08/01/2020
L'heure n'est pas aux narcissismes des petites différences
Souvenons-nous des affiches sur "la droite la plus belle du monde". Pour en tirer les leçons, pour ne pas hoqueter, pour ne pas se retrouver bredouilles alors qu'un impensable succès est à portée de vue.
Impensable car les forces sociales sont exsangues politiquement et que les corps intermédiaires historiques sont fatigués. Il y a quatre mois, la réforme des retraites s'annonçaient comme une joyeuse partie de campagne, avec 2/3 des français approuvant le principe de la réforme. Et puis, comme souvent avec cette majorité, il y eut les injures faciles et arrogantes sur les "nantis", les "privilégiés" ceux "qui ne veulent pas comprendre" visant d'abord nos amis des transports puis les soignant.e.s et profs, pourtant déjà à genoux. Ce crachat contraire à la convention de Genève a relevé ce grand cadavre à la renverse. Comme un électrochoc, la Sociale s'est relevé d'un bond, sur ses pattes, et tel un Moloch, grossissait grossissait. Dans la rue et dans l'opinion, malgré les trésors d'imagination et de désinformation du bloc élitaire. Les gilets jaunes ne voulaient plus de politiques ou de syndicats pour les mener ? Ils restèrent isoler. Ici, aucun politique n'a bombé le torse, et peu de syndicalistes firent les farauds. Concentrés, rassembler sur l'objectif. Les faire reculer. Et ça a pris. Militaires, pilotes, flics, les régimes spéciaux essentiels pour un gouvernement aux abois furent sanctuarisés. Déjà, ils annonçaient du délestage et commençaient à sérieusement tiquer.
Puis vint cette satanée trêve de Noël. Satanée car le gouvernement pliait et perdait du poids chaque jour. Le silence est le dernier or qui leur reste. Dès qu'ils ne parlent pas, dès qu'on entend plus leurs insanités, ils remontent un peu la pente. On est légitimistes, en France et puis il faut être deux pour la révolution, ceux qui la font et ceux à mettre dehors. Ils étaient partis. A Marrakech, même, pour Elisabeth Borne... Ils se sont requinqués, remplumés et le mouvement, lui, a replongé dans les narcissismes des petites différences. Quand la victoire se fait moins sûre, on insulte plus facilement son allié en disant qu'il n'en fait pas assez. On commence à s'invectiver entre tenants du "blocage total", de "grève glissante" ou "autres modes d'actions", alors que l'essentiel, c'est de tenir, de faire masse et de montrer que ces modalités n'entravent en rien la détermination totale d'un groupe qui reste, légèrement mais quand même, majoritaires.
Les crispations, les stratégies divergentes entre membres du corps social sont la seule vraie menace. Quand tous les syndicats (tous, y compris la CFE-CGC....) claquent la porte de la négociation pour la fonction publique, ils montrent la voie. Seul l'unanimisme face au projet peut rassurer, peut décider les indécis, leur dire que la victoire est possible. L'unanimisme, c'est la dernière arme de la macronie : ils flippent carrément, mais n'en laisse rien paraître... Ils voient bien que si cela continue, ils vont prendre une dégelée colossale aux municipales, hypothéquer les deux dernières années de mandat, mais qu'importe. Ils tiennent car au fond, ils ne cherchent pas à avoir raison : ils veulent le pouvoir. Nous ne devons chercher qui parmi nous à la meilleure ligne, la plus parfaite explication ou alternative. On doit résister, et c'est jouable putain. A demain à République.
20:43 | Lien permanent | Commentaires (10)
06/01/2020
Quel Hiroshima climatique pour, enfin, tout arrêter ?
L'Australie brûle et nous regardons l'âge pivot. Leur premier ministre, Scott Morrison, n'a pas interrompu ses vacances et commente la catastrophe en disant que ça n'est certainement pas le moment d'arrêter d'extraire du charbon, au contraire... Si on veut tenir les objectifs de limitation de la hausse des températures, il faut fermer toutes les usines à charbon du monde et les remplacer par des énergies neutres en CO2. Au lieu de tancer vertement ce premier ministre, de lui proposer de l'aide d'urgence d'une main et le contraindre à changer sa politique énergétique de l'autre, on tend bien une main, mais l'autre demeure prête à signer des contrats commerciaux...
