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04/01/2014

Quand j'entends cette conception de la culture...

bouddhiste-enfant-pistolet-jouet_pics_809.jpgJe dois avoir l'esprit mal tourné, mais je me demande si les tenants d'une certaine exigence culturelle n'ont pas intimé ce rapport à Aurélie Filipetti pour mieux torpiller l'idée même d'une politique culturelle étatique forte. Pour ceux qui en ce début d'année ont décidé de ne pas replonger leurs têtes dans l'étau de l'actualité, je fais référence à un rapport soulignant que l'Etat investit 13 milliards d'euros dans la culture, qu'on peut lire la. Un rapport si bête qu'il donne envie d'appeler au désengagement de l'Etat et aux financements par les seuls philanthropes sur un modèle à l'américaine. Par ce que si payer des impôts doit servir une telle bouillie, autant abandonner...

L'intention de départ était noble, donc on peut la rappeler : souligner que la culture, en tant que politique nationale, n'est pas que pure dilapidation des subsides publiques pour complaire à quelques parasites et engraisser des saltimbanques sybarites même pas reconnaissant de leurs bienfaiteurs. Déconstruire des clichés pour réaffirmer une politique. Entendu.

Mais lorsque l'on regarde les postulats de départ des auteurs, on se pince et pas qu'un peu. Pour atteindre le dodu chiffre de 13 milliards, les auteurs ont intégré... la publicité. Mais tout à fait. "Heureusement, il y a Findus", "Si Juvabien, c'est Juvamine" et autres conneries ? Culture. Ha... Ils ont aussi intégré l'ensemble des investissements dans l'audiovisuel public, lequel compte sans nul doute une part de programmes à vocation culturel, s'entend, mais "des chiffres et des lettres ?" Le journal de la Santé ?" Télématin ?" "Fort Boyard" ? Et encore, je reste poli. Je ne parle pas de Ruquier ou autres conneries dont j'ignore tout car je me préserve tant bien que mal en étant pas équipé d'un téléviseur. En clair, on a engraisser la grenouille pour lui faire atteindre la taille d'un boeuf aux hormones et ainsi pouvoir parader. Mais a t'on encore le droit de parler du résultat ? Noyé dans ces chiffres gras, se trouvent de véritables pépites culturelles qui poussent et on insistent pas assez dessus.

Si j'avais l'esprit mal tourné, je dirais que l'Etat a commandé un rapport à la gloire d'une action forte quantitativement, car d'un point de vue qualitatif, le résultat aurait été plus contrasté. L'essor très important du financement participatif (crowdfunding) dans les nouvelles industries culturelles les plus réussies et les plus audacieuses souligne les limites de l'Etat-Providence qui ne peut pas en même temps être un Etat créateur. Et ça, pour Filipetti c'était inaudible. Alors même que cela se plaide parfaitement : le rôle de l'Etat est de diffuser, d'essaimer, de donner envie. Pas d'ériger et de subventionner un art officiel, les régimes politiques ayant fait cela dans l'histoire ayant généralement eu une passion modéré pour la démocratie... Curieuse résurgence d'un déterminisme étatique par ego mal placée d'une ministre trop sur le reculoir à son goût.

En outre, pourquoi tendre le bâton à ce point pour se faire morigéner en excluant purement et simplement du calcul le régime des intermittents du spectacle ? Régime dont on apprend au passage qu'il est déficitaire de "300 millions à 1 milliards d'euros". Laisser ainsi des ordres de grandeur supérieur à ceux des comptages de manif relève également de l'intelligence discrète. Car cela revient évidement à dérouler le tapis rouge aux tenants du comptage supérieur. Induire donc que le système coûte 1 milliards d'euros par an, sans autre forme de procès. Alors même que la majorité du déficit est lié aux dérapages de sociétés audiovisuelles tout à fait profitable, on maintient ce poison du doute sur les frêles épaules économiques du spectacle vivant. Pas glop...

In fine, j'espère sincèrement qu'il ne sera pas fait trop de publicité (gratuite, sinon il faut revoir les chiffres du rapport à la hausse) à cette initiative arithmétique aussi hardie que malvenue. Et que l'on pourra inscrire cette grande pensée de Desproges sur le fronton du ministère, rue de Valois : "la culture, c'est comme les parachutes : quand on en a pas, on s'écrase". Ca suffit à justifier bien des investissements sans avoir besoin de travestir des émissions de décerbération en politique culturelle ambitieuse... 

02/01/2014

Moins de cow-boys et d'indiens en 2014 ?

