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12/06/2021

Extension du domaine de l'inhumanité technologique

Il y a peu, je fus dans l'obligation de prendre l'avion pour un bref aller/retour hors de France et dans notre chère Union Européenne où nous sommes tous copains. Arrivé avec l'avance coutumière de ceux qui détestent ces lieux aux contrôles tatillons et autres raison de perdre du temps, je suis devant ma porte d'embarquement avant que celui-ci n'est commencé. Me mettant moutonièremnent dans la file dès le début, je constate que celle-ci avance anormalement lentement et que nombre de passagers ne rentrent pas, mais doivent chercher quelque chose. Je m'étonne qu'autant de personnes aient pu passer la sécurité sans billet, ou alors s'agit-il de leurs tests PCR, bref, j'avance lentement mais sûrement, mais quand vient mon tour je suis aussi recalé. J'ai pourtant le QR code de mon billet, celui de mon PCR réalisé la veille, mais il me manque celui exigé par le pays d'accueil depuis peu... 

S'ensuivent 20 bonnes grosses minutes où, fouillant dans mes mails, je retrouve un formulaire hyper long demandant force renseignements de traçage. Le site bug, plante, mais finalement j'obtient le QR code et monte à bord non sans soupirer. Mais évidemment l'avion prend du retard (près d'1h au final) car nous étions nombreux dans le même cas à ne pas avoir vu cette formalité inepte, superfétatoire et qui pourtant nous bloquait. D'autres passagers montaient au compte goutte. Finalement, une dizaine d'entre eux n'ont jamais pu obtenir le QR code "car le site ne fonctionnait pas" nous apprit le commandant de bord. Sans penser à ce sémillant sexagénaire qui avait imprimé son billet mais n'avait pas de smartphone. Idem. Restés à quai...

En arrivant dans le pays, les autorités flashèrent bien gentiment mon QR code et me laissaient passer. Il n'empêche, je repense à toutes celles et ceux qui n'ont pu embarquer et qui ont dû rentrer chez elles, repartir plus tard le tout pour une aberration de formulaire technologique déficient. Elles étaient en règle, papier d'identité, titre de transport et pass sanitaire puisque tout le monde avait la preuve qu'ils n'avaient pas le COVID, test ou vaccin. Et malgré tout, niet. Et par la faute du site qui plantait... 

Je suis évidemment persuadé qu'en justice, pareil cas se gagne, mais qui veut, qui peut, qui a l'argent et le courage pour se lancer dans ce genre de procédure ? Comme pour Parcoursup où nombre de destins sont brisés par un algo aveugle, comme les erreurs de versements de droits à la CAF qui viennent vous réclamer quelques milliers d'euros par la suite pour une bourde qu'ils ont commises, le techno solutionnisme n'est définitivement pas un humanisme. 

09/06/2021

Violence, violence : le loup dans la pièce

C'est assez dingue, le commentaire matinal dominé par "la violence de la société française" et le fait que tout le monde contourne, se contorsionne, esquive le loup d'extrême-droite sous leurs yeux pour chercher d'autres boucs émissaires. Vraiment, comment avons-pu en arriver là, à une société où le Président de la République se fait gifler ? 

Bien sûr, il y a la violence terroriste. Elle ne fait que diminuer en intensité et drames depuis l'acmé du Bataclan, mais l'effroi inimaginable de l'assassinat par décapitation de Samuel Paty et l'assassinat d'une fonctionnaire de police dans un commissariat font qu'on ne peut l'oublier. Elle est latente, pesante, obsédante. Mais elle ne bénéficie pas de canaux de propagande officielle, cette violence est souterraine et latente.

Mais le reste ? Depuis 3 ans, tous les organes d'ultra droite, de plus en plus nombreux à mesure que le débat brunit, de Valeurs Actuelles à C News en passant par le Point, hurle que nous sommes menacés par une Troïka Kmhers Verts / Islamogauchistes / Féminazies. Les voilà les ennemi.es, les voilà les factieux.ses qui osent parfois ne pas manger de viande, envisager du féminin dans les réunions non mixtes masculines du pouvoir ou encore questionner le bilan globalement pas si positif de la colonisation française. Danièle Obono dépeinte en esclave enchaînée en Une d'un hebdo, les féministes accusées d'être "hystériques", des appels masculinistes à "remettre les femmes à leur place", des appels à tuer Castaner et Mélenchon, un attentat contre la mosquée de Bayonne, la manifestation de Génération Identitaire regardée avec bienveillance, le soutien aux chasseurs... 

