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23/03/2021

Fox Newisation du débat

Je ne sais pas comment fait Samuel Gontier pour s'infliger quotidiennement des heures de chaînes d'info en continu. Je comprends bien l'idée de regarder à distance, avec esprit critique, le besoin d'alerter, de montrer les chausses trappes rhétorique au grand public, leur lire les sous-titres derrière les propos à l'écran. Il n'empêche. Ça fait près de vingt ans que je n'ai plus de télé et chaque expérience passée à la regarder me navre. Ce d'autant qu'en 2020, avec le confinement, toutes les chaînes d'info ont connu des audiences records. Les plus de 50 ans regardant même la télé 5h26 par jour. 5h26 sur 17 éveillé, près d'un tiers. Folie...

Bernard Stiegler avait raison de noter, peu de temps avant sa mort et donc avec des réseaux sociaux déjà très puissants qu'une des pires erreurs d'analystes politiques était d'annoncer la mort de la télé, alors qu'elle n'avait jamais été autant regardé par celles et ceux qui votent le plus. C'est sympa d'aller sur TikTok, Twitch, Instagram et passer du temps sur Twitter pour attraper des jeunes qui ne votent plus et certainement pas pour ceux qui les singent, mais ceux qui votent le plus sont ceux qui regardent le plus les chaînes d'info. Le noeud du drame, il est là.

Bloqué dans une chambre d'hôtel pour le boulot et réveillé par une insomnie, je me suis infligé une prescription sévère pour comprendre : 1h de BFM, 1h de C News. Il y a quelques nuances, BFM pilonne l'agresseur sexuel Pierre Ménès quand C News passe l'affaire du journaliste de Canal sous silence par esprit de groupe. Mais globalement, la trame est la même : trop de bureaucratie en France, trop d'islam en France (j'ai appris que "la maire islamogauchiste de Strasbourg allait financer une mosquée turque dans sa ville"), trop d'islam dans l'économie (j'ai appris que Laurent Wauquiez créait un "intéressant fonds régional pour éviter que les entreprises ne tombent sous pavillon qatari") j'ai appris que le carnaval marseillais était organisé "contre la France et pour demander la mort des flics". Bref, j'étais sidéré par les choix éditoriaux en temps de crise sociale sans précédent...

Pas un mot sur la culture en grève partout en France, avec plus de 100 scènes nationales occupées depuis plusieurs semaines par des artistes et technicien.nes qui luttent pour leur survie, pour travailler, pour faire vibrer, pour nous raccrocher à la vie. Pas un mot, sur non pas la détresse, mais la désespérance étudiante avec une explosion de l'anorexie des jeunes filles, des tentatives de suicides chez les ados, des résultats scolaires en loque. Pas un mot sur les hôteliers restaurateurs qui n'ont pas ouvert depuis des mois et qui vont finir par se foutre en l'air, toutes et tous ces gérant.es qui n'ont pas le chômage partiel et ont vu, en un an, fondre les économies d'une vie. 

Deux heures de télé, j'ai la nausée, les yeux sales, j'ai perdu le goût de vivre et l'odorat de la curiosité. Les chaînes d'info, c'est du Covid pour le cerveau. 

 

21/03/2021

Gouvernement hors de contrôle

Alors qu'on guette tous les variants avec l'angoisse que leur action rende l'épidémie hors de contrôle, voilà que le gouvernement prend tout le monde de vitesse en rendant la gestion pandémique hors de contrôle en huit jours à peine. "Le gouvernement, on dirait l'équipe de Mont de Marsan à Intervilles, quand ils n'arrivent plus à remonter sur le boudin en mousse et retombent à la flotte à chaque fois", me disait un ami aux références insoupçonnées. 

D'abord, il y eut l'impensable suspension pendant 36h du vaccin Astrazeneca, pitoyable pantalonnade pour s'aligner en panique sur l'Allemagne. Évidemment, les scientifiques ont rassuré, mais dans un pays où les anti-vaccins sont nombreux, pourquoi cette palinodie superflue ? Puis vint le non-plan de Castex. "Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément". Si Boileau avait écouté Castex, il en aurait déduit que notre Premier Ministre avait bien mal conçu son plan. Et effectivement, dès le lendemain, il revenait sur ses propres mesures pourtant concertées, amendées et soupesées nous disait-on. Coiffeurs, fleuristes et autres avaient le droit d'ouvrir, mais pas d'autres boutiques qui maugréent comme jamais, et à raison. Les étudiant.es, les ados en souffrance, doivent encore patienter. Pas tenable. Castex le sent, d'où son idée de les laisser s'aérer avec une attestation pour 10km, avant d'enterrer et d'annuler cette énième norme kafkaïenne... Cerise sur le strüdel : alors qu'un nombre croissant de théâtres, de salles de spectacles sont occupées pour exiger leur réouverture attendue et alors que toutes les études disent que ce sont des lieux sûrs à condition d'y fermer la buvette, Roselyne Bachelot s'incruste à l'Opéra où ils filment un spectacle et chope le Covid. 