Incompréhensible. Impensable. Fou. Et pourtant, pas si surprenant. Ça fait vingt cinq ans que ça brûle et que nous regardons ailleurs, il y a toujours une échappatoire, une opportunité, un truc à saisir. Depuis les méfaits de Texaco en Amazonie Equatorienne qui ne nous a pas empêché de bosser avec le géant pétrolier jusqu'aux incendies de la forêt amazonienne au Brésil qui n'ont pas remis en cause nos accords d'import de soja... lesquels sont à l'origine de ladite déforestation. Pour une espèce évoluée, nous humains apprenons tout de même lentement. Or, le temps nous manque désormais cruellement.
Il a "suffi" de deux bombes atomiques, lâchées sur Nagasaki et Hiroshima pour que plus jamais, depuis 75 ans, une seule autre bombe ne soit envoyée. Nonobstant des tensions folles lors de la guerre froide, les dirigeants détenteurs de ces armes n'ont pas appuyé sur le bouton rouge. L'anticommunisme primaire de Sting et son "let's hope the russians love their children too" fut battu en brèche. Évidemment, ils les aimaient. Ils les aiment toujours, sans doute, mais ils n'éloignent pas le danger qui pèse sur eux.
C'est à se demander ce qu'il faudrait pour que tout change. Les méga incendies de Paradise et autres villas californiennes ont, à jamais, changer la vision des stars Hollywoodienne qui s'engagent toutes et tous pour la cause, qui en parle, mobilise, sensibilise dans leurs fictions. Ça reste de la fiction, ça ne les empêche pas de prendre des jets privés pour recevoir un César d'honneur ou un prix à la Mostra de Venise, mais il y a un léger mieux. On sait que les dirigeants s'engagent sur des causes comme le handicap quand ils sont touchés personnellement comme ça fut le cas pour Chirac. Je n'en suis pas à rêver qu'un enfant de Scott Morrison, Bolsonaro ou Trump périsse dans un incendie, mais je ne vois plus que ça comme issue...
09:13 | Lien permanent | Commentaires (4)
04/01/2020
Privilège, privilège, ont-ils des gueules de privilège ?
La grève dure, les préjugés restent. Alors même que la focale s'élargit chaque jour sur la réforme des retraites, permettant de voir que des millions de personnes seront lésées, au premier rang desquelles les profs et les soignant.e.s., certains tentent de rétrécir le débat. Ainsi, dans la bouche de nombre de commentateurs et (ir)responsables politiques, tout se passe comme si le problème portait sur le tout petit bout de la lorgnette : les cheminot.e.s et salarié.e.s de la RATP. Et donc, ces deux corps professionnels seraient, le mot est répété en boucle, des "privilégiés".
Les journalistes sont une profession se précarisant de plus en plus avec les années dont les revenus sont difficiles à estimer. Le chiffre de "salaire médian de 3600 euros" est calculé sur les titulaires de cartes de presse, mais un rapide coup d'oeil à la pyramide des âges et aux courbes de rémunérations montre une chute drastique des revenus de journalistes (les débutants sont à 1700 euros en moyenne et rares sont ceux qui parviennent au dessus des 3 000 euros) où le CDI devient un Graal, et où le fait de vivre correctement de ses piges, une exception. Les éditorialistes qui fracassent les transporteurs syndiqués, en revanche, ont pour la plupart des émoluments à cinq chiffres mensuels. Non seulement cela, mais surtout une absolue non précarité de l'emploi.
Combien de stars au chômage après des flagrants délits de conneries, de boniments, d'ignominies, de calomnies et autres ? Aucun. Apathie a été recyclé sur des chaînes de second rang, mais il sévit toujours. Pujadas exfiltré de France 2 a un strapontin sur LCI, même PPDA, Elkabbach et encore Duhamel trouvent toujours des employeurs. Pour un boulot non pénible (la pénibilité est du côté de ceux qui subissent l'écoute), facile et routinier, sans stress, sans responsabilités, et avec émoluments gras. Ils répètent en boucle que ceux qui arrivent à un peu plus de 2000 euros de retraites après une vie d'un travail pénible, dangereux, répétitif, aux responsabilités très lourdes (les accidents grave de transports sont plus fréquents que les blessés au maquillage ou en tombant d'une chaise) sont des privilégiés. C'est insane, indécent, immonde.
