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20/06/2019

Bernard Arnault, même pas une journée de solidarité

Dans un papier consacré aux hyper riches 2019, on trouve ceci à propos de Bernard Arnault "La fortune du dirigeant a ainsi augmenté de 2,88 milliards de dollars sur la seule journée de mardi ". Au total, le nabab français du luxe rejoint le club ultra fermé des personnes ayant amassé plus de 100 milliards $. L'équivalent de la fortune totale de la Croatie et de ses 4 millions d'habitants assez riches, ou de la Côte d'Ivoire et ses 26 millions d'habitants plus pauvres. Au rythme où va le magnat du luxe, il devrait dépasser le PIB de la Tunisie dans l'année... Surtout, ne pas s'affoler. On commencera à vraiment s'alarmer quand il atteindra le PIB espagnol...

Du FMI à l'OCDE, de la Banque Mondiale à la Commission Européenne, toutes les institutions libérales bon teint s'affolent de la "dangereuse hausse des inégalités". Obama parle de la "dangereuse hausse des inégalités", Macron aussi... Mais personne ne vise les responsables, comme s'ils étaient anonymes... On ne parle pas des rémunérations somptuaires des cadres, même si certains très hauts cadres de très grands groupes sont bien payés, mais ils ne sont pas légion. En revanche, des magnats qui ont fait fortune sur le dos de travailleurs, là il y en a... Et eux ne sont jamais dénoncés. Pas nomémment. C'est aisé de reconnaître que les inégalités posent problème, mais en poussant un peu la logique, on voit bien que Bezos, Gates et Arnault ont bâti des fortunes sur des modèles qui exacerbent ses inégalités. Et aucune sanction, au contraire que des encouragements, des gratifications, des exemptions fiscales qui permettent à ces insanes fortunes de croître à un rythme de 20 milliards par an depuis deux ans...

Il faudrait rendre la la lecture de l'essai "le capital sans capital" (PUF) de Jonathan Haskel et Stian Westlake qui montrent de façon magistrale la folie et l'inhumanité d'un nouveau modèle économique qui n'est plus fondé sur le travail humain, ni sur les biens. Plus d'usine, pas même de biens, juste de l'image et du flux. Dans le cas de Bernard Arnault, ça ne les ventes de parfums et de robes et costumes de luxe ou d'oeuvres d'art qui lui ont rapporté 2,88 milliards en une journée. Juste le cours d'actions, les actionnaires étant heureux de savoir qu'Alexandre Bompard allait bien licencier massivement chez Carrefour, groupe dont le premier actionnaire est Bernard Arnault... 

2,88 milliards, c'est environ ce que rapporte à l'Etat, la journée de solidarité pour les personnes dépendantes et handicapées, suite à la canicule de 2003. Bernard Arnault pourrait donc permettre à l'ensemble des travailleurs français de travailler une journée de moins. Sans qu'il s'en rende compte, sans que cela change rien à sa vie. Il ne les donnera évidemment pas. Il ne donne qu'aux églises qui brûlent, et encore. On a pris la Bastille pour moins que ça... 

14/06/2019

Social et en même temps sociétal, l'introuvable équation

Le gimmick présidentiel pour illusionner sur une politique capable d'embrasser à la fois la droite et la gauche fait long feu... Evidemment parce qu'un vague écran de fumée "sociétal" la politique Présidentielle est unanimement (à l'exception de quelques membres du gouvernement honteux) jugée comme "de droite". Et c'est bien là où le bat blesse : le progressisme c'est tout pour le sociétal, rien pour le social. Et certains espèrent malgré tout qu'on les remerciera. S'opposer aux plus réacs vous vaut brevet de courage. François Hollande n'hésitait pas à rappeler la détermination de Taubira face aux nervis homophobes de la Manif pour Tous. Certes. Mais cette loi d'égalité de droit, toute juste qu'elle soit, ne pèse pas lourd face à la plus grosse -et la plus injuste- des niches fiscales de ces 40 dernières années : le CICE.... Macron part sur les mêmes bases, Edouard Philippe s'est fait applaudir à l'Assemblée quand il a pris sa voix de stentor pour dire que son gouvernement ne reculerait pas face aux conservatismes et qu'il accorderait la PMA à toutes les femmes. C'est bien. Mais ça ne nous ramène pas l'ISF, la flat tax, le plafond de l'imposition des banquiers.... 

Dans nombre de grandes entreprises, la même lame de fond est à l'oeuvre. On signe la Charte de l'Autre Cercle pour les LGBT, on s'engage dans He for She pour dire que la parité compte, mais de là à accorder autre chose que des miettes sur les profits, ne rêvons pas. Les bonus et dividendes pour le 1% battent des records et si, sous la pression jaune, ils lâchent des primes exceptionnelles, rien de pérenne. La prime, ça n'est ni du salaire, ni de l'intéressement. 

Un patron de grande banque championne d'Europe de la fraude et en même temps de l'optimisation fiscale a un jour brandi son Blackberry (oui oui...) en AG d'actionnaires pour dire qu'il avait reçu 12 000 mails de clients mécontents parce qu'il avait signé la charte LGBT dans sa boîte. Applaudissements. Mais le défilé des sommes volées au bien commun ne provoqua, en revanche, aucune réaction.

