07/03/2020
Tout est trop relatif
Godard avait coutume de dire que "l'impartialité ne peut être cinq minutes pour les juifs, cinq minutes pour Hitler" et c'est hélas ce qui se passe sur nombre de sujets. A force de hurler qu'on ne peut plus rien dire, qu'il faut couper court à la censure, que tout le monde doit pouvoir s'exprimer, on ne hiérarchise plus et on relativise tout.
Or, si chacun peut désormais être sa propre caisse de résonance avec les réseaux sociaux, ceux qui ont la responsabilité d'émissions, d'espaces de débats, ne devraient jamais suivre cette pente dangereuse de l'indifférenciation. Quand Despentes dit que l'on couvre un pédocriminelle et que Polony répond en chargent Haenel, Despentes et Foresti, certains disent "un partout balle au centre, équité respectée". M'enfin de quoi parle-t-on ? On peut trouver le style trop violent dans un cas ou les mouvements d'humeur peu élégant dans l'autre, mais on met sur un pied d'égalité une condamnation d'un crime et une attitude ? Folie...
Les atrabilaires qui conchient Greta Thunberg au point de lui nier le droit d'avoir des convictions ont plus que souvent leur tour de mégaphone. Mais la critique de l'adolescente a rapidement laissé la place à une critique en règle de "l'idéologie écologiste" et voilà comment, au milieu des ventes de SUV et de pesticides qui continuent à battre des records, on se demande si "les radicaux verts ne vont pas trop loin ?". Lâcheté immonde.
Je sais que le plus grand cerveau du siècle passé disait que tout est relatif, mais on doit pouvoir trouver un curseur quelque part pour rendre l'air du débat moins pollué.
12:24 | Lien permanent | Commentaires (3)
01/03/2020
Fin du débat
Concédons une évidence à la macronie : il y avait bien depuis quelques jours de l'obstruction parlementaire. Proposer un amendement visant à remplacer "annuellement" par "chaque année" c'est évidemment une perte de temps et dévoyer le travail règlementaire. Bien sûr. Mais la seule double question qui vaille est "comment en sommes nous arrivés là ? Comment les députés LFI en ont-ils été réduit à cette seule possibilité pour se faire entendre?". De cela, on cause peu, ce matin.
Le gouvernement passe en force alors qu'il a une majorité fidèle, voire au pied comme on dit des meilleurs labradors. Les comparaisons avec le passé ne tiennent pas. Valls le fit par menace des frondeurs, Rocard voulait s'éviter des crispations avec les courants socialistes, la chose ne tient pas en Macronie, modèle descendant au possible où les députés votent ce que dit leur Dieu, y compris sur les jours de congés en cas de décès d'un enfant, c'est dire. Non, ils passent en force car ils veulent s'éviter une déroute encore plus grande lors des municipales. Stratégiquement, ça s'entend. Démocratiquement, c'est un non sens.
Parler n'est pas débattre. A l'issue des révoltes des gilets jaunes il y eu un "Grand débat" organisé par une officine complice (Bluenove) dont il n'est rien ressorti en lien des revendications. La première d'entre elle était de renforcer le système public de santé et c'est un euphémisme de dire que ça ne fut pas entendu. Forcément, ça énerve. Ce gouvernement méprise tout le monde, syndicats, corps intermédiaires, oppositions politiques et ne retient pas une virgule des propositions qui ne sont pas les siennes. Forcément, ça rend fou.
Prenons un texte emblématique de réforme comme les 35h de Jospin. Opposition vent debout, le tout passe sans 49-3 et 20 ans après personne n'est revenu dessus. Par miracle ? Non, parce que le texte était très discuté, amendé, partagé. Beaucoup d'allègements de cotisations pour les grands groupes, des dérogations par branches, des exceptions, de la concertation quoi. Résultat, le texte passe largement modifié par rapport à la version initiale.
Là, on a un texte qui, dès qu'il est débattu, crispe tout le monde. On passe en trois mois de deux tiers à moins d'un tiers de soutien. On l'oublie tant tout passe vite, mais on fait face à des conflits d'intérêts qui, dans n'importe quelle démocratie mature, invalide le projet et propose un report d'un an. Le départ de Delevoye, le maintien de Jacques Maire malgré des centaines de milliers d'euros de rémunérations des principaux acteurs privés de retraites est d'un manquement éthique inouï. Par ailleurs, il y a un amateurisme fou dans le texte, les nouvelles retraites des fonctionnaires, des profs notamment, changeant chaque jour. Enfin, l'indicateur futur des retraites n'existe pas, selon l'INSEE. Avec des failles aussi gigantesques, le fait qu'un texte pareil soit soumis au parlement est pure folie. On ne peut pas débattre avec des forcenés pareils, tant mieux, ils ne veulent pas débattre.
En termes de rapport de force, le pragmatisme à ce niveau rappel l'armée israélienne qui justifie le recours aux missiles face à des lanceurs de pierre. Pareille humiliation ne s'oublie pas et ne peux bien finir...
09:07 | Lien permanent | Commentaires (6)
29/02/2020
Le monde du cinéma aime-t-il ses enfants ?
Ça n'est pas un petit bras d'honneur que le monde du cinéma a adressé à toutes les victimes de violences sexuelles et notamment de viols, hier. Ce ne sont pas six mâles blancs qui se sont mis d'accord entre eux, protégés, pour un sur un coup de billard à trois bandes, donner le César à Polanski. Non, il y avait 4700 votants. Soit 2 351 personnes au moins qui ont séparé l'homme de l'artiste. Sans doute des femmes dans le lot, Fanny Ardant ayant déclaré ce matin qu'elle aurait suivi "Roman jusqu'à la guillotine".
Il ne faut pas se mentir, le film est sorti avec une promo record de la part de Gaumont. Le film a bénéficié de ce qu'il y a de plus de bankable dans le box office français (Dujardin, Garrel). Si Polanski est pestiféré, je suis curé. Ne pas se mentir non plus, ne pas euphémiser en parlant comme encore ce matin sur Inter de "accusé de viol". Polanski a été reconnu coupable de détournement sur mineur de 13 ans. Il a reconnu les rapports, accepté 50 jours de traitement et n'a quitté les Etats-Unis que lorsque la menace d'incarcération a plané. Et tout le monde s'en fout.
Les quelques manifestantes devant la salle, Adèle Haenel et Céline Sciamma qui s'en vont, ça ne change pas grand chose au fait majoritaire. 4 700 votants, c'est un État dans l'État, c'est un échantillon représentatif. Ce vote dit qu'en 2020, il ne faut toujours pas lâcher la main de son enfant lorsqu'il traverse la rue, mais aussi lorsqu'il se rend sur un tournage, car la majorité des gens regardent ailleurs.
09:05 | Lien permanent | Commentaires (32)