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10/05/2021

Droit de se taire

En 2009, le premier secrétaire du parti socialiste, François Holande, publiait un gros livre mou, Droit d'inventaires, dans lequel il distribuait des bons et mauvais points aux mandats de François Mitterrand et Lionel Jospin. Il était évidemment plus louangeur avec le premier qui lui avait fourni un poste très en vue à la presse alors qu'il n'était pas trentenaire et beaucoup plus rêche avec le second qui ne lui accorda jamais de chaises, ni même de strapontin gouvernemental.

Deux chefs, deux époques, deux manières d'accompagner le moins mal possible l'accélération forte de la mondialisation et l'effondrement des normes de protection sociale et environnementale. Il y à évidemment des passifs, et pas seulement le Rwanda chez Mitterrand, mais il y a beaucoup de positifs, que ça soit en matière de politique culturelle, de conquêtes sociales, sociétales, du rôle de l'école et de la recherche. Jospin ne peut être résumé à "le politique ne peut pas tout" et des 35h trop conciliantes en termes d'aides au CAC 40. C'est aussi la CMU, l'APA, des avancées en matières d'égalité professionnelle, le PACS... Il y a quelques actifs en face du passif. A l'époque, surtout, le MEDEF reste un ennemi de classe et la CGT des gens à écouter. 

Le droit d'inventaire de François Hollande n'a jamais été posé sur la place publique de façon claire. Et pour cause. En prenant le parti, Olivier Faure avait juré qu'il s'y collerait. Mais en ouvrant les écuries d'Augias, qui propose une visite pour location ? A part le mariage pour tous, que peut-on retenir de ces cinq années ? Rien... Le CICE est des années lumières devant le reste la plus grosse niche fiscale de France. 5 ISF par an donnés à ceux dont les poches sont déjà trop pleines, que ça n'empêche pas de licencier, mais qui servent plus leurs actionnaires (Sanofi en tête). La loi travail reste une ignominie qui a mis tout le monde dans la rue et où la CGT, déjà, se faisait gazer par les flics pendant que Valls était applaudi à l'université du MEDEF avec son "my governement is pro business. J'aime l'entreprise !". La loi Macron a cassé les TER pour faire prospérer les car polluants. Ajoutez à cela une COP non contraignante, une loi climat sans objectif, la mort de Rémi Fraisse couverte par l'État, le projet de déchéance de nationalité ou encore le gigantesque plan social à l'hôpital public avec 16 000 lits d'hôpitaux supprimés par Touraine.... J'aurais bien voulu sauver la transparence de la vie publique car Cahuzac, Thévenoud et Le Roux sont partis dès leurs méfaits connus, mais à voir comment les ex secrétaire d'État Fekl, Grellier et autres se gobergent dans le lobbying, on va oublier. 

Le voilà, l'inventaire de Hollande. Alors il a le droit de ne pas aimer Mélenchon. On a le droit de ne pas aimer Mélenchon, de lui reprocher des vues sur la scène internationale, un égo hypertrophié ou que sais-je, mais au regard du bilan social de Hollande qui l'a empêché de se représenter en 2017 quand Mélenchon a fait près de 20% et serait allé au second tour sans les flèches dans le dos décochées par le PS, il a le droit de se taire. Mittterrand et Jospin, qui ont tous deux accueillis Mélenchon dans leurs gouvernements ont plus de considération pour le mouvement social. Ça n'est pas parce qu'on a renoncé à changer la vie des gens qu'il faut en dégoûter ceux qui essayent. 

 

 

03/05/2021

Scoop : le centre n'est pas à gauche

Hier, tous les éditos parlaient de "l'habileté tactique de Macron en PACA" qui étouffe LR et pour être honnête, les bras m'en tombent. D'abord, et dans l'ordre. Avant d'être une habileté technique, c'est de la lucidité électorale : face à l'inéluctabilité d'une branlée, LREM retire une ministre (Cluzel) pour soutenir Muselier. C'est la confirmation des municipales lors desquelles le parti présidentiel n'a pas gagné une seule ville. Pas une. Quand ils étaient seuls, ils faisaient moins de 10%. Le macronisme n'est pas un électoralisme, hors présidentiel.

Ensuite, où est la surprise ? LREM fusionne avec la droite ? La belle histoire. Le pêché originel, ce sont les sociaux-libéraux qui ont fondu sur Macron dans la campagne pour éviter Fillon Le Pen car Mélenchon et Hamon les terrorisaient avec leurs hausses d'impôts, la chasse à la fraude fiscale et la règle verte. Mais la majorité de ces erreurs de castings sont partis d'eux mêmes. Il reste les vrais droitards du PS, les Ferrand, Castaner, Le Drian, pour le reste, ielles sont tou.tes parti.es. Tou.tes les député.es qui sont partis du groupe, les Orphelin, Villani, Fortezza, Carriou, c'est "l'aile gauche" ce sont eux qui sont mal à l'aise. Certains étaient naïfs, d'autres authentiquement choqués, mais les faits sont là, tout ce qui était un chouïa gauchisant (à la marge, hein) dans LREM s'est barré, alors que Darmanin, Le Maire, Lecornu, Bachelot sont comme des poissons dans l'eau dans le gouvernement Castex.

