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09/06/2019

A quand une destruction créative écologique ?

C'est fou comme, dès qu'on parle d'écologie, l'imagination des libéraux se rétrécit comme peau de chagrin. Au point que sortis de "croissance verte", leur vocabulaire s'étiole. Bizarrement, ils sont même incapables de repeindre leur autre classique, "destruction créatrice", en vert. Et cette incapacité de Schumpeter à s'adapter en dit long sur l'arnaque qui vient.

Le "chantage à l'emploi" est sans cesse brandi dès que l'on veut limiter le trafic aérien, empêcher la création d'une usine de raffinerie d'huile de palme Total ou fermer des usines à pailles en plastiques. Ou était-il ce chantage quand Amazon est venu défoncer le réseau de libraires en zones rurales ? Ou était-il quand AirbNb s'est attaqué au marché de l'hôtellerie ? Lost in transition, sans doute.

Donc, on nous ressort le chantage à l'emploi pour les malheureux ouvriers de l'aérien comme on va pleurer sur les exploitations agricoles que l'on risque de mettre en péril si on les contraints à se passer de glyphosate... Mais où est-il le puissant mythe de la destruction créatrice qui pourrait parler de 100 000 emplois dans les mobilités douces et ferrées et un million d'emplois maraîchers de proximité ? En théorie, on ne pleure jamais les emplois qui disparaissent puisqu'ils annoncent d'autres qui vont fleurir.

Si mes chiffres paraissent exagérés, ou à tout le moins optimiste, je reconnais qu'ils ne se fondent sur aucun autre fondement que ma volonté... Exactement comme font les schumpeteriens avec leurs nouveaux jobs. Les très documentés études de Patrick Artus soulignent qu'après une vingtaine d'années de révolution numérique, nous sommes triplement perdant avec la destruction créatrice. 1/ Le volume total d'emplois crées est plus faible que celui qui ont été détruits (logique, grâce aux gains de productivité). 2/ Les emplois crées sont beaucoup plus inégalitaires qu'avant avec une poignée de développeurs et créateurs bien payés pour une majorité de soutiers très faiblement payés. 3/ Les nouveaux emplois sont beaucoup plus précaires : avec l'explosion de l'auto-entreprenariat et autres statuts précaires, les emplois qui repoussent sont souvent faméliques. L'ultime avatar de ces malheurs sont les rechargeurs de trottinettes, tous auto-entrepreneurs payés à la tâche...

En face, on pourrait mettre des millions d'emplois pérennes et non délocalisables : on aura toujours besoin de manger et d'énergies propres au service de mobilités non carbones, de chauffages où l'on respire... La seule différence, c'est la calculette. Cette destruction verte, fondée sur la basse consommation et la sobriété, ferait sans doute baisser le PIB. Et ça, c'est sacrilège.

Dans "des marchés et des dieux", Stéphane Foucart souligne les parallèles entre le libéralisme et la croyance religieuse. Il semblerait qu'à la suite des révélations de scandales pédophiles dans l'église, le nombre d'apostasies explose. Il serait bon qu'à la suite des publications scientifiques sur les ravages du capitalisme dérégulé sur le climat, nombre de libéraux fassent leur renoncement à leur religion proprement mortifère. 

 

04/06/2019

Il est permis d'interdire

L'actualité nous apporte un éclairage dramatique du retournement de la pensée 68. Dans "Le Nouvel esprit du capitalisme" Luc Boltanski et Eve Chiapello montrent comment le capitalisme ingère et reprend pour lui les critiques qui lui sont faites : les deux maîtres mots de la contestation ouvrière et étudiante en 68 étaient "liberté" et "autonomie", lesquels deviendront les maîtres mots du programme du MEDEF, en 2000. On pourrait ajouter comme exemple que les murs jouxtant les barricades étaient ornés de tags "il est interdit d'interdire", désormais mantra des ultra libéraux du gouvernement.

Hier, à l'Assemblée, Delphine Batho et plusieurs députés de la France Insoumise ont fait une proposition de bon sens : interdire les vols partout où existe une alternative ferrée de moins de 5h. Exit les Paris/Lyon, Paris/Bordeaux ou Paris/Nantes qui, contre toute rationalité demeurent pour une clientèle business qui veut gagner quelques minutes, quand le lieu de rendez-vous est plus proche de l'aéroport que de la gare ou accumuler des miles pour un futur voyage aux Seychelles bradé... Nos voisins nous donnent l'exemple puisque les vols entre Bruxelles et Amsterdam ont été supprimé récemment, par exemple. Mais interrogés hier, François de Rugy et Elisabeth Borne se sont dits "sans réserve contre l'interdiction fera diminuer l'avion".

