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02/02/2020

Allo Marianne ? Ici Mila

Quel silence assourdissant. Que de contorsions, de finesses, de lâchetés et de confusions juridiques pour arriver à mettre dos à dos agresseur et victime. La jeune femme qui insulte (après avoir été traité de "sale gouine", rappelons quand même qu'elle ne s'est pas mise à vomir l'islam ex nihilo, elle a répondu à un homophobe frustré) subit des menaces de mort et de viol et on déclare match nul. Déscolarisée depuis dix jours, dans l'incapacité de trouver un nouvel établissement qui accepte de l'accueillir "faute de pouvoir garantir sa sécurité", cette jeune fille vit un calvaire alors qu'elle est dans son droit et les homophobes et ceux qui exaltent la violence, on leur fout la paix. On marche sur la tête... 

Dans son lycée, on voit qu'il reste du boulot à faire. Nombre de voix disent "quand même, il y a des musulmans dans le lycée, elle peut pas revenir après avoir dit ça. Faut qu'elle assume". Des raisonnements d'enfants de 15 ans que peu de voix publiques ont hélas dépassé. D'un des responsables du CFCM qui dit "qu'elle a bien cherché et n'a qu'à assumer" à Nicole Belloubet qui a rappelé qu'elle n'avait manifestement pas le niveau pour être garde des sceaux, on assiste, un peu sidérés, à une déroute morale laissant une gamine en rase campagne.  

Dans l'émission Signes des Temps, hier, l'avocat Richard Malka, la philosophe Razika Adnani et Martine Cerf, autrice d'un Dictionnaire de la laïcité, évoquaient tous l'affaire comme "un fait divers, certes, mais un fait divers inquiétant, signe d'un repli obscurantiste". Et Malka, avocat de Charlie, de revenir sur trop de tergiversations passées au moment de Charlie. De "attention à ne pas stigmatiser", proférés par des candidat.e.s flirtant avec le clientélisme électoral contre les valeurs républicaines, nous glissons et dérivons lentement. La République est une chose trop sérieuse pour être abandonnée au Printemps Républicain et au Rassemblement National dont les arguments, trop souvent, se confondent. Ceci devrait servir d'électrochoc aux autruches de gauche et de LREM qui, parfois, regardent ailleurs. On dit souvent que si on ne s'occupe pas de politique, la politique s'occupe de vous. Il en va de même ici : si on ne s'occupe pas de laïcité, la religion s'occupe de vous. Marianne, tu as promis que toutes celles et ceux qui ne voulaient pas de religion étaient tes protégé.e.s. Mila t'appelle et tu ne décroches pas. Ça s'appelle de la non assistance à personne en danger. 

 

29/01/2020

Fronder n'est pas jouer

Le néolibéralisme, combien de divisions ? Depuis quelques semaines, nombre de député.e.s macronistes auraient mal à leur gauche, trouveraient que le virage social n'est pas assez fort et quittent le groupe, font des effets de manches, s'épanchent sur les plateaux télés pour dire que le compte n'y est pas. La même chose se passe à Paris avec un macroniste débonnaire qui rallie d'autres macronistes débonnaires contre un macroniste atrabilaire. Une dissidence de personnes, mais un même projet de société. 

Fronder n'est pas jouer, ça n'est pas rompre. Parmi les frondeurs socialistes du quinquennat précédent, combien ont réellement rompu avec une politique qui a permis le CICE (lequel a crée 30 000 emplois pour 40 milliards d'allègements de charges... Rappelons que les contrats aidés, supprimés par centaines de milliers par Pénicaud, coûtait entre 10 et 15 fois moins d'aides publiques. Jetons un voile pudique) et autres ignominies ? Peu... Leur grand chef sans doute authentique dans sa colère, Benoît Hamon, traîne désormais son spleen en Bretagne, tel un Chateaubriand de sous-préfecture, instagramant son chat en espérant de chimériques "Benoît 2022" par milliers. Tristesse. Dans les soutiens dudit Hamon, on trouve notamment Olivier Dussopt, désormais implacable petit télégraphiste de la destruction de la fonction publique depuis son ministère. Avant d'être la voix de son maître, sorte d'ORTF 2.0. à elle toute seule, Sibeth Ndiaye était une thuriféraire de Montebourg et promettait de faire rendre gorge à l'ordolibéralisme allemand...

