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28/03/2020

Tout le monde ne s'habitue pas à tout

La lutte des places s'installe. Alors que le confinement est parti pour durer, force est de reconnaître qu'une grande majorité s'y accommode sans mal, même s'ils ronchonnent sur les réseaux sociaux. Quand une minorité ne pourra, littéralement, pas le supporter, même si on ne les entend pas. 

Quinze jours à peine que nous sommes confinés. Quinze jours déjà. Passée la sidération initiale, la deuxième semaine fut plus simple que la première. Plus de surprises, plus de décisions à prendre, globalement moins de boulot pour les télétravailleurs (et si ça n'est pas le cas, la courbe va mécaniquement s'aplanir). Si on peut débattre de la gestion sanitaire de la crise, l'économique est choyé. Les salaires sont bien versés en fin de mois. Or, l'écrasante majorité des travailleurs français restent salariés, de la fonction publique ou du privé. Nous sommes passés de 92% à 86% de CDI entre 1982 et 2017. Alors certes, les indépendants ont triplé, mais on partait de très bas. Pour 86% des travailleurs, les salaires sont versés, les loyers sont payés. Indicible en temps de crise, mais nombre de français épargnent avec un train de vie en chute drastique : plus de resto, plus de shopping, plus de taxi, de petit week-end... La France qui va très bien ira peut être même encore mieux après huit semaines de confinement. Les vacances d'été seront plus courtes car il faudra bien compenser l'activité non produite, mais pas cause de banqueroute. Ca permet tout de même de voir passer le temps.

Ensuite, tout le monde ne vit pas dans  une cage à lapin. Au contraire. 56% des français vivent en maison individuelle (INSEE 2017), 1/3 sont confinés avec un espace extérieur. Là encore, comme la misère, le COVID est moins pénible au soleil. Tout le monde ne devient pas fou.  

Pour nous tous (j'ai la décence de me mettre dans le lot...), le confinement est une expérience ahurissante, sidérante, pénible, ennuyeuse, mais pas stressante. Le loyer sera payé, les rayons de supermarchés sont remplis comme par enchantement (en réalité par la première ligne de la guerre sanitaire qui s'expose terriblement pour qu'on puisse bouffer). Un peu moins de jogging, un peu moins de monde à l'apéro, un peu plus de garde d'enfants, il est des goulags au règlement intérieur plus sévère. Pour nous, donc, que le confinement dure encore deux, quatre ou six semaines, ne  sera pas un drame (hors capillaire, bien sûr). Nous pouvons, sans mal, nous habituer. 

Ce qui me choque dans nombre de commentaires et d'articles, c'est le manque d'empathie. Le fait que nombre d'entre nous ne peuvent, littéralement, pas s'adapter. Tous ces articles dans le Figaro sur "ma cité va craquer" ou l'on pointe le manque de civisme des quartiers populaires... Même les soignants demandent à ce qu'on envoie l'armée dans les quartiers du 9-3 (les seuls quartiers populaires de France, comme chacun sait...). Mais comment rester dans des passoires phoniques où l'on entend ses voisins, où l'on est deux ou trois dans une salle chambre ? Ça n'est littéralement pas tenable. Quid de tous ceux qui vivent d'une économie informelle ? Le moment n'est plus de faire la morale, mais de voir qu'ils n'ont littéralement plus rien pour vivre. L'informel, c'est le deal, bien sûr, mais pas que. Chantiers et restos au black, aide au devoir et cours de musique, dépanne, débrouille... Quand tout votre système économique est interdit du jour au lendemain avec zéro filet, zéro ressources, difficile de courber l'échine et "d'attendre que ça passe en relisant Thucydide". Et pour toutes les familles très modestes qui, contrairement aux autres voient leur train de vie augmenter ? Plus de cantines gratuites pour les enfants et parfois pour eux avec des restaurants d'entreprises pris en charge ? Les plusieurs centaines d'euros de courses à la fin du mois ne poussant pas sur les arbres, deux ou six semaines de confinement, c'est pas la même chose. C'est passer d'une tuile à une vraie catastrophe... Exit leur voix au chapitre. 

Les femmes battues, abattues d'autant plus qu'elles sont confinées avec leurs bourreaux, les malades mentaux sans traitements, sans consultations...  il y a tant de personnes qui ne peuvent littéralement pas s'adapter à cette situation que la complainte des bien confiné.e.s, si elle n'est pas au second degré, va rapidement me donner envie de vomir... 

 

25/03/2020

Périmètre de responsabilité

Une fois n'est pas coutume, Léa Salamé a posé la question parfaite à Gérard Larcher, ce matin "avec le recul, n'avez-vous pas de regrets d'avoir insisté pour que les élections municipales aient quand même lieu ?". Ainsi, elle ne le cognait pas directement, ne l'accusait pas ex abrupto, elle lui demandait simplement de reconnaître une part de responsabilité, puisqu'au final, 3 personnes ont décidé d'en envoyer 47 millions aux urnes. Il a nié. Purement et simplement, il ne reconnaît aucune faute.