Une réflexion d'une stupidité sans nom. Anachronique. Bien sûr qu'il ne restent "que quelques vols", mais ils sont de trop. Et ils sont exclusivement le fait d'une clientèle business qui acceptent de payer 5 fois le prix du train par convenance... Mais comme le rappelle fort justement Hervé Kempf dans son livre enquête "comment les riches détruisent la planète", les 10% les plus riches du monde sont responsables de 46% des émissions de CO2 et parmi ceux-ci, les 1% sont plus coupables. Encore une illustration de défense de classe avant le climat. 

Et on peut étendre l'exemple alors que le CETA entre définitivement en vigueur : au nom du libre marché sans entrave, on fait entrer chez nous des denrées alimentaires avec des garanties sanitaires et écologiques bien moindre qu'en Europe... Dans le même temps, les paysans bretons déversent des tonnes de tomates que personne n'achètent car elles souffrent de la concurrence de cousines espagnoles ou marocaines, élevées sous serre et dont le goût à un vague cousinage avec la tomate... Rapport après rapport, tous les scientifiques rappellent que ces transformations agricoles causent des maladies graves, mais, pris d'une curieuse amnésie, les députés évitent de s'y opposer lorsqu'on leur pose la question.

Il n'y a pas de planète B et on ne négocie pas avec le réchauffement climatique, raisons pour lesquelles les politiques de demain devront remettre à l'ordre du jour ce mot aujourd'hui frappé d'infamie par les libéraux : interdiction. Dans une vaste enquête sur les jeunes (reprise par le magazine "Twenty") et la démocratie, le résultat donnait, plus qu'une envie de dictature, un "pragmatisme autoritaire". Les jeunes ne veulent pas perdre leurs libertés individuelles, ils ne veulent pas la fin du pluralisme politique, mais ils sentent bien qu'on ne progressera pas pour le climat avec des compromis type COP. Ce qu'ils disent, en somme, c'est : vous êtes informés, vous êtes renseignés, vous savez qu'il y a trop de terre rare dans les I Phone, de pesticides dans les tomates, de CO2 dans le transport aérien et de sable dans les jeans : votez les lois qu'il faut pour que ça soit interdit. Y a plus qu'a... 

26/05/2019

Ne pas se tromper d'accusé(e)s

Cruel paradoxe de cette élection pour les électeurs(rices) de gauche : le tiraillement entre 2 ou 3 listes aura concerné nombre d'entre nous jusqu'au jou du vote. Bien plus fort encore qu'en 2017, alors que le total des forces ce soir sera faible, en %, et dérisoires, en élu(es). Hier, j'ai eu de nombreux échanges privés avec des indécis de la dernière minute et nous nous renvoyons des balles argumentatives molles. "Le passé au Parlement, ça compte. Dans quel groupe vous siègerez ? Si t'as pas 5% ça sert à rien. Qui décide qu'une liste n'est pas à 5% ? Celles et ceux qui votent". Ad lib.

J'ai personnellement longtemps hésité et si je voterai Brossat, il y a d'autres bulletins que je comprends tout à fait pour des raisons de logique historique et institutionnelle, ou pour un très bon casting (je parle d'une ex responsable d'ONG engagée contre la fraude fiscale...). Et ce que je déplore, au fond, c'est la rapidité avec laquelle nous nous opposons entre électeurs pour des choix que nous subissons. Nous nous renvoyons des anathèmes, des déchirements, des querelles, des procès qui ne sont pas les nôtres. 

Par pudeur en ce jour de vote pour un idéal de paix, je m'en voudrais de lister les noms de ceux (peu de "celles", en l'espèce...) qui ont mis leurs égos en avant pour empêcher une union, une fusion, une résurgence. Mais à cause d'eux, ce soir la gauche va prendre une dégelée quand les grands enjeux de l'époque sont celles de ce courant de pensée. 

Six mois de mouvements de gilets jaunes, lesquels ont mis en avant la France des oubliés, le manque de service public et les ravages de la fraude fiscale : ce soir on aura en tête 3 listes et 60% des voix pour ceux qui promettent  (et font....) de diminuer encore le nombre de fonctionnaires, de maltraiter leurs conditions de travail, et macache pour la fraude. Six mois aussi de marches pour le climat, des milliers de jeunes encore dans la rue, hier. 1 million dans le monde. Et les pro glyphosates et FNSEA feront carton plein. 

Ce, car si nous étions dans Games of Throne, nous avions vu l'armée des morts arrivée et nous avions refusé l'union. Résultat ? Balayés... 

L'an prochain, il y aura les municipales. Dans ces élections locales où le pluralisme et le pragmatisme sont la base pour chaque dossier il n'y a littéralement aucune raison de ne pas faire d'union. Se rassembler d'emblée pour travailler sur des programmes locaux d'énergies propres, de transports verts, de circulation limitée, de piétonisation des centres villes et d'empêchement des centres commerciaux pour les faire revivre. Une fois la feuille de route écrite, on tirera au sort le leader. Pour éviter de recommencer une funeste erreur. Sur ce, malgré la débâcle annoncée, m'en vais voter.