C'est assez fou. Nous sommes dans une situation d'exception où le gouvernement peut faire passer les mesures qu'il veut sans possibilité pour l'opposition de discuter le bien fondé des textes, et malgré cela, ils arrivent à se prendre les pieds dans le tapis. Le problème n'est pas pour ou contre le gouvernement, pour ou contre le confinement comme au temps de Boccace. Bien sûr que la pression hospitalière est extrêmement forte, mais elle l'est d'autant plus que nous sommes au 55ème rang mondial pour la vaccination, plus efficace et rapide moyen d'endiguer la pandémie. Elle est d'autant plus que ce gouvernement a détruit des lits de réa depuis 3 ans et n'a rien relancé avec le crapoteux Ségur. Elle l'est d'autant plus qu'on a pas fait depuis le début de la pédagogie efficace et transparente en laissant parler librement les scientifiques. Bien sûr, on rabâche, mais connaissez-vous d'autres gouvernants, à part Bolsonaro et Trump qui ont affirmé, à plusieurs reprises, que les masques ne servaient à rien ? Vous pouvez revenir dessus après, mais vous avez instillé le poison du doute et c'est criminel. Surtout quand vous ne vous excusez pas.

Nos institutions sont ce qu'elles sont, ils vont garder la main sur la gestion de cette épidémie pendant encore un an. La campagne de vaccination, les suites à y donner, ça sera eux. La réouverture des facs, les sauvetage des entreprises en faillite, toujours eux. Les millions de nouveaux pauvres, de nouveaux affamés et de nouveaux désespérés, toujours eux. Bien sûr qu'ils ne sont pas responsable du virus, mais ils ont clairement inoculé le variant de l'incompétence nimbée de suffisance. Je doute que cela nous vaccine contre le Pen. 

16/03/2021

Morts en Syrie, morts du Covid

Il y a un an, nous étions confinés avec l'obligation de ne pas bouger et si jamais nous sortions, ça devait être impérativement muni d'un laisser-passer et pour moins d'une heure. "Nous sommes en guerre" avait dit notre Président. Une guerre face à un adversaire circulant dans l'air et l'État Major ne nous fournissait pas de masques. Ni à nous ni même aux soignant.es, dont il avait diminué le nombre, ainsi que les places d'hôpitaux. Nous n'étions pas une armée de métier, mais des réservistes sans entraînement physique depuis des années, appelés au front alors qu'ils se resservaient de la blanquette de veau arrosée de Pessac Leognan blanc. Tu parles d'une entrée au combat...

Il n'empêche que dans une guerre, il y a des morts et des morts injustes. Et depuis un an, on compte nos morts chaque jour. Et on évoque des personnels de sécurité, des soignant.es, des profs qui n'avaient pas de masques et qui sont donc des morts de la guerre contre le Covid, que nous n'avons pas protégé. Je ne vais pas nier que 90 000 personnes sont décédées en France depuis un an, suite à une infection au Covid 19. Elles sont mortes, d'une mort lente et douloureuse pour elles, comme pour leurs proches car on meurt isolée, du Covid. Je ne nie aucune de ces morts, mais je maintiens que compter les morts c'est nous pétrifier, nous tétaniser, nous tromper de chiffres. 

Aujourd'hui, on parle des 90 000 morts du Covid, pour invoquer l'incurie gouvernementale et exiger la fermeture d'écoles, la non réouverture des lieux de culture et ad libitum, ad nauseam. Parler des morts, c'est continuer à terroriser des gens qui ne veulent plus sortir de chez eux, pas rouvrir, pas échanger. Une accroche d'article disait il y a peu "500 000 morts du Covid aux USA, plus que lors de la seconde guerre mondiale". Voilà. Mettre sur un même plan 500 000 gamins tuées par les balles des nazis et des personnes arrivées au bout de leur vie, emportées par une ultime maladie, ou des pauvres et des obèses victimes d'un système de santé inhumain d'inégalité d'accès financier. Belle comparaison...

Chez nous, les pauvres et les obèses ont accès à l'hôpital quels que soient leurs revenus. D'où le fait qu'on meurt moins. Sur nos 90 000 morts, presque la moitié sont morts en EHPAD. Avant la campagne de vaccination, 44% des décès liés au Covid étaient résident.es d'EHPAD. Ces personnes sont mortes du Covid, mais elles seraient mortes d'un rhume, d'une fausse route, d'une chute. L'âge moyen des morts du Covid continue à augmenter, même si celui des personnes admises en réa baisse, les variants étant plus teigneux et touchant des personnes plus jeunes (1/3 de moins de 60 ans passant un sale moment en réa, certes, mais ne mourant pas). 

Quelle indécence de continuer à parler des morts du Covid, comme on parle des morts en Syrie alors qu'on commémore les dix ans du début d'un conflit qui a fait 400 000 morts et 11 millions de déplacés, plus de 50% de la population... De quelle drame on parle ? Doit on dire qu'avec 500 000 morts, l'Amérique a payé un plus lourd tribut que la Syrie ? Inepte et infâme.

Qu'on parle de pression hospitalière locale, point barre. En France le virus circule très faiblement dans la majorité des régions. Qu'on y rouvre les théâtres, les lieux de culture, même les restos. Et là où ça circule intensément, et bah tant pis, bouclez ce que vous voulez. Mais pas les écoles, bordel, pas les facs, bordel ! Le nombre de jeunes en détresse psychique a été multipliée par 6 en un an. Par six ! Ils ne rentrent pas dans le décompte macabre, mais on va le payer pendant des années. 93 000 cancers non détectés l'an dernier, d'après l'Institut Gustave Roussy. Moi aussi je peux compter les "dégâts collatéraux" du Covid. Mais je ne le ferais pas. Il faut cesser cette comptabilité inepte qui nous recroqueville quand on a besoin de sortir, de rouvrir, de donner des perspectives. Courages aux soignant.es là où la tension est forte (ce qui reste minoritaire, hein), pour le reste, il faut se résigner à vivre car c'est un projet d'existence plus sympa que le suicide collectif.