05/04/2021
Pavlov et Baygon Vert
A voir les réactions provoquées par Léonore Moncond'huy, j'imaginais qu'elle avait décidé d'interdire le survol de Poitiers aux avions, qu'elle menaçait de sanctions les titulaires de permis avion, qu'elle retirerait des boutiques de jouets les avions pour ne pas mal influencer les enfants et enfin, bien sûr, qu'elle demanderait l'exclusion de tous les enfants des écoles de la ville s'amusant avec des avions en papier, pour apologie du terrorisme anti écolo.
Dans les faits, la maire de Poitiers a décidé à propos d'une asso ayant 337 000 euros de budget annuel de passer la subvention municipale de 8 à 4000 euros. Soit de 2% à 1% du total. Dans une démocratie sereine, la polémique s'arrête là. C'est une décision indolore, insignifiante, mais comme les responsables de l'asso sont dans la salle, ils faut justifier cette baisse, et la maire de dire que, logiquement, la mairie écolo ne veut pas soutenir des loisirs aériens. A quel moment de démence cela pose problème ? Elle n'interdit rien, ne limite rien, ne pose aucun problème à l'aérien, elle dit juste qu'avec ses maigres moyens, elle va soutenir d'autres assos.
Derrière, une campagne ignoble, d'une démagogie sans nom, montre des enfants handicapés vivant un baptême de l'air et sous-tendant que Léonore Moncond'huy ne les aime pas, qu'elle veut les priver de joies simples. On convoque Icare, St Ex, et Blériot, le "génie humain"... 1%. Elle a supprimé 1% du budget de l'asso...
De même qu'on peut rire de tout mais pas avec n'importe qui, on peut accepter toutes les décisions politiques, mais pas de n'importe qui. Vous coupez des subventions à l'Opéra ? C'est bien, il y a des priorités en temps de crise. Ha, vous êtes écolo ? C'est mal, vous détestez les élites et vous êtes populiste. Vous mettez des repas sans viande dans les cantines ? C'est bien, ça donne des réflexes et vu les budgets de cantines, c'est souvent de la viande de mauvaise qualité, mieux vaut des bons légumes. Ha, vous êtes un maire écolo ? Mais vous voulez tuer les gosses et assassiner les éleveurs ! C'est un réflexe, au fond, Baygon Vert. Taper sur les écolos, ces "bobos déconnectés des réalités et des traditions et qui n'aiment pas le progrès". C'est vrai que vouloir, non pas enrichir, mais permettre aux petits producteurs en agroécologie de vivre avec des commandes scolaires sûres plutôt que d'engraisser Sodexo et Elior, c'est un crime de bourgeois. Et le progrès ? Léonore Moncond'huy ne croit pas à l'avion à hydrogène, la péronnelle ? Ne sait-elle pas que les vols Air France sont neutres en Co2 ? C'est écrit sur les billets : à chaque Paris-Bordeaux (ça existe encore, si si) la compagnie replante 3 000 arbres...
Les choix des exécutifs locaux reflètent des choix, justement. Que des écolos soutiennent d'autres loisirs que l'aérien, c'est logique. Qu'une duchesse, réac et aveugle aux difficultés sociales comme Valérie Pécresse ait coupé l'écrasante majorité des aides aux emplois d'insertion dès le début de mandat et plus récemment, à la construction de logements sociaux, devrait autrement faire crier. On parle de la région la plus riche et la plus inégalitaire d'Europe, arrêter de financer le logement social, seul moyen pour nombre de personnes d'avoir un toit sur la tête me semble plus préjudiciable. Quid de Laurent Wauquiez qui abonde pour les aides aux chasseurs, finance des canons à neige mais coupe tellement de soutien à France Nature Environnement que cette dernière doit licencier 50 personnes ? Pas de polémique nationale, non plus. C'est de la bonne gestion.
Le réflexe Baygon Vert, de tirer sur les écolos est plus que présent quand le Baygon Jaune, la couleur des briseurs de grève, semble avoir déserté les placards des commentateurs. Mauvais choix...
16:29 | Lien permanent | Commentaires (0)
04/04/2021
Quel niveau d'abstention des jeunes pour qu'on en parle ?
Hier, une double page du Monde titrait "Marine le Pen premier vote des 18-24 ans. La jeunesse décomplexée". Un papier d'analyse longue cherchait à comprendre les racines de la radicalisation des jeunes, une chercheuse spécialiste du vote des jeunes (Anne Muxel) de compléter les raisons expliquant "une envolée" de l'adhésion des jeunes au discours le Pen. Bon.
Au début du papier, en deux lignes, on balayait un argument comme une paille : alors que 80% des français.es sont certains d'aller voter pour la présidentielle, cette part chez les 18-24 ans est de.... 58%. La présidentielle, la mère des batailles dont on parle tout le temps, la plus simple à intégrer, près d'un sur deux préfère bouder les urnes. Je n'en déduirais vraiment pas qu'ils s'en cognent, loin s'en faut. Mais par là suite, faire tout un papier plein d'aplomb, de certitudes, sur un corps électoral aussi ténu, faible. 42%, putain. Et encore, ça reste pusillanime comparée aux 72% d'abstention lors des municipales l'an passé.