Le pêché originel de la scission de 2008, après le congrès de Reims du PS est toujours là. Il y a celles et ceux qui ont rompu, comme Mélenchon et les autres... Un néolibéral en lavallière, reste un néolibéral. 

26/01/2020

Sommes nous tous mal comprenants ?

Les profs, les agriculteurs.rices, les soignant.e.s, les fonctionnaires, les salarié.e.s et cadres du privés, toutes celles et tous ceux qui ne peuvent pas l'ouvrir mais n'en pensent pas moins, les autoentrepreneur.e.s... À nous toutes et tous, millions de courroucé.e.s, Macron, Philippe, NDyaye, Blanquer, Pénicaud ou encore Buzyn ont martelé : "les opposants ne comprennent pas, c'est une réforme de justice sociale". Pour les plus polis ou plus apaisants d'entre eux, l'auto-flagellation fut poussée jusqu'à "il faut qu'on fasse plus de pédagogie", mais ne cherchez pas, nous n'avons pas compris. Le hic, hier, c'est que le conseil d'État, composé des copains de promo d'ENA ont dit que non, en fait, cette réforme est mal pensée, non calculée, non maîtrisée, pleine de chausse trappes à précarité. Rajoutez le caractère anticonstitutionnel des hausses des salaires de profs pour compenser la chute des retraites et ça s'appelle un camouflet juridique lourd. J'imagine que le gouvernement va répliquer qu'ils ont une lecture "idéologique". Surtout, ne rien lâcher, ne jamais avouer qu'on porte un projet injuste, rejeter la faute sur la débilité des opposants qui ne comprennent pas tout le bien qui les attend.

En écoutant la rhétorique des macronistes, ce qui m'a frappé, c'est à quel point elle est semblable à celle des multinationales prises dans leurs contradictions, leurs délits, leurs errances. A chaque fois "vous ne comprenez pas". La fraude fiscale ? Mais non, c'est légal ! C'est de l'optimisation ! Les délocalisations injustifiées ? C'est les contraintes de la compétitivité ! Le maintien du plastique dans la fabrication quand on peut et sait faire autrement ? C'est les nouvelles contraintes du marché, c'est à cause des normes ! Le maintien des pesticides ? C'est par réalisme vis à vis de la filière. La spéculation sur l'eau, sur les matières premières jusqu'aux risques de sécheresse et de famines ? C'est pour mieux vous protéger mes enfants... Le grand méchant loup néolibéral prend vraiment le chaperon rouge populaire pour un con... 

Nous avons tous bien compris ce qui se trame, pas la peine d'avoir un Nobel d'Economie pour ça. D'ailleurs, la plupart des membres de ce club sélect se retournent (à part l'ineffable Jean Tirole qui arrive à justifier la prostitution et le don d'organes par le marché, quand Le Maire s'en ira il m'a l'air tout désigné pour le remplacer), la plupart des institutions (OCDE, FMI) itou. Tout le monde écrit noir sur blanc que les réformes dérégulant le code du travail et accroissant les inégalités sont criminelles. 

Emmanuel Todd, dans son dernier opus, rappelle que le niveau d'éducation croît très rapidement dans les classes populaires pendant que le niveau de crétins surdiplômés au pouvoir se fait plus patent. Todd s'appuie sur les mêmes stats que Piketty, des stats INSEE, qui montrent que 99% des français s'appauvrissent progressivement chaque année. En bas de la pyramide, des millions de personnes mal logées en haut des foyers qui rognent chaque année des M2 car l'augmentation des salaires ne suit pas l'inflation foncière des métropoles. L'étau se resserre lentement, mais ils se resserre sur quasi tout le monde : une situation idoine pour une lutte des classes. Et là dessus, y a pas de malentendu possible.