10 jours après la tenue de ce premier tour, les articles se multiplient sur les assesseur.e.s contaminé.e.s par centaines, à Clermont, dans l'Oise, à Versailles, partout en France. Quand on songe au nombre de personnes que ces assesseur.e.s ont côtoyé dans la journée, on frémit. Quand on pense à la moyenne d'âge de ces démocrates zélé.e.s, on pleure par avance pour les linceuls inutiles. Héros et héroïnes d'un simulacre démocratique, morts pour rien et sans personne pour reconnaître qu'on aurait pu éviter ces morts. 

Ni Larcher, ni Macron, ni Ferrand ne reconnaîtront jamais leur responsabilité, pourtant évidente, dans la tenue de cette élection alors que tout le monde savait, tout le monde disait de ne pas faire. Ils s'esquivent avec cette insupportable rhétorique du "faire", du "il faut être dans l'action". En somme, ça n'est pas le moment de poser des questions qui dérangent, pas l'heure de critiquer, la France manque de masques, de lits, de tests, comment osez-vous ? Navrante esquive...

L'heure impose à chacune et chacun de se poser la question de son périmètre de responsabilité. Pour celles et ceux qui ne vont pas travailler, la réponse est simple : moins d'un km, moins d'une heure par jour, à distance des inconnus, en se lavant les mains et une écharpe sur le nez. Pour l'écrasante majorité d'entre nous, nous y contraignons sans réfléchir. Les contrevenant.e.s sont punis, et de plus en plus forts. Pour le monde économique, la question est simple : peut-on mener notre activité sans risque ? Qui opte pour le télétravail, qui bouscule ces protocoles, qui ferment son activité. Je note la grande prudence, la prudence exemplaire de nombre de patron.e.s, de responsables syndicaux, qui préfèrent ne pas faire, perdre du chiffre d'affaires, que d'exposer la santé des salarié.e.s. Quitte à s'exposer au courroux du politique comme Pénicaud demandant aux chantiers de continuer "quoi qu'il en coûte". Elle non plus ne s'est pas excusée. Elle non plus ne reconnaît pas de faute.

Je ne retrouve pas la citation exacte, mais Ricoeur écrivait que "la fatalité ne s'incarne en personne, la responsabilité, au contraire, a besoin d'une incarnation personnelle". En l'espèce, la fatalité, c'est le COVID. C'est comme ça, nous devons faire avec, personne n'en voulait. Les annulations, les empêchements, les arrêts, nous les subissons fatalement. En revanche, maintenant que la catastrophe est là, il faut la gérer. Trump déclarant que le COVID n'empêchera pas l'économie américaine de fonctionner est un irresponsable criminel. Bolsonaro aussi. Personne ne le nie, nos gouvernants les premiers. Leurs fautes sont moins grandes, mais elles existent et sont connues. Ils ont à l'évidence violé leur périmètre de responsabilité. Dans un contexte où l'on a tous besoin de confiance et de cohésion, le minimum mémorandum que l'on peut exiger d'eux, c'est qu'ils admettent leurs fautes pour que l'on reconnaisse les nôtres. 

24/03/2020

En France, mieux vaut être une vieille pierre qu'une vieille personne

Il y a un an, un petit bout de Notre-Dame brûlait et dans la nuit, nos nababs trouvaient 1 milliard d'euros pour sa reconstruction. Un an plus tard, des milliers de français vont mourir, non pas à cause du coronavirus, mais à cause de la vétusté de nos équipements, du manque de lits de réanimation, de matériels, de masques, de tests... Face à ce drame, Bernard Arnault propose de mettre ces équipes à disposition pour faire du gel hydroalcoolique... Nous avons vraiment les pires riches au monde.

Le geste d'Arnault (comme celui d'Ortega, patron de Zara) sont de la générosité a minima mais bien marketée : toutes les PME de mode le font, de Petit Bateau à 1083, toutes les entreprises dotées de machines à coudre et de personnels formés à proposer de donner un coup de main à l'effort de guerre. Et elles ne demandent pas de médaille. 

Pas une promesse de don, pas une annonce massive des riches les plus aidés au monde (un seul exemple tant la liste me fait vomir, la Fondation Arnault a bénéficié de plus de 600 millions d'aides entre le foncier et les exemptions fiscales...) qui ne redonnent rien. Ni solidarité par l'impôt (nous sommes les champions de l'Europe de l'évasion fiscale, selon les Panama Papers et les Lux Leaks), ni même charité (nous sommes le seul pays de l'OCDE dont aucun milliardaire n'a signé The Giving Pledge, initiative philanthropique où les grandes fortunes s'engagent à donner la moitié de ce qu'ils ont à des oeuvres...).

1 milliard d'euros pour Notre Dame en une nuit. Rien pour l'hôpital public malgré des appels aux dons gigantesques, permanents, continus. Les dix premières familles de France se partagent 200 milliards qu'elles sont manifestement plus enclines à partager avec des gargouilles qu'avec celles et ceux qui soignent nos aîné.e.s...