Globalement, l'obésité croissante de l'abstention est un drame, mais elle m'interpelle tout particulièrement chez les jeunes, génération sacrifiée par le Covid, génération qui prend dans la gueule une claque à court, moyen et long terme. L'interdiction de vivre des choses de leurs âges, de fêter, célébrer découvrir comme nous le fîmes à 20 ans. Empêchés de se projeter, de s'imaginer, de s'envisager, avec leurs études empêchées, leurs apprentissages freinées, difficile de croire aux lendemains chantant. Et à long terme, les modèles de providence sociale s'éloignent pour eux. La seule solution pour les récupérer, ces mécanismes solidaires, c'est un très très puissant coup de gouvernail qui réalloue des monceaux d'argent dans de nouvelles protections : une Sécurité Sociale Alimentaire pour qu'on assiste plus à ces défilés devant des banques alimentaires associatives, mais remettre ces prérogatives dans le giron public, donner des droits et des espaces dédiés pour que celles et ceux qui ne peuvent remplir leur frigo puissent le faire dignement, gratuitement, avec des produits sains. Donner des revenus universels pour ne pas subir le n'importe quoi, l'inhumanité des métiers à la tâche comme livreur... La métropole de Lyon l'expérimente d'ailleurs, actuellement, mais sur deux mille jeunes, pas encore de quoi donner des rêves de changement d'échelle.
Dans les marches pour le climat, la moyenne d'âge est basse, comme dans les ZAD, les mouvements zéro waste, les néos ruraux, les aspirants aux tiers lieux. Ne croyant plus à un soulèvement par les urnes, une part de la jeunesse se prend par la main. Mais une grande part ne croit pas à ça et cherche des solutions plus simples : le problème, c'est l'autre. L'étranger, le migrant, le musulman et le haut fonctionnaire européen qui est un allié des premiers, c'est bien connu. Alors que les jeunes générations ont besoin de changements politiques vraiment radicaux, une part croissante dit justement que la marche est trop haute pour être atteinte et fait du refus d'obstacle (ou d'isoloir) et parmi ceux qui restent, une part croissante préfère la marche arrière vers de chimériques hiers plus rutilants. Nous ne méritons pas autre chose que leurs crachats.
09:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
31/03/2021
Dans quel régime sommes nous ?
Je ne sais pas ce que dira Macron, ce soir à 20h. Personne ne sait, fors le Président lui même. Les épidémiologistes, les scientifiques, les partenaires sociaux et économiques, les conseillers politiques, tous pissent si fort dans un violon que le malheureux instrument n'est plus jouable, offrant une magnifique allégorie de ce que subissent les professionnel.les de la culture de ce pays.
C'est assez dingue, tous les parents qui s'appellent pour s'organiser : "tu fais quoi toi si ça ferme ?" C'est probable, mais pas certain, n'a-t-on pas déjà assistés, médusés, à une volte face fin janvier quand l'inéluctable fermeture nous était promise ?
Quelle tristesse que de nous voir englués dans un présentisme permanent, obligés et contraints de nous adapter par obligation et non par choix. Et tout ça parce qu'une personne décide seule et terrorise tellement tous les autres que plus personne ne peut décider autrement en attendant. On l'a vu sur des choses aussi triviales que les vaccinodromes qui relevaient du bon sens puisqu'il faut partout et tout le temps, dont Macron ne voulait pas "par peur des images de stades vides" et qu'il appelle désormais de ses voeux....
Nous ne sommes évidemment pas en dictature, les images des quais de Saône bondés après le couvre feu en atteste. La possibilité de critiquer le leader maximo est puissante et pas un opposant au Néo Nobel de médecine ne dort en prison ou n'a vu ses enfants abattus pour perfidie contre le régime. Pour autant, hier en me promenant le long du Canal Saint Martin, j'ai vu deux jeunes femmes donner leur carte d'identité et se voir infliger 135 euros d'amende pour le crime abominable de boire une bière au grand air sans masque. Le temps de la verbalisation elles avaient remis les masques et essayaient mollement de contester mais les Pandores avaient choisi leurs victimes. Les nervis plus vindicatifs ne se faisaient pas contrôler, les rapports étaient vraiment ceux de chats et de souris peu décidés à s'affronter pour de vrai.
Nous ne sommes pas en dictature, mais nous ne sommes franchement plus en démocratie quand toutes nos vies sont suspendues à la décision d'un bonhomme égotique comme je n'en ai jamais vu (et j'ai interviewé Gilles Kepel...) et impossible à suivre. Suivre les avis du conseil scientifique n'était déjà plus de la démocratie : personne ne les a élu, personne n'a soutenu leurs mesures et leurs avis successifs, contradictoires et oubliant des "trous dans les raquettes" (les 3 millions d'indépendant.es, les intermittent.es, les gérant.es et j'en oublie) mais il y avait une forme de cohérence. En 2020, on appliquait les décisions d'une poignée. Même ça c'était trop, maintenant nous sommes suspendus à la vision d'un seul. Un peu comme si nous suivions Jeanne d'Arc qui est sûre et certaine des voix qu'elle a entendu. Voilà en quel régime nous sommes : nous sommes en crise mystique.
11:39 | Lien permanent | Commentaires (0)