Il n'y aucune habileté politique, aucune magie. Mitterrand disait déjà il y a 40 ans "en France, le centre est ni de gauche, ni de gauche". VGE ne faisait pas alliance avec la gauche, Bayrou n'a jamais ouvert la porte qu'au RPR et donc Macron le blairiste ouvre la porte à droite. Ce faisant, il clarifie les choses, attire quelques LR dans son camp, en pousse beaucoup vers le RN et désaxe le débat vers la droite plus qu'il ne le recompose. 

02/05/2021

Le Pen, préférence fiscale

Dans un accès de lucidité, Eric Ciotti a confessé que la différence entre le RN et LR était "la capacité à gouverner". Eu égard au bilan de LR au pouvoir, j'en déduis qu'il pense que Marine Le Pen reprendrait les thèses de la droite poujadiste, la capacité à gérer l'État en plus. Ciotti réagissait à un étau intenable pour LR, de plus en plus aspirés par la droite LREM (des prises à chaque remaniement, des alliances à chaque élections) et la droite RN (des transfuges comme Mariani, des poids lourds conciliants comme Wauquiez ou Peltier). Ce disant, il contribue à renforcer l'idée d'un clivage absolu entre LREM et le RN.

Ce clivage est infiniment plus bidon qu'on ne le présente. L'actualité récente a souligné les très fortes convergences idéologiques sur les questions d'immigration et de sécurité, les députés RN votant la loi de sécurité globale et approuvant la loi "séparatisme"n que Marine le Pen "aurait pu écrire". Manque de bol pour LREM, ça ne leur est pas bénéfique électoralement, l'antienne selon laquelle les votants préfèrent l'original, jouant toujours a plein.

Le Pen au pouvoir ferait sans doute pire : dans le fichage, dans la répression, dans les expulsions... Mais les partis d'extrême droite au pouvoir un peu partout en Europe de l'est et même Salvini montrent bien les limites des analogies avec les régimes fascistes des années 30. Ce sont des régimes de salopards, mais sur ces questions, les néolibéraux aux manettes sont si avides d'autoritarisme que la différence serait modérée, pas fondamentale. Un peu pire, pas une bascule. 

Des différences entre les deux blocs existent, bien sûr, on ne peut pas mettre un signe égal entre les deux votes. La différence fondamentale reste l'Europe. Adhésion pleine et entière à l'UE, aux traités, exigence d'un budget européen plus conséquents, de normes européennes plus fortes vs Frexit ou, a minima, volonté de sortir de la PAC, des 3%, reprise en main des frontières. La seconde différence orthogonale reste la fameuse "préférence nationale" curieusement évaporée du discours de Le Pen depuis que Philippot a quitté le parti. Elle l'élude car ça pose des problèmes de constitutionnalité folles que de réserver des HLM, des emplois, des aides, prioritairement aux "vrais français". Mais ça n'empêchera pas le RN d'essayer de mettre en place ce genre de mesures quand LREM se contente de l'apartheid légal et socialement accepté qu'on appelle en des termes politiquement corrects "des inégalités si fortes qu'elles conduisent à des discriminations systémiques". 

Des différences, certes, mais des convergences fortes aussi. Outre le sécuritaire, LREM et le RN mènent des politiques anti sociales primaires et donnent des gages aux ultra fortunés. Dans l'excellent "la finance autoritaire", Marlène Benquet et Théo Bourgeron montrent comme les néolibéraux se sont fait débordés sur leur droite par des ultra droitiers très sécuritaires. Bolsonaro, le mouvement du Brexit, Trump. Ces 3 mouvements ont été financés par des fonds spéculatifs qui veulent la mort des normes, le SMIC en premier lieu et toutes les normes environnementales, et la fermeture des frontières. On passe de la droite BNP à la droite Uber en quelque sorte et ça n'est évidemment pas un progrès. Hier, Marine le Pen présentait "son grand plan pour la jeunesse" et les mesures présentées la rangent évidemment dans la même filiation que les autres. Sa priorité pour aider les jeunes qui n'ont plus de petits jobs, de perspectives de pouvoir se former, s'insérer et qui font la queue dans les banques alimentaires ? Retirer toute fiscalité pendant cinq ans pour ceux qui montent leurs boîtes et de diminuer la fiscalité sur les successions et les donations. La priorité des priorités, la préférence pour la jeunesse de Le Pen, c'est donc la préférence fiscale.

Si l'affiche du second tour de 2022 est celle promise, on aura donc le choix entre deux tenants du sécuritaires, mais aussi du moins disant social, fiscal et environnemental. N'oublions pas de nous étonner du niveau de l'abstention...