Les mots ont un sens. En l'espèce "privilège" est "un avantage particulier accordé à un individu ou à une collectivité en dehors de la loi". En théorie, ils ont été abolis avec la loi du 4 août 1789. En pratique, une caste de privilégiés se constitue depuis les années 80 : alors que le choc néolibéral a fait vaciller tous les fondamentaux solides, tous les statuts protecteurs, pour nous faire basculer dans une modernité liquide et incertaine partout, eux sont certains de toujours s'en tirer. Ce sont les éditorialistes ci-avant évoqués et qui jamais ne connaissent la case Pôle Emploi ou la reconversion forcée. Les financiers qui se reconvertissent dans le conseil quand ils ont trop cramé sur les marchés. Les conseillers du prince, justement, les managers interchangeables et re recrutés après avoir prodigué moult idées destructrices (Alain Minc comme tête de gondole). Eux sont d'authentiques privilégiés dans le sens où certaines de leurs erreurs auraient dû les éconduire à vie, les mettre à l'ombre, mais non. Prenez les banquiers toujours là après 2008. Les cadres de Renault pris dans une affaire de barbouzes (déjà...) avec la Chine et toujours là dix ans après, comme monsieur Pellata, qui a rédigé un rapport sur la mobilité pour l'Elysée. Tout ceci, sont d'inoxydables et inacceptables privilégiés. Mais les autres ?
Ce matin, en allant faire mes courses, je suis tombé sur un malheureux qui faisait la manche, un autre qui demandait directement à celles et ceux qui entrent dans une boutique s'ils pouvaient lui acheter un plat et un troisième qui sortait d'un porche d'immeuble bloqué par son duvet de nuit, qui courait après les rares passants, les pieds nus... Face à eux, nous sommes tous privilégiés, tous ceux qui avons un toit sur la tête. Voilà ce qu'on veut nous faire ressentir. Nous faire ressentir la peur du déclassement, de la chute, de la vraie catastrophe. Presque la moitié des français disent éprouver la crainte de basculer à la rue, un jour, une proportion qui ne cesse de croître. Le résultat de trente cinq années d'émiettement des fondamentaux sociaux.
Ça en fait, du monde dans la galère. Les cheminot.e.s et salarié.e.s RATP ont la tête qui dépassent de l'eau au moment de la retraite ? Qu'on leur coupe la tête ! Quelle révolution inversée... Je vois passer les éléments de langage macroniste sur les retraites des agriculteurs.rices, censées donner honte aux conducteurs.trices de bus. C'est inepte et grotesque. Les retraites des agriculteurs.rices me font tout aussi honte en tant que citoyen. Je me dis que le 5eme pays le plus riche au monde peut sans mal permettre à toutes et tous de ne plus avoir faim ou froid, et à toutes celles et ceux qui ont travaillé quarante ans, d'avoir des retraites dignes. Par digne, on entend au minimum 1200 euros, comme le SMIC, et pas 1000 euros dans 10 ans.
"Quand on lâche sur les mots, on lâche sur les choses", écrivait Freud. Et on ne doit pas lâcher sur le détournement des mots d'argent, de situation. Me reviens en mémoire, lors des premiers procès perdus par Bernard Tapie, les titres qui le disaient "ruinés". On lui avait saisi son yacht et son hôtel particulier, bon. En quoi est-ce la ruine ? A t'il dû cesser d'acheter des vêtements, eu des problèmes à mettre un toit sur sa tête, à pouvoir s'acheter à manger ? A partir en vacances ? Non, évidemment. Il n'a jamais été ruiné. PPDA n'a jamais été "éjecté". Carlos Ghosn n'a pas "eu affaire à une injustice folle". Le travestissement de la réalité atteint des summums.
Les véritables privilégiés de ce pays devraient se souvenir de ce qui s'est passé la nuit du 4 août 1789. Tout n'était pas alors réuni pour véritablement connaître, identifier, prendre possession des privilèges indus. Aujourd'hui, si. Et en haut de l'inventaire, ni même cent lignes plus bas, on ne trouve trace des retraites des transporteurs.
17:07 | Lien permanent | Commentaires (6)