Ajoutons les mots présidentiels, ambigus sur Pétain "le vainqueur de Verdun", Maurras et autres. Ajoutons que Macron n'a pas un mot après la mort ignoble de Cédric Chouviat, assassiné par la police, pour les violences folles contre des manifestations de Gilets Jaunes, mais appelle Eric Zemmour quand on a lui a craché dessus. 

Le monopole des violences légitimes doit être tenu par l'État pour lutter contre celles et ceux qui le menacent. Ce qui inclut bien sûr les terroristes et les personnes dangereuses empêchant la tranquillité des rues. Mais à ce que je sache, la Troïka Kmhers Verts / Islamogauchistes / Féminazies n'a pas une once de violence en elle et on laisse la haine se banaliser contre elles et eux. Ceux qui se demandent pourquoi la société française est en feu devraient regarder leurs mains, il y a un jerrican d'essence et un chalumeau... 

07/06/2021

Mélancolie de gauche

En 2016, l'historien italien Enzo Traverso faisait paraître un essai au titre prophétique Mélancolie de gauche. Comme pour le Covid, l'Italie avait un peu d'avance sur la France dans un phénomène qui nous paraissait impensable avant de le vivre : le confinement d'un côté, l'effondrement de la gauche de l'autre. 

Je ne veux ni refaire le match, ni jouer les mauvais perdants, je me borne à constater un point : il est beaucoup plus dur d'être de gauche. La gauche projette dans l'imaginaire une telle supériorité morale que tout accroc la brûle instantanément quand on la comprend, voire ça nous rassure, à droite. Sur des faits de fraude et d'enrichissement personnel, Cahuzac s'est grillé à jamais auprès de son électorat quand Balkany, Fillon et autres sont toujours plébiscités dans leur camp. Même Georges Tron est plébiscité dans son camp. Il suffit de regarder le gouvernement actuel : 12 ministres recadrés fiscalement, Darmanin avec des plaintes pour viol, tout passe crème. 

A droite, les complotistes sont de sortie depuis des années. Quand Eric Zemmour dit que "les écolos sont verts car c'est la couleur de l'islam et qu'il n'y a pas de fumée sans feu" on hausse les épaules et on passe à autre chose. Fillon parlait de "cabinets noirs" contre lui quand tout prouvait qu'il avait "juste" oublié de donner un travail à sa femme pendant 30 ans mais pensé à prendre le salaire afférent... Etc etc. Personne ne leur en a jamais tenu rigueur et on a continué à les interviewer comme des personnages d'État. On a évoqué des "dérapages".

On pourrait dire de Mélenchon qu'il a "dérapé" hier. Mais non, il a "viré complotiste", qualificatif qui vaut excommunication. Depuis tout le monde lui tombe dessus. Toute la gauche "morale" justement, qui le honnit depuis la guerre en Syrie et évoque le Vénezuela au bout de cinq secondes de débat sur le personnage. Toute la macronie trop heureuse de voir le meilleur débatteur de France en sale posture. Je les comprends et je n'excuse pas l'insoumis en chef d'autant moins que lui même ne reconnaît pas l'erreur et s'enfonce. Dire "les faits divers malheureux, l'insécurité sont instrumentalisé dans la dernière ligne droite d'une présidentielle", c'est vrai. D'ailleurs Mélenchon a raison pour Papy Voise en 2002, qui causa beaucoup de tort à Jospin. Mais Merah ? L'un des crimes les plus ignobles commis en France depuis des décennies, l'assassinat de militaires puis d'enfants parce que juifs. Comment peut-on laisser sous-entendre qu'une telle horreur ait été, sinon manigancé, a minima récupéré par le pouvoir ? C'est ignoble. C'est ignoble et ça n'a rien à voir avec le parcours, la carrière, les dits et écrits de Mélenchon. Il ne l'a pas reconnu. Tant pis pour lui, tant pis pour nous, la gauche. 

Car au fond, c'est ça le drame de la gauche : les brûlures des uns brûlent aussi les autres. Si Philippe Dayan, le psy d'En Thérapie était avec nous, sans doute dirait il que la sortie de Mélenchon est celle d'un homme dépité, un homme aigri. Un homme frustré par la tournure du débat : alors que nous vivons la pire crise économique et sociale depuis 70 ans, que nous sommes menacés par des périls écologiques irréversibles, l'alpha et l'omega du débat est dominé par le sécuritaire et l'identitaire. C'est à devenir fou, je comprends. Et la sortie d'hier est une sortie folle. Je manque d'imagination et ne saurais dire comment mais je suis bien certain que nous allons continuer à sombrer.