était sidérée et me disait avec justesse (pléonasme la concernant) "au fond, il a gagné la dessus. Une horreur chasse l'autre, une outrance chasse l'autre. La première fois, tu gueules, la deuxième aussi. Et puis tu t'épuises. Vous êtes moins nombreux à gueuler. Et puis tu deviens fou à l'idée de gueuler seul, alors tu arrêtes". C'est effectivement un cercle vicieux qui l'a réussi à créer sur une astuce, un tour de passe passe qui est le pêché originel de son élection : moi, ou le chaos fasciste.
Au fond, depuis l'entre deux tours de 2017, Macron joue sur cette seule et unique corde : avec l'effondrement du PS et de LR, l'attaquer, c'est risquer d'avoir le RN. L'affaiblir, c'est potentiellement faire élire le RN. C'est tout. Dans le discours LREM officiel, on dit toujours "les extrêmes" pour mettre sur un strict pied d'égalité Marine le Pen et Jean-Luc Mélenchon avec une élégance et une pondération qui sont la marque des progressistes. Dire cela permet de renvoyer un certain nombre d'éléments non affiliés politiquement (les blacks blocks au premier rang, mais aussi les zadistes, les ONG d'aide aux migrants...) à "l'ultra gauche mélenchoniste". C'est faux archi faux, archi archi faux et pourtant ça passe et ça conforte son électorat qui ne veut ni des uns, ni des autres...
On pourrait remplacer "avec un autre que Macron" pour mesurer l'étendue des dégâts. Avec un autre que Macron, les propos sur Maurras et Pétain auraient fait bondir la LDH, la LICRA, l'opposition. Avec un autre que Macron, Blanquer aurait démissionné pour sa croquignolesque histoire de syndicat ou tout est sur la table (notamment les dessous de table, factures à l'appui). Avec un autre que Macron, Alexis Kholer serait parti depuis longtemps à cause de ses conflits d'intérêts. Jamais François Bayrou mis en examen pour emplois fictifs et ne serai Haut Commissaire au Plan. Thierry Solère mis en examen pour six motifs différents (dont détournement de fonds, fraude fiscale et trafic d'influence quand même) ne serait pas conseiller politique du Président et avec un autre que Macron, enfin, jamais Richard Ferrand mis en examen pour l'affaire des mutuelles de Bretagne, ne serait Président de l'Assemblée Nationale. Mais nous sommes sous Macron et ces quatre personnes poursuivies aujourd'hui encore par la justice étaient à table avec le Président la semaine dernière pour préparer les Régionales. Nous n'avons définitivement plus rien à craindre la honte.
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