13/07/2019
La peste vert jaune
Le plus dramatique dans toutes les affaires concernant François de Rugy, c'est qu'encore une fois, l'écologie politique va en faire les frais et ceux-là ne seront pas remboursés. Non content d'être ministre de l'écologie, Rugy venait d'EELV, ce parti qui a, hélas, commis un nombre d'erreurs de castings incommensurables... C'est le problème de l'écologie politique. Dans l'absolu, elle devrait exiger à avoir une vision du monde cohérente, éminement solidaire, sobre, voire décroissante, une vision empreinte de partage de tout. Des ressources naturelles comme financières, du temps, des talents. Plus qu'un programme, l'écologie politique c'est un rapport au monde et pour employer un gros mot, une certaine éthique. Un alignement de mots et de paroles, de gestes et d'actions.
Alors que la sociale-démocratie pâlissait, il y avait forcément des places à prendre pour les Rastignac en tous genres qui comprenaient que l'écologie monterait inexorablement comme préoccupation. Il fallait des cadres, capable de s'occuper de basses besognes pour faire vivre le parti, encaisser les cotisations, organiser les congrès. Il ne fallait pas être trop regardant. Et c'est là le pêché originel : EELV, par envie de croître rapidement, a oublié les videurs à l'entrée et a laissé rentrer n'importe qui... Jean-Vincent Placé, Denis Beaupin, François de Rugy, la liste est longue des erreurs de casting (toutes masculines) venus chercher des places, des avantages et du confort quand rien dans leur ethos n'aurait du les amener au sein de cette formation. Ce sont des verts jaunes, le jaune historique de la traîtrise, des faux derches, des félons. A cause de ceux là, les vrais, les purs, les Damien Carême, les Karima Delli et tant d'autres, doivent se justifier, reprendre les bases, expliquer qu'ils veulent faire de la politique autrement. Mais ils sont moins audibles. C'est eux que les homards ont tué.
Comme les rouges bruns, les verts jaunes sont vraiment les idiots utiles du libéralisme. Ils font perdre un temps crucial et précieux à ceux qui veulent changer la donne. Le dégoût que ces ordures suscite chez moi à peu d'équivalent. "Il faut dépenser son mépris avec parcimonie, il y a trop de nécessiteux", écrivait Chateaubriand. Certes. Mais eux méritent... Dégoût et colère.
12:15 | Lien permanent | Commentaires (33)
12/07/2019
Balance ta loi pour la morale ?
Il y a peu, j'ai déjeuné avec mon maître Yoda. Psy de formation, auteur d'une foultitude d'ouvrages sur les troubles psychiques et la protection des personnes vulnérables, il a en parallèle passé sa vie à diriger d'importantes associations. Et c'est au patron que je m'adressais avec désarroi en lui demandant s'il avait eu à gérer et à sanctionner des cas de harcèlement sexuel au travail. Sa réponse et les exemples tirés de sa pratique m'ont tour à tour surpris (par leur ampleur et récurrence) ravi (par leur issue) et décontenancé (par leur méthode).
Spoiler : à chaque fois qu'il fut confronté à ce type de sordides histoires, le harceleur fut licencié sans que l'employeur ne verse un euro. Pour arriver à ce Graal de la lutte féministe, il n'a pas employé les méthodes habituelles. Pas de prud'hommes, pas de mise en demeure, pas de lente enquête auprès de la médecine du travail. Une technique plus Panzer division face à une situation en apparence bloquée : une trentenaire en reprise d'études en alternance, harcelée par un cadre quinquagénaire protégé par le syndicat majoritaire. Lorsque la jeune femme a eu le courage de se plaindre à la direction, cette dernière a immédiatement saisi l'inspection du travail. Face au dossier du cadre, ladite inspection ne s'est même pas déplacée et a classé sans suite, faute de preuves.
C'est là où mon maître Yoda m'a dit "quand la loi te mène à l'impasse, passe par la morale. Je suis allé voir les collègues en leur disant que j'avais besoin de preuves pour licencier proprement le harceleur. Je pars de la finalité, je ferme la discussion. Tout le monde a parlé, j'avais mes témoignages". Lors du CCE de l'association, il est arrivé en sa qualité de DG et a dit sobrement "il manque un point à l'ordre du jour". A l'issue de la réunion, le harceleur était licencié.
Je fus décontenancé car Yoda ne m'a jamais paru féministe. Il pouvait même se livrer à des plaisanteries stupides en fin de dîner entre mâles. Mais là, il a agit en marxiste en protégeant le dominé (la dominée, en l'espèce) et en sanctionnant celui qui abuse de son pouvoir de subordination. Bon.