The-Silenced-War-Whoop-1100x790.jpgDans un des premiers épisodes de la série A la Maison Blanche (the West wing) un des conseillers du président des Etats-Unis, Josh Lyman, fait part de son appréhension au chef "nous parlons de plus en plus de nos ennemis". Et le président d'abonder. La phrase est anodine et correspond pourtant à une réalité socio historique forte, suite à la fin de la Guerre Froide, le consensus dans un monde adepte du libre marché n'est pas venu. Notamment parce que le cerveau humain a besoin d'un ennemi pour se développer. L'adhésion, la collaboration, l'agrégation ne constituent pas une colle humaine suffisamment forte. Du moins pas au point de détrôner la nécessaire tentation compétitrice, quand ce n'est séparatiste ou belliciste.

Depuis cet épisode filmé en 1999, il y eut quelques événements mondiaux qui ont accentué cette vision belliciste de l'existence. Le 11 septembre bien sûr, qui a réactivé pour le plus grand bonheur des va-t-en guerre un ennemi tout désigné sur la planète -les barbus- mais aussi, de façon paradoxale, la démocratisation d'Internet. Thèse aujourd'hui encore très controversée tant nombre d'intellectuels se sont engagés en faveur d'Internet en tant qu'outil résolument démocratique, à la limite du communisme. Mettant à disposition un flot historique de connaissances, les tuyaux du web allaient permettre une élévation sans précédent des connaissances humaines et donc, diminuer les conflits. My ass. Il faut relire les flots de conneries ayant entouré la naissance de la télévision, on retrouve le même genre d'utopies. Dans les 2 cas, il suffit de faire un commentaire de texte de Rabelais et de son "science sans conscience". Idem pour l'extension des médias de masse : sans éducation préalable, ils n'ont pas de raison de constituer un progrès intrinsèque.  

Je pense vraiment que l'un des plus grands essais de 2013 est "La démocratie des crédules" de Gérald Bronner (PUF) pour sa démonstration de ce que le web est un espace qui produit de la "mêmeté" idéologique, notamment parce que les gens ne se LISENT pas. Et aussi parce que les gens n'APPRENNENT pas comment chercher. Du coup, le web renforce leurs acquis, leurs convictions et alors même que les citoyens n'ont jamais disposés de telles sources. De fait, le web sert à renforcer les convictions de ceux qui vont dessus, guidés par leurs communautés, alors même que l'ensemble des thèses existent. Bronner montre bien comment l'architecture du web et des réseaux sociaux -l'archétype est l'existence du "like" sans "dislike" ou autre type de nuance- est un vaste hangar d'approbation qui peut se révéler dangereux...

Aux Etats-Unis, cette hystérisation croissante, cette opposition des uns et des autres est de pire en pire. L'Institut YouGov a montré la progression croissante de la part du "Bashing" dans les débats politiques : en clair, vous passez plus de temps à dénigrer vos adversaires, qu'à avancer vos idées. Navrant. Surtout quand le même institut pointe une hausse inouï des mensonges factuels. Vous démontez l'ennemi à coups de rumeurs, de croyances, de faits mal digérés colportés par ceux de votre camp sans écouter l'adversaire. La France n'en est pas là, heureusement. Mais cette vilaine pente, nous l'empruntons aussi. 

Deux exemples récents tirés de ma propre expérience (bon point d'observation dans la mesure où j'arrive à me regarder correctement) m'ont rappelé (j'étais relativement au courant) l'homogénéité forte de mon réseau numérique. Je ne fais rien pour la contrôler, l'organisation en rizhome d'Internet est ainsi faite qu'elle attire les "likant" et éloigne les "dislikant". Pas exclut. Tout ceux qui me connaissent réellement savent ma passion pour le débat, le conflit, les idées. Je ne retire personne de mes contacts facebook, ne prohibe personne, n'enlève pas les commentaires qui me déplaisent. Car j'aime le débat, le conflit, l'opposition d'idées. Et que ce soit sur des thématiques sociétales -mariage pour tous, euthanasie à venir- ou plus politiques -ras le bol fiscal- voire inclassable -Dieudonné- l'évidence veut qu'à une exception près (il s'appelle Patrick Bertrand et dirige une très belle assoc Passerelles & Compétences) mes détracteurs pourrissent mon mur Facebook sans m'avoir lu. Et ça me navre. Pas pour le mur. Mais pour ce que cela dit de la violence des échanges en milieu tempéré. Parce que je pense que ce mur peut refléter un micro bout du débat sur le mur France. D'ailleurs, mes détracteurs sur les questions ecclésiastiques m'ont  récemment avoué, la boisson aidant, m'avoir retiré de leur fil d'actualité. Ne même pas lire. Etrange... Sur un mur ataviquement acquis à des thèses sérieuses comme l'enfantement d'une vierge, mes réserves casuistiques n'avaient pas leur place. Exit donc le doute laïque.