Il y a peu, j'ai animé une conférence avec Najat Vallaud-Belkacem à qui j'exposais cette insoluble équation et elle s'est récriée "je ne supporte pas cette hiérarchie, le social n'est pas au-dessus du sociétal". Plus loin dans la discussion elle s'est inquiétée de l'explosion scandaleuse des inégalités comme si ces dernières montaient par enchantement...

Il faudra bien un jour que le politique se reprenne : sur le sociétal, il court après la société, justement. C'est grâce aux mouvements sociaux, qu'est venu le droit à IVG, la dépénalisation de l'homosexualité, le PACS et le mariage... Et à chaque fois, il cède en retard. Le politique lui, devait avancer sur le social avec les corps constitués. Il n'est pas exclu d'avancer sur les deux fronts... 

10/06/2019

Réforme de l'assurance chômage : le macronisme mis à nu

Depuis deux ans que nous sommes entrés en Macronie, on s'est habitués à des expressions telles que "Start Up nation", clivage entre "gagnants et perdants de la mondialisations" ou encore "président des ultra riches" pour caractériser la politique présidentielle. Mais, plus que tout autre, encore plus que la flat tax ou la suppression de l'ISF, la réforme de l'assurance chômage qui va être votée ces jours-ci incarne la vision la plus pure du macronisme : les pauvres le sont par leur faute et il faut donner à ceux qui veulent créer la possibilité du mouvement. 

La réforme se singularise par deux mesures qui ne peuvent qu'aggraver les inégalités face à l'emploi dans ce pays. D'un côté, au lieu d'avoir dû travailler un minimum de 4 mois sur les vingt huit derniers mois, les chercheurs d'emplois devront désormais avoir travaillé six mois au cours des vingt quatre derniers pour avoir le droit aux allocations. Un passage de 1 jour sur 7 à 1 jour sur 4, soit un bond considérable ! Pas besoin d'avoir fait une longue ethnographie à Pôle Emploi pour comprendre que ceux qui vont se retrouver radiés (et donc, évidemment, faire baisser les statistiques du chômage / là où il y a de la gêne y a pas de plaisir) sont déjà les plus éloignés de l'emploi. Les plus de 50 ans, en premier lieu, pour qui on voit mal comment le fait de se retrouver dans une précarité accrue sera un facteur positif pour retourner vers l'emploi... 

De l'autre, on va mettre 280 millions (280, putain...) pour permettre aux démissionnaires ayant déjà beaucoup cotisés de bénéficier de l'assurance chômage. Une espèce de extension/généralisation de la rupture conventionnelle. En somme, on va permettre à tous ceux qui sont en "bore out" et autres extension du domaine de l'ennui, d'aller monter leur start up en leur accordant des droits auxquels ils n'avaient naguère pas accès. Il suffit de s'être baladé (hélas...) une fois à Vivatech ou de lire des bios de start uppeurs pour voir que la majorité d'entre eux se sont lancés soit pendant leurs études (merci papa, merci maman pour me permettre le début sans fonds) soit suite à une rupture conventionnelle. Je ne veux pas jouer les schtroumpfs grognons, on peut se féliciter du dynamisme de créations d'entreprises, mais pas forcément sur fonds publics, ou alors très plafonnés.

Si on prend les premier(e)s, celles et ceux qui vont être victimes du durcissement, il s'agit de travailleurs(euses) majoritairement peu qualifié(e)s et donc peu rémunéré(e)s, à qui on va enlever quelques centaines d'euros vitaux. En perdant leurs droits, l'accès au RSA n'étant pas automatique, on expose ces personnes à une confrontation du jour au lendemain avec la très grande précarité. De l'autre, les démissionnaires qui vont réclamer d'accéder aux allocations, sont, eux (elles), majoritairement, très qualifié(e)s et plus rémunéré(e)s. Ils (elles) mettront en avant le fait qu'ils (elles) ne toucheront que 57% de leur dernier salaire brut ou 70% nets. Mais on peut garder son mouchoir pour ne pas pleurer. Les salariés qui passent de 3 000 euros à temps plein à 2 100 euros d'assurés avec 100% de leurs temps pour monter un food truck sans gluten ou une plate forme d'échange de lave vaisselle entre particulier sont-ils vraiment à plaindre ? De qui se moque-t-on ? Des électeurs, et on a bien raison, puisqu'ils ont voté pour cette injustice folle... 

Les ordres de grandeur sont à vomir. D'un côté, on va mettre une pression insupportable sur les plus précaires pour économiser quelques dizaines de millions d'euros. De l'autre, on offre une prébende de 300 millions, 300 millions soit exactement le montant pour lequel le MEDEF réclame depuis des années la mort du régime de l'intermittence (ils prétendent, même si leurs chiffres varient, que l'ensemble des intermittents seraient déficitaires à l'assurance chômage de 300 millions), une exception politique qui nous vaut d'avoir la culture vivante la plus dynamique au monde pour permettre à ceux qui peuvent déjà monter une entreprise de la monter encore plus facilement ou de se faire quelques mois de farniente moins bien payés mais sans précarité, avant de reprendre un bullshit job bien payé. 

Cette réforme est infâme et ne repose que sur un justificatif que l'on retrouve chez Macron alors qu'il était encore rapporteur de la commission Attali, puis ministre et maintenant Président : il faut encourager le mouvement et la fluidité des entrepreneurs et se montrer plus sévère avec les pauvres qui sont pauvres car ils ne veulent pas réussir.