Certains diront que la fin justifie les moyens et que l'ampleur du harcèlement impose évidemment de s'asseoir sur des convenances et des normes juridiques qui ont montré leurs limites. Je pourrais abonder, cela ne me choque évidemment pas. Mais ce qui m'ennuie c'est que cela reporte l'efficacité de la procédure sur un(e) individu et ne donne donc pas les mêmes chances aux autres femmes harcelées. Directeur général et n'attendant aucune progression de carrière, Yoda n'a pas le profil type des dirigeants qui se retrouvent exposées à ce genre de camp. Il existe une foultitude de raisons pour lesquelles des dirigeants (et des dirigeantes aussi) sont trop prudents, timorés ou lâches selon votre niveau d'énervement face à la cause. La morale est un moteur qui va plus vite, mais la loi protège plus loin...
12:16 | Lien permanent | Commentaires (12)
30/06/2019
Ne pas dire qu'on a eu chaud
Alerte rouge, finie. Alerte orange, finie. La France respire à nouveau et les rédactions vont pouvoir reparler de choses essentielles comme les résultats du bac, le Tour de France et bien sûr le must : les destinations de vacances des membres du gouvernement. A la prochaine canicule, il sera à nouveau l'occasion de revoir si la météo hors normes n'a pas un étrange lien de parenté avec le dérèglement climatique. Viendra un jour où les jeunes auront tant séché les cours qu'ils sècheront le bac ; oripeau inutile dans un monde où l'espérance de vie en bonne santé se sera réduite comme peau de chagrin. Ce jour là, il n'y aura plus de tour de France : même dopés, les coureurs ne pourront supporter 200 kilomètres sous 45° et de toutes façons, les fontes des glaces dans les Alpes et les Pyrénées auront niqué la moitié des routes de montagne. Quand aux destinations de vacances du gouvernement, elles seront tenues vraiment secrètes car à chaque fois que l'un(e) d'entre eux ou elles tentera de monter dans un avion, un membre de Fucking Bastards Rebellion lui collera une balle dans la tête...
Comme nous n'en sommes pas encore là, les commentaires disent qu'on a eu chaud et que c'est désagréable. On parle météo et pas climat. "Arrosez les personnes fragiles et mouillez vous le corps plusieurs fois par jour" nous dit le ministère de la santé dans un curieux excès de sous-entendu pornographiques. On nous parle du fait que l'on suffoque en terrasse ou au travail, que les climatiseurs et ventilateurs se vendent. Bien. On ne parle qu'à la marge des conséquences sur l'agriculture et les paysages quand cela devrait être l'écrasante majorité du sujet.
Et aussi, comme dans un curieux procès où l'on interrogerait la culpabilité des juifs dans la Shoah, on donne la parole aux climatosceptiques et aux solutionnistes écologiques sur un pied d'égalité avec les scientifiques, les acteurs de terrain et les lanceurs d'alerte. Pascal Praud n'est pas si isolé. Valeurs Actuelles a fait sa Une sur Greta Thunberg en la traitant de charlatan. Le Point a fait de même. La Tribune, elle dit qu'on peut plus voler en avion et en moins polluer. Laurent Alexandre, plus malin est sur le même crédo : la science va nous sauver et les lanceurs d'alerte sur les dérèglements, sont "des irresponsables qui tuent les générations futures en leur faisant peur".
Dans une vidéo postée sur Thinkerview où il est opposé à Philippe Bihouix et qui a été vue plus de 200 000 fois en 4 jours, le fondateur de Doctissimo avance ce genre d'horreurs : "la forêt progresse en France, l'air est moins pollué dans le monde car le smog a tué 13 000 personnes en 3 jours à Londres, après guerre". Tous éléments factuellement juste en focale courte, mais atrocement faux à l'échelle du globe comme lui rétorque Bihouix.
Si une forme de sylviculture reprend en France, c'est après des décennies passées à déforester et à goudronner et surtout, sorti de notre chauvinisme, le massacre de l'Amazonie est un crime contre la planète irrécupérable. Idem pour l'air, nous n'avons plus d'effets immédiats comme le smog, mais les morts liés à la pollution de l'air à cause des particules fines se comptent en millions dans le monde. Alexandre le sait, sans doute. Mais c'est un jouisseur, un hâbleur et un forcené de la science magique. Alors il accélère et imagine que l'on pourrait aller chercher de l'énergie ailleurs dans l'univers et que bientôt on aura des machines pour déplastifier les océans. Alexandre est chroniqueur dans le Monde, l'Express, LCI et ad nauseam. Il est invité au Parlement, consulté par de nombreuses personnalités. Ses thèses ne sont pas disqualifiées, pas reconnues comme climatosceptiques. Il nous dit "là on a eu chaud et on a mis des ventilateurs dans le studio pour faire l'interview. Nous sommes dans une étuve, mais nous allons nous en sortir car c'est ainsi que le génie humain l'a toujours fait".
La dernière fois que j'ai vu tellement de confiance avec si peu de moyens pour arrêter la catastrophe, c'était quand des généraux français avaient l'absolue certitude que la ligne Maginot arrêterait les Allemands... On a pas fini d'avoir chaud.
19:38 | Lien permanent | Commentaires (156)