Je m'éloigne de mon cas, sans intérêt, pour revenir aux millions d'opposants au Président Hollande. Ce qui me chagrine vraiment est qu'ils hurlent encore qu'aucun débat n'a eu lieu. On peut reprocher beaucoup de choses -j'ai une liste longue comme le bras- à ce gouvernement mais pas ça. Le débat sur le mariage pour tous s'est étalé sur un temps record, un nombre d'amendements, de dialogues et d'échanges incroyables. Mais couvert par le brouhaha. 

Je sais bien que l'opposant à ces idées lisant ce texte me dira que je me comporte en cow boy et ça me navre derechef. Car si la tempérance ne fait pas partie de mes vertus et que la surenchère, parfois nimbée de mauvaise foi, m'habitent, j'écoute toujours ce que dit l'autre. Pour la bonne et simple raison que c'est la seule manière de le démonter. L'exemple récent de Dieudonné m'a montré que la parole sur ce sujet était impossible : vous êtes avec ou contre. Un dialogue avec un étudiant pro Dieudonné m'a vraiment chagriné. Il n'entend pas que je suis pour la liberté d'expression. Mais l'antisémitisme n'est pas une expression ou une opinion, c'est un délit. Je lui montre, extraits vidéos à l'appui que Dieudonné n'est pas antisioniste, mais complètement antisémite. Il me répond en substance "c'est des beaux enfoirés à la LICRA". Il n'y a pas d'échanges possibles. Et ça, c'est l'expression la plus absolue de la défaite de la pensée. Puisse 2014 inverser cette tendance. En ce début d'année, il est permis de rêver. En plus c'est gratuit ce qui devrait créer un consensus. 

31/12/2013

Suzanne cherche existence, désespérément

SUZANNE2013.JPGEn France on n'a pas de pétrole, mais on a des films aux sujets bruts et noirs. J'avais entendu beaucoup de bien du deuxième film de Katell Quillévéré et à l'évidence en sortant je ne pourrais dire autre chose. Rien à redire.

Bien filmé, fort bien joué, belles éllipses au bon moment pour 1H28 presque à l'os. Tant qu'à aller dans l'épure, je crois que le film aurait gagné à s'éviter quelques épisodes façon ça continue en gore et en gore. Une noirceur de suie si opaque que le soleil semble bien loin (sauf sur la, trompeuse, affiche du film).

Ce disant, je m'en voudrais de déflorer le scénario. Disons juste que dès les premiers plans, on voit qu'elle est orpheline de mère que son père routier ne s'offre guère de distractions et qu'heureusement qu'on est dans le sud (Alès, puis Marseille) parce que s'il fallait ajouter la grisaille, on se fait les veines. 

J'imagine que c'est ce que les critiques appellent du "cinéma social d'auteur". Pas riant, quoi. Pas de belles bouffes, de belles fringues, de dialogues riches et enlevés. Non, des bouffes fades avec du vin lourd, de la musique trop forte, des fringues criardes et des bagnoles défoncées. Pourtant Quillévéré n'en rajoute pas, tout sonne juste. Elle a juste décidé de filmer l'insignifiant, le plus banal et triste. Le seul procédé esthétique consiste à enlaidir considérablement et à enlever toute dimension charnelle à Sarah Forestier. Mais à part cela, rien n'est alourdi, grimé, truqué. La caméra de Killévéré s'attarde sur ce que le cinéma français ne filme plus, ce que Pierre Sansot appelle "les gens de peu". Pas de chômage, d'alcoolisme et autres. Non, des gens qui bossent dur, sans menace de plans sociaux, mais sans promesse illusoire de promotion non plus. Alors, au milieu de tout ça, quand l'amour frappe, tambourine, s'engouffre dans le film, on sent que les choses vont être délicates... Et c'est le cas. Pour le reste, je vous laisse juges, en tout cas la BO est particulièrement bien choisie. Plutôt que des films laids sur les belles vies, pourquoi ne pas finir l'année ou commencer la suivante avec un beau film sur des existences âpres ? Ca aide beaucoup à relativiser ses propres tracas.

Sur ce, bon excès et à